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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 9 novembre 1992, n° 92-4219

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cerdini

Avocat général :

M. Bouazzouni

Conseillers :

M. Mc Kee, Mme Guirimand

Avocat :

Me Regnier.

TGI Créteil, 11e ch., corr., du 14 nov. …

14 novembre 1991

Rappel de la procédure

Jugement

Le Tribunal a :

Déclaré C Jean Claude non coupable des faits reprochés de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise en l'espèce en vendant sous la dénomination crottin de chavignol" des fromages de chèvre qui n'avaient pas droit à cette appellation d'origine, commis à Rungis courant 1988 et 1989, prévus et réprimé, par les articles 1, 7, 6 de la loi du 1er août 1905 ;

L'a relaxé des fins de la poursuite ;

Laissé les dépens à la charge du Trésor.

Appels

Appel a été interjeté par :

Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Créteil, le 19 novembre 1992.

Décision

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré, conformément à la loi ;

Statuant sur l'appel du Ministère public à l'encontre du jugement rendu le 14 novembre 1991 par le Tribunal de grande instance de Créteil ;

S'y référant pour l'exposé de la prévention et des faits ;

Par écritures devant la cour M. C conclut à sa relaxe au motif qu'il n'avait pas de délégation de pouvoir au moment où l'infraction a été constatée et, subsidiairement, il sollicite le bénéfice des circonstances attenantes ainsi que la limitation de l'infraction aux sept caisses objet du procès-verbal du service de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.

Il est rappelé que JC C, directeur de la restauration de la société X, a été poursuivi pour avoir à Rungis courant 1988 et 1989 et notamment juillet 1989, trompé des acheteurs sur les qualités substantielles en vendant sous la dénomination de "crottin de Chavignol" des fromages de chèvre dits "crottins Denizot" qui n'avaient pas droit à cette appellation contrôlée.

Considérant qu'il est constant, aux dires mêmes de JC C et du fromager M. Denizot, que la X a vendu entre mai 1988 et fin août 1989 sous l'appellation "crottin de Chavignol" des "crottin Denizot" pour un total établi par le service des Fraudes et non contesté de 46 000 pièces et que JC C a occupé ses fonctions de directeur de l'activité restauration au sein de cette entreprise à compter de fin octobre 1988 ;

Considérant que, si JC C a allégué que les contrôles de ses services portaient visuellement à l'entrée des entrepôts sur " les quantités et l'aspect du produit ", les caisses contenant les fromages Denizot n'étant pas ouvertes et s'il a affirmé que les caisses d'expédition contentant les " crottins Denizot " ne pouvaient être distinguées de caisse contenant les crottins d'appellation contrôlée, ces affirmations sont formellement contredites par le fromager expéditeur, M Denizot, qui a formellement indiqué :

- que ses caisses d'expédition ne comportaient aucune indication crottin de Chavignol mais portaient de façon visible la mention "Denizot", ce qui résulte d'ailleurs de photographies produites par JC C qui font apparaître en vert les mentions " Denizot Chavignol ",

- que ses livraisons à la X de "crottins Denizot" comportaient des étiquetages portant la mention "fromage de chèvre" n'ayant "rien à voir avec l'étiquetage d'un crottin de Chavignol qui comporte le logo des appellations contrôlées",

- que ses "crottins Denizot" présentent, en outre, une forme différente avec des angles moins arrondis que les crottins d'appellation ;

Considérant par ailleurs qu'il convient de souligner que cette substitution de " crottins " a été financièrement avantageuse pour les services de JC C, qu'en effet il résulte des éléments de l'enquête du service des Fraudes que les " crottins Denizot " étaient alors vendus (5,40 F l'unité) moins chers que les " crottins de Chavignol " (6,15 F l'unité) et qu'ils étaient facturés aux clients, tels l'hôtel Vidotel, pour un prix unitaire de 7,65 F ;

Considérant qu'ainsi la vente en connaissance de cause par un professionnel, spécialisé dans la distribution de produits alimentaires pour restaurants, de ces fromages Denizot sous l'appellation protégée de Chavignol caractérise la matérialité de la tromperie sur les origines et qualités substantielles ;

Considérant que JC C dénie toute imputabilité de ces agissements en prétendant n'avoir reçu une "délégation de pouvoirs" de la part du directeur général de cette société que le 13 juillet 1990 n'assumant donc avant cette date aucun pouvoir décisionnel,

Que cependant il convient de souligner le fait que cette "délégation" est apparue postérieurement à l'intervention du service des Fraudes et ne possède aucune date certaine,

Que, par ailleurs, cette allégation de quasi irresponsabilité ne correspond ni aux déclarations du prévenu devant les services des Fraudes et de police à qui il n'a fait aucun état de cette circonstance reconnaissant expressément se responsabilité, ni à mon comportement professionnel qui, au contraire de celui d'un employé subalterne ou stagiaire, dénote l'attitude d'un chef de secteur pleinement au fait du fonctionnement de ses services et à même de fournir en cette qualité des détails précis aussi bien sur les relations de la X avec le fromager-affineur Denizot que sur les divers contrôles sanitaires effectués par ses services,

Que, dés lors, JC C, qui apparaît clairement comme exerçant personnellement les responsabilités de chef du service de restauration de cette société, doit être retenu dans les liens de la prévention pour ces faits de tromperie ;

Considérant enfin qu'il n'existe aucune ambiguïté sur l'étendue des faits reprochés à JC C à savoir la tromperie commise courant 1988 et 1989, entre sa prise de fonctions en octobre 1988 et la fin des achats de crottins Denizot en août 1989, par le prévenu et consistant en la vente sous la dénomination de "crottin de Chavignol" des fromages de chèvre qui n'avaient pas droit à cette appellation contrôlé ;

Considérant qu'eu égard à la nature des faits et à la situation du prévenu il échet de faire une application modérée de la loi pénale, que la cour estime suffisante une peine d'amende de 10 000 F ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel interjeté, Infirmant le jugement déféré, Déclare Jean-Claude C coupable des faits de tromperie sur l'origine ou les qualités substantielles des marchandises. Le condamne à une amende de 10 000 F; Condamne le prévenu aux dépens, ceux d'appel étant liquidés à la somme de 422,20 F.