Conseil Conc., 27 juillet 2004, n° 04-D-37
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre sur le marché des pompes funèbres dans le Val-de-Marne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de M. Avignon, par Mme Pasturel, vice-présidente, présidant la séance, Mmes Béhar-Touchais, Perrot ainsi que M. Flichy, membres.
Le Conseil de la concurrence (Section IV),
Vu la lettre du 5 octobre 1993, enregistrée le 11 octobre 1993 sous le numéro F 625, par laquelle la société Pompes Funèbres Privées Marbrerie Lamotte et Fils a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le Val-de-Marne par la société Pompes Funèbres Générales devenue OGF ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et le décret du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu le Code général des collectivités territoriales ; Vu la décision n° 00-D-58 en date du 6 décembre 2000, par laquelle le Conseil de la concurrence a sursis à statuer sur la saisine afin qu'il soit procédé à un complément d'instruction Vu la décision de la Présidente du Conseil en date du 9 mars 2004 faisant application à la présente affaire des dispositions de l'article L. 463-3 du Code de commerce relatif à la procédure sans établissement d'un rapport ; Vu les observations présentées par la société OGF ainsi que par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants des sociétés Lamotte et OGF entendus lors de la séance du 22 juin 2004 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
1. Dans sa saisine, la société Lamotte reproche à la société PFG devenue OGF d'entretenir une confusion permanente entre son activité de gestionnaire exclusif des chambres funéraires de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur des Fossés et ses activités de prestataire de pompes funèbres proposées dans les mêmes installations. Elle estime en outre que le détournement de clientèle qui résulte de cette confusion se trouve aggravé par le fait que la société PFG a signé avec des établissements de santé et de retraite situés dans les communes précitées des conventions aux termes desquelles les personnes décédées dans ces établissements sont envoyées de manière systématique et sans l'accord des familles dans les chambres funéraires gérées par ladite entreprise.
A. La réglementation des chambres funéraires
1° L'apport de la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993
2. Avant la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, qui a modifié le régime juridique des opérations funéraires, la gestion des chambres funéraires ne faisait pas partie du service extérieur des pompes funèbres. Les communes pouvaient cependant créer des chambres funéraires en demandant au préfet d'autoriser leur création et assurer leur gestion exclusive soit en régie directe, soit en désignant par convention un concessionnaire.
3. La loi du 8 janvier 1993 a défini de manière plus large le contenu du service extérieur des pompes funèbres en y incluant, notamment, la gestion des chambres funéraires. Les prestations relevant du service extérieur comprennent désormais, outre celles prévues antérieurement, le transport des corps avant mise en bière, l'organisation des obsèques, les soins de conservation, la fourniture des housses, des cercueils et de leurs accessoires intérieurs et extérieurs ainsi que les urnes cinéraires, la gestion et l'utilisation des chambres funéraires.
4. En revanche, la loi du 8 janvier 1993 a mis fin au monopole communal. Désormais, le service extérieur des pompes funèbres, qui constitue une mission de service public, peut être assuré, non seulement par les communes ou leurs délégataires, mais aussi par toute autre entreprise ou association bénéficiaire d'une habilitation délivrée par le représentant de l'Etat dans le département.
5. Toutefois, l'article 28-1 de la loi du 8 janvier 1993 a prévu une période transitoire allant jusqu'au 10 janvier 1998 pour les régies et jusqu'au 10 janvier 1996 pour les entreprises délégataires, pendant laquelle : " Les régies communales et intercommunales des pompes funèbres existant à la date de publication de la présente loi peuvent, durant une période qui ne saurait excéder cinq années à compter de cette date, assurer seules le service extérieur des pompes funèbres tel que défini par les dispositions légales précédemment en vigueur. Durant une période de trois ans, les contrats de concession conclus avant la date de publication de la présente loi, y compris ceux comportant une clause d'exclusivité, continuent à produire effet jusqu'à leur terme, sauf résiliation d'un commun accord. Nonobstant toute disposition contraire, les contrats comportant une clause d'exclusivité ne peuvent être prorogés, ni renouvelés, .. "..
6. Il appartient au conseil municipal qui souhaite, le cas échéant, organiser le service extérieur des pompes funèbres sur le territoire de sa commune d'arrêter la liste des prestations du service extérieur des pompes funèbres exercées, de définir le mode de gestion de ce service public et de fixer le tarif des prestations. La commune a la faculté d'organiser seulement certaines des prestations du service extérieur des pompes funèbres.
2° La gestion des chambres funéraires
7. L'article L. 2223-38 du Code des communes, qui résulte de l'article 21 de la loi du 8 janvier 1993, précise que " les chambres funéraires ont pour objet de recevoir, avant l'inhumation ou la crémation, le corps des personnes décédées ".
8. L'article 1 du décret n° 94-1027 du 23 novembre 1994 (actuellement article R. 2223-74 du Code général des collectivités territoriales) portant modification des dispositions réglementaires du Code des communes relatives aux opérations funéraires indique que " la création ou l'extension d'une chambre funéraire est autorisée par le représentant de l'Etat dans le département ".
9. Cette modification réglementaire confirme que l'autorité préfectorale est toujours seule compétente pour autoriser la création et l'extension d'une chambre funéraire et ce, même si l'avis du Conseil municipal est obligatoire.
10. Les chambres funéraires sont gérées désormais conformément aux règles relatives à la gestion du service extérieur des pompes funèbres. Elles peuvent, en conséquence, être gérées concurremment par toute régie, entreprise ou association régulièrement habilitée.
