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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 11 mai 1992, n° 92-335

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cerdini

Conseillers :

Mlle Sabatier, Mme Caron

Avocat :

Me Bessah.

Avocat général :

M. Bouazzouni

TGI Evry, 61e ch., corr., du 29 mai 1990

29 mai 1990

Rappel de la procédure

Poursuites

J Claude est prévenu d'avoir à Limous, courant 1986 et jusqu'au 4 juin 1986, étant président directeur général de la SA X" et importateur d'arôme synthétique à usage alimentaire "X1", trompé ou tenté de tromper le contractant sur la nature, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de la marchandise en important et commercialisant un arôme synthétique pour pâtes jaunes "X1" renfermant du diacetate de sodium et du propylène glycol alors que la fiche technique du produit ne mentionne que la présence d'arôme citron, mélange d'acétate et eau;

Faits prévus et réprimés par les articles 1 loi du 01/08/1905, 7, 6 loi du 01/08/1905 ;

D'avoir à Limous courant 1986 au 4 juin 1986, exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, qu'ils savaient être falsifiés ou corrompues ou toxiques, en l'espèce l'arôme 'X1" contenant deux additifs non autorisés "le diacetate de sodium et le propylène glycol"

Faits prévus et réprimés par les articles 3 al. 1 2= de la loi du 01/08/1905, 3 al. 1, 1 de la loi du 01/08/1905, 11-6, 7, 6 loi du 01/08/1905 ;

D'avoir à Limours courant 1986 et jusqu'au 4 juin 1986, détenu, mis an vente ou vendu des denrées destinées à l'alimentions humaine additionnées de produits chimiques autres que ceux dont l'emploi a été déclaré licite par arrêté ministériel pris sur l'avis du conseil supérieur d'hygiène publique ;

Faits prévus et réprimés par les articles 13 al. I, 11 al. 1 1= 2=, 13 al. 1, 7 de la loi du 01/08/1905 ;

Jugement

Le Tribunal a :

Relaxé J Claude des fins de la poursuite sans peine ni dépens ;

Laissé les dépens à la charge du Trésor.

Appels

Appel a été interjeté par :

Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Evry, le 6 juin 1986.

Décision

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré, conformément à la loi

I L'appel

Statuant sur l'appel interjeté par le Ministère public à l'encontre du jugement déféré ;

S'y référant pour l'exposé de la prévention ;

J CLaude, prévenu, comparait assisté de son conseil et sollicite la confirmation de la décision de relaxe entreprise

A - Rappel des faits

Il est rappelé que par lette du 05/05/1986 la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Morbihan à Vannes demandait à la Direction Générale d'Evry, d'effectuer une enquête sur la composition exacte d'un arôme synthétique pour pâtes jaunes "X1" destiné à être utilisé dans la biscuiterie industrielle et importé par la SA X <adresse>dont le prévenu est le dirigeant, de Suède, la société Y étant le fournisseur ;

Le 04/06/1986 des agents de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes d'Evry (DCCCRF) se rendaient au siège de cette société où J Claude leur indiquaient que la conformité de ce produit lui était garantie par son fournisseur et reconnaissait par ailleurs n'avoir procédé à aucune analyse de "X1" pour connaître la nature du mélange d'acétate entrant dans sa composition étant précisé que le prévenu avait communiqué à la DGCCRF une fiche technique de ce produit sur la quelle il était indiqué que cet arôme artificiel "citron" renfermait les ingrédients suivants ; arôme citron, mélange d'acétates, eau ;

Deux prélèvements étaient effectués par les enquêteurs conformément aux articles 10 à 16 du décret du 22/01/1919 pris pour l'application de la loi du 01/08/1905 ;

Le 25/11/1986, le laboratoire central de recherches et d'analyses de Massy, chargé des analyses, concluait à la non conformité des deux échantillons ;

Il était en effet apparu que ces échantillons renfermaient respectivement 69 % de propamédial (ou propylène glycol) et 9 % d'acétate et 73 % de propamediné à 7 % d'acétate ;

