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Décisions

Conseil Conc., 23 juillet 2004, n° 04-D-36

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport des petits colis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Biron, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, M. Jenny vice-présidents.

Conseil Conc. n° 04-D-36

23 juillet 2004

Le Conseil de la concurrence (Commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 31 octobre 2003 sous le numéro 03-0076 F, par laquelle la SARL Doody a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société DPD France dans le secteur du transport des petits colis ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions de son application ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 23 juin 2004, la société Doody ayant été régulièrement convoquée ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

1. La société DPD France a organisé un réseau de transports sur tout le territoire métropolitain.

2. Le 12 décembre 2001, l'assemblée générale des actionnaires de la société DPD France a prononcé la dissolution de cette société, ouvrant ainsi la procédure de liquidation amiable, et a désigné un liquidateur amiable. Le 14 décembre 2001, ce dernier a informé la société Doody, créancière de DPD France, de l'ouverture de la procédure de liquidation.

3. La SARL Doody est une entreprise de transports spécialisée dans les livraisons de colis, exerçant son activité dans le Bas-Rhin, essentiellement avec la société DPD France depuis 1997.

4. Un contentieux s'est développé entre le liquidateur et la société Doody portant, d'une part, sur le règlement d'une facture d'un montant total de 5 165,36 euros et, d'autre part, sur les indemnités de préavis dues par DPD France à Doody, laquelle estime son préjudice à 27 388,40 euros, le liquidateur n'étant disposé qu'à un règlement de 17 000 euros. Dans une lettre du 14 janvier 2003, adressée au liquidateur et dont copie a été produite devant le Conseil de la concurrence, la société Doody s'est déclarée prête à la conclusion d'un accord transactionnel sur la base du paiement immédiat d'une somme de 64 000 euros.

5. Devant l'échec de la négociation amiable, le conseil de la société Doody a estimé que les conditions de la rupture des négociations commerciales, postérieures à la mise en liquidation de DPD France, étaient constitutives d'un abus de la dépendance économique de sa cliente vis-à-vis de DPD France et a saisi le Conseil de la concurrence.

II. Discussion

6. L'article L. 462-8, alinéa 1 du Code de commerce énonce que "Le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable pour défaut d'intérêt ou de qualité à agir de l'auteur de celle-ci, ou si les faits sont prescrits au sens de l'article L. 462-7, ou s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence Il peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ".

7. Il convient, en premier lieu, de rappeler que le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour connaître du contentieux en paiement d'indemnités pour rupture des relations contractuelles, qui relève des juridictions civiles et commerciales.

8. En second lieu, la jurisprudence du Conseil de la concurrence relative à l'abus de dépendance économique au sens de l'article L. 420-2, alinéa 2, du Code de commerce, établie notamment par la décision n° 01-D-49 du 31 août 2001, précise que l'état de dépendance vis-à-vis d'un partenaire commercial, client ou fournisseur, résulte de la réunion de plusieurs conditions :

- la notoriété et l'importance de la part de marché de ce partenaire commercial ;

- l'importance de la part du chiffre d'affaires réalisée avec ce partenaire dans le chiffre d'affaires total de l'entreprise, à condition toutefois que cette part ne résulte pas d'un choix délibéré de politique commerciale de cette entreprise ;

- la difficulté de trouver d'autres partenaires offrant une solution commerciale équivalente.

9. Or, s'il apparaît, sur la base des déclarations de la société Doody, que la part des commandes de la société DPD dans son chiffre d'affaires est effectivement très importante, 88 % en 2000, 64 % en 2001 et 80 % en 2002, aucun des éléments produits par la saisissante ne permet d'établir que la société DPD France, en liquidation, disposerait d'une notoriété ou d'une position sur le marché du transport de colis et de petit colis au niveau national susceptible d'en faire un partenaire commercial obligé. Par ailleurs, la société Doody n'allègue aucune impossibilité de proposer ses prestations à d'autres clients. La situation de dépendance économique de la société Doody par rapport à la société DPD France n'est donc pas démontrée, pas plus, d'ailleurs, que l'existence d'un éventuel abus imputable à la société DPD France.

10. Ainsi, les faits invoqués dans la saisine ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; la saisine doit, en conséquence, être rejetée.

Décision

Article unique : La saisine de la SARL Doody enregistrée sous le numéro 03-0076 F est rejetée.