3° L'accès des professionnel aux chambres funéraires
11. L'article R. 361-35, alinéa 5, du Code des communes, tel que modifié par l'article 2 du décret n° 94-1027 du 23 novembre 1994 précité (actuellement R. 2223-09 du Code général des collectivités territoriales), prévoit que : " Les personnels des régies, entreprises ou associations de pompes funèbres habilitées conformément à l'article L. 362-2-1 mandatés par toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles, ont accès aux chambres funéraires pour le dépôt et le retrait des corps et la pratique des soins de conservation prévus à l'article R. 363-1 et de la toilette mortuaire ".
12. Dans le même esprit, l'article L. 2223-38 du Code général des collectivités territoriales, reprenant l'article L. 361-19 du Code des communes, issu de la loi du 8 janvier 1993, précise que : " Les locaux où l'entreprise ou l'association gestionnaire de la chambre funéraire offre les autres prestations énumérées à l'article L. 2223-19 doivent être distincts de ceux abritant la chambre funéraire ".
4° L'admission des corps dans les chambres funéraires
13. L'article R. 361-37 du Code des communes, tel que modifié par l'article 3 du décret n° 94-1027 du 23 novembre précité (actuellement article R. 2223-76 du Code général des collectivités territoriales), prévoit que : " L'admission en chambre funéraire intervient dans un délai de vingt-quatre heures à compter du décès. Le délai est porté à quarante huit heures lorsque le corps a subi les soins de conservation prévus à l'article R. 363-1 " ". Elle a lieu sur la demande écrite :
- soit de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles et justifie de son état civil et de son domicile ;
- soit de la personne chez qui le décès a eu lieu, à condition qu'elle atteste par écrit qu'il lui a été impossible de joindre ou de retrouver l'une des personnes ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ;
- soit du directeur de l'établissement, dans le cas de décès dans un établissement de santé public ou privé qui n'entre pas dans la catégorie de ceux devant disposer obligatoirement d'une chambre mortuaire conformément à l'article L. 361-19 sous la condition qu'il atteste par écrit qu'il lui a été impossible de joindre ou retrouver dans un délai de dix heures à compter du décès, l'une des personnes ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ".
14. Parmi les modifications apportées par le nouveau texte, il convient de relever :
- que le délai d'admission d'un corps avant mise en bière dans une chambre funéraire passe de dix huit heures à vingt quatre heures. Dans le cas où le corps a subi des soins de conservation, ce délai passe de trente six heures à quarante-huit heures ;
- que le directeur de l'établissement de santé public ou privé qui autorise le transport du corps d'une personne décédée dans cet établissement vers une chambre funéraire doit désormais attendre un délai de dix heures à compter du décès avant de délivrer cette autorisation. Durant ce délai, le corps de la personne décédée repose dans les locaux de l'établissement de santé public ou privé ;
- qu'un corps ne peut être admis dans une chambre funéraire que sur production d'un extrait du certificat médical de décès attestant que le décès n'a pas été causé par l'une des maladies contagieuses définies par arrêté du ministre chargé de la Santé. Le gestionnaire de la chambre funéraire doit conserver une copie de l'extrait susvisé.
5° La prise en charge financière des frais de transport des corps
15. L'article R. 361-40, alinéas 2 et 3, du Code des communes tel que modifié par l'article 4 du décret n° 94-1027 du 23 novembre 1994 précité (actuellement article R. 2223-79 du Code général des collectivités territoriales) indique que : " Lorsque le transfert à une chambre funéraire du corps d'une personne décédée dans un établissement de santé public ou privé, qui n'entre pas dans la catégorie de ceux devant disposer obligatoirement d'une chambre mortuaire conformément à l'article L. 361-19-1 a été opéré à la demande du directeur de l'établissement, les frais résultant du transport à la chambre funéraire sont à la charge de l'établissement ainsi que les frais de séjour durant les trois premiers jours suivant l'admission ".
" Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, le corps peut faire l'objet d'un nouveau transport, soit à une chambre funéraire, soit à la résidence du défunt ou d'un membre de sa famille, dans les délais et conditions prévus à la présente section et aux sections II, III, IV du chapitre III, à la demande de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles ".
B. Le marché des prestations funéraires dans les communes de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur des Fossés
1° Les zones d'attraction des chambres funéraires
16. A Bry-sur-Marne, plus de 90 % des corps des défunts transportés au funérarium proviennent, d'une part, des établissements hospitaliers Saint-Camille à Bry-sur-Marne et A. Brillard de Nogent-sur-Marne, d'autre part, des communes de Bry-sur-Marne, Nogent-sur-Marne, Le Perreux, Joinville-le-Pont, Champigny-sur-Marne, Villiers-sur-Marne, Noisy-le-Grand et Le Plessis Trévise. A Villeneuve-Saint-Georges, 85 % des corps des défunts transportés au funérarium proviennent, d'une part, de l'hôpital municipal et des sanatoriums de Ris-Orangis et Draveil, d'autre part, des communes de Villeneuve-Saint-Georges, Montgeron, Draveil, Brunoy, Epinay-sous-Sénart, Quincy, Crosnes, Vigneux-sur-Seine, Sucy-en-Brie, Yerres, Villeneuve-le-Roi, Boissy-Saint-Léger, Villecresnes, Ablon-sur-Seine et Limeil-Brévannes. A Saint-Maur, 94 % des corps des défunts transportés au funérarium proviennent des maisons de retraite et établissements hospitaliers qui y sont implantés.