Le laboratoire a considéré, compte tenu de ces résultats et du fait que le produit litigieux était présenté comme étant destiné à être utilisé dans la fabrication de gâteaux à une dose de 2 % du poids total de la pâte mise en œuvre, que la proportion de propylène de glycol existant dans l'arôme X1 avait un effet technologiquement différent du rôle de support de l'arôme pour lequel il est autorisé (lettre de l'Administration du 09/03/1984 jointe à la cote (6) ;

Qu'en conséquence il devait être considéré, avec les acétates, comme un additif soumis aux dispositions du décret du 15/04/1912 dont l'emploi est soumis à autorisation à condition d'avoir été déclaré licite par arrêté interministériel pris après avis du conseil supérieur d'hygiène publique de France et de l'Académie Nationale de Médecine, alors que le prévenu qui en application des dispositions de l'article 11-4 de la loi du 1er août 1905 était tenu d'effectuer cette demande s'en est abstenu ;

B - Les conclusions orales de l'intimé

Au soutien de se demande de confirmation du jugement de relaxe frappé d'appel, J fait valoir que nous nous trouvons dans une période transitoire puisqu'un décret non encore applicable du 18/09/1989 est intervenu ;

Qu'en tout état de cause la Cour européenne de Justice a déjà jugé que les autorités françaises ne pouvaient soumettre les produits importés à des analyses et à des essais déjà effectués dans les Etats de la Communauté européenne et il produit à cet égard un document émanant de la société Y dans lequel il est affirmé que le produit X1 a été analysé et homologué selon l'arrêt de la Direction nationale d'alimentation de Suède ;

Par ailleurs, il affirme avoir retiré les acétates du produit litigieux ;

S'agissant enfin du propylène de glycol, et s'appuyant sur la lettre de l'Administration du 09/03/84, il estime que l'utilisation de ce produit est autorisée alors surtout qu'aucune limite n'est fixée à cette utilisation ;

II Les motifs

Considérant au fond que le résultat de l'analyse est constant ;

Que le prévenu n'a pas sollicité la contre expertise ;

Considérant d'autre part et s'agissant de l'utilisation des acétates dans l'arôme X1 que s'agissant d'un additif, son utilisation est soumise aux conditions du décret du 15/04/1912 dont les dispositions n'ont pas été respectées alors qu'en qualité d'importateur, J avait l'obligation de vérifier, lors de sa première mise sur le marché, que ce produit était conforme aux prescriptions en vigueur (article 11-4 de la loi du 01/08/1905) ;

Que dans cas conditions, il a bien commis la contravention qui lui est reprochée et qui est sanctionnée des peines prévues à l'article 13 de la loi du 01/08/1905 ;

Considérant par ailleurs, que l'importation et la commercialisation d'un produit contenant les acétates, additifs non autorisés, il peut être reproché au prévenu d'avoir d'une part, trompé ses clients sur les qualités substantielles, la composition et la teneur en principes utiles de cet arôme et d'autre part, d'avoir contrevenu aux dispositions de l'article 3 1° et 2° de la même loi en vendant une denrée alimentaire qu'il savait falsifiée ;

Considérant que le fait pour un professionnel de s'être abstenu de vérifier la conformité d'un produit qu'il introduisait sur le marché constitue l'élément intentionnel exigé par la loi, étant observé que l'analyse pratiquée en Suède, par la société Y, ne dispensait pas J d'une telle vérification, la Suède ne faisant pas partie des Etats membres de la CEE ;

Considérant par ailleurs et s'agissant du propylène de glycol dont l'usage est autorisé comme support d'arôme et en l'absence d'un seuil de tolérance quantifié, la cour ne dispose pas d'éléments objectifs pour se prononcer sur l'usage délictueux qui en a été fait par le prévenu ;

Que dans ces conditions, cet élément sera exclu de la prévention;

Considérant enfin qu'il échet de condamner J à 30 000 F d'amende pour les délits et à 250 F pour la contravention ;

Paf ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement déféré ; Déclare J Claude coupable des infractions aux articles 1 et 3 (1° et 2°) de la loi du 01/08/1905, 1er du décret du 15/04/1912 et 13 de la loi du 01/08/1905 qui lui sont reprochée mais pour la seule utilisation d'acétates ; En répression le condamne à 30 000 F d'amende pour les délits et à 250 F d'amende pour la contravention ; Condamne le prévenu aux dépens de première instance et d'appel cas derniers étant liquidés à la somme de 399,72 F.