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Décisions

Conseil Conc., 3 août 2004, n° 04-D-39

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre dans les secteurs de l'abattage et de la commercialisation d'animaux de boucherie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Komiha, par M. Jenny, vice-président, Mme Pasturel, M. Nasse, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 04-D-39

3 août 2004

Le Conseil de la concurrence (Commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 7 février 2002 sous le numéro 02-0016 F, par laquelle la SARL Ernée Viandes a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés STAL, Privileg, Mayenne Viande, cette saisine étant assortie d'une demande de mesures conservatoires ; Vu la lettre du 27 février 2002 par laquelle la société Ernée Viandes a déclaré retirer sa demande de mesures conservatoires ; Vu la décision de la présidente du Conseil de la concurrence en date du 21 octobre 2003 qui a donné acte de ce désistement ; Vu la décision de la présidente du Conseil de la concurrence en date du 16 février 2004 faisant application à la présente affaire des dispositions de l'article L. 463-3 du Code de commerce sur la procédure sans établissement d'un rapport ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions de son application ; Vu les observations présentées par les sociétés Ernée Viandes, STAL, Privileg, Mayenne Viande, Fermiers de l'Erve, Alsace Viande, la Communauté d'agglomération de Laval, et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les sociétés Ernée Viandes, STAL, Privileg, Mayenne Viande, Fermiers de l'Erve, Alsace Viande, la Communauté d'agglomération de Laval entendus, lors de la séance du 26 mai 2004 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. Les secteurs et les parties concernés

1. Les secteurs professionnels concernés par la saisine sont, d'une part, celui de l'abattage d'animaux de boucherie, d'autre part, celui de la commercialisation, au stade grossiste ou semi-grossiste, des viandes et produits issus de l'abattage.

2. La société Ernée Viandes est spécialisée dans la transformation et la découpe de viande de porc. Elle a été créée en juin 1999 par deux éleveurs de porcs qui ont repris une entreprise mise en liquidation judiciaire, l'EURL Lepont, dont les locaux d'exploitation sont situés à Ernée à 30 km environ de Laval.

3. La STAL (Société Technique d'Abattage de Laval) a été créée en 1973 et a pour objet l'abattage d'animaux à l'abattoir public de Laval. La STAL est dirigée depuis le 24 mai 2000 par M. André X..., président du conseil d'administration. A l'époque des faits, la STAL compte parmi les membres de son conseil d'administration, M. Y... pour les sociétés Alsace Viande et ABG Mochel, M. Dominique Z... pour la société Mayenne Viande, MM. Luc A... et Michel B... pour Les Fermiers de l'Erve, MM. Jean-Pierre C... et Philippe D... pour la société Privileg, M. E... pour la société Viapal.

4. La société Privileg dont le président est M. Philippe D..., commercialise ses viandes auprès d'une clientèle de professionnels. Il en est de même pour la société Mayenne Viande, dirigée par M. Dominique Z... Toutes deux ont leur atelier de découpe attenant à l'abattoir géré par la STAL. SCABEV, société mère de Privileg, est aussi administrateur de Mayenne Viande. En mars 2002 Privileg a effectué un apport d'actifs à Mayenne Viande, et depuis juillet 2003 elle détient 17 % du capital de Mayenne Viande. Les liens financiers entre la STAL et ces deux sociétés sont étroits. Mayenne Viande détient 34 % du capital de la STAL, Privileg 21 %.

5. La SARL Fermiers de l'Erve, dont le gérant est M. Michel B... exerce une activité de commercialisation de porcs certifiés. Erve Finances est la structure holding des éleveurs " Fermiers de l'Erve ". Elle détient aussi une part importante du capital de Mayenne Viande, acquise en 2000. M. Z..., qui dirige Mayenne Viande, est en outre responsable technique et financier d'Erve Finances. On retrouve ainsi M. Z... dans plusieurs des sociétés en cause dans le présent dossier "Je suis administrateur de la Stal depuis plusieurs années. D'abord, en tant que Fermiers de l'Erve (jusqu'en 1998), puis en tant que représentant d'Alsace Viande jusqu'en février-mars 2001, puis ensuite en tant que représentant de Mayenne Viandes du fait de mon statut : Président du Conseil d'Administration de Mayenne Viande". Il a aussi précisé : "Erve Finances était actionnaire d'Alsace Viande et ABG Mochel à hauteur de 2 % du capital, soit 350 KF environ. Fin 99, début 2000, Erve Finances a vendu ses parts à Socopa Est et dans le même temps, Erve Finances a racheté Mayenne Viande début 2000. Fermiers de l'Erve constituait l'interface entre le Stal et ABG Mochel ainsi qu'Alsace Viande." La société Fermiers de l'Erve est signalée comme usager de l'abattoir jusqu'en mars 2001, puisqu'elle figure jusqu'à cette période dans les tableaux récapitulatifs des abattages établis par la STAL. En tout état de cause elle reste membre du conseil d'administration de la STAL et membre de son bureau.

6. Les sociétés Alsace Viande et ABG Mochel, implantées à Haguenau en Alsace, sont dirigées par M. Y... Elles font abattre par la STAL des porcs achetés par M. Z... auprès de producteurs locaux. Erve Finances facture une prestation de service à ABG Mochel pour les dits achats ainsi que pour le suivi des porcs à la STAL. Alsace Viande a été absorbée par ABG.

7. La société Huvial, implantée à Roanne et gérée par M. Franck E..., a signé un engagement d'abattage à l'abattoir de Laval en 1994. En 1998, la société Viapal, dirigée par M. Franck E..., a remplacé Huvial dans cet engagement. Brévial est implantée à Briec - de l'Odet dans le Finistère, cette société est spécialisée dans la vente de viandes en gros ainsi que dans l'abattage de truies et de verrats.

8. La Communauté d'Agglomération de Laval (CAL), également désignée par sa précédente appellation Communauté de Communes du Pays de Laval (CCPL), s'est substituée à la Ville de Laval le 1er janvier 1995 dans la tutelle de l'abattoir de Laval, celui-ci restant toutefois la propriété de la Ville de Laval.

B. Le mode de fonctionnement de l'abattoir de Laval

9. La STAL dispose des installations de l'abattoir public de Laval dans le cadre d'un contrat d'affermage conclu en 1973 entre la Ville de Laval et cette société. Cette convention prévoit, notamment, que le fermier est tenu à l'égard des usagers, contre paiement des redevances et droits, d'assurer les services de l'abattoir, les usagers étant définis comme les propriétaires des animaux ou leurs mandataires. La STAL exploite l'abattoir depuis le 1er mai 1973, sans que, depuis cette date la Ville de Laval, ou la CAL qui lui a succédé dans la tutelle, ait procédé à une remise en concurrence du contrat d'affermage.

10. La STAL est une société anonyme coopérative, dont les actionnaires sont, d'après l'article 2-2 de ses statuts, les personnes physiques ou morales exerçant une activité professionnelle de production et commerce de bétail vif, de commerce en gros, demi-gros et détail en boucherie ou charcuterie et salaisons ou encore de récupération et transformation des sous-produits.

11. Un arrêté du 30 juillet 1991 " fixant les modalités d'intervention du Fonds national des abattoirs " prévoit à son article 3, parmi les conditions nécessaires à l'agrément d'emprunts contractés en vue du financement des investissements dans un abattoir, que : " - le niveau d'activité prévisionnel de l'établissement doit être validé par la production d'engagements d'apport par les usagers dans les conditions définies par l'article 4 ci-après "..

12. L'article 4 de l'arrêté dispose, notamment, que les engagements d'apport signés par les usagers, doivent représenter au minimum 80 % du tonnage prévisionnel de l'abattoir, que chaque engagement d'apport doit être garanti par une caution bancaire, qu'il est souscrit pour une durée minimum de sept ans, enfin qu'il doit prévoir qu'en cas de cession le repreneur fasse siens les engagements préalablement souscrits. Le tonnage prévisionnel dont fait état l'arrêté est appelé " tonnage fiscal d'objectif " dans les documents communiqués au cours de l'enquête. Il correspond, une fois les travaux achevés, à la capacité d'abattage déclarée de l'abattoir.

13. Dans le cadre de l'arrêté du 30 juillet 1991, en contrepartie des investissements financés par elle en qualité de propriétaire afin d'augmenter la capacité d'abattage de l'abattoir, la Ville de Laval a en mars 1994, conclu avec les principaux usagers des conventions d'engagement de tonnages annuels pour une durée de 7 années. L'article 3 des conventions précise que l'engagement de tonnage de l'usager est garanti par une caution bancaire dont le montant correspond au taux de la taxe d'usage (155 francs HT) multiplié par le tonnage engagé. Si l'entreprise n'a pas atteint son engagement de tonnage, elle doit néanmoins verser le complément de taxes d'usage dû pour l'année, le versement étant garanti par le cautionnement fourni. Enfin, l'article 6 prévoit que l'entreprise s'engage à transférer la charge de ses engagements sur tout autre groupement qui lui serait substitué par fusion ou autre moyen juridique.

14. Aux termes de ces premières conventions le tonnage total engagé par les usagers s'élevait à 17 500 T, soit 83 % de la capacité déclarée (21 000 T), ainsi réparti entre les usagers concernés : 5 000 T chacune pour Privileg et Mayenne Viande, 1 000 T pour Fermiers de l'Erve, 1 750 T chacune pour Alsace Viande, Huvial et ABG, 1 250 T pour Lepont.

15. Certaines conventions d'apport ont organisé une solidarité entre certains usagers pour la réalisation des engagements. C'est le cas, par exemple, de la convention des Fermiers de l'Erve où, si l'engagement souscrit est individualisé (1 000 tonnes), l'examen annuel du respect de son engagement sera effectué au regard des engagements cumulés avec trois autres usagers, ABG, Alsace Viande et Huvial (6 250 tonnes en cumul). Cette disposition permet de compenser l'éventuelle insuffisance d'un usager par des reports de tonnages en surplus provenant des autres. Des engagements solidaires concomitants figurent dans les conventions d'ABG, Huvial et Alsace Viande, et un engagement solidaire similaire entre la société Privileg et Monsieur René Claude F..., est signalé dans l'avenant à la convention d'engagement de Privileg, conclu en mai 1998 par la CAL. La société Privileg a produit, avec ses observations, une convention de solidarité passée avec l'entreprise Lepont datée du 6 septembre 1996. Par contre il n'existe pas d'engagement solidaire concomitant dans la convention passée entre la société Lepont et la Ville de Laval.

16. Grâce aux investissements réalisés en 1994, garantis par les conventions précitées, la capacité déclarée de l'abattoir public de Laval a été portée à 21 000 tonnes. Puis, un arrêté en date du 17 juillet 1998 du ministre de l'Agriculture a porté cette capacité à 28 000 tonnes, tonnage prévisionnel qui a servi de base à de nouvelles subventions d'investissement consenties par la CAL. Les travaux d'extension de la capacité à 28 000 tonnes ont débuté le 21 mars 2000 et se sont terminés le 13 juillet 2001.

17. Parallèlement au lancement des procédures de travaux d'extension des capacités, des avenants aux conventions d'engagement de tonnage ont été signés, en mai 1998, par la ville de Laval avec les sociétés Mayenne Viande et Privileg. Par ces avenants, les engagements respectifs de ces deux sociétés sont portés à 9 150 T pour Privileg et à 5 600 T pour Mayenne Viande. Le total des engagements est ainsi de 22 250 T, soit 79,5 % de la nouvelle capacité fixée à 28 000 T.

18. Après cette modification la part de chaque usager représentée par ses engagements par rapport à la capacité de l'abattoir est de 41,10 % pour Privileg, 25,17 % pour Mayenne-Viande, 5,62 % pour Lepont, 4,50 % pour Fermiers de l'Erve, 7,87 % chacune pour Huvial, Alsace-Viande et ABG..

