CA Paris, 13e ch. B, 20 novembre 1992, n° 1697-92
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Vasseur
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lenormand
Avocat général :
M. Jeanjean
Conseillers :
Mmes Magnet, Barbarin
Avocats :
Mes Dupont, Delchiaro.
Rappel de la procédure
Le jugement
Tel qu'il sera rappelé en tête des motifs du présent arrêt,
Etant toutefois précisé que :
- les faits ont été commis les 8 janvier 1990 & 15 janvier 1990
- les dépens de première instance ont été liquidés à 504,81 F ;
Appels
Appel a été interjeté par :
1°) S Alain, le 12 novembre 1991
2°) le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Evry le même jour.
Décision
Rendue, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Par jugement en date du 5 novembre 1991, le Tribunal d'Evry (6e chambre) a condamné Alain S à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant dix huit mois, avec exécution provisoire, obligation lui étant spécialement imposée de justifier qu'il acquitte, en fonction de ses facultés contributives, les sommes dues à la victime ou à ses représentants légaux ou ayants droit, pour, tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise et publicité fausse ou de nature à induire en erreur.
Le tribunal l'a, en outre, condamné à payer à Frédérique Vasseur, partie civile, la somme de dix mille (10 000) francs à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues.
Appel a été régulièrement interjeté par le prévenu, qui a fait porter son recours sur les dispositions pénales et civiles du jugement, ainsi que par le Ministère public.
Les premiers juges ayant exactement rappelé les termes de la prévention et les faits de la cause, la cour s'en rapporte, sur ces points, aux énonciations du jugement attaqué ;
Assisté de son conseil, Alain S, sans nullement contester les faits qui lui sont reprochés, se borne à solliciter la plus grande indulgence de la cour ; toutefois, il fait valoir que les prétentions de la partie civile sont disproportionnées par rapport à son préjudice réel et demande, en conséquence, une réduction sensible du montant des dommages et intérêts alloués.
Quant à Frédérique Vasseur, partie civile, assistée également de son conseil, elle demande à la cour, bien que n'étant pas appelante, par voie de conclusions, de :
"- Faire application à M. Alain S de la loi pénale" ;
- Sur l'action civile et principalement, condamner M. Alain S à (lui) payer, la somme de quarante deux mille six cent soixante-quinze francs quatre-vingt treize centimes (42 675,93 F) à titre de dommages et intérêts ; "
- Condamner M. Alain S à (lui) payer, la somme de deux mille francs (2 000) par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
- condamner (celui-ci) aux entiers dépens".
Sur l'action publique :
I - En ce qui concerne le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur :
Considérant que S est poursuivi pour avoir, sur le territoire national, le 8 Janvier 1990 et, en tout cas, depuis temps non couvert par la prescription, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentation fausses ou de nature à induire en erreur sur l'état général du véhicule proposé à la vente ;
Qu'Alain S, ajusteur au chômage, n'a pas contesté avoir fait paraître, dans le journal Bonjour du 8 janvier 1990, la publicité suivante : " Vds tr. b. ét. R.5 6 000 F BMW 10 000 F 305 B.R en. 82 10 000 F R.18 70 000 F 504 fam. tél. <Téléphones>";
Qu'il a indiqué qu'il ne vendait à titre personnel que le véhicule R.5, les autres véhicules appartenant à des amis qui désiraient les vendre pour leur compte, et que la publicité avait été payée en commun ;
Considérant que la loi du 27 décembre 1973 dite "d'orientation du commerce et de l'artisanat" pose pour principe dans son article 1er que :
" - La liberté et la volonté d'entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales ; "
" - Celles-ci s'exercent dans le cadre d'une concurrence claire et loyale ".
