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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 6 juin 1991, n° 1135-91

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenormand

Avocat général :

M. Jeanjean

Conseillers :

Mmes Magnet, Barbarin

Avocat :

Me Riotte.

TGI Paris, 31e ch., corr., du 9 janv. 19…

9 janvier 1991

Rappel de la procédure

Le jugement

Par ordonnance d'un des magistrats instructeurs au Tribunal de Paris en date du 15 novembre 1990, Albert B a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la double prévention d'avoir à Paris, courant 1988 et 1989, d'une part, en tant qu' importateur, trompé le contractant sur la composition et les qualités substantielles de la marchandise vendue en important et commercialisant des conserves de crabe tourteau au naturel de marques X1 et X2 alors qu'elles comportaient une quantité d'anhydride sulfureux supérieure au taux maximal de 30 ppm et sans que cette adjonction soit mentionnée sur l'étiquetage, faits prévus et punis par les articles 1er et 2-4 (si l'on se réfère au réquisitoire définitif de renvoi, il s'agit, en fait, de l'article 11-4) de la loi du 1er août 1905, par l'arrêté du 7 décembre 1984, par l'arrêté du 13 septembre 1982, d'autre part, effectué une publicité fausse ou de nature à induire en erreur sur la composition et les qualités substantielles d'un produit en indiquant faussement sur l'étiquetage des conserves de crabe tourteau au naturel de marques X1 et X2qu'elles contenaient 40 % de pattes et 60 % de chair de crabe, faits prévus et punis par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973;

Par jugement en date du 9 janvier 1991, le Tribunal de Paris (31° chambre), statuant publiquement et contradictoirement, a déclaré Albert B coupable des faits qui lui étaient reprochés, l'a condamné à une amende de 40 000 F et a ordonné la publication du jugement, par extrait, dans le journal Le Monde.

Le Tribunal a condamné le prévenu aux dépens liquidés à la somme de 1 303,09 F ;

Appels

Appel a été interjeté par :

1°) B Albert, le 15 janvier 1991, par l'intermédiaire de son conseil,

2°) le Procureur de la République prés le Tribunal de grande instance de Paris, le même jour.

Décision

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu et le ministère public à l'encontre d'un jugement du Tribunal de grande instance de Paris (31° chambre) en date du 9 janvier 1991 dont le dispositif est rappelé ci-dessus.

Assisté de son conseil, Albert B, demande à la cour, par voie de conclusions, de :

- " dire et juger qu'en raison des différances notables entre boîtes de même marque, même lot, importé le 3 juin 1988, dont quelques unes sont irréprochables, tandis que d'autres apparaissent parfaites ainsi que cela a été démontré par les analyses du laboratoire des Fraudes ou du laboratoire Central d'Alimentation, en raison au surplus de la reconnaissance générale par l'Institut National de la Consommation - après analyse par se soins - de la conformité des produits X1 en cause importés par Y, l'infraction n'est pas démontrée et qu'à tout le moins l'élément intentionnel est inexistant, qu'en conséquence (la) totale bonne foi (du concluant) dont la personnalité est, en outre, reconnue ".

- " prononcer, en conséquence, sa relaxe "

- " subsidiairement, et en outre, (juger que) la publication dans un quotidien d'une sanction d'amende - si une peine quelconque d'amende restait retenue - serait disproportionnée avec les éléments justifiés (par lui) et (sa) personnalité reconnue ".

Considérant que, le 5 mai 1988, en procédant à un contrôle du magasin Z <adresse>à Brioude (43), la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de la Haute-Loire était amenée à effectuer, aux fins d'analyse, un prélèvement en trois échantillons sur des boites de crabe tourteau au naturel de marque X1, importées du Chili et comportant chacune une étiquette sur laquelle figuraient notamment les mentions suivantes :

" Crabe tourteau au naturel X1 - importé du Chili par emb. 75101 France - Fabriqué par Perez y Ramirez Ltda Chile - composition : Crabe (40 % pattes, 60 % chair), eau, sel, antioxygène E 330 " ;

Que, soumis à l'analyse du Laboratoire interrégional de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Marseille, l'échantillon prélevé, enregistré sous le n° 27, devait se révéler non conforme en raison d'un déficit de pourcentage de pattes de 9,8 % et d'une teneur en anbydride sulfureux (S02- E 220) de 134,4 ppm, dépassant ainsi largement la taux maximal de 30 ppm autorisé par l'arrêté modifié du 13 septembre 1982 ;

Que, les 25 août et 1er septembre 1988, il était alors procédé à deux nouveaux prélèvements portant sur des produits identiques dans un autre magasin Z de Brioude, <adresse>lesquels, ayant été adressés au laboratoire de Marseille pour analyse, devaient révéler, pour le premier, enregistré sous le n° SA 79, un déficit de pourcentage de pattes de 26,2 % et une teneur en S02 de 212 ppm, pour le second, enregistré sous le n° SA 88, un déficit de pourcentage de pattes de 27,9 % et la présence de traces de S02 ;

Que la 7 avril 1989 la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de la Haute-Loire était amenée à effectuer au magasin W, sis également à Brioude, <adresse>, deux prélèvements de conserve de crabe tourteau au naturel de marque X2, importées du Chili et comportant sur chaque boite une étiquette sur laquelle figuraient notamment les mentions suivantes :

