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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 22 mai 1991, n° 91-168

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Couderette

Avocat général :

M. Bouazzouni

Conseillers :

MM. Martinez, De Thoury

Avocat :

Me Guedj.

TGI Paris, 31e ch. corr., du 10 déc. 199…

10 décembre 1990

Rappel de la procédure

Jugement

Le Tribunal a :

Requalifié les faits d'escroquerie en tromperie ;

Déclaré Patrick P coupable d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance, de publicité fausse ou de nature à induire en erreur et de tromperie,

Faits commis à Paris et Issy les Moulineaux, courant 1987 à courant 1988,

Et par application des articles 1, 6, 7 de la loi du 1er août 1905, 7, 8 I de la loi 72-1137 du 22.12.1972, 44 I, 44 II al. 7, 8, 9, 10 de la loi 73-1193 du 27/12/1973 ;

Vu l'article 738 du Code de procédure pénale ;

L'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et mis à l'épreuve pendant 3 ans sous les conditions de l'article R. 58 1°, 3° et 6° du Code de procédure pénale, et ce avec exécution provisoire ;

Le Président lui a donné l'avertissement de l'article 747 du Code de procédure pénale ;

L'a condamné à une amende de 30 000 F ;

Ordonné la publication par extraits du jugement dans le Parisien Libéré ;

Statuant sur les intérêts civils,

Reçu Tutier Martine, Mme Martine, Gourrier Christian en leur constitution de partie civile,

Et statuant sur leurs demandes ;

Condamné P Patrick à verser à titre de dommages-intérêts, les sommes suivantes :

- 5 000 F à Mme Tutier

- 5 745 F à Mme Martine

- 4 300 F à M. Gourrier

Condamné le prévenu aux frais et dépens, liquidés à la somme de 1 019,51 F, droit de poste et droit fixe de procédure inclus.

Appels

Appel a été interjeté par :

P Patrick, le 18 décembre 1990, sur les condamnations pénales uniquement

Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, le 18/12/1990.

Décision

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré, conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu du chef des condamnations pénales seulement et par le Ministère public à l'encontre d'un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 10/12/1990, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des faits et de la procédure, qui a condamné Patrick P des chefs de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, abus de la faiblesse ou de l'ignorance du co-contractant et tromperie sur la nature, l'existence, les qualités substantielles ou l'aptitude à l'emploi des produits et prestations facturées à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans sous les obligations de l'article 58-1° - 3° et 6° du Code de procédure pénale et 30 000 F d'amende, outre la publication de la décision par extraits dans le Parisien Libéré, ainsi qu'à payer à titre de dommages-intérêts les sommes de 5 000 F à Mme Tutier, 5 745 F à Mme Martine et 4 300 F à M. Gourrier parties civiles ;

Le prévenu, qui ne conteste pas sa responsabilité dans les délits qui lui sont imputés, met en avant l'action de son associé, fait valoir que son entreprise a été mise en liquidation judiciaire et qu'il n'est plus aujourd'hui qu'un salarié aux revenus modestes et sollicite l'indulgence de la cour en demandant plus particulièrement à être dispensé de la mesure de publication ordonnée ;

Le Ministère public conclut à la confirmation du jugement ;

Considérant qu'il est établi par le dossier et les débats que le prévenu était le gérant d'une société X à l'enseigne X1 qui pratiquait les opérations de petites réparations à domicile ;

Considérant qu'en 1987 et 1988 cette société recrutait sa clientèle par la distribution massive de cartes (800 000 par mois) faisant état de son équipe de spécialistes fournissant un travail soigné en plomberie chauffage, électricité, vitrerie, télévision, hifi et électroménager dont le déplacement et l'heure de main d'œuvre n'excéderont pas chacun 100 F ;

Qu'il est établi que certaines des interventions sollicitées ont été rétrocédées à d'autres entreprises pratiquant des tarifs nettement plus élevés que ceux annoncés ;

Que d'autre part le prévenu a reconnu qu'il embauchait en fait de spécialistes des ouvriers sans qualification particulière dont le rythme de rotation était extrêmement rapide, de sorte que le double critère de qualification et de permanence auquel renvoie la notion de spécialiste faisait défaut ;

Qu'eu égard à ces éléments les clients X1 ont été victimes d'allégations fausses ou de nature à les induire en erreur et que le délit de publicité mensongère est caractérisé ainsi que l'ont dit les premiers juges ;