19. Le tonnage global réalisé s'est élevé à 30 276 T en 1997 et 28 547 T en 1998. Les réalisations totales pour 1999 (26 503 T), 2000 (24 009 T), 2001 (25 060 T) et 2002 (24 990 T) sont inférieures aux capacités déclarées (28 000 T), mais supérieures aux engagements globalisés (22 250 T). Ainsi, si l'abattoir a disposé de capacités inemployées, les engagements vis-à-vis de la Ville ont été respectés.

20. La baisse sensible, cependant, des tonnages réalisés en 1999, 2000 et début 2001 résulte à la fois de causes externes, telles la crise de la vache folle, l'épidémie de listéria et les fluctuations de la demande, et de causes internes telle la réhabilitation de l'abattoir, mais aussi l'arrêt d'Alsace Viande. M. X..., président de la STAL, a précisé que 1 180 porcs étaient nécessaires chaque semaine pour atteindre le seuil de rentabilité. On observe parallèlement, en 2001, l'accroissement des parts d'abattage de Privileg et Mayenne Viande au sein de la STAL.

C. Les pratiques relevées :

Les constatations relatives au traitement des demandes d'abattage d'Ernée Viandes et à la répartition des tonnages entre les usagers.

21. La SARL Ernée Viandes a repris les actifs de la société Lepont consécutivement à la liquidation judiciaire de cette dernière, dans le cadre d'un acte de cession en date du 21 juillet 1999, qui porte sur la vente du fonds de commerce de découpe et de transformation de viande, avec effet rétroactif au 8 juin 1999, entraînant " tous droits et prérogatives attachés à ce fonds et à prendre le titre de successeur du vendeur ". La rubrique " Charges et conditions " de l'acte précise, notamment : " il [l'acquéreur] reprendra et exécutera tous les contrats liés et nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce. Il s'engage en outre expressément à faire son affaire personnelle de leur poursuite, exécution ou résiliation à ses risques et périls et de telle manière que le vendeur ne soit jamais inquiété à ce sujet ". Il fera son affaire personnelle et prendra à son compte les commandes et marchés passés par le vendeur (...). Il sera à ce titre subrogé purement et simplement dans tous les droits et obligations du vendeur ".

22. Le 16 juin 1999, M. Philippe D..., président de la société Privileg, adresse à M. X..., directeur général de la STAL, le courrier suivant : " Nous vous confirmons les termes de notre entretien à propos de l'engagement d'apport pris par Monsieur René Claude F... pour abattre 1 250 tonnes par an dans l'abattoir public de la Communauté de Communes du Pays de LAVAL. Nous vous rappelons que par une convention de gestion commune de tonnage entre la société Privileg et Monsieur René Claude F... et dont vous avez eu connaissance, il a été prévu qu'au cas où le tonnage de l'un soit insuffisant, il puisse être complété par l'autre. C'est ainsi que depuis plus d'un an, depuis Avril 1998 pour être précis, la société Privileg, en exécution de l'accord passé avec Monsieur René Claude F..., a pris en charge le tonnage non abattu par Monsieur F... Par les présentes, nous vous prions de noter notre volonté.de poursuivre l'exécution de l'engagement pris avec Monsieur F..., et nous vous informons de l'absence de toute relation juridique à cet égard entre la société Privileg et l'acquéreur d'éléments d'actif de l'EURL Lepont en dépôt de bilan ".

23. Sur ce transfert, M. X..., président de la STAL, a déclaré lors de son audition du 23 août 2001 : "Aujourd'hui, à mon sens, l'avenant à la convention Privileg donne d'une part 4 150 T de plus à Privileg + les 1 250 T de Lepont (article 6 bis)".

24. Le 3 août 1999, les co-gérants d'Ernée Viandes adressent à M. X... la demande suivante : " Nous vous confirmons avoir repris l'activité de la société EURL Lepont à Ernée. Nous tenions à vous informer que nous ne sommes pas intéressés par le volume d'abattage qu'avait précédemment les Ets Lepont. Cependant nous aimerions pouvoir tuer des bovins "..

25. Par lettre du 11 août 1999, le vice-président de la CAL interroge l'administrateur judiciaire chargé de la liquidation de la société Lepont, sur le traitement à réserver à la convention d'engagement Lepont à la suite de la cession intervenue : " Aujourd'hui, la société Privileg qui dans les faits réalisait le tonnage de la société Lepont se propose de la remplacer dans le cadre d'un nouvel engagement de tonnage. Aussi, avant de répondre favorablement à sa demande, dois-je savoir précisément si la reprise Lepont par la société Ernée-Viande comporte également la reprise de l'engagement de tonnage de 1 250 tonnes. Dans ce cas faudrait-il encore que la société Ernée-Viande fasse parvenir, sans délai, la caution bancaire correspondante, d'un montant de 193 750 francs ". Copie de cette lettre est adressée à M. X..., directeur de la STAL.

26. La correspondance précitée est transmise par l'administrateur judiciaire le 25 août 1999 à l'avocat d'Ernée Viandes, en ces termes : " je ne puis personnellement répondre à la question posée et vous remercie de bien vouloir interroger votre cliente, la société Ernée Viandes, afin de savoir si elle a repris l'engagement de tonnage de 1 250 tonnes souscrit par la société Lepont auprès de l'abattoir de Laval ". L'avocat d'Ernée Viandes répond à l'administrateur le 30 août 1999, avec copie transmise au vice-président de la CAL : " Bien évidemment, la société Ernée Viandes souhaite donner suite au contrat conclu entre la Ville de Laval et la société Lepont. Mon cabinet et la société Ernée-Viandes restent à la disposition de la Communauté de Communes du Pays de Laval pour organiser un rendez-vous afin de mettre au point le dossier concernant la convention ".

27. Le vice-président de la CAL, adresse à Ernée Viandes, le 12 octobre 1999 un courrier renvoyant à la lettre d'Ernée Viandes du 3 août, et précise : " Je prends donc bonne note de votre souhait de ne pas reprendre les engagements de tonnage des établissements Lepont. S'agissant par contre de votre demande de pouvoir continuer, hors convention, l'abattage de quelques bovins, je vous laisse le soin de traiter cela directement avec Monsieur X..., directeur de la STAL ".

28. En réponse à ce courrier, Ernée Viandes adresse à la CAL, le 13 octobre 1999, une lettre recommandée rédigée en ces termes : " Nous recevons avec surprise votre lettre du 12 octobre dernier. Nous ne pouvons mieux faire que de vous renvoyer : 1) à la photocopie du fax que nos conseils ont adressé à Maître G... le 30 août 1999, 2) à la photocopie du fax que nos conseils vous avaient adressé le 30 août 1999, 3) aux fax qui ont été adressés par nos conseils au cabinet Outin Gaudin et associés en date du 15 septembre 1999 et en date du 7 octobre 1999. Nous ne pouvons que confirmer, comme l'écrivait notre conseil le 30 août 1999, que notre société entend donner suite au contrat conclu entre la ville de Laval et la société Lepont ". Cette lettre n'a reçu aucune réponse de la part de la CAL.

29. M. Y..., Président des sociétés Alsace Viande et ABG Mochel, par deux courriers identiques du 4 avril 2000, adresse à M. Z..., en sa qualité de dirigeant des Fermiers de l'Erve, un accord écrit lui transférant ses engagements de tonnages pris auprès de la Ville de Laval : " Suite à nos différents entretiens, je vous confirme la reprise de l'ensemble des actions de notre société par le groupe SOCOPA au 1/01/2000. Notre nouvel actionnaire ne souhaitant pas conserver la position d'ABG au sein de l'abattoir de Laval, je vous confirme notre accord concernant la reprise de nos engagements de tonnages, soit 1 750 tonnes (poids fiscal) par an pendant 7 ans au taux de taxe d'usage de 155 francs/tonnes hors taxe par la société des Fermiers de l'Erve. En vue du transfert de ces engagements vous voudrez bien prendre contact avec la communauté des communes de Laval qui est bénéficiaire de l'engagement solidaire de l'ensemble des usagers et nous faire parvenir votre caution bancaire de 271 250 francs afin d'annuler la notre près de la Banque Populaire de Strasbourg ".

30. Le 13 avril 2000, le bureau de la STAL, constitué de M. Z... (Mayenne Viande), X... (STAL), D... et C... (Privileg), A... (les Fermiers de l'Erve) se réunit afin d'examiner la demande d'abattage d'Ernée Viandes. Le procès-verbal de la réunion relate les raisons techniques et sanitaires sur lesquelles est fondé le rejet de la demande : " Le président rappelle l'historique du dossier Ernée Viande au travers de la reprise des Ets Lepont et de l'engagement de tonnage qu'avait ce dernier dans le cadre des travaux de réhabilitation de l'abattoir de Laval. Un tour de table est effectué afin de collecter les avis de chacun sur ce dossier dans un contexte de travaux importants, le chantier a démarré début mars 2000. Après l'analyse du circuit produits, sur les deux niveaux en conjonction avec les différentes réglementations en vigueur en terme de sécurité, sanitaire, du Code du travail, l'avis général ressortit est le suivant : techniquement, il n'est pas possible d'envisager d'accepter du tonnage complémentaire les circuits étant plus que saturés par le tonnage actuel et le déroulement des travaux. Le respect fondamental des règles sanitaires dans ces conditions est très difficile. Les membres du bureau précisent qu'un courrier doit être envoyé dans ces termes à Ernée Viandes pour information et de proposer à plus d'un an un nouveau contact ".

31. Le courrier suivant est adressé par le président de la STAL à Ernée Viandes, le 20 avril 2000 : " Objet : demande d'abattage : Comme suite à nos diverses conversations téléphoniques (...) et en conclusion de notre conseil d'administration du 13 avril dernier, je suis au regret de ne pouvoir satisfaire votre demande. En effet, actuellement, avec le redémarrage des travaux de réhabilitation, il n'est pas raisonnablement envisageable d'accepter de tonnage supplémentaire pour des raisons techniques et sanitaires à la fois, et ce, pendant au moins un an ". Le refus est donc présenté comme une décision du conseil d'administration alors qu'elle émane seulement du bureau.

32. Lors du conseil d'administration de la STAL du 24 mai 2000, l'évolution des relations entre la STAL et les "Alsaciens" est abordée dans le document annexé au procès verbal de réunion : " Alsace Viande et ABG ont été rachetés par SOCOPA au 31.12.99, les porcs ABG rejoindront aussi, tôt ou tard SOCOPA Evron. Quelle est la valeur des engagements de tonnage d'ABG et d'Alsace Viande dans la stratégie SOCOPA à court et moyen terme ? (...)Un état des lieux est à effectuer s'agissant des engagements de tonnage de :

" ABG qui sont devenus SOCOPA

" Alsace Viande qui sont devenus SOCOPA

" BREVIAL qui maintient une activité en inadéquation totale avec son engagement ".

33. Lors de ce même conseil d'administration, auquel ont participé MM. Joël H... et Dominique Z... pour Mayenne Viande, Jean-Pierre C... et Philippe D... pour Privileg, Luc A... pour Fermiers de l'Erve, et Bernard I..., grossiste, l'accent est mis sur la baisse sensible des tonnages, la comparaison entre les premiers quadrimestres 1999 et 2000 faisant ressortir des baisses de - 49,52 % pour Brévial, - 3,46 % pour ABG Mochel, - 11,25 % pour Mayenne Viande, - 4,58 % pour Privileg. Ce procès-verbal de réunion (et ses annexes) affirme que " deux heures d'abattages supplémentaires sont disponibles " et que pour atteindre le seuil de rentabilité en porc, il faudrait 1 180 porcs supplémentaires par semaine. Il évoque aussi la perte potentielle en taxe d'usage pour la CAL si les 28 000 T ne sont pas atteintes. Il est aussi précisé : "sans compter la croissance prévue par tous les grands abattoirs bretons, par conséquent aucune embellie n'est attendue d'ici à 2-3 ans, sauf si un abattoir arrête, lequel ? ou un de vous décroche un client permettant de retrouver instantanément du volume (abattage à façon)." Pour remédier à cette situation, il est envisagé d'augmenter les ressources de la STAL en retrouvant des volumes complémentaires de porcs et bovins de l'ordre de 32 à 40 tonnes par semaine, " pour compenser les deux heures d'abattage non effectuées actuellement ".