2° La position dominante de la société PFG devenue OGF sur le marché des obsèques des défunts transportés au funérarium
17. La délimitation de ce marché dépend, du côté de la demande, essentiellement du nombre de décès enregistrés dans les trois communes précitées, en provenance en particulier des établissements hospitaliers et des maisons de retraite. Du côté de l'offre, elle dépend du nombre de prestataires, de leur implantation dans les trois zones en cause ainsi que des installations, tels les funérariums, dont ils peuvent disposer et qui leur permettent d'avoir un contact quasi obligatoire avec les familles ou leurs représentants.
EMPLACEMENT TABLEAU
18. Ainsi, dans la période considérée, la société PFG assure plus de 80 % des convois pour les défunts transportés au funérarium, comme l'indique le tableau ci-dessus, et son agence locale située dans le funérarium réalise près de 60 % de ces convois.
19. En outre, la commune de Villeneuve-Saint-Georges a confié initialement la concession du service public des pompes funèbres (service extérieur) aux Pompes Funèbres Générales par une convention conclue le 23 octobre 1958, tacitement reconduite par périodes de six années et qui était toujours en vigueur au moment des faits. Dans ce secteur, huit autres communes sur 14 ont également confié le service extérieur des pompes funèbres à cette entreprise.
20. Le 13 novembre 1964, le préfet de Seine-et-Oise a approuvé la convention adoptée par une délibération du conseil municipal en date du 26 octobre 1964, et visant à autoriser la création d'une chambre funéraire sur un terrain communal cédé à la société Pompes Funèbres Générales. Par cette même convention, a été concédée à cette dernière société la gestion de la chambre funéraire, pour une première période de 30 ans à compter du 15 avril 1966.
21. Par ailleurs, la SA Pompes Funèbres Générales a conclu deux conventions, la première avec l'hôpital intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et la seconde avec les sanatoriums dits " des cheminots " de Draveil, Ris-Orangis et Soisy-sur-Seine, pour organiser le transport et le séjour en chambre funéraire des corps des personnes décédées dans ces établissements.
Parts respectives des principaux intervenants dans l'organisation des obsèques à partir du funérarium de Bry-sur-Marne
22. Dans le secteur considéré, la part des agences PFG dans l'organisation des obsèques est de 76 % en 1992 et 66 % en 1994 pour les décès en provenance de l'hôpital Saint-Camille et de la clinique Armand Brillard.
EMPLACEMENT TABLEAU
23. Le 26 juin 1970, une convention a été signée entre les trois communes de Bry-sur-Marne, Nogent, Le Perreux, d'une part, et la société Pompes Funèbres Générales, d'autre part, ayant pour objet la concession du service intercommunal de la chambre funéraire. En exécution de cette convention, la société concessionnaire a installé, sur un terrain à Bry-sur-Marne, un ensemble dit " funérarium ", mis en service à compter du 1er juin 1973, dont une partie, le dépôt mortuaire, est gérée dans le cadre de son activité privée.
24. En outre, la commune de Bry-sur-Marne a concédé, par une convention ayant pris effet à compter du 1er janvier 1993, le service extérieur des pompes funèbres à la SA Pompes Funèbres Générales. Dans ce secteur, 7 autres communes sur un total de 9 ont également confié ce service au même prestataire.
25. Par ailleurs, la société Pompes Funèbres Générales a conclu deux conventions, la première, le 15 décembre 1970, avec l'hôpital Saint-Camille de Bry-sur-Marne, la seconde, le 23 mars 1983, avec la clinique Armand Brillard de Nogent-sur-Marne, portant sur l'utilisation de la chambre funéraire intercommunale.
EMPLACEMENT TABLEAU
26. Ainsi, à partir du funérarium de Saint-Maur, qui couvre presque exclusivement le territoire de la commune, la société PFG réalise 76 % et 74 % des convois en 1993 et 1994.
27. La société Lamotte, saisissante, qui n'a réalisé en 1992 que 4 convois à partir du funérarium, augmente ses parts de marché et assure, en 1994, près de 9 % des convois des défunts transportés au funérarium.
28. Le dépositoire qui existait précédemment a été aménagé en chambre funéraire en 1977 et fait partie du centre d'exploitation des Pompes Funèbres Générales.
29. Puis un contrat de concession du service extérieur des pompes funèbres a été signé, le 17 décembre 1992, entre la commune de Saint-Maur et la SA Pompes Funèbres Générales, avec effet à compter du 1er janvier 1993.
30. Par ailleurs des conventions ont été conclues entre la société Pompes Funèbres Générales et les établissements hospitaliers de Saint-Maur et de La Varenne Saint-Hilaire ainsi qu'avec la maison de retraite " Les saules " pour organiser le transfert et le séjour des corps dans la chambre funéraire.
31. Il est ainsi constaté que, dans les trois communes considérées, la société PFG occupe une position dominante. Elle organise, en effet, en moyenne sur les trois années en cause plus de 70 % des convois des personnes transportées dans les funérariums dont elle assure la gestion exclusive.
C. Les pratiques relevées
32. Les pratiques en cause ont trait aux conditions de gestion des funérariums par la société PFG et à ses relations avec les établissements hospitaliers situés dans la zone d'attraction de ces chambres funéraires.
1° La gestion des funérariums
(a) A Villeneuve-Saint-Georges
L'organisation des locaux
33. Deux sortes de constatations ont été faites :
* La société Pompes Funèbres privées. Marbrerie Lamotte et Fils, plaignante, a produit un constat d'huissier du mois de mars 1987 montrant, d'une part, que dans le hall d'entrée du funérarium figure l'enseigne de la société PFG, d'autre part, que le bureau de règlement des convois est installé dans le funérarium.
