CA Paris, 13e ch. B, 4 juillet 1991, n° 1802-91
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Mattalia Beauté (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lenormand
Avocat général :
M
Conseillers :
Mmes Magnet, Barbarin
Avocats :
Mes Quibel, Froment.
Rappel de la procédure
Le jugement
Par jugement en date du 5 février 1991, le Tribunal de Paris (31e chambre) a relaxé Henri S des chefs de publicité fausse ou de nature à induire en erreur et de tromperie du contractant sur les qualités substantielles d'une marchandise quant au numéro d'homologation annoncé mais l'a déclaré coupable de tromperie du contractant sur les qualités substantielles d'une marchandise pour avoir vendu un matériel partiellement usage et qui n'était pas en état de marcher normalement et l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 F d'amende ainsi qu'à payer à la société à responsabilité limitée Mattalia Beauté, partie civile, la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Le tribunal a condamné le prévenu aux dépens liquidés à la somme de 7 640, 93 F pour ceux avancés par l'Etat, et celle de 4 824, 42 F frais d'expertise avancés par la partie civile ;
Appels
Appel a été interjeté par :
1°) S Henri, le 5 février 1991,
2°) le Procureur de la République prés le Tribunal de grande instance de Paris, le même jour.
Décision
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu, qui a fait porter son recours sur les dispositions tant pénales que civiles du jugement, et par le Ministère public, d'un jugement du Tribunal de grande instance de Paris (31e chambre) en date du 5 février 1991 dont le dispositif est rappelé ci-dessus.
Les premiers juges ayant exactement rappelé les termes de la prévention, la cour s'en rapporte, sur ce point, aux énonciations du jugement attaqué.
Assisté de son conseil, Henri S demande à la cour, par voie de conclusions, de :
- " confirmer le jugement entrepris en ce qu'il (l') a relaxé totalement des faits de publicité mensongère et partiellement du chef de tromperie "
- " dire que le numéro d'homologation se rapportait au tube laser et que rien n'établit qu'il soit faux "
- " dire qu'en tout état de cause Mme Mattalia n'en avait pas eu connaissance lors de la vente "
- " sur le délit de tromperie, infirmée le jugement en ce qu'il (l') a condamné "
- " dire qu'au moment de la vente, le matériel vendu était en état de fonctionner et qu'il a effectivement fonctionné pendant plusieurs mois "
- " dire que rien n'établit que l'appareil vendu n'était pas neuf et qu'en tout état de cause (il) n'était pas poursuivi de ce chef "
- " débouter la partie civile de toutes ses demandes, fins et conclusions " ;
Quant à la société Mattalia Beauté, représentée par son conseil, elle demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions civiles et, y ajoutant, de condamner Henri S à lui payer la somme de 8 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais exposés par elle en cause d'appel.
Sur l'action publique
Considérant que la société à responsabilité limitée X, dont le gérant était Henri S, commercialisait un appareil dénommé 820 ETMS C02, destiné notamment à la stimulation musculaire intensive ;
Que, le 12 février 1988, la société à responsabilité limitée Mattalia Beauté, exploitant un institut de beauté sis 5, rue Royale, Paris (8°), qui avait été démarchée par la société X, louait cet appareil à la société anonyme dite Y qui s'en était acquéreur ; que, par un bon daté du 20 janvier précédent, la société Mattalia Beauté en avait passé commande à la société X en vue d'une location ; que l'appareil fut livré le 18 février 1988 ;
Que, suite à des pannes, celui-ci devait subir deux interventions de la part de la société Sideci qui était chargée de son entretien ; que, le 21 mars 1988, il était procédé au remplacement du tube laser Siemens et de son alimentation ainsi que du chauffage n° 1 et, le 21 juin 1988, à celui de différents composants ;
Que cet appareil se révélait rapidement être un échec commercial, son fonctionnement apparaissant défectueux et celui-ci ne donnant pas satisfaction à la clientèle de l'Institut de beauté Mattalia;
Considérant que s'il est vrai que la réalisation de l'appareil 820 ETMS C02 n'était pas, dès l'origine, entièrement conforme aux règles de l'art, ainsi que l'a souligné dans son rapport du 8 juin 1990 l'expert commis par le magistrat instructeur, et que l'appareil de ce type livré le 18 février 1988 n'a pas fonctionné à la satisfaction de son utilisateur, il ne résulte pas, toutefois, des pièces de la procédure et des débats que Henri S, gérant de la société X, ait eu l'intention de tromper la société Mattalia Beauté sur les qualités substantielles dudit appareil et son aptitude à l'emploi ; que, notamment, il n'est pas indubitablement établi que certains de ses composants et plus particulièrement les tubes laser n'étaient pas à l'état neuf lorsque l'appareil, qui ne portait pas de traces d'usage caractérisées, a été livré ;
Que l'intention frauduleuse, qui n'est pas caractérisée en l'espèce, étant un élément constitutif du délit de tromperie prévu et réprimé par l'article 1er de la loi du 1er août 1905, il convient d'infirmer sur ce point le jugement attaqué et de relaxer Henri S du chef de tromperie sur les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi de l'appareil 820 ETMS C02 livré ;
Considérant, par ailleurs, que, sur le document publicitaire diffusé par la société X concernant l'appareil 820 ETMS C02, il est énoncé que le laser entrant dans la composition a été homologué sous le numéro EU 1170837885 ;
Qu'à aucun moment Henri S n'a été en mesure de justifier d'une telle homologation, ne pouvant même indiquer de quel organisme, français ou étranger, elle émanait alors qu'il lui appartenait, en sa qualité d'annonceur, de démontrer la sincérité de sa publicité ; que l'impossibilité dans laquelle il se trouve de communiquer ses éléments de preuve caractérise se mauvaise foi ;
Que, dès lors, il convient, en infirmant là encore le jugement attaqué, de déclarer Henri S coupable de publicité fausse ou de nature à induire en erreur et de tromperie ou de tentative de tromperie du contractant sur la composition d'un appareil dont un des éléments a été présenté mensongèrement comme ayant reçu un visa d'homologation ;
Que, toutefois, il échet de faire au prévenu une application moins rigoureuse de la loi pénale, sans qu'il y ait lieu, en outre, d'ordonner la publication du présent arrêt ;
Sur l'action civile
Considérant qu'il n'est pas établi ni même allégué que la société Mattalia Beauté ait passé commande à la société X de l'appareil 820 ETMS C02 en cause au vu du document publicitaire faisant état d'une homologation en ce qui concerne le tube laser entrant dans sa composition ;
Que, compte tenu, en outre, de la relaxe à intervenir, les demandes de la société Mattalia Beauté, partie civile, se trouvent être sans fondement ;
Que, dans ces conditions, il convient d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions civiles et de débouter la société Mattalia Beauté de l'ensemble de ses demandes ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit les appels du prévenu et du ministère public, infirmant le jugement attaqué ; Relaxe Henri S du chef de tromperie du contractant sur les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi d'une marchandise ; Le déclare coupable de publicité fausse ou de nature à induire en erreur et de tromperie ou tentative de tromperie du contractant sur la composition d'un appareil, Le condamne à trois mois d'emprisonnement avec sursis et dix mille (10 000) francs d'amende ; Dit n'y avoir lieu d'ordonner la publication du présent arrêt, Déboute la société à responsabilité limitée Mattalia Beauté, partie civile, de l'ensemble de ses demandes ; Condamne Henri S aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant liquidés à la somme de 526,65 F. Le tout par application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 55-1 du Code pénal, 424, 473, 512, 734-1 du Code de procédure pénale.