34. Le 27 juin 2000, s'est tenue une réunion entre MM. Marcel J..., directeur du développement économique à la CAL, X..., président de la STAL, Z... représentant Mayenne-Viande, Fermiers de l'Erve et le groupe des Alsaciens et K..., vice-président de la CAL. La convocation, signée par M. L..., indique comme objet "Point sur le tonnage d'Alsace Viande et ABG". Le compte rendu de cette réunion, adressé le 5 juillet 2000 aux intéressés par M. L..., directeur du développement économique à la CAL, précise, au point "relevé de conclusions", que la SARL Fermiers de l'Erve a basculé son activité d'abattage sur Mayenne Viande, que Erve Finances a racheté Mayenne Viande et que le groupe Erve Finances/Mayenne Viande va récupérer le tonnage suivant :

" Mayenne Viande : 5 000 + 600 = 5 600

" Fermiers de l'Erve = 1 000

" Alsace Viande/ABG (1) 1 750 X 2 = 3 500

------

10 100 "

35. Il indique aussi que Huvial n'utilise que 50 % de son tonnage et qu'il faudra, à l'issue des travaux, voir avec Huvial " la possibilité de basculer le tonnage non réalisé vers d'autres utilisateurs potentiellement intéressés ".

36. Un autre compte-rendu de cette réunion avec la CAL, établi par le président de la STAL, intitulé " 1ère réunion ", mentionne également ces transferts avec les commentaires suivants: " (...) Mayenne Viande reprend l'engagement F. ERVE ; reprendra les engagements Alsaciens. Engagt Huvial désolidariser avec les Alsaciens.- D. Z... assurera son engagement. Faire les choses le plus proprement possible".

37. Lors de son audition sur ce point, le 30 août 2001, M. X..., président de la STAL, a précisé: " Notre client Alsace Viandes n'est plus là depuis février 2000 (...).Dans ma note du 27/06/00, je voulais dire que dans la reprise des engagements "alsaciens" par Mayenne Viande, qu'il faudrait formaliser cette nouvelle configuration dans la transparence. A ce jour, aucun avenant n'a été pris dans ce sens ".

38. Le président de Mayenne-Viande a déclaré à ce propos, le 24 août 2001 : "Mayenne Viande dispose aujourd'hui, outre son quota initial, de celui des "Alsaciens", c'est-à-dire au total 10 100 tonnes (5 600 origine Mayenne Viande + 1 000 origine Fermiers de l'Erve et 3 500 origine Alsace Viande ABG. Mayenne Viande dispose de ce quota depuis 1 an. (...) ABG abat toujours actuellement à la STAL, mais sur le quota Mayenne Viande. ABG fait partie du groupe SOCOPA Est. ABG a "repris" Alsace Viande. A travers cette reprise, Mayenne Viande a disposé de 3 500 T de plus de quota à la Stal. (...) Il y a eu un accord (engagement de tonnage de 94) qui prévoyait des engagements solidaires de tonnage entre Fermiers de l'Erve, ABG, Alsace Viandes. Dans les engagements de tonnage, il était écrit qu'en cas de disparition des Fermiers de l'Erve ou ABG Alsace Viande, celui qui restait prenait le tonnage disponible. Concernant le tonnage d'Alsace Viande, il a été repris par Mayenne Viande dans le cadre du transfert de l'activité des Fermiers de l'Erve à Mayenne Viande. Cette reprise est la conséquence de la convention passée avec la ville de Laval, le 9 mars 1994 ".

39. Un compte rendu manuscrit du président de la STAL relatif à une réunion qui s'est tenue à propos d'Ernée Viandes le même jour, 27 juin 2000, à 15H, intitulé " 2ème réunion " note : " (...) actuellement 550 à 600 porcs. Producteur région de VITRE. (...) - abattages : 1er temps. Abera - encore actuellt. coût. 0,63F/kilo. - pdt 1 mois à Cherancé - logistique coûteuse. (...) - écart. de 20 F/ par porc ". Participaient à cette réunion MM. K... et J... de la CAL et M. X... pour la STAL.

40. Il s'avère qu'au même moment la demande de transfert de l'engagement Lepont présentée par Ernée Viandes va être repoussée. En effet M. K..., vice-président de la CAL, faisant référence à un entretien qu'il a eu avec M. L..., co-gérant d'Ernée Viandes, ce même 27 juin 2000, lui adresse un courrier, le 6 juillet 2000, par lequel il écarte la demande d'abattage d'Ernée Viandes en ces termes : " (...) j'ai pris bonne note que vous avez, selon vos propres termes, repris l'affaire Lepont et non la société Lepont, mais que pour autant vous souhaitiez pouvoir abattre une partie ou la totalité de votre production à l'abattoir de Laval. Je dois vous confirmer que pendant la durée des travaux de rénovation de l'abattoir qui devraient se poursuivre jusqu'à la fin de l'année 2000, il n'est pas possible d'accueillir de volume supplémentaire. Si bien entendu, pendant cette période, du tonnage venait à se libérer, la STAL ne manquerait pas de prendre contact avec vous. A l'issue des travaux, nous pourrons selon toute vraisemblance mettre à votre disposition le tonnage qui avait été souscrit à l'origine par la société Lepont, à savoir 1250 tonnes (tonnage fiscal annuel) Cela supposera cependant que vous souscriviez un engagement d'apport de tonnage sur 7 ans, assorti d'une caution bancaire ".

41. Le compte-rendu de la réunion de bureau de la STAL du 24 août 2000 à laquelle participaient MM. X... (STAL), Z... (Mayenne Viande), A... (Fermiers de l'Erve), D... et C... (Privileg), avant d'aborder la question de la demande d'Ernée Viandes, signale au premier semestre 2000 un retard de 1 252 tonnes par rapport au premier semestre 1999 et la baisse des tonnages en porcs et en coches pour les mêmes périodes, puis rappelle l'urgence à mettre en œuvre les mesures préconisées au conseil d'administration du 24 mai pour arrêter au plus vite le déficit qui ne cesse de se creuser. Pourtant, le bureau refuse, à l'unanimité, de satisfaire la demande d'Ernée Viandes, s'abritant encore derrière le motif des travaux : " Le Président signale (...) aux membres que le dossier Ernée Viandes était à nouveau d'actualité. L'entreprise Ernée Viandes manifeste régulièrement son intention d'abattre à Laval le plus rapidement possible. La question est alors, à nouveau posée aux membres du bureau, la réponse à ce dossier est maintenue à savoir : Refus unanime de l'ensemble du bureau STAL. Cause invoquée : impossible pendant la réalisation des travaux ".

42. Le 9 novembre 2000, le bureau de la STAL, auquel ont participé MM. X... (STAL), Z... (Mayenne Viande), A... (Fermiers de l'Erve), D... (Privileg), décide de ne pas donner suite à une proposition d'Ernée Viandes pour un règlement amiable du litige, Ernée Viandes ayant alors envisagé de porter l'affaire devant le tribunal de commerce. Ce même bureau fait état d'une baisse prévisible pour 2000 de 2 504 tonnes, représentant une perte de chiffre d'affaires de 1 288 800 F et un résultat d'exploitation négatif d'environ 1 300 000 F, les baisses de tonnage résultant, notamment, des problèmes de listéria ainsi que des travaux de réhabilitation.

43. Par lettre du 14 février 2001, M. K..., vice-président de la CAL, répond à un courrier d'Ernée Viandes du 1er février 2001 qui a réitéré sa demande de reprise de l'engagement Lepont : " Je prends connaissance de votre courrier du 1er février 2001 par lequel vous sollicitez une rencontre avec la Communauté d'Agglomération de Laval pour envisager la reprise du contrat Lepont. (...) il apparaît impossible d'accepter de nouveaux tonnages pendant la période des travaux en cours En revanche, dès la fin des travaux, c'est-à-dire courant avril prochain, nous pourrons mettre au point cette réunion de concertation ".

44. Le 23 février 2001, Ernée Viandes propose une rencontre en mars en vue d'étudier la possibilité d'abattre à la STAL dès la fin des travaux. Au dos de ce courrier, transmis au président de la STAL par le directeur du développement économique à la CAL, figure une note manuscrite de ce dernier: "André, je te remercie de me prévenir lorsque tu jugeras qu'il est temps de recontacter ensemble Ernée Viandes. Pour ma part je souhaite que cela n'intervienne pas avant que l'on soit sûr de la fin des travaux ".

45. Le 17 avril 2001, Ernée Viandes écrit au président de la STAL, copie de cette lettre étant adressée à M. J..., directeur du développement économique à la CAL : " Lors des différents contacts que nous avons eu ensemble, vous nous aviez confirmé que nous pourrions utiliser le contrat d'abattage, repris avec le fond de commerce de la société EURL Lepont, dès la fin des travaux de modernisation de l'abattoir. Afin de mettre au point les conditions de notre collaboration et étudier la possibilité d'augmenter les volumes prévus dans ce contrat, nous aimerions vous rencontrer avec Monsieur J..., administrateur de la Communauté de l'Agglomération Lavalloise ".

46. Le 18 avril 2001, le président de la STAL, lui répond en ces termes : " (...) il m'apparaît nécessaire de vous rappeler que dans un dossier aussi sensible que celui-ci, les confirmations de quel ordre qu'elles soient se font par écrit. (en caractères gras et souligné dans le texte). A ce jour, deux courriers ont confirmé la position du Conseil d'administration de la STAL dans cette affaire : -1-Celui du 20 avril 2000 qui précisait que dans l'état actuel du démarrage des travaux qu'il n'était pas possible d'envisager de faire plus et ce, pendant au moins (en caractères gras et souligné dans le texte) 1 an. -2- Celui du 21 novembre, via la Juridique du Maine en réponse au litige juridique nous opposant relatif à la convention d'apport de Lepont. S'agissant de nos différents contacts, soit par téléphone, soit sur le site de l'abattoir, ma position à votre égard a toujours été claire à savoir : Ce dossier ne peut être géré que dans le pur respect des dispositions statutaires. Rien ne peut se décider sans l'accord unanime des membres du Conseil d'Administration de la STAL. Aujourd'hui, et conformément à mon courrier du 20 avril 2000, vous reprenez contact par écrit avec la STAL pour faire un point technique de la situation des travaux : ceux-ci ne sont toujours pas terminés. Par ailleurs, le Conseil d'Administration se prononcera prochainement sur la relance de votre demande d'abattage ".

47. Le 18 avril 2001 également, le directeur du développement économique à la CAL, a invité le président de la CAL, M. X... (STAL), M. Z... (Mayenne Viande), M. D... (Privileg) à une réunion pour le 20 avril 2001 à l'Hôtel de Ville de Laval ayant pour thème "le dossier ERNEE VIANDES et plus particulièrement la reprise du tonnage Lepont." Dans le compte-rendu manuscrit de cette réunion établi par le président de la STAL figurent ces mentions : " - historique engagements de tonnages avec les cautions. (...) - le positionnement d'Ernée Viandes et Poirier (1) au niveau D production, pas de concurrence amont-aval". La SARL Poirier, implantée dans le Maine et Loire, a demandé à la STAL, par un courrier du 24 avril 2001, d'abattre des porcs sur le site de Laval. Concernant cette demande, le président de Privileg a déclaré à l'enquêteur :"La position de la STAL à l'égard de la demande de la SARL Poirier a été un refus".

