CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 28 mai 2004, n° 01-16042
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sud communication et service (SARL)
Défendeur :
Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cadiot
Conseillers :
MM. Stern, Bourrel
Avoués :
SCP de Saint Ferreol-Touboul, SCP Primout-Faivre
Avocats :
Mes Edel, Kaige
La SARL SCS Sud communication et service (SCS) qui exploite à l'enseigne Office system une activité d'achat, vente et location de produits de communication et télécommunication, a été créée le 24 décembre 1999 avec un siège social situé au 72 rue d'Antibes à Cannes.
Cette SARL a ouvert un compte à terme n° 43501787648 auprès de la Caisse régionale du crédit agricole Provence-Côte d'Azur (CRCA) le 22 décembre 1999,
Le 19 juin 2000, la SCS a signé avec la CRCA une adhésion au système de paiement par carte bancaire version "paiement à distance", dont l'article 9 intitulé "résiliation du contrat" est ainsi rédigé:
9-1: L'accepteur d'une part, la banque d'autre part, peuvent à tout moment, sans justificatif ni préavis (sauf dérogation particulière convenue entre les deux parties), sous réserve du dénouement des opérations en cours, mettre fin au présent contrat, sans qu'il soit nécessaire d'accomplir aucune autre formalité que l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'accepteur garde alors la faculté de continuer à adhérer au système CB avec toute autre banque de son choix.
9-2: Toute cessation d'activité de l'accepteur, cession ou mutation du fonds de commerce, entraîne la résiliation immédiate de plein droit du présent contrat sous réserve du dénouement des opérations en cours.
Dans le cas où, après résiliation du contrat, il se révélerait impayés, ceux-ci seront à la charge de l'accepteur ou pourront faire l'objet d'une déclaration de créances.
9-3: L'accepteur sera tenu de restituer à la banque les machines, dispositifs de sécurité et documents en sa possession dont la banque est propriétaire. Sauf dans le cas où il a conclu un ou plusieurs autres contrats d'adhésion, l'accepteur s'engage à retirer immédiatement de son établissement tout signe d'acceptation des cartes.
Par courrier du 27 octobre 2000, la CRCA a écrit à la SARL SCS en ces termes:
"Nous avons le regret de vous annoncer que conformément à l'article 9 de la convention d'adhésion au système de paiement par cartes bancaires version "paiement à distance ", nous mettons fin à ce dit contrat à compter de ce jour, sous réserve du dénouement des opérations en cours".
Le 12 décembre2000, la SARL SCS a transféré son siège social à Paris 9e, au 17 rue Henry Mounier, sans conserver d'activité à son ancien siège.
Puis à compter du 1er mars 2001, elle a à nouveau fixé son siège social à Cannes au 72 rue d'Antibes.
Entre temps, par exploit du 12 décembre 2000, la SARL SCS a attrait la CRCA en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale de relation commerciale sur la base de l'article L. 442-6-5e du Code de commerce.
Par déclaration du 3 septembre 2001, la SARL SCS a relevé appel du jugement du Tribunal de commerce d'Antibes du 20 juillet 2001:
- qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
- qui a dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts.
- qui l'a condamnée à payer à la CRCA la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Par conclusions du 3 janvier 2002, la SARL SCS sollicite:
Vu le courrier de la CRCA du 27 octobre 2000.
Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce:
- que le jugement attaqué soit réformé.
- qu'il soit dit que la CRCA a rompu brutalement une relation commerciale établie au préjudice de la société SCS.
- qu'en conséquence, la CRCA soit condamnée à lui payer à titre de dommages-intérêts:
* la somme de 3 534,27 euros au titre des encaissements rendus impossibles par la faute de la CRCA, avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2000, date de la première mise en demeure.
* la somme de 55,34 euros sauf à parfaire au titre des encaissements différés portant sur les factures d'un montant totale de 83 769,04 F ou 12 770,50 euros.
* la somme de 15 000 euros en réparation de l'atteinte subie par la société SCS à son image commerciale.
- que la CRCA soit déboutée de l'ensemble de ses demandes.
- que la CRCA soit condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
A l'appui de ses prétentions, la société SCS fait valoir:
- que son action est fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
- que la rupture est intervenue sans préavis.
- que la violation des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce lui a causé un grave préjudice:
* en ce qu'elle n'a pu encaisser deux factures d'un montant total de 23 183,26 F
* en ce que le total des factures en attente de paiement était de 83 769,04 F, que si on applique le taux légal à cette somme, le préjudice au 31 décembre 2000 était de 363,02 F.
* en ce que cette rupture a porté atteinte à son image commerciale, deux clients n'ayant pas été débités à temps n'ont pu se faire rembourser par leur société qu'avec retard.