Considérant en second lieu que dans 9 cas (Grezes, Maciocchi, Brugheat, Chauvaux, Chaye, Paquet, Porez, Necre et Peru) les intervenants X1 ont profité de l'âge avancé de ces clients ou de leur état de faiblesse dû à la maladie pour leur vendre, à la suite d'incidents bénins justifiant une réparation d'un coût modeste, des appareils neufs (chasse d'eau, chauffe eau, installation électrique entièrement changée etc...) bien souvent à des prix exorbitants ;

Que le prévenu sans doute fait valoir que ce n'est pas lui personnellement qui a traité avec ces clients, mais que les marchés avaient été enlevés par son associé comme il le prétend ou par ses préposés ce fait n'enlève rien à sa responsabilité de gérant de l'entreprise, responsabilité qu'il a d'ailleurs reconnue en remboursant certains de ses clients et en s'abstenant d'interjeter appel des condamnations civiles prononcées contre lui ;

Que le délit d'avoir ès qualités de gérant responsable de la société X X1 abusé de la faiblesse ou de l'ignorance des clients ci-dessus nommés pour leur faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit alors que ces clients n'étaient pas en mesure d'apprécier les engagements qu'ils prenaient ou de déceler les ruses ou artifices employés pour les convaincre à y souscrire est également caractérisé et a été retenu à bon droit par les premiers juges ;

Considérant en troisième lieu que dans II cas (Tutier, Maciocchi, Brugheat, Chauvaux, Faucogney, Solere, Martine, Gourrier, Toulet, Garcia, Veron) une même prestation a été facturée deux fois pose et travail d'une part, main d'œuvre d'autre part ; et que ces faits vont de pair avec l'absence de certaines pièces facturées pour MM. Brugheat et Gourrier, l'exécution de prestations inopérantes pour Mme Maciocchi et M. Toulet, la ventilation en plusieurs postes de pièces intégrées au même appareil ou la comptabilisation de plusieurs déplacements pour une seule opération en ce qui concerne lime Maciocchi et M. Brugheat, la facturation de la location du matériel utilisé pour le travail en ce qui concerne Mme Martine et M. Veron, enfin l'enlèvement systématique des appareils remplacés et l'application de coefficients multiplicateurs invraisemblables allant de 2 à 2192 ;

Que de ce troisième chef le prévenu était poursuivi sous l'inculpation d'escroquerie, mais que le tribunal a disqualifié le délit en celui de tromperie avec raison ? Qu'on ne peut parler en effet de manœuvres frauduleuses préalables à la remise de fonds pour persuader l'existence d'une fausse entreprise, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire ou pour faire naître l'espérance d'un succès ou d'un événement chimérique. Mais qu'il y a bien tromperie sur l'existence, les qualités substantielles ou l'aptitude à l'emploi des produits ou prestations facturés ;

Que ce dernier délit est également caractérisé et a été à bon droit retenu par les premiers juges ;

Considérant que le jugement dont appel doit en conséquence être confirmé sur la culpabilité ;

Considérant, en ce qui concerne l'application de la peine, que les faits retenus à l'encontre de Patrick P revêtent une particulière gravité en raison essentiellement de le qualité des victimes et doivent être sévèrement sanctionnés ;

Que la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis prononcée est justifiée, ainsi que la mesure de mise à l'épreuve à l'effet d'assure l'indemnisation des victimes ;

Que la mesure de publicité ordonnée est de droit en ce qui concerne la publicité mensongère et de nature en l'espèce à assurer la meilleure protection du consommateur et qu'il n'y a pas lieu de relever le prévenu de cette mesure ainsi qu'il le sollicite sur la base des dispositions de l'article 55-1 du Code pénal ;

Que toutefois, eu égard à la situation économique dans laquelle se trouve aujourd'hui le prévenu et des obligations de remboursement qui sont les siennes, l'amende prononcée sera ramenée au chiffre de 10 000 F ;

Par ces motifs, Reçoit les appels réguliers en la forme ; Statuant dans la limite de ces appels portant sur les seules dispositions pénales, confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 18/12/1990 dans toutes ses dispositions à l'exception de celle portant condamnation à une amende Prononçant à nouveau de ce chef, condamne Patrick P à une amende de 10 000 F ; Le condamne également aux dépens, ceux de la procédure d'appel étant liquidés à la somme de 425,31 F après avoir prononcé cette condamnation le Président a formulé l'avis prévu par l'article 747 du Code de procédure pénale.