" X1 crabe tourteau au naturel - importé du Chili par Y <adresse>- Ingrédients : chair de crabe 60 %, pattes de crabes 40 %, eau, sel, adjuvant de fabrication E 330 " ; que, soumis également pour analyse au laboratoire de Marseille, ces prélèvements révélaient, pour celui enregistré sous le n° SA 26, un déficit du pourcentage de pattes de 17 % et une teneur en S02 de 260 mg/kg et, pour celui enregistré sous le n° SA 27, un déficit du pourcentage de pattes de 3,6 % et une teneur en S02 de 88 mg/kg ;

Que ces conserves de crabe tourteau, tant celles de marque X1 que celles de marque X2, étaient importées du Chili et commercialisées en France par la société à responsabilité limitée Y, ayant pour gérant Albert B ;

Que le fournisseur chilien était, pour les premières, la SA T et pour les secondes la société S ;

Qu'il est constant et n'est pas discuté qu'antérieurement à leur commercialisation ce dernier, en sa qualité de commerçant importateur, responsable de la première mise sur le marché d'un produit, a omis, alors que les dispositions de l'article 11-4 de la loi du 1er août 1905, modifiée par la loi n° 83-660 du 21 juillet 1963, lui faisaient l'obligation de s'assurer, par toute analyse utile en laboratoire, que les conserves en cause, de marque X1 et X2, répondaient aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs ;

Q'Albert B a renoncé à solliciter une analyse contradictoire des divers échantillons prélevés ;

Qu'en application de l'article 3 de l'arrêté du 13 septembre 1982, l'addition d'un agent conservateur tel que l'anhydride sulfureux aurait du être signalée, conformément aux dispositions concernant l'étiquetage des denrées alimentaires, par la ment:ion, selon l'additif utilisé : " Conservateur E 221, E222, E 223 ou E 224 " ;

Qu'en ce qui concerne les procès-verbaux d'analyse n° 90-999 et n° 92-344 émanant du Laboratoire Central de l'Alimentation, <adresse>, Charonton (94), et datés respectivement des 16 février 1989 et 6 avril 1989, auxquels Albert B se réfère dans ses écritures, ils portent, contrairement à ce que celui-ci soutient sur des conserves de crabe tourteau de marque X2 faisant partie de lots différents de ceux sur lesquels avaient été effectués les prélèvements du 7 avril 1989, la date d'embossage des boites étant du 11 février 1988 et du 2 juin 1988 pour celles faisant l'objets des analyses du Laboratoire de la Répression des Fraudes de Marseille et du 9 mai 1988 et du 3 juin 1988 pour celles faisant l'objet des analyses du Laboratoire Central de l'alimentation ; que ceux-ci apparaissent donc inopérants ; que, d'ailleurs, le procès-verbal du 16 février 1989 ne ferait que confirmer les conclusions du Laboratoire de Marseille puisque l'analyse révèle un pourcentage de pattes de 37 % pour 40 annoncés et une teneur en S02 de 52,10 mg/kg pour 30 mg admis ; qu'en outre, dams le procès-verbal du 6 avril 1989 ne figure aucune description de l'étiquetage, étant seulement indiqué que le fournisseur est la SA Bellera Santiago Chili ; qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de l'enquête favorable effectuée en 1990 par l'institut national de la consommation sur les crabes tourteaux au naturel de marque X1 importés par Y, celle-ci étant bien postérieure aux faits reprochés à Albert B ;

Considérant qu'en commercialisant les conserves de crabe tourteau en cause sans avertir le client, par un étiquetage approprié, qu'elles contenaient un conservateur, en l'espèce de l'anhydride sulfureux et, qui plus est, à un taux dépassant largement celui autorisé par la réglementation en vigueur, Albert B a trompé sa clientèle sur la composition et les qualités substantielles de la marchandise et s'est rendu coupable du délit prévu par l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ;

Que, de même, en commercialisant ces mêmes conserves alors qu'elles présentaient un déficit de pattes de crabe variant de 3,6 à 27,9 % par rapport aux 40 % annoncés sur l'étiquette, Albert B s'est rendu coupable de publicité fausse ou de nature à induire en erreur sur la composition et les qualités substantielles de la marchandise, délit prévu par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 ;

Que c'est donc à juste titre que les premiers juges l'ont retenu dans les liens de la prévention; que, dés lors, il convient de confirmer le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité d'Albert B ; qu'il échet de lui faire une application plus sévère de la loi pénale sans qu'il y ait lieue toutefois, d'ordonner, en outre, la publication du présent arrêt :

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Déclare Albert B coupable de tromperie sur la composition et les qualités substantielles de la marchandise vendue et de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, Le condamne à cinquante mille (50 000) francs d'amende ; Dit n'y avoir lieu d'ordonner la publication du présent arrêt, Condamne Albert B aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant liquidés à la somme de : 367,39 F. Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause tous autres moyens, fins ou conclusions contraires ou plus amples, les rejette, Le tout par application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 55-1 du Code pénal, 473, 512 du Code de procédure pénale.