- que la faible durée de "la relation commerciale établie" inférieure à un an ne met pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
- que le préavis aurait du être d'au moins deux mois.
- que l'article L. 442-6 du Code de commerce est d'ordre public et s'applique donc même lorsqu'il existe un contrat autorisant la rupture sans justificatif et préavis.
- que lorsque la CRCA a rompu le contrat sans préavis, elle n'avait pas encore transférée son siège social à Paris.
Par conclusions récapitulatives du 10 novembre 2003, la CRCA demande:
- que le jugement entrepris soit confirmé,
- que soit portée à 1 524,49 euros la somme qui lui a été allouée au titre de l'article 700 du NCPC.
Elle expose:
- qu'elle a honoré toutes les transactions effectuées avant la résiliation.
- que l'article L. 442-6 du Code de commerce n'existait pas lorsque le contrat a été dénoncé, le texte résultant de la loi du 15 mai 2001.
- qu'elle a fait une application "très normale" des dispositions de l'article 9 du contrat d'adhésion.
- que la relation commerciale antérieure s'emplace entre la souscription de la convention soit le 19 juin 2000 et sa rupture, soit le 27 octobre 2000.
- que la société SCS ne rapporte pas la preuve qu'il y ait eu atteinte à son image commerciale, seulement deux clients se seraient plaints de ce que leur ordre de paiement n'aurait pas été débité à la bonne date.
Motifs de la décision:
Attendu que la régularité de l'appel n'est pas contestée, qu'aucune des pièces soumises à la cour ne permettent d'en relever d'office l'irrecevabilité;
Attendu que l'article L. 442-6.1.5e du Code de commerce dans sa rédaction actuelle résulte de l'article 56-4e de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001;
Qu'antérieurement cet article était l'article L. 442-6-14e après l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 (anc. art. 36-5e de l'ordonnance du 1er décembre 1986) et était ainsi rédigé:
"I: Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan:
4°) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels. Les dispositions précédentes ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou de force majeure"
Que l'article L. 442-6 du Code de commerceexistait donc lorsque la SARL SCS a conclu avec la CRCA la convention d'adhésion au système de paiement par carte bancaire version "paiement à distance" tout comme lorsqu'elle a reçu la lettre de résiliation dudit contrat;
Attendu que ce texte ne différencie ni entre les différentes formes que peut prendre la relation commerciale, ni quant à leur durée;
Qu'il s'applique donc aux relations commerciales contractuellement établies, même très brèves dans le temps;
Que la relation commerciale SARL SCS-CRCA a débuté par la signature de l'ouverture du compte à terme le 22 décembre 1999, lequel a toujours été créditeur, pour durer au moins jusqu'à la résiliation de la convention d'adhésion au système de paiement par carte bancaire le 27 octobre 2000;
Que sur ce point, l'article L. 442-6 du Code de commerce s'applique;
Attendu que pour être brutale, la rupture doit avoir été soudaine, imprévisible et violente;
Qu'en l'espèce, l'article 9 de la convention d'adhésion stipulait pour les deux partenaires la faculté réciproque de résilier le contrat sans justificatif ni préavis;
Que, par la signature de ce contrat, la SARL SCS a acceptée pour elle-même comme pour la banque cette forme de résiliation;
Qu'il s'en suit que la rupture de ce contrat matérialisée par le courrier de la CRCA au 27 octobre 2000 même si elle a été soudaine, était prévisible;
Qu'en outre en ne faisant état d'une part d'un problème d'encaissement que pour deux factures d'un total de 23 183,26 F pour un chiffre d'affaires en l'an 2000 de 2 567 348 F (analyse de CA faite par M. Michel Dau, expert comptable) et d'autre part de la plainte de deux clients pour retard dans le débit de leur compte, la SARL SCS n'établit pas qu'il y ait en atteinte à son image commerciale et donc que cette rupture ait été violente à son égard;
Attendu donc que la SARL SCS ne rapporte pas la preuve d'une rupture fautive de la relation commerciale par la CRCA;
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner la question du préavis;
Attendu que la SARL SCS sera déboutée de ses demandes et que la décision des premiers juges sera confirmée;
Attendu que la CRCA a engagé des frais irrépétibles pour se défendre en appel qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge, que la SARL SCS sera condamnée à lui payer en outre la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC;
Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort; Reçoit l'appel de la SARL SCS Sud communication et service. Confirme la décision attaquée en ce qu'elle a déboutée la SARL SCS Sud communication et service de ses demandes et l'a condamnée à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du NCPC. Et y ajoutant: Condamne la SARL SCS Sud communication et service à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC. Condamne la SARL SCS Sud communication et service aux dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP de Saint Ferreol-Touboul, avoués à la cour, pour les frais dont elle aurait l'avance conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.