* Il est, en outre, apparu, dans le cadre de l'enquête administrative réalisée en 1996, qu'il n'existait pas, en dehors de l'espace accueil et du comptoir, de bureau particulier pour recevoir les familles se rendant au funérarium.
34. Ainsi, que ce soit en arrivant à la chambre funéraire ou à l'intérieur de celle-ci, les familles ne peuvent pas clairement distinguer la nature des opérations relevant, d'une part, de la gestion du funérarium proprement dite, d'autre part, des autres prestations de pompes funèbres proposées dans la même enceinte.
La facturation du séjour au funérarium
35. Sur plusieurs demandes d'admission au funérarium figure le sigle de la société PFG, et les devis qui les accompagnent, d'une part, ne séparent pas les prestations de service public de celles du secteur libre, d'autre part, confondent les frais relatifs à l'admission en chambre funéraire avec ceux relatifs à l'admission dans les salons privés de la société PFG.
36. S'agissant de la facturation aux établissements hospitaliers des frais de séjour, il a été constaté que non seulement les factures étaient établies au nom de la société PFG de Villeneuve-Saint-Georges et non à en-tête du funérarium mais que figurait également sur ces factures l'adresse du siège social des PFG à Paris.
(b) A Bry-sur-Marne
L'organisation des locaux
37. Si le funérarium et l'agence PFG se distinguent théoriquement par des adresses différentes, il a été constaté que, jusqu'en 1995, les deux types de locaux ne sont pas clairement identifiés à l'intérieur du site. Dans un constat d'huissier, dressé à l'initiative du plaignant en juillet 1993, il apparaît que le bureau de règlement des obsèques est situé dans la partie réservée au funérarium municipal.
38. Par ailleurs, dans le hall d'entrée, le tarif de la chambre funéraire et des salons privatifs des PFG est indiqué sous le seul intitulé du funérarium.
39. Enfin, dans l'annuaire France Télécom de 1995, l'adresse de la société PFG au 2 rue des Moines Saint Martin est indiquée avec celle du funérarium alors que cette société a son entrée propre au numéro 4 de la même rue.
La facturation des prestations funéraires
40. Figure dans le dossier une facture de transfert de corps au funérarium en date du 30 octobre 1995, destinée à l'hôpital Saint-Camille avec l'en-tête des PFG et l'adresse de son siège social à Paris.
41. Sur une facture d'obsèques adressée à une famille, le 31 mai 1995, également à en tête de PFG, la prestation relative au séjour dans les salons privés de cette entreprise est désignée sous l'appellation de " séjour en maison funéraire " au lieu du terme " séjour en salon privé ".
(c) A Saint-Maur
L'organisation des locaux
42. Il résulte d'un constat d'huissier dressé à la demande de la plaignante, en juillet 1993, que dans la cour du funérarium, du côté de la chambre funéraire municipale, est accrochée au mur l'enseigne commerciale en couleur des PFG. Ce logo est également visible sur le mur du local où sont garés les véhicules de cette entreprise.
43. Un autre constat d'huissier, en date du 26 mai 1994, produit par la société Lamotte, confirme ces constatations. Dans le hall, on ne trouve ni informations sur le libre choix des familles ni liste des autres entreprises de pompes funèbres exerçant sur la commune.
44. De fait, les enquêteurs ont constaté, en mai 1995, que la chambre funéraire se trouvait dans l'enceinte du centre d'exploitation des PFG. Dans le hall d'accueil, a été relevée la présence de deux plaquettes portant le logo et le nom de la société PFG accompagné d'un numéro de téléphone vert. Cette situation est d'ailleurs reconnue par le directeur de la région Sud-Est des PFG, dans une déclaration faite aux enquêteurs, le 30 mai 1995. L'intéressé a, cependant, tenu à ajouter, dans une lettre du 12 juin 1995, que " ... ce hall d'accueil n'est pas celui de la chambre funéraire proprement dite mais de notre centre d'exploitation qui n'est pas le lieu habituel d'attente des familles qui ont recours aux services de la chambre funéraire ".
La facturation des prestations funéraires
45. Deux factures d'obsèques figurant au dossier, l'une du 17 août et l'autre du 18 septembre 1995, montrent que la société PFG range sous la rubrique " service libre " la prestation relative au séjour en maison funéraire alors que ce service lui a été concédé par la ville de Saint-Maur.
2° Les conventions passées entre la société PFG et les établissements sanitaires sis dans les secteurs de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur.
A Villeneuve-Saint-Georges
46. La société Pompes Funèbres Générales a signé deux conventions, l'une en 1965 avec l'hôpital de la commune et l'autre en 1970 avec les sanatoriums de Draveil, Ris-Orangis et Soisy-sur-Seine.
47. L'article 1 de la première convention donne à la société PFG l'exclusivité de la réception des corps des personnes décédées à l'hôpital de Villeneuve-Saint-Georges tandis qu'en son article 2, elle prévoit que le transfert des personnes décédées dans cet établissement sera assuré gratuitement par la société PFG.
48. De la même manière, la seconde convention prévoit l'exclusivité du transfert des corps au funérarium, les tarifs de transport des corps étant en revanche, fixés et facturés au sanatorium. La société PFG assure la gratuité du transport et du séjour en chambre funéraire uniquement pour les indigents ou les personnes décédées dans ces établissements bénéficiant de l'aide sociale.
A Bry-sur-Marne
49. Deux conventions ont été signées par la société PFG, l'une, en 1970, avec l'hôpital Saint-Camille de Bry, l'autre, en 1983, avec la clinique Armand Brillard de Nogent-sur-Marne.