48. Le directeur général de la CAL écrit, le 30 avril 2001, à Ernée Viandes : " Pour faire suite à nos différents échanges et après concertation avec la STAL et les usagers de l'abattoir, il apparaît qu'à l'issue prochaine des travaux, le tonnage effectué sera de 26 000 T réelles pour aller très vite vers la fin de l'année vers les 30 000 T. En l'état actuel, il apparaît donc difficile d'accepter physiquement de nouveaux tonnages ".

49. Le compte rendu d'une réunion du bureau de la STAL,en date du 31 mai 2001, porte des notes manuscrites intitulées " Questions diverses ", notamment cette mention : "Dossier Ernée Viandes sera réexaminé une autre fois (toujours situation travaux justifie fin juin début juillet 2001)". Pourtant ce même compte-rendu présente une situation comptable au 30 avril 2001 avec une prévision de perte d'exploitation de -1 984 kF.

50. A ce propos, M. X... a déclaré, le 23 août 2001 : " Lors du dernier C. Adm. de la Stal (le 31 mai 2001), les administrateurs ont décidé de maintenir à l'égard d'Ernée Viandes une position (non-acceptation en raison des travaux) déjà développée précédemment ". Ainsi, le président de la STAL présente cette décision du seul bureau comme une décision du conseil d'administration.

51. Le 14 juin 2001, le président de la STAL, écrit au directeur du développement économique à la CAL, en ces termes : " (...) qu'en cas de réponse négative à la demande d'Ernée Viandes, qu'il était nécessaire de : - S'assurer à l'égard de M. M... que l'intégralité du tonnage fiscal disponible, soit environ 3 800 t/an, soit affectée auprès des usagers de l'abattoir. Qui fait quoi et combien ? - Que cette affectation soit actuelle ou à court terme et assorties de garanties afin d'assurer à la STAL sa pérennité ainsi que l'équilibre des remboursements d'annuités d'emprunts. - Qu'à défaut, la Sté Lepont pourrait justifier d'un éventuel préjudice par refus au regard de la Sté STAL qui est affermée d'un abattoir public ".

52. Le 17 juin 2001, le directeur du développement économique à la CAL, répond par une mention manuscrite portée sur la lettre de la STAL : " André, Pour moi le tonnage libéré par Lepont ne représente que 1 250 T (tonnage fiscal). Je suis donc surpris des 3 800 T annoncées. Ceci dit, je suis d'accord sur le fond, je pense que c'est à toi, en CA, d'affecter ce tonnage libre en accord avec l'ensemble des usagers. Par la suite, je prendrai les avenants aux conventions nécessaires".

53. Le rapport du conseil d'administration de la STAL à l'assemblée générale ordinaire du 28 juin 2001 concernant l'année 2000 fait de nouveau état de la baisse d'activité par rapport à 1999 : - 12,2 % pour les porcs et - 14,3 % pour les coches.

54. Le 14 septembre 2001, Ernée Viandes écrit à la STAL et au président de la CAL, pour renouveler sa demande d'abattage, en estimant ses besoins à 4 000 T par an.

55. Le 20 septembre 2001, M. N..., vice-président de la CAL, écrit à l'ensemble des usagers concernés par les conventions d'engagement de 1994, à savoir Mayenne-Viande, Fermiers de l'Erve, Alsace-Viande, ABG Mochel, Brévial, Privileg. Il rappelle les termes de la convention d'engagement d'apport de 1994, le tonnage d'engagement stipulé dans cette convention et ses éventuels avenants, et les reconduit pour 7 ans en ces termes : " Désormais les travaux d'extension et de mise aux normes de l'abattoir étant terminés, il convient de préciser que le point de départ du délai de 7 ans est fixé au 13 juillet 2001, date de réception de l'ensemble des travaux".

56. Le 1er octobre 2001, M. N... adresse deux courriers. Le premier, à Ernée Viandes, pour l'informer de ce qu'il a transmis à la STAL sa demande d'abattage afin qu'elle soit instruite. Le deuxième à la STAL, rédigé en ces termes : " (...) Je viens d'écrire à chaque usager de l'abattoir, titulaire d'une convention d'engagement d'apport, pour leur préciser que leur engagement de tonnage d'une durée de 7 ans débutait à compter de cette date. Il y a donc lieu de s'assurer que la totalité des engagements souscrits soit bien respectée. Pour autant le tonnage de la société Lepont s'avère non encore affecté. A ce propos, la Société Ernée Viandes qui a repris les activités Lepont, bien qu'il n'ait pas à l'origine souhaité reprendre le tonnage correspondant (1 250 tonnes fiscales d'engagement), vient par courrier du 14 septembre 2001 de renouveler sa demande d'abattre à l'abattoir public de Laval. Je vous transmets donc ce courrier en vous demandant de l'examiner dans un souci de bonne gestion, s'agissant d'un équipement public dont vous avez en charge l'exploitation ".

57. Forte de l'invitation de M. N... à contacter la STAL, la société Ernée Viandes lui adresse à cette dernière une nouvelle demande, le 24 octobre 2001 : " Il semble que le contrat de 1 250 tonnes que nous avions dans la reprise du fond de commerce Lepont est toujours disponible. En conséquence de quoi, nous souhaitons l'utiliser dès la semaine prochaine, car les différents blocages qui nous empêchent d'abattre à l'abattoir public de Laval ne nous permettent pas de travailler normalement et nous pénalisent. Nous vous remercions de bien vouloir nous communiquer les formalités à accomplir pour l'établissement du cautionnement ou autres garanties bancaires ".

58. Pourtant, dans une lettre manuscrite qu'il adresse à Ernée Viandes le 27 octobre 2001 le président de la STAL répond à nouveau par une fin de non-recevoir : " Il est impossible techniquement de répondre favorablement à cette demande ", arguant de la saturation de l'abattoir pour la semaine 44 en raison du décalage d'abattages induit par le jour de la Toussaint.

59. Le président de la STAL a déclaré à ce propos lors de son audition, le 23 août 2001: "Pour bénéficier des services de la STAL, les statuts de la Stal prévoient qu'il faut être dans la filière viande (production ou transformation). Les décisions d'accueillir à la STAL ou de rechercher de nouveaux clients sont prises à l'unanimité du Conseil d'Administration. En cas de demande d'abattage à la STAL supérieure à son offre, la STAL considère que la priorité doit aller à ceux qui sont en place. (...) Aujourd'hui, à ce jour, le dossier n'a pas été réouvert ".

60. Lors d'une nouvelle audition le 30 août 2001, il a confirmé que les tonnages libres étaient répartis par un tour de table avec les usagers privilégiés : "Les travaux faisaient que ça bloquait à plusieurs niveaux et par phases successives : au niveau chambre froide, chaîne d'abattage, boyauderie, abats, etc (...). Aujourd'hui, je me dois d'analyser, de refaire un tour de table avec les principaux usagers de l'abattoir titulaires d'un engagement et dont les engagements cumulés égalent 28 000 T fiscales. C'est uniquement après cela qu'on saura s'il y aura des tonnages "libérés". Notre client Alsace Viande n'est plus là depuis février 2000. Cette situation justifie le tour de table dont il a été fait état précédemment".

61. Le président de la société Privileg a déclaré, le 30 août 2001 : " Au plan juridique, Privileg a repris le tonnage de M. F... quand celui-ci a cessé son activité. Dans les faits, la reprise était en partie antérieure en raison de l'engagement conjoint et solidaire entre Privileg et M. F... Aujourd'hui, le tonnage fiscal de la Stal (28 000 T) est complètement pris par les utilisateurs actuels. Depuis 1999, aucun tonnage n'est libre. (...) A mon sens, l'entrée de tout nouveau client pour l'abattage d'animaux à la Stal implique l'accord unanime des membres du CA de la Stal ".

62. Pour sa part, le président de Mayenne Viande a déclaré, le 24 août 2001 : " La non - acceptation d'Ernée Viandes à la STAL a plusieurs raisons : leur courrier de "désengagement", les problèmes de responsabilité de gestion de l'outil Stal par les 3 principaux clients, ensuite les travaux. A la fin des travaux (54 MF), la Stal a pour obligation de saturer son outil de production : saturer implique un tonnage de 28 000 T environ. (...) A la fin des travaux, c'est-à-dire actuellement, on est déjà à saturation par rapport à notre outil de production. (...) Je considère qu'en cas de rareté de l'offre d'abattage, priorité doit être donnée aux acteurs en place dans la limite de leurs engagements ". Il indique aussi que les tonnages d'ABG Mogel et d'Alsace Viande lui appartenaient en vertu de l'engagement solidaire de tonnages passé avec elles en 1994 où, selon lui : " ...il était écrit qu'en cas de disparition de Fermiers de l'Erve ou ABG Alsace viande, celui qui restait prenait le tonnage disponible ".

63. Entendu de nouveau, le 24 octobre 2001, il a reconnu, d'abord, qu'il n'aurait donné qu'oralement son accord pour la reprise des engagements de tonnage des " Alsaciens " suite aux courriers de M. Y..., du 4 avril 2000, qu'il n'avait jamais versé de cautionnement pour cette reprise et que " Lors du CA de la STAL du 24/05/00 j'ai volontairement pas fait état de ces courriers ". A propos de la revendication d'Ernée Viandes, il a ajouté : " Par rapport à la demande d'Ernée Viandes pour abattre à la Stal, il n'y a pas eu d'évolution de la Stal et de ses administrateurs par rapport à la situation antérieure, les dossiers sont en cours d'étude près d'avocats ".

64. Par ailleurs, les intéressés ont avancé des raisons techniques pour justifier les refus opposés à Ernée Viandes. Ainsi, M. D..., président de Privileg : "L'organisation technique de la Stal rend difficile l'abattage d'animaux par des entreprises autres que Privileg et Mayenne Viande. Il faut noter que pour Brévial et ABG, les animaux sont "suivis" sur le site d'abattage par Mayenne Viande ".

65. Pour M. X..., président de la STAL: "L'abattoir de Laval est équipé actuellement pour 2 clients sédentaires : Mayenne Viande et Privileg. Actuellement, les porcs d'ABG sont pris en charge par Mayenne Viande au niveau gestion viande et abats. Pour Brévial, la Stal n'abat que des coches, les abats vont vers le "Pet-Foods", les coches sont stockées 1 jour ou 2 en chambre froide. Elles sont chargées par nos soins une fois la semaine. (...) Si Ernée Viandes venait, il faudrait trouver dans la zone d'expédition de l'espace disponible et les aménagements appropriés. En tout état de cause, il resterait en suspens la problématique des abats."

Les constatations relatives aux avantages tarifaires procurés aux usagers et au déficit de la STAL.

66. La société Ernée Viandes a fait valoir que, faute d'avoir accès aux services de l'abattoir de Laval, elle a dû faire abattre auprès d'un abattoir privé, Abera, situé à 40 km d'Ernée, à un coût supérieur à celui de la STAL. Dans un courrier adressé à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à Paris, en date du 16 juillet 2001, Ernée Viandes expose : " l'impossibilité d'abattre à Laval nous coûte 46 F par porc, soit 32 200 F pour 700 porcs/semaine, 1 674 400 francs pour une année ".