" - Le commerce et l'artisanat ont pour vocation de satisfaire les besoins des consommateurs tant au niveau du prix que de la qualité des services et des produits offerts " ;
Que l'article 44 de ladite loi, visé à la prévention, est inséré dans le chapitre III intitulé "Améliorations des conditions de la concurrence" ; que, comme pour toute expression, il ne saurait, sans qu'en soit le sens, être extrait de son contexte ; que la publicité dont il est fait mention s'analyse en une technique de caractère commercial destinée, en les faisant connaître, à susciter ou accroître le désir d'acquérir tel ou tel produit ou de faire appel à tel ou tel service ;
Qu'il en résulte que, s'il est certain que le texte en cause concerne "toute publicité...sous quelque forme que ce soit", il n'en demeure pas moins que ladite publicité doit constituer une atteinte aux condition, normales de la concurrence dans le rapport que peuvent avoir les commerçants ou artisans entre eux ou dans leurs rapport, avec les consommateurs ; que toute interprétation extensive irait à l'encontre de la volonté clairement exprimée ;
Que, dès lors, le délit visé à l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 ne peut être imputé, en tant qu'auteur principal, un simple particulier qui, comme c'est le cas en l'espèce, fait passer dans la presse une annonce en vue de vendre un véhicule automobile ;
Que l'on ne saurait objecter que l'auteur d'une annonce mensongère échapperait alors à toute répression puisque, coupable de tromperie, il peut être poursuivi sur le fondement de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ; que tel est d'ailleurs le cas dans la présente procédure ;
Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer sur le point, le jugement attaqué et de renvoyer Alain S des fins de la poursuite de ce premier chef de prévention ;
II - En ce qui concerne le délit de tromperie sue les qualités substantielles de la marchandise vendue :
Considérant qu'Alain S est également poursuivi pour avoir, sur le territoire national, le 15 janvier 1990, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, trompé ou tenté de tromper le contractant sur les qualités substantielle d'un véhicule automobile, en vendant à Vasseur Frédérique un véhicule présenté comme ayant un kilométrage de 65 795 kms alors qu'il s'agissait en réalité d'un véhicule ayant un kilométrage d'au moins 165 782 kms ;
Qu'il résulte des déclarations du précédent propriétaire des véhicule, Thierry Garnier, gardien de la paix, que celui-ci avait vendu la voiture Renault 5 en cause, immatriculée 6298 ZZ 91, en décembre 1989 à Alain S au prix de 600 F "pour les pièces", le véhicule étant défectueux et présentant un kilométrage de 165 782 kms ;
Qu'il produit à l'appui de ses dires le certificat de cession s'y rapportant, daté du 29 décembre 1989, sur lequel il est précisé que le véhicule avait roulé 165 782 kms ;
Considérant qu'en informant pas Frédérique Vasseur du kilométrage réel du véhicule qu'il lui vendait, kilométrage qu'il savait parfaitement être de 165 795 kilomètres, et en lui remettant une fiche de contrôle technique, datée du 9 janvier 1990, sur laquelle n'apparaît que le kilométrage au compteur, et un certificat de cession sur lequel il a omis de donner toute précision sur le kilométrage, lui laissant ainsi croire que le véhicule avait parcouru que le nombre de kilomètres figurant sur compteur à cinq chiffres, soit 65 795 kilomètres, Alain S a intentionnellement trompé Frédérique Vasseur sur les qualités substantielles dudit véhicule ;
Que c'est donc, à juste titre, que les premiers juges ont retenu Alain S dans les liens de la prévention du chef du délit de tromperie prévu à l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ; que, dès lors, il convient de confirmer sur ce point le jugement attaqué tant sur la déclaration de culpabilité de celui-ci que sur la peine prononcée à son encontre, laquelle est équitable ;
Sur l'action civile
Considérant que la cour puise dans les circonstances de l'espèce, les élément suffisante pour fixer, ainsi que l'ont fait les premiers juges, à dix mille (10 000) francs le montant total du préjudice résultant directement pour Frédéric Vasseur, partie civile, des agissements délictueux retenus à la charge d'Alain S et qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement attaqué dans ses dispositions civiles.
Que la demande d'une somme de 2 000 francs formulée par Frédérique Vasseur au titre de frais irrépétibles exposés devant la cour, est justifiée ;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public Renvoie Alain S des fins de la poursuite exercée à son encontre du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur ; Le déclare coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue ; Le condamne à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant dix huit mois, obligation lui étant spécialement imposée de justifier qu'il acquitte, en fonction de ses facultés contributives, les sommes dues à la victime ou à ses représentants légaux ou ayants droit ; Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions civiles ; Condamne Alain S à payer à Frédérique Vasseur la somme de deux mille (2 000) francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Condamne Alain S aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers liquidés à la somme de 601,27 F. Le tout par application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 473, 512, 738, R. 58-6° du Code de procédure pénale ;