50. La première convention attribue à la société PFG l'exclusivité de la réception des corps des personnes décédées à l'hôpital Saint-Camille mais laisse à la charge des familles les frais de transport, d'admission et de séjour à la chambre funéraire.
51. La convention passée avec la clinique Armand Brillard stipule également l'exclusivité de la réception des corps des personnes décédées dans l'établissement, en faveur de la chambre funéraire de Bry-sur-Marne. En son article 3, elle prévoit que le transport des corps entre la clinique et le funérarium est effectué gratuitement, les frais de séjour étant, en revanche, supportés par les familles. Ces services sont effectués gratuitement pour le compte des indigents ou des personnes bénéficiaires de l'aide sociale.
A Saint-Maur
52. La convention signée avec la clinique métabolique d'Ile-de-France en 1981 prévoit, en son article 1, que la société PFG accueille dans sa chambre funéraire tous les malades décédés dans l'établissement, dont la réintégration dans leur domicile n'aura pas été demandée dans les six heures du décès par les familles, le transport des corps s'effectuant gratuitement.
53. La convention signée la même année avec la clinique Saint-Hilaire à la Varenne Saint-Hilaire attribue à la chambre funéraire de Saint-Maur l'exclusivité de la réception des corps, leur transport entre la clinique et le funérarium étant gratuit. Seuls les frais de séjour sont à la charge des familles.
54. La convention passée en 1979 avec le centre médicochirurgical de Saint-Maur ainsi que celle signée en 1986 avec la maison de retraite " Les Saules ", également située à Saint-Maur, contiennent les mêmes dispositions relatives à l'exclusivité de la réception des corps et à la gratuité du transport.
55. Le trait commun de toutes les conventions ci-dessus analysées est que la société PFG s'engage à ne pas facturer à l'établissement où le décès s'est produit le prix du transport à la chambre funéraire. Cette prestation, normalement à la charge de l'établissement hospitalier dépourvu de chambre mortuaire, en vertu de l'article R. 2223-79 du Code pénal des collectivités territoriales (voir le paragraphe 15 ci-dessus) est évaluée à Saint-Maur, pour l'année 1997 à environ 1 200 francs. La gratuité crée une asymétrie dans la concurrence, au désavantage, d'une part, des sociétés de transport funéraire susceptibles d'assurer cette prestation pour le compte des familles, d'autre part, des autres sociétés de pompes funèbres qui, choisies par les familles des personnes décédées avant que la décision ne soit prise par l'établissement hospitalier de faire transporter le corps au funérarium, sont dans l'obligation de facturer cette prestation pour couvrir leurs frais.
D. Les griefs notifiés
56. Au vu de l'ensemble des éléments présentés ci-dessus, quatre griefs ont été notifiés à la société OGF (ex - PFG) sur le fondement de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
Grief n° 1
Il est reproché à la société PFG d'avoir, sur le marché des pompes funèbres de Villeneuve-saint-Georges et de ses communes avoisinantes, exploité au cours des années 1992, 1993 et 1994 de façon abusive sa position dominante en mettant en place, dans le seul funérarium du secteur dont elle avait la gestion exclusive, d'une part, des informations à l'entrée et dans le hall d'accueil du bâtiment et, d'autre part, des indications sur les factures et devis des clients susceptibles de créer la confusion dans l'esprit des familles entre l'activité de la chambre funéraire municipale et son activité de prestataire de service en matière d'organisation des funérailles. Cette pratique a eu pour effet de dissuader la clientèle potentielle de s'adresser à un autre opérateur.
Grief n° 2
Il est reproché à la société PFG d'avoir, sur le marché des pompes funèbres de Bry-sur-Marne et de ses communes avoisinantes, exploité au cours des années 1992, 1993 et 1994 de façon abusive sa position dominante en mettant en place, dans le seul funérarium du secteur dont elle avait la gestion exclusive, d'une part, des informations notamment sur l'annuaire téléphonique et dans l'entrée du funérarium, d'autre part, des indications sur les factures destinées aux clients, susceptibles de créer une confusion entre l'activité de la chambre funéraire municipale et son activité de prestataire de service en matière d'organisation des funérailles et de rendre ainsi plus difficile le choix des familles pour un opérateur concurrent.
Grief n° 3
Il est reproché à la société PFG d'avoir, sur le marché des pompes funèbres de Saint-Maur, exploité au cours des années 1992, 1993 et 1994 de façon abusive sa position dominante en mettant en place, d'une part, des informations à l'entrée, dans le hall et le bureau d'accueil du funérarium dont elle avait la gestion exclusive, d'autre part, des indications sur les factures destinées aux clients susceptibles de créer une confusion entre l'activité de la chambre funéraire municipale et son activité de prestataire de service en matière d'organisation des funérailles et ainsi de porter atteinte au libre choix des familles pour un opérateur concurrent.
Grief n° 4
Il est reproché à la société PFG d'avoir abusé de sa position de gestionnaire exclusif des seules chambres funéraires existant dans les villes de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur pour mettre en place des conventions avec les hôpitaux et maisons de retraite ne disposant pas de chambre mortuaire qui, en prévoyant la gratuité du transport des défunts au funérarium, ont eu pour objet et pour effet d'inciter ces établissements à s'adresser à elle de manière préférentielle pour le transfert des corps et ainsi de rendre plus difficile le choix des familles pour un opérateur concurrent qui ne pouvait au surplus bénéficier de la gratuité de cette prestation.