67. Sur la base de ses tarifs au 1er juin 2001 le coût d'abattage hors TVA à la STAL ressort à 53 francs pour un porc de 85 kg de carcasse (0,5629 x 85 + 5,15). Ernée Viandes a produit au 10 août 2001 un décompte relatif au différentiel entre Abera et la STAL, avant la hausse STAL de juin 2001. Le tarif Abera aboutit, pour un porc de 85 Kg carcasse, à un coût de 57,80 francs, soit un écart de + 9,05 % par rapport à la STAL. Par ailleurs, Abera n'inclut pas les abats (5ème quartier), au contraire de la STAL. Sur les factures Abera produites par Ernée Viandes le coût de la prestation d'abattage ressort effectivement à 0,68 francs par kg, non inclus la taxe Anda mais y compris le chargement des carcasses et sans récupération du 5e quartier. Comparativement, la STAL assure la même prestation pour 43,10 francs d'abattage (0,352 + 0,155) x 85), auxquels s'ajoutent 5,10 francs de chargement (6 centimes par kg), soit un total par porc de 48,20 francs. L'écart avec Abera ressort ainsi à 9,60 francs par porc, soit 19,9 %. A propos des tarifs, les déclarations suivantes ont été recueillies.

68. M. X..., président de la STAL : "Les tarifs pratiqués par la Stal pour ses usagers sont librement déterminés par ses soins. Les tarifs pratiqués sont ceux que l'on retrouve couramment dans les abattoirs publics. Les abattoirs privés sont généralement moins chers que nous, car ils sont "mono-espèces" (...). En termes de coût d'abattage, le coût est moindre dans le secteur privé, ceci est vrai surtout en porcs charcutiers. Par contre, la marge peut être supérieure à celle de la Stal".

69. M. Z..., président de Mayenne Viande : "Je m'explique mal le différentiel de coût existant entre la Stal et d'autres abattoirs. Il faut savoir qu'à la Stal, le service s'arrête au ressuyage. Si Ernée Viandes était à la Stal, il faudrait 4 personnes d'Ernée Viandes sur le site d'abattage. Par ailleurs, la marge sur le 5e quartier est faible."

70. La question des tarifs de la STAL a été abordée à plusieurs reprises au cours de la période en cause en considération de la situation économique dégradée de l'abattoir. On constate, en effet, depuis 1996, une dégradation nette du résultat d'exploitation de la STAL qui a été de - 296 kF en 1996, -185 kF en 1997, -168 kF en 1998, -334 kF en 1999 et -1 111 kF en 2000. Le compte de résultat prévisionnel établi par la STAL pour 2001, sur la base des tonnages réalisés au 30 avril 2001, fait ressortir une perte d'exploitation de 1 410 kF. Les difficultés de l'exploitation, et les résultats négatifs qui en résultent dès le 1er trimestre 2000, sont exposées au conseil d'administration de la STAL du 24 mai 2000. Pourtant, le vote des administrateurs écarte la revalorisation des tarifs demandée par leur président.

71. Au vu de la situation comptable au 31 décembre 2000 (-389 kF en capitaux propres), l'assemblée générale extraordinaire de la STAL a eu à se prononcer sur la dissolution anticipée ou la poursuite de la société, à charge pour elle de redresser la situation dans les deux ans. Le président de Mayenne Viande, a précisé à ce sujet, le 24 octobre 2001 : "Concernant les résultats de la STAL, il a été décidé de se donner un délai de 2 ans pour remettre les comptes à "flot" : cela implique une revalorisation des tarifs" .

72. La STAL a produit des éléments de comptabilité analytique. L'examen des données relatives au 1er trimestre 2000, fait ressortir des déficits importants, notamment pour les activités porcs et coches. Globalement, le résultat est encore fortement déficitaire. Le nombre de tonnes d'abattage vendues pour l'activité porc est nettement inférieur au seuil de rentabilité, on constate un déficit moyen de 400 tonnes (1 103 T réalisées alors que le seuil de rentabilité est de 1 501 T).

73. Le déficit enregistré au cours de l'année 2000 était donc perceptible dès le 1er semestre 2000 Ainsi, dans le document annexe au procès verbal de réunion du conseil d'administration du 24 mai 2000, il est fait état de diverses charges (dioxine, vache folle) qui ne sont pas répercutées dans les tarifs, de l'état économique désastreux du service boyauderie, de la faiblesse des tonnages et de la nécessité de retrouver 32 à 40 T de volume.

74. Le 9 novembre 2000 au cours d'une réunion de bureau de la STAL, son président a annoncé une perte prévisible de 1 040 kF pour l'année 2000, à laquelle s'ajoutait une perte spécifique de 200 kF lié à l'impact financier de la crise de la vache folle.

75. Or les membres du bureau de la STAL se sont refusés à adopter les mesures de gestion nécessaires à un retour à l'équilibre, telles que proposées lors du conseil d'administration de la STAL, notamment la répercussion dans les tarifs de charges nouvelles, la recherche de volumes manquants pour compenser des heures d'abattage non effectuées, pour combler le sous-emploi des capacités, et instaurer une tarification de la main-d'œuvre pour les prestations de boyauderie - triperie, jusque là fournies gratuitement.

76. Le 24 mai 2000 le compte-rendu du conseil d'administration de la STAL concluait : " L'impact de ces propositions permet un retour instantané à l'équilibre fondamental du compte de résultat. Les redevances demandées qui consolideraient les tarifs actuels demeureraient néanmoins très compétitives en comparaison à celles pratiquées dans d'autres abattoirs de même capacité. Monsieur X... précise que d'autres abattoirs, qu'ils soient publics ou privés, ont déjà pris des décisions adéquates s'agissant des surcoûts liés à la crise de la filière ".

77. Pourtant, le procès-verbal de la réunion de bureau de la STAL du 24 août 2000, à laquelle ont participé MM. X... (STAL), Z... (Mayenne Viande), A... (Fermiers de l'Erve), D... et C... (Privileg) mentionne : " Le Président rappelle les conclusions du précédent conseil d'administration du 24 mai et l'urgence à mettre en œuvre ces mesures pour arrêter au plus vite le déficit qui ne cesse de se creuser. Les membres du bureau refusent à l'unanimité d'apporter des correctifs nécessaires malgré les informations claires apportées par la comptabilité analytique notamment concernant l'équilibre économique de la boyauderie triperie. Les membres du bureau proposent au président d'alerter la Communauté de Communes, afin qu'une aide financière soit décidée à l'égard : - de la STAL...- des usagers..."

78. Cette position est réitérée lors du bureau du 9 novembre 2000 auquel ont participé MM. X... (STAL), Z... (Mayenne Viande), A... (Fermiers de l'Erve), D... (Privileg) : " Les membres du bureau décident de ne prendre aucune décision avant le 31 mars 2001, date prévisionnelle de la fin des travaux, ainsi que de la bonne fin ou pas du dossier CCPL. Le président fait entendre son désaccord concernant cette position qui est maintenue depuis le 23 mai 2000 et qui est contraire à l'éthique d'un administrateur responsable de la gestion d'une société, et insiste sur les conséquences induites d'un bilan à capitaux propres négatifs et sur les difficultés de la trésorerie à venir. Il précise aussi, que les premiers mois de l'année 2001 seront à l'image de cette position. L'éternel problème de la boyauderie a été évoqué, aucune idée nouvelle n'est proposée, cette situation demeure récurrente. Le président rappelle qu'il faudra le plus tôt possible se pencher véritablement sur ce problème, afin d'y trouver d'éventuelles solutions, la Stal n'a pas le droit de fournir de la main d'œuvre gratuite à ses usagers, il faudra accepter ces coûts ou fermer ce service ".

79. Le compte rendu de réunion du bureau de la STAL du 31 mai 2001, confirme les prévisions de M. X... : " Mettre l'accent sur la perte réelle que cette année 2000 aurait enregistré, si nous n'avions pas eu le concours de la communauté d'agglomération. (...) Il y donc nécessité urgente de rétablir l'équilibre, compte tenu :1 - du mauvais exercice 2000, 2 - de la perte enregistrée depuis fin avril, 3 - à l'égard du contrat d'affermage, dont nous sommes signataires avec la Communauté d'Agglomération. (...). Il reste l'éternel problème du service de boyauderie triperie qui coûte 120 à 140 KF par mois, il convient donc comme nous le disons maintenant depuis plus d'un an, de mettre en place une contrepartie partielle de coût de main d'œuvre (...) dans les conditions suivantes : (...) Porc 1,80 F par pièce ".

80. M. X... a déclaré, le 23 août 2001 : "Les résultats d'exploitation négatifs de la Stal sont dus à la difficulté de faire accepter aux principaux utilisateurs les hausses émanant du contexte environnemental actuel (impossibilité de répercuter dans les délais normaux les surcoûts rencontrés)".

81. Ainsi, on constate une dégradation continue des résultats due, notamment, alors que les chiffres d'affaires baissent, au déficit de rentabilité des différentes activités, principalement l'abattage des porcs. Ce sont les "apports" en produits exceptionnels issus de la gestion d'années antérieures qui ont momentanément permis de limiter l'impact des pertes d'exploitation sur le résultat net. Le président de la STAL s'est efforcé de convaincre les principaux associés-clients de la STAL de répercuter les coûts subis en amont dans les tarifs, mais ceux-ci ont refusé.

82. A défaut de décider les mesures tarifaires appropriées, la STAL a obtenu le concours financier de la CAL. Ainsi, M. X... a rappelé au bureau du 31 mai 2001 que, sans le concours de la CAL, les pertes réelles pour l'année 2000 eussent été supérieures à celles constatées. Lors de la réunion du 24 août 2000, le bureau a opté pour la demande d'une aide financière de la CAL au profit non seulement de la STAL, mais aussi des usagers.

83. L'examen des données relatives au budget de l'abattoir, permet de constater que la STAL n'a pas reversé la taxe foncière à la CAL en 1998 (le montant de taxe foncière a été de 98 396 F en 1999) et que la CAL a fait bénéficier la STAL de subventions d'investissements à hauteur de 4 040 KF.

84. L'ordre du jour du conseil communautaire de la CAL du 18 janvier 2001 est : "Laval - Abattoir Public - préjudice pour travaux en cours Mesures financières en faveur de la Stal." A cette occasion, le conseil communautaire a accordé une subvention exceptionnelle de 230 000 francs à la STAL pour compenser le préjudice subi pendant les travaux de rénovation. Il apparaît, à l'examen de l'extrait du registre des délibérations, qu'il est fait état de contraintes d'exploitation liées aux travaux, d'une augmentation de la consommation d'eau (+136 KF) et de manutention complémentaire (+ 166 KF). Sur aucun des deux comptes-rendus des réunions de bureau de la STAL en date des 24 août et 9 novembre 2000, à l'occasion desquelles il a été décidé de prendre contact avec la Communauté pour trouver des solutions s'agissant des surcoûts engendrés par les travaux, il n'est pourtant fait référence à une surconsommation d'eau. Le Conseil a aussi accordé à la CAL, à titre exceptionnel pourtant, le reversement de sa taxe foncière (98 602 F) pour l'année 2000.

D. Les griefs notifés

85. Sur la base des faits ci-dessus exposés, le rapporteur a notifié les griefs suivants sur le fondement des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce :

- à la Communauté d'agglomération de Laval, en premier lieu, d'avoir passé et maintenu des conventions d'engagements de tonnage directement avec les principaux clients de la STAL, lesquelles conventions, si elles n'ont pas un objet anticoncurrentiel, ont toutefois pour effet de réserver des quotas d'activité auprès de l'abattoir de Laval au bénéfice des titulaires de ces engagements, ces quotas représentant 80 % des capacités de cet abattoir ; en deuxième lieu, par l'entremise de certains de ses représentants, d'avoir participé à une collusion et une action conjuguée avec la STAL et les principaux usagers de l'abattoir de Laval, qui a eu pour objet et pour effet de répartir entre ces usagers les tonnages libres et ceux correspondant à des engagements passés dans le cadre des conventions précitées par d'autres usagers ; en troisième lieu, par l'entremise de certains de ses représentants, d'avoir participé à une collusion et une action conjuguée avec la STAL et les principaux usagers de l'abattoir de Laval, qui a eu pour objet et pour effet de refuser à la société Ernée Viandes l'accès aux services de l'abattoir public de Laval.

- aux sociétés Alsace Viande et ABG Mochel d'avoir, par un accord écrit, réservé leurs quotas de tonnage résultant de leurs conventions d'engagements avec la CAL à la société Fermiers de l'Erve, permettant ainsi au groupe Fermiers de l'Erve/Mayenne Viande de porter leur quota au sein de l'abattoir à 36 % des capacités d'abattage. Alsace Viande ayant été absorbée par la SA ABG Mochel le grief a été notifié à cette dernière au titre des deux entités.

- aux sociétés Privileg, Mayenne Viande, Fermiers de l'Erve, et à la société Erve Finances, société holding, actionnaire principale des sociétés Mayenne Viande et Fermiers de l'Erve : en premier lieu, d'avoir passé des conventions d'engagements de tonnages, lesquelles conventions, si elles n'ont pas un objet anticoncurrentiel, ont toutefois pour effet de leur réserver des quotas d'activité auprès de l'abattoir de Laval, et d'avoir interprété ces conventions de telle sorte que les engagements détenus par d'autres usagers défaillants leur soient transférés, portant ainsi leurs quotas respectifs à 37,1 % pour Privileg et à 36 % pour le groupe Mayenne Viande/Fermiers de l'Erve ; en deuxième lieu, d'avoir participé à une collusion et une action conjuguée avec la STAL et la CAL qui a eu pour objet et pour effet de répartir entre elles les tonnages libres et ceux correspondant à des engagements passés dans le cadre des conventions précitées par d'autres usagers ; en troisième lieu, d'avoir participé à une collusion et une action conjuguée avec la STAL et la CAL, qui a eu pour objet et pour effet de refuser à la société Ernée Viandes l'accès aux services de l'abattoir public de Laval ; en quatrième lieu, d'avoir maintenu les tarifs de la STAL à un niveau artificiellement bas au regard des conditions d'exploitation devenues déficitaires depuis 1996, ce comportement ayant pour objet et pour effet de provoquer à leur avantage une distorsion de concurrence injustifiée.

- à la Société Technique d'Abattage de Laval (STAL) en premier lieu, d'avoir participé à une collusion et une action conjuguée avec ses principaux usagers - actionnaires et la CAL qui a eu pour objet et pour effet de répartir entre ces usagers les tonnages libres et ceux correspondant à des engagements passés dans le cadre des conventions précitées par d'autres usagers ; en deuxième lieu, d'avoir participé à une collusion et une action conjuguée avec ses principaux usagers - actionnaires et la CAL, qui a eu pour objet et pour effet de refuser à la société Ernée Viandes l'accès aux services de l'abattoir public de Laval dont la STAL est le fermier.

II. - Discussion

A. Sur la compétence

86. Les parties mises en cause soutiennent que les conventions d'engagements conclues entre les usagers de l'abattoir et la CAL constituent des actes administratifs imposés par l'arrêté ministériel du 30 juillet 1991, non détachables d'une mission de service public qui incombe à la collectivité locale et que, dès lors, il y a lieu de constater l'incompétence du Conseil de la concurrence pour apprécier les effets de ces conventions sur la concurrence. Elles contestent, sur ce point, la notification de grief qui soutient, au contraire, que ces conventions d'engagements constituent une intervention directe dans la gestion commerciale de l'abattoir et qu'elles participent d'une activité de production, de distribution et de services détachable de la mission de service public.

87. Le Conseil constate, en premier lieu, que la Communauté d'agglomération de Laval, a l'obligation, en tant que propriétaire d'un abattoir public, dont les services sont ouverts à tous les usagers, d'assumer les travaux importants nécessaires au maintien et à la modernisation d'installations consacrées au traitement de denrées destinées à l'alimentation humaine et soumises à des règles sanitaires strictes.

88. Le Conseil relève, en second lieu, que, pour garantir le financement de tels travaux, l'arrêté du 30 juillet 1991 fait obligation à la collectivité publique propriétaire d'obtenir de la part des usagers de l'abattoir des engagements d'apport de tonnage d'une durée minimum de 7 ans, garantis par une caution financière et dont la somme doit représenter au minimum 80% des capacités de l'abattoir.

89. En conséquence, les conventions d'engagement d'apport passées par la CAL avec des usagers de l'abattoir de Laval pour répondre aux prescriptions de l'arrêté constituent des contrats administratifs passés pour l'exécution d'une mission de service public. Le Conseil n'est donc pas compétent pour connaître de la validité, au regard du droit de la concurrence, desdites conventions, passées entre des usagers de l'abattoir et la Ville de Laval en 1994, ou de leurs avenants conclus en 1998 par la CAL.

90. Au surplus, ces conventions ont pour objet d'imposer des obligations aux usagers aux fins de garantir les investissements publics. Elles ne visent pas à répartir par avance la capacité de l'abattoir entre les usagers ni à écarter les demandes d'abattage faites par des usagers existants ou potentiels.

91. Il résulte de ce qui précède que le grief, notifié à la CAL et aux sociétés concernées relatif à la passation et au maintien des dites conventions, doit être écarté.

92. Le Conseil considère, en revanche, que l'application de ces conventions d'engagement qui a été effectuée et l'interprétation qui en a été donnée, entre août 1999 et février 2002, par la STAL, ses associés et usagers, ainsi que par trois des représentants de la CAL, sont le fait de personnes privées, et que les comportements relevés à ce titre sont détachables de la conclusion des conventions par la collectivité territoriale, et ne constituent ni des actes administratifs ni des actes relevant de l'accomplissement d'une mission de service public.

93. En conséquence, ces comportements, dès lors qu'ils sont susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles qui affectent le fonctionnement du marché en cause, peuvent faire l'objet d'un examen de la part du Conseil.

B. Sur la procédure

94. La société Ernée Viandes a adressé au Conseil de la concurrence des observations écrites complémentaires, le 19 mai 2004, soit un mois au-delà du délai qui lui était imparti après réception de la notification de griefs. En conséquence, ce document a été retiré du dossier.

C. Sur le fond

En ce qui concerne les marchés

95. Le marché susceptible d'être affecté par les pratiques examinées est celui sur lequel les sociétés Ernée Viandes, Privileg, Fermiers de l'Erve et Mayenne Viande sont en situation de se faire concurrence, en l'occurrence le marché de la commercialisation des viandes et sousproduits d'animaux de boucherie au stade de gros ou de demi-gros. Ces entreprises exercent la même activité de découpe et de préparation de viandes après abattage des animaux, en vue de la vente aux professionnels, bouchers, charcutiers et traiteurs, entreprises agro-alimentaires et grande distribution alimentaire.

96. Le marché ainsi défini est un marché régional. Dans une décision du 10 décembre 2003 relative à une concentration dans le secteur de l'abattage et de la découpe de porc, le ministre de l'Economie a ainsi relevé que les abattoirs achètent 90 % de leurs porcs vivants dans un rayon de 120 kilomètres autour de leurs installations. Il n'a pas été contesté par les parties, que sur l'aire de chalandise comprise dans un périmètre d'environ 120 km autour de la ville de Laval, où sont implantés l'abattoir de la STAL ainsi que les sociétés Mayenne Viande/Fermiers de l'Erve et Privileg, celles-ci sont parmi les principales concurrentes d'Ernée Viandes sise à Ernée, à 30 km de Laval.

97. L'accès au marché en cause suppose l'accès aux services des abattoirs situés dans la zone de chalandise commune à ces entreprises concurrentes. Dès lors, les conditions faites en amont quant à l'accès aux abattoirs, sont susceptibles d'affecter les modalités de la concurrence sur le marché aval où ces entreprises se confrontent entre elles.

En ce qui concerne le traitement discriminatoire des demandes d'abattage d'Ernée viandes

98. Il résulte des éléments précédemment relevés que, tant la STAL et les membres de son bureau, par ailleurs usagers de l'abattoir, que les trois représentants de la CAL, MM J..., K... et O..., ont interprété les dispositions des conventions d'engagement de telle sorte que les engagements d'autres usagers défaillants soient transférés à la société Privileg et au groupe Mayenne Viande/Fermiers de l'Erve, tandis que les demandes d'Ernée Viandes tendant à obtenir le transfert à son compte de l'engagement d'apport de la société Lepont ont été constamment repoussées sous divers prétextes.

99. En effet, par suite de la disparition de la société Lepont, la garantie que représentait pour la collectivité l'engagement d'apport de 1 250 tonnes qu'elle avait signé en 1994 n'existait plus. Afin de satisfaire aux obligations de service public incombant à la CAL dans la gestion de son équipement public, ses représentants auraient dû faire diligence pour substituer à la société Lepont un nouveau titulaire d'engagement d'apport, comme leur en faisait obligation le dernier alinéa de l'article 4 de l'arrêté du 30 juillet 1994 selon lequel : " L'engagement doit prévoir qu'en cas de cession le repreneur fasse siens les engagements préalablement souscrits " ainsi, d'ailleurs, que l'article 6 de la convention d'apport qui prévoit que : " l'entreprise s'engage à transférer la charge de ses engagements sur tout autre groupement qui lui serait substitué par fusion ou autre moyen juridique ".

100. Si, initialement, dans un premier courrier du 3 août 1999, la société Ernée Viandes a d'abord indiqué qu'elle n'était pas intéressée par les volumes antérieurement abattus par la société Lepont, il est établi que, dans les semaines qui ont suivi, elle a fait savoir au contraire qu'elle souhaitait reprendre ces tonnages, et qu'elle a constamment réitéré cette demande par la suite. Aucune ambiguïté n'est donc demeurée sur la volonté ferme de la société Ernée Viandes de reprendre le tonnage Lepont.

101. Ainsi, le 11 août 1999, M. K..., vice-président de la CAL, interroge le liquidateur de Lepont pour trancher entre les deux options qui s'offrent à lui : d'un côté la revendication d'Ernée Viandes sur le tonnage Lepont, de l'autre celle de Privileg au sujet de laquelle il précise qu'" avant de répondre favorablement à sa demande ", il souhaite savoir si le repreneur des actifs Lepont reprend également son engagement de tonnage avec la Ville.

102. Or, dès le 30 août 1999, Ernée Viandes répond par l'affirmative à cette question et se met à la disposition de la CAL en vue d'un rendez-vous pour mettre au point le dossier. Il est établi que copie de cette réponse faite au liquidateur a été transmise à M. K.... Pourtant celui-ci feint d'ignorer cette réponse et, le 12 octobre 1999, soit un mois et demi après, continue de se référer au premier courrier d'Ernée Viandes du 3 août, en écrivant à cette dernière qu'il prend " ...bonne note de votre souhait de ne pas reprendre les engagements de tonnage des établissements Lepont.. "..

103. Par la suite, de façon constante, Ernée Viandes exprime sans ambiguïté sa volonté de reprendre l'engagement d'apport de Lepont ou de faire abattre des animaux auprès de la STAL : le 13 octobre 1999 auprès de M. K..., par lettre recommandée ; le 27 juin 2000 au cours d'un entretien avec MM. K..., J..., directeur du développement à la CAL, et X..., président de la STAL ; le 1er février 2001, par lettre adressée à M. K... ; le 23 février 2001, par lettre adressée au président de la CAL ; le 17 avril 2001, par lettre adressée au président de la STAL et copie à la CAL ; le 14 septembre 2001, par lettres adressées au président de la STAL et au président de la CAL ; le 24 octobre 2001, par lettre adressée au président de la STAL.

104. Toutes ces demandes d'Ernée Viandes vont essuyer un rejet ou un report de leur examen à une date ultérieure pour différents motifs, aussi bien de la part des représentants de la CAL que de ceux de la STAL.