E. La mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 462-2-II du Code de commerce
57. Après réception de la notification de griefs, la société OGF a sollicité le bénéfice des dispositions de l'article L. 464-2-II du Code de commerce, aux termes desquelles : " Lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ". Ces dispositions ont été mises en œuvre dans un procès-verbalsigné le 10 mai 2004 par le rapporteur général du Conseil et le représentant de la société OGF, lequel a déclaré : " En raison de circonstances propres à l'ancienneté de cette affaire et sans que cela n'emporte reconnaissance du caractère intentionnel des pratiques en cause, la société OGF ne souhaite pas contester la réalité des griefs qui lui ont été notifiées ".
58. Par ailleurs, la Présidente du Conseil de la concurrence, en application de l'article L. 463-3 du Code de commerce, a décidé, le 9 mars 2004, de faire juger l'affaire par le Conseil sans établissement préalable d'un rapport.
II. Discussion
A. Sur le fond
59. Les constatations faites aux paragraphes 33 à 55 établissent que la société PFG, en position dominante sur le marché des obsèques des défunts transportés aux funérariums de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur, a mis en œuvre, d'une part, dans sa gestion de ces chambres funéraires, des pratiques de nature à créer la confusion dans l'esprit des familles entre l'activité de la chambre funéraire municipale et son activité d'organisateur de funérailles, d'autre part, dans ses relations avec des établissements de soins et des maisons de retraite situés dans les mêmes secteurs géographiques, des pratiques qui ont incité ces établissements à s'adresser à la ladite société de manière préférentielle pour le transfert des corps en chambre funéraire, influençant ainsi le choix des familles qui, dès lors qu'elles s'adressaient à un autre prestataire pour l'organisation des obsèques, devaient prendre en charge le coût préalable du transport au funérarium. Ces pratiques sont contraires aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
60. Saisi par la société Pompes Funèbres Privées Lamotte aux fins de réparation du préjudice subi du fait des abus commis par la société PFG dans sa gestion exclusive de la chambre funéraire de Saint-Maur, le Tribunal de commerce de Paris, dans un jugement du 21 novembre 1997, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 5 mai 2000, a relevé que : " l'absence de neutralité de la chambre funéraire ne peut être que source de confusion entre le service public que constitue l'exploitation d'une chambre funéraire et celui commercial d'une entreprise de pompes funèbres et aboutit nécessairement au préjudice du seul concurrent installé dans la commune de Saint-Maur, la société PFP, à une captation de clientèle, captation constitutive de concurrence déloyale ". La société PFG a, en conséquence, été condamnée à verser à la société Pompes Funèbres Privées Lamotte la somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts.
61. Dans un mémoire du 22 avril 2004, la société Lamotte fait état d'un certain nombre d'éléments complémentaires, confirmés par elle en séance, qui démontreraient que les pratiques dénoncées dans sa saisine n'ont pas cessé.
62. Le Conseil observe que plusieurs des faits ainsi dénoncés - tels des devis établis en 2003/2004 par la société OGF pour le compte de la société Lamotte, des factures établies par OGF à la même période pour la location de salons funéraires, l'indication que cette société utilise le personnel des chambres funéraires pour des opérations commerciales, la diffusion par le syndicat intercommunal funéraire de la région parisienne d'une documentation orientant le choix des familles vers la société OGF, la mise en place avec des établissements financiers de contrats de prévoyance obsèques au seul bénéfice de la société OGF - ne peuvent être examinés dans le cadre de la présente affaire dès lors qu'ils ne sont pas directement rattachés aux griefs initialement notifiés et qu'aucune instruction menée contradictoirement n'a permis d'en établir la portée anticoncurrentielle.
63. La société Lamotte invoque aussi la correspondance des PFG, adressée en juillet 1997 par cette société à la Clinique Métivet de Saint-Maur, qui montre, selon elle, que cet opérateur a continué à capter la clientèle des personnes décédées dans les établissements hospitaliers.
64. Si, de fait, le document incriminé témoigne des relations existant à cette époque entre la société OGF et les établissements hospitaliers, il ne peut toutefois être retenu à charge contre ladite société puisque la société OGF y annonce, au contraire, qu'elle ne renouvellera pas les conventions précédemment conclues avec ces établissements. Il ne contient, par ailleurs, aucun élément permettant de confirmer l'allégation de la société Lamotte selon laquelle les hôpitaux continueraient néanmoins à diriger les familles vers la société OGF.
65. De même, il n'est pas établi que les dépliants intitulés " Les chemins du deuil ", portant le sigle des PFG et dont l'élaboration est postérieure à 1996, aient été déposés dans les salles d'attente des chambres funéraires d'OGF.
66. Enfin, le constat d'huissier du 20 janvier 2004, dressé à la chambre funéraire de Saint- Maur et les photographies qui l'accompagnent ne démontrent pas une confusion entre la salle d'attente du funérarium et le salon d'accueil de l'entreprise OGF. En revanche, il fait apparaître que cette société a continué à mentionner son sigle, sur un panneau, devant la chambre funéraire.
67. Le Conseil considère, en conséquence, que la pratique reprochée à la société OGF, relative à l'existence d'un panneau de la société devant la chambre funéraire de Saint-Maur, non déniée par elle lors de la séance, a persisté et qu'elle peut influencer le choix des familles quant à la réalisation des prestations hors monopole liées aux obsèques.
B. Sur les sanctions
68. La société OGF invoque l'absence d'effet, sur le marché des prestations funéraires, des pratiques reprochées. Elle a insisté, lors de la séance, sur certains éléments du dossier qui montrent que ses agences installées dans les funérariums de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur ont perdu, selon le cas, de 7 à 9 % de parts de marché entre 1992 et 1994 alors que la société Lamotte, qui ne réalisait que 2 % des convois des défunts transportés au funérarium de Saint-Maur en 1992, a vu sa part de marché monter à 9 % en 1994.
S'agissant des éléments de détermination de la sanction
69. En ce qui concerne le dommage causé à l'économie, le Conseil considère que si les pratiques de la société OGF n'ont pas empêché les sociétés concurrentes de se développer sur un marché qui, à l'époque des faits, reste encore peu ouvert à la concurrence, de telles pratiques ont pu, cependant, dissuader les familles, fragilisées par le deuil, qui se rendent aux chambres funéraires sans avoir fait le choix d'un opérateur, de s'adresser à d'autres entreprises pour l'organisation de funérailles. Par ailleurs, le contenu des conventions passées entre la société OGF et les établissements sanitaires du secteur, qui liaient l'exclusivité du transport des corps dans les chambres funéraires et la prise en charge de son coût par la société OGF, en conduisant ces établissements à s'adresser de manière systématique à cet opérateur pour le transport des défunts, a interdit l'accès au marché des entreprises spécialisées assurant ce type de prestation, dès lors que, par définition, il leur était impossible de les délivrer gratuitement. Mais, en empêchant les autres prestataires funéraires, et notamment les petites entreprises de pompes funèbres, de faire jouer la concurrence sur le prix des obsèques des personnes décédées dans les hôpitaux et maisons de retraite ne disposant pas de chambre mortuaire, ces pratiques ont aussi été un facteur potentiel d'augmentation du coût des obsèques à la charge des familles.
70. Pour apprécier la gravité des pratiques, il convient de tenir compte de ce que la société PFG, au moment des faits, bénéficiait tout à la fois du monopole de la gestion des chambres funéraires de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur et d'une délégation exclusive du service public des pompes funèbres des trois communes en cause ainsi que de toutes les communes situées dans la zone d'attraction de ces installations.
71. Le Conseil observe ensuite que la société PFG, devenue OGF, n'a pu ignorer la portée anticoncurrentielle de ses agissements dès lors que le Conseil de la concurrence, dans une décision n° 90-D-06 du 16 janvier 1990, a déjà condamné cette entreprise pour des pratiques similaires mises en œuvre au funérarium de Fontainebleau, en relevant qu'il incombait à ladite société, en tant que concessionnaire du service public, de " donner aux familles une information neutre et complète de nature à leur permettre d'exercer leur choix aussi librement que la réglementation l'autorise ".
72. Il convient également de rappeler que les infractions reprochées à la société PFG ont été commises dans la période d'ouverture du monopole à la concurrence prévue par la loi n°93-23 du 8 janvier 1993 et, plus précisément, dans la période transitoire, allant jusqu'au 10 janvier 1996, laissée aux entreprises délégataires pour s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle.
73. Enfin, il est apparu que l'absence de neutralité dans la signalisation de la chambre funéraire de Saint-Maur perdurait encore au mois de janvier 2004, la société OGF n'ayant pas démenti, lors de la séance, la présence persistante d'un panneau porteur de son sigle, visible pour toute personne entrant au funérarium.
74. Doivent, à l'inverse, être également pris en compte certains facteurs atténuants, liés, d'une part, à l'ancienneté des faits retenus à l'encontre de la société OGF, d'autre part, à la réalisation par cette dernière, à partir de 1995, de travaux dans ses trois chambres funéraires, qui ont conduit à assurer une distinction complète entre les locaux des funérariums et ceux des bureaux commerciaux de la société, enfin, à la dénonciation par la société OGF des conventions précédemment conclues avec les établissements de santé et les maisons de retraite, dont aucune n'a perduré au-delà de 1998.
S'agissant des engagements pris par la société OGF
75. Dans le cadre de la mise en œuvre de l'article L. 464-2-II du Code de commerce, la société OGF a, suivant procès-verbal du 10 mai 2004, souscrit les engagements suivants :
" Les chambres funéraires de Villeneuve-Saint-Georges et Bry-sur-Marne, ont fait l'objet de travaux de transformation en 1995, ainsi que cela a été relevé dans la notification de griefs. Dans le cadre de ces travaux, il a été veillé à ce que l'exploitation d'une agence commerciale sur le site de la chambre funéraire le soit dans des locaux distincts de ceux abritant la chambre funéraire, conformément aux dispositions de l'article L. 2223-38 du Code général des collectivités territoriales et à la circulaire ministérielle n° 95-51 du 14 février 1995.
S'agissant du site de Saint-Maur, la société OGF précise qu'à l'époque concernée par les griefs, il ne comprenait pas de local commercial. Ce site comprend aujourd'hui une chambre funéraire et un local commercial dans deux bâtiments contigus et distincts. Par ailleurs, s'agissant de l'identification de la chambre funéraire et de l'agence commerciale de Bry-sur-Marne dans les annuaires téléphoniques " pages jaunes ", celle-ci a été modifiée depuis plusieurs années et présente aujourd'hui les adresses respectives de chacune des deux installations.
1) La société OGF s'engage à ce que cette organisation distincte des locaux dans les chambres funéraires de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur soit maintenue, de même que la présentation actuelle dans l'annuaire téléphonique des adresses de la chambre funéraire et de l'agence commerciale de Bry-sur-Marne.
2) La société OGF s'engage à ce que dans les locaux abritant les chambres funéraires de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur, toute l'information légalement requise soit donnée au public afin de l'informer de la liberté de choix de l'opérateur funéraire.
3) La société OGF s'engage également, dans ces mêmes chambres funéraires, conformément à l'article R. 2223-72 du Code général des collectivités territoriales, à ce qu'aucune documentation commerciale de quelque nature que ce soit, relative à ses activités d'organisation de funérailles ne soit exposée, distribuée ou mise à disposition du public dans les locaux abritant ces chambres funéraires, à l'exception de la liste des opérateurs funéraires habilités de la commune ou du département. S'agissant de l'utilisation de signes distinctifs commerciaux d'OGF (marques, logos et enseignes) sur les sites de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur, la société OGF prend les engagements suivants :
4) Sur la partie extérieure de ces sites donnant sur la voie publique, en application du principe selon lequel un opérateur funéraire ne peut être tenu d'exploiter une chambre funéraire dans l'anonymat, la société OGF restera libre de faire état de sa qualité d'exploitant de la chambre funéraire et/ou de la présence d'une agence commerciale à l'intérieur du site, en utilisant ses signes distinctifs. Toutefois, la société OGF s'engage à ce que l'utilisation des ses signes distinctifs à l'extérieur du site le soit sur des supports distincts de ceux annonçant au public la présence d'une chambre funéraire.
5) Dans l'enceinte du site, lorsqu'il comprend une agence commerciale, la société OGF s'engage à ne pas apposer ou accoler ses signes distinctifs sur les murs du local abritant la chambre funéraire, mais à ne les utiliser que sur les locaux abritant l'agence commerciale ou pour les besoins de la signalisation de celle-ci. Enfin, s'agissant des conventions conclues avec des établissements de santé et analysées dans la notification des griefs, à savoir celles conclues avec l'Hôpital de Villeneuve- Saint-Georges en 1965, le Sanatorium de Draveil, Ris-Orangis et Soisy-sur-Seine en 1970, l'Hôpital Sainte-Camille de Bry en 1970, la Clinique Armand Brilland en 1983, la Clinique Métabolique d'Ile-de-France en 1981, la Clinique Saint-Hilaire de la Varenne en 1981, le Centre Médicochirurgical Gaston Métivet de Saint-Maur en 1970 et la Maison de retraite Les Saules en 1986, la société OGF indique qu'elles ont toutes été dénoncées avec effet, au plus tard, au 31 décembre 1998.
6) La société OGF s'engage à ne pas remettre en vigueur ces conventions. Les engagements qui précèdent s'inscrivent dans le contexte actuel des marchés sur lesquels une position dominante a été constatée, ainsi que dans le cadre législatif et réglementaire existant à la date du présent procès-verbal. Ils devraient par conséquent être reconsidérés en cas de perte de cette position dominante ou en cas d'évolution du cadre législatif et réglementaire ayant un impact sur les conditions de respect des engagements pris ".
76. S'il est vrai que, depuis l'époque des faits, le régime juridique des chambres funéraires a profondément changé, tout opérateur pouvant désormais créer une telle installation dès lors qu'il obtient l'habilitation donnée par l'autorité préfectorale, il demeure, cependant, que, compte tenu des lourds investissements nécessaires ainsi que des contraintes réglementaires, notamment au niveau de l'enquête de commodo et incommodo, imposées à une telle opération, les petits entrepreneurs ne peuvent, en pratique, acquérir et exploiter en propre ce type d'installation.
77. C'est pourquoi, le Conseil considère que le propriétaire d'une chambre funéraire ne doit pas profiter de sa qualité de gestionnaire pour perturber le jeu de la concurrence en influençant indûment le choix que les familles seraient tentées de faire en faveur d'un autre opérateur pour l'organisation des obsèques.
78. Dans ces conditions, il y a lieu de prendre acte des engagements souscrits par la société OGF, confirmés par celle-ci lors de la séance et de lui enjoindre de les respecter.
S'agissant du calcul de la sanction
79. Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Par suite, et en vertu du principe de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère, les dispositions applicables sont celles de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, aux termes duquel : " Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos ". Par ailleurs, l'article L. 464-2-II du Code de commerce prévoit que, lorsqu'il est mis en œuvre, " le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ". Ainsi, au regard de l'ensemble de ces dispositions, les sanctions pécuniaires susceptibles d'être prononcées en pareil cas ne peuvent dépasser 2,5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos, sans pouvoir, par ailleurs, excéder la somme de 500 000 F (76 224 euros) prévue à l'article 22 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 correspondant au montant maximum de la sanction pécuniaire applicable en cas de mise en œuvre de la procédure simplifiée lorsque les faits punissables sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, susvisée.
80. Dans le cadre de la procédure instituée par l'article L. 464-2-II du Code de commerce, le rapporteur général a proposé que la sanction encourue soit réduite dans une proportion allant de 40 % à 50 % du montant qui aurait été normalement infligé en l'absence de cette procédure.
81. Le chiffre d'affaires de la société OGF réalisé en France au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2003 s'élève à 486,4 millions euros. Le plafond de 2,5 % de la sanction théoriquement applicable est donc de 5 139 802 euros. En application des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société aurait été fixé par le Conseil à 4 860 000 euros. Pour tenir compte de l'absence de contestation et des engagements pris en application des dispositions de l'article L. 464-2-II du Code de commerce, ce montant est ramené à 2 430 000 euros. Toutefois, ce montant étant supérieur au plafond de 500 000 F (76 224 euros) prévu à l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en cas de mise en œuvre de la procédure simplifiée, la sanction pécuniaire sera ramenée à 76 224 euros.
Décision
Article 1er. - Il est établi que la société OGF a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
Article 2. - Il est pris acte des engagements souscrits par la société OGF tels qu'ils sont mentionnés au paragraphe 77 de la présente décision et il lui est enjoint de s'y conformer en tous points.
Article 3. - Il est infligé à la société OGF une sanction pécuniaire de 76 224 euros.