105. Concernant les représentants de la CAL, il est établi qu'ils ont, soit exigé d'Ernée Viandes le versement immédiat de la caution, sans même qu'ait été signée une convention d'engagement d'apport (M. K... le 11 août 2001), soit ignoré totalement les demandes de rendez-vous pour conclure une telle convention (M. K... le 12 octobre 1999), puis jusqu'en juin 2000 laissé sans réponse la lettre d'Ernée Viandes du 13 octobre 1999, soit invoqué l'impossibilité d'attribuer à Ernée Viandes du tonnage supplémentaire au motif que la capacité de l'abattoir aurait été saturée du fait des travaux ou des contraintes sanitaires (M. K..., le 6 juillet 2000 et le 14 février 2001, M. O..., directeur général de la CAL, le 30 avril 2001).

106. Le Conseil considère que les comportements ainsi adoptés par les représentants de la CAL sont discriminatoires.

107. En premier lieu, en tant que représentants de la collectivité locale, ils n'étaient compétents que pour transférer des obligations d'apport à la charge d'un usager incluses dans la limite de 80% minimum de la capacité de l'abattoir afin de reconstituer les garanties attachées au financement des investissements. En l'espèce, il revenait aux représentants de la CAL de reporter sur tout usager prêt à s'engager les obligations existantes et vacantes du fait de la défaillance de Lepont, à hauteur de 1 250 T.

108. Or, Ernée Viandes avait manifestement exprimé sa volonté de reprendre ces obligations. Pourtant, M. K... a ignoré cette demande et a agréé le transfert de fait du tonnage Lepont à Privileg. Cet agrément est explicite dans sa lettre du 11 août 1999, citée au paragraphe 25, lorsqu'il écrit, à propos de cette revendication de Privileg, " avant de répondre favorablement à sa demande...", manifestant ainsi sa connaissance de la demande de Privileg et son intention d'y répondre favorablement. Il est effectivement constant qu'ensuite Privileg a récupéré le tonnage Lepont au détriment d'Ernée Viandes.

109. En deuxième lieu, les représentants de la CAL n'ont opposé à cette reprise du tonnage Lepont par Privileg ni l'indisponibilité de capacités de l'abattoir pour cause de travaux, ni l'exigence de la passation d'une convention d'engagement ou d'un avenant à sa propre convention, ni l'exigence du versement de la caution financière. Ainsi la CAL ne disposait plus des garanties prévues par l'arrêté de 1991 sur 1 250 T représentant 193 750 francs, alors que ces arguments étaient opposés à Ernée viande.

110. En troisième lieu, les représentants de la CAL ont adopté le même comportement, exempt de toute exigence ou contrainte liée aux travaux lors du transfert des engagements de tonnage du groupe des " Alsaciens " (ABG et Alsace Viande) à Mayenne Viande via la société Fermiers de l'Erve.

111. En effet, c'est sur convocation du directeur du développement économique à la CAL, que s'est tenue la réunion du 27 juin 2000 avec MM K..., représentant la CAL, X..., président de la STAL, et Z... représentant Mayenne-Viande, Fermiers de l'Erve et le groupe des Alsaciens, dont l'objet est, sans équivoque, "Point sur le tonnage d'Alsace Viande et ABG". Le compte-rendu de cette réunion, établi par le directeur du développement économique à la CAL, constate que la SARL Fermiers de l'Erve a basculé son activité d'abattage sur Mayenne Viande, que Erve Finances a racheté Mayenne Viande et que le groupe Erve-Finances/Mayenne Viande va récupérer les engagements de tonnage de Fermiers de l'Erve et du groupe des Alsaciens. Il constate aussi la disponibilité de 50 % du tonnage d' Huvial et note " la possibilité de basculer le tonnage non réalisé vers d'autres utilisateurs potentiellement intéressés ".

112. Il est donc établi que la nouvelle répartition de tonnages au profit de l'ensemble Mayenne Viande-Fermiers de l'Erve est constatée et entérinée de facto au cours d'une réunion informelle organisée par la CAL, sans que soient exigés ni avenant à la convention d'engagement de Mayenne-Viande, ni versement de la caution bancaire correspondante. Le président de Mayenne Viande a reconnu, lors de son audition, n'avoir donné qu'un accord oral aux Alsaciens pour ce transfert et n'avoir pas versé la caution correspondante, qui ne lui a été réclamée ni par Alsace Viandes et ABG, ni par la CAL.

113. Concernant la STAL, il est établi qu'elle a opposé des refus successifs aux demandes d'Ernée Viandes, aussi bien au titre de la reprise des tonnages Lepont que pour des abattages sans référence expresse à ces tonnages, refus qui résultent de décisions prises en réunions de bureau de la STAL, lesquelles ont regroupé les mêmes membres : M. X..., président de la STAL, et les responsables des deux sociétés ou groupes de sociétés directement intéressés à l'affectation des tonnages disponibles : MM. Z... (Mayenne Viande), D... et Jean-Pierre C... (Privileg), A... (Fermiers de l'Erve). Ces refus ont été successivement motivés par la saturation des circuits, le déroulement des travaux et le respect des règles sanitaires, puis par l'exigence de demandes écrites et l'application des statuts de la STAL qui exigeraient un " accord unanime des membres du Conseil d'Administration de la STAL ".

114. Or, à aucun moment, ces mêmes motifs, n'ont été opposés aux demandes d'abattage des usagers habituels de la STAL, même pour des demandes allant au-delà de leurs engagements d'apport.

115. De plus, il est établi que les raisons invoquées par la STAL à l'égard d'Ernée Viandes sont fallacieuses et constituent, en réalité, des manœuvres dilatoires. En effet, à plusieurs reprises, soit au cours des réunions du bureau où les demandes d'Ernée Viandes sont rejetées, soit au cours de réunions du conseil administration, il est clairement signalé que l'abattoir manque de tonnages pour assurer son plein fonctionnement et l'équilibre de son exploitation. C'est le cas au conseil d'administration du 24 mai 2000, au bureau du 9 novembre 2000, au bureau du 31 mai 2001, dans le rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale ordinaire du 28 juin 2001. De même il est constaté, en juin 2000, que sont disponibles 50 % des tonnages Huvial, soit 875 tonnes annuelles. Enfin, il est établi que, sur la période concernée par les faits, la capacité totale de l'abattoir (28 000 T) a été sous employée, les tonnages abattus se sont élevés à 26 503 T en 1999, 24 009 T en 2000, 25 060 T en 2001, 24 990 T en 2002, étant rappelé que les travaux ont été achevés le 13 juillet 2001.

116. On relève enfin que les comportements discriminatoires relevés à l'encontre des représentants de la CAL, d'une part, de la STAL et des sociétés qui lui sont associées d'autre part, sont coordonnés entre eux. Outre la réunion commune du 27 juin 2000, on note ainsi que, le 23 février 2001 M. J..., directeur du développement économique à la CAL, écrit à M. X... : "André, Je te remercie de me prévenir lorsque tu jugeras qu'il est temps de recontacter ensemble Ernée Viandes. Pour ma part je souhaite que cela n'intervienne pas avant que l'on soit sûr de la fin des travaux." Le 18 avril 2001, a lieu une réunion commune, à l'initiative de M. J..., directeur du développement économique à la CAL, relative au "dossier Ernée Viandes et plus particulièrement la reprise du tonnage Lepont." et dont le compte rendu établi par le président de la STAL, comporte la mention : " -historique engagements de tonnages avec les cautions. (...)-le positionnement d'Ernée Viandes et Poirier au niveau D production. Pas de concurrence amont-aval".

117. La collusion entre la STAL et les représentants de la CAL est manifeste à la lecture de la lettre adressée, le 14 juin 2001, par le président de la STAL à M. J... de la CAL, et de la réponse de celui-ci. La lettre du 14 juin 2001 porte " (...) qu'en cas de réponse négative à la demande d'Ernée Viandes, il est nécessaire de : ?¨ S'assurer à l'égard de M. M... que l'intégralité du tonnage fiscal disponible, soit environ 3 800 t/an, soit affectée auprès des usagers de l'abattoir. Qui fait quoi et combien ? Que cette affectation soit actuelle ou à court terme et assortie de garanties afin d'assurer à la STAL sa pérennité ainsi que l'équilibre des remboursements d'annuités d'emprunts ". La réponse de M. J..., du 17 juin 2001, atteste qu'il agrée le montage envisagé : " (...) Ceci dit, je suis d'accord sur le fond, je pense que c'est à toi, en CA, d'affecter ce tonnage libre en accord avec l'ensemble des usagers. Par la suite, je prendrai les avenants aux conventions nécessaires ". Ainsi, par anticipation, il est prévu, afin de contrer la demande d'Ernée Viandes, avant la fin des travaux qui servent alors de prétexte pour repousser cette demande, d'affecter les tonnages disponibles entre les usagers-actionnaires de la STAL par délibération du conseil d'administration, puis d'officialiser cette répartition par des avenants appropriés passés avec la CAL.

118. Les parties en cause contestent le fait que l'interprétation et la gestion des conventions d'engagement d'apports et le rejet des demandes d'abattage d'Ernée Viandes résultent d'une action concertée. Elles font valoir, d'une part, que les transferts des engagements de tonnages des Alsaciens et de Lepont à Mayenne Viande/Fermiers de l'Erve et à Privileg sont légitimes et conformes aux dispositions de l'arrêté de 1991 ainsi qu'à l'application de l'article 6 des conventions d'engagement et des accords de solidarité passés entre usagers, soit par convention conjointe, tel l'accord entre M. F... et Privileg, soit par la mention qui en est faite à l'article 3 des conventions d'engagements, et, d'autre part, qu'il s'agit de décisions individuelles des intéressés.

119. Concernant le caractère unilatéral de ces décisions, le Conseil relève que si les transferts, par eux-mêmes, ne sont pas constitutifs d'un comportement anticoncurrentiel, en revanche, il est constant que ces transferts ont été entérinés sans condition au profit de Privileg et Mayenne Viande, tandis que les demandes d'abattage d'Ernée Viandes ont été assorties d'exigences particulières ou répétées pour des motifs qui n'ont pas été opposés aux autres usagers. Or, il a été démontré ci-dessus que le traitement des demandes d'Ernée Viandes résultait d'une concertation entre les parties mises en cause.

120. Au surplus, le Conseil relève que, dans leurs déclarations aux enquêteurs, M. X... et les responsables de ces sociétés ont reconnu que l'acceptation de nouveaux clients à la STAL résultait d'un " tour de table " entre les principaux usagers, associés dans la STAL, ou d'un accord " unanime " entre eux, certains ayant, d'ailleurs, prétendu que cette unanimité devait être réalisée au sein du conseil d'administration, alors qu'il a été constaté que les décisions d'écarter la demande d'Ernée Viandes ont été prises au niveau du seul bureau. Lors de sa déclaration du 23 août 2001, M. X... confirme encore cette concertation : "Lors du dernier C. Adm. de la Stal (le 31 mai 2001), les administrateurs ont décidé de maintenir à l'égard d'Ernée Viandes une position (non-acceptation en raison des travaux) déjà développée précédemment ".

121. Concernant l'argument tiré de l'application des conventions et de l'arrêté de 1991, le Conseil observe que la société Lepont s'était engagée, par convention passée avec la Ville de Laval, à un apport de tonnages d'abattage d'animaux à l'abattoir public de Laval, en contrepartie du versement d'un niveau de redevances garanti par une caution financière. Or, l'arrêté de 1991 dispose sans ambiguïté qu'en cas de cession le repreneur fait siens les engagements préalablement souscrits. En application de cette disposition, l'article 6 des conventions d'apport stipule que l'entreprise s'engage à transférer la charge de ses engagements sur tout autre groupement qui lui serait substitué par fusion ou autre moyen juridique, ce qui désigne, en l'espèce, la société Ernée Viandes. Le Conseil relève, en outre, qu'il est prévu, dans l'acte de cession du fonds de commerce de la société Lepont à Ernée Viandes, que cette cession entraîne " tous droits et prérogatives attachés à ce fonds et à prendre le titre de successeur du vendeur "., que l'acquéreur " reprendra et exécutera tous les contrats liés et nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce. Il s'engage en outre expressément à faire son affaire personnelle de leur poursuite, exécution ou résiliation à ses risques et périls et de telle manière que le vendeur ne soit jamais inquiété à ce sujet ". et qu'" Il fera son affaire personnelle et prendra à son compte les commandes et marchés passés par le vendeur (...). Il sera à ce titre subrogé purement et simplement dans tous les droits et obligations du vendeur ".

122. Concernant l'article 3 des conventions d'engagement, qui organise une solidarité entre certains usagers, le Conseil observe que cet article précise seulement que la réalisation effective des tonnages individuels du contractant par rapport à son engagement est examinée par rapport au tonnage global réalisé avec d'autres usagers solidaires, de telle sorte que si, par solidarité, ses partenaires ont compensé par leurs propres réalisations les manques de l'intéressé, celui-ci n'est pas tenu de verser la redevance compensatoire à la Ville. Ainsi cette disposition n'implique nullement qu'en cas de disparition d'une des sociétés engagées l'intégralité de ses engagements de tonnages soit automatiquement récupérée par les usagers dont elle était solidaire.

123. Il en est de même en ce qui concerne l'accord entre Privileg et M. F..., cité à l'article 6 bis de l'avenant à la convention d'engagement de tonnages de 1994 de Privileg, signé le 18 mai 1998 avec la CAL, qui signale l'existence d'une convention de gestion commune de tonnage, laquelle prévoit qu'au cas où le tonnage de l'un soit insuffisant, il puisse être complété par l'autre après que le premier a averti le second dans un délai raisonnable. Au surplus, cette convention a été passée avec M. René Claude F.... En revanche, la convention d'engagement d'apport conclue entre la Ville de Laval et la société Lepont ne comporte aucun accord de gestion solidaire de tonnages avec Privileg. En conséquence, la convention entre M. F... et Privileg ne saurait, en tout état de cause, engager la société Lepont et n'est donc pas opposable à la société Ernée Viandes qui a recueilli par voie de cession les actifs de la société Lepont avec les droits et obligations y afférents.

124. le Conseil relève, de surcroît, en premier lieu, qu'à plusieurs reprises, entre août 1999 et août 2001, les représentants de la CAL, notamment M. K..., ont eux-mêmes évoqué, dans les courriers adressés à Ernée Viandes, la possibilité de lui transférer la convention Lepont. En deuxième lieu, le 20 septembre 2001, M. N..., vice-président de la CAL, a reconduit en l'état les conventions d'engagement de 1994 auprès des six usagers concernés, considérant ainsi qu'Alsace Viande et ABG Mochel étaient toujours personnellement titulaires de leurs engagements de tonnage. Puis, dans son courrier à la STAL du 1er octobre 2001, M. N... indique que le tonnage de la société Lepont s'avère non encore affecté, rappelle que la société Ernée Viandes a repris les activités Lepont, informe M. X... que, par courrier du 14 septembre 2001 cette société a renouvelé sa demande d'abattre à l'abattoir de Laval, et conclut : " Je vous transmets donc ce courrier en vous demandant de l'examiner dans un souci de bonne gestion, s'agissant d'un équipement public dont vous avez en charge l'exploitation ".

125. Enfin, dans ses observations écrites, le représentant de la CAL confirme que celle-ci considère comme non avenus les transferts d'engagements de tonnages opérés au profit des sociétés Privileg et Mayenne Viande : " La CAL n'a jamais approuvé les cessions de tonnages sous convention intervenues entre les usagers de l'abattoir de Laval au cours de la période considérée. Du point de vue de la CAL, et comme l'a très justement relevé la DDCCRF, ces cessions n'ont en réalité aucune existence juridique ".

126. Par ailleurs, les parties mises en cause contestent avoir réparti entre elles la totalité de la capacité de l'abattoir de façon concertée.

127. Le Conseil relève, à cet égard, en premier lieu, que dans la gestion des tonnages de l'abattoir, la STAL a réparti entre ses usagers-associés la capacité totale déclarée de celui-ci sur la base du pourcentage de tonnages d'engagement détenus par chacun, bien qu'aucune disposition ni des conventions d'engagements, ni des statuts de la STAL, ni de la convention d'affermage ne prévoie une telle redistribution de la capacité de l'abattoir. En deuxième lieu, les intéressés ont confirmé aux enquêteurs qu'ils assimilent leurs engagements de tonnages à des quotas ou à une part réservée dans la capacité totale de l'abattoir. Ainsi M. Z..., président de Mayenne Viande, déclare que sa société " dispose aujourd'hui d'un quota...au total de 10 100 tonnes.. ". ; M D..., président de Privileg, indique " Aujourd'hui, le tonnage fiscal de la STAL (28 000T) est complètement pris par les utilisateurs actuels.. ". et M. X..., président de la STAL, précise : " les usagers de l'abattoir ...dont les engagements cumulés égalent 28 000 tonnes fiscales ".

128. En troisième lieu, les parties exposent elles-mêmes dans leurs observations écrites, que la notion de tonnages dits libres est inexistante puisque, par nécessité, toute la capacité disponible est déjà utilisée par les usagers habituels. Le traitement de faveur consenti à ces usagers est confirmé par leurs déclarations. M. X..., président de la STAL, a ainsi déclaré, le 23 août 2001: "Pour bénéficier des services de la Stal, les statuts de la Stal prévoient qu'il faut être dans la filière viande (production ou transformation). Les décisions d'accueillir à la Stal ou de rechercher de nouveaux clients sont prises à l'unanimité du Conseil d'Administration. En cas de demande d'abattage à la Stal supérieure à son offre, la Stal considère que la priorité doit aller à ceux qui sont en place." Pour M. D..., société Privileg " (...) Depuis 1999, aucun tonnage n'est libre. (...)A mon sens, l'entrée de tout nouveau client pour l'abattage d'animaux à la Stal implique l'accord unanime des membres du CA de la Stal ". M. Z..., sociétés Mayenne Viande et Fermiers de l'Erve, " considère qu'en cas de rareté de l'offre d'abattage, priorité doit être donnée aux acteurs en place dans la limite de leurs engagements ". Enfin, M. X..., déclare le 30 août 2001 : " Aujourd'hui, je me dois d'analyser, de refaire un tour de table avec les principaux usagers de l'abattoir titulaires d'un engagement et dont les engagements cumulés égalent 28 000 T fiscales. C'est uniquement après cela qu'on saura s'il y aura des tonnages "libérés". Notre client Alsace Viande n'est plus là depuis février 2000. Cette situation justifie le tour de table dont il a été fait état précédemment ".

En ce qui concerne les avantages tarifaires procurés aux usagers de la STAL

129. M. X..., président de la STAL, a déclaré, lors de son audition du 23 août 2001 : " Les tarifs pratiqués par la STAL pour ses usagers sont librement déterminés par ses soins. Les tarifs pratiqués sont ceux que l'on retrouve couramment dans les abattoirs publics ". De même, les sociétés Mayenne Viande et Fermiers de l'Erve, associées dans la STAL, précisent dans leurs observations que la fixation des tarifs relève de la seule responsabilité de la STAL.

130. Les parties contestent l'avantage que leur procureraient les tarifs pratiqués par la STAL. Elles soutiennent que ces tarifs sont au moins équivalents aux tarifs de l'abattoir Abera auprès duquel Ernée Viandes faisait abattre ses animaux et, font état de coûts qui n'auraient pas été pris en compte dans la notification de griefs.

131. Le Conseil relève que, sur la base des éléments recueillis par le service d'enquête, l'écart de prix entre Abera et STAL a été évalué à 19,9 %, en tenant compte de la non récupération des abats par l'usager chez Abera, hors taxe Anda et en incluant le chargement des carcasses. Les parties, quant à elles, font état du " ressuage ", qui n'est pas pratiqué chez STAL et doit donc être soustrait au prix Abera, de même qu'il convient d'ajouter au prix STAL les frais de pesée et de consigne ainsi que le personnel de l'usager mis à disposition de la STAL, ces frais étant compris dans le prix Abera. Elles ajoutent aussi diverses redevances et taxes perçues auprès des usagers.

132. Le Conseil relève, en premier lieu, que les redevances et taxes (taxe nationale et taxe locale usage porcins, redevance sanitaire de contrôle des résidus, redevance sanitaire d'abattage porcin) sont nécessairement perçues auprès des usagers d'Abera et qu'il convient donc d'effectuer des comparaisons hors taxes et redevances. Ainsi, l'abattage simple, hors taxes et redevances, mais frais de pesée inclus, ressort à 62,48F par porc chez Abera contre 32,63 francs chez STAL, sur la seule base des éléments recueillis par le service d'enquête, soit un écart de 47,77 % en faveur des usagers de l'abattoir de Laval.

133. En deuxième lieu, si on prend en compte, comme le demandent les parties, les frais de consigne, de chargement, de personnel mis à disposition par l'usager, frais évalués à + 7,08 F par Privileg, en supposant que ces coûts sont inclus dans le tarif facturé par Abera, et si l'on tient compte du ressuage chez Abera, évalué à +9,46 par Privileg, en déduisant l'avantage lié à l'abandon des abats par STAL, évalué à - 7,08F par Privileg, le coût total STAL ressort à 42,09 francs par porc, soit un écart favorable chez STAL de 20,39 francs, donc un avantage de 32,63 % en faveur des usagers de l'abattoir de Laval. Enfin, si l'on ajoute le complément de facturation effectué en avril 2002 par la STAL auprès de ses usagers présenté comme une hausse des tarifs pour 2001, que Privileg évalue à + 3,54 francs par porc, il demeure un écart de 16,85 francs par porc, soit un avantage de 26,96 % en faveur des usagers de l'abattoir de Laval. Au demeurant cette réduction de l'écart ne vaut que pour l'année 2001.

134. En troisième lieu, le Conseil relève que la STAL et ses associés étaient informés de l'écart de prix subi par Ernée Viandes ainsi qu'il ressort du compte rendu de la réunion du 27 juin 2000 " - abattages : 1er temps. Abera - encore actuellt. coût. 0,63F/kilo. - pdt 1 mois à Cherancé - logistique coûteuse. (...) - écart de 20 F/ par porc ". Interrogé sur ce point lors de la séance, M. X..., président de la STAL, a exposé que l'écart de 20 francs par porc concernerait le surcoût en transport pour Ernée Viandes entre les deux abattoirs.

135. En conséquence, le Conseil constate qu'il existe un différentiel de coût entre les usagers de l'abattoir de Laval STAL et les usagers d'autres abattoirs qui se voient interdire l'accès à Laval. Ce différentiel réservé à certains acteurs constitue nécessairement une distorsion de concurrence, qui pénalise les concurrents des sociétés Privileg et Mayenne Viande/Fermiers de l'Erve, tel Ernée Viandes.

En ce qui concerne l'avantage concurrentiel procuré par le soutien financier de la CAL

136. En elle-même, la pratique de tarifs moins élevés au profit des usagers de l'abattoir de Laval n'a pas un caractère anticoncurrentiel, d'une part, si l'accès à cet abattoir n'est pas limité à une catégorie particulière d'usagers, d'autre part si elle est justifiée par la meilleure compétitivité de l'abattoir de Laval ou par la volonté de l'exploitant de limiter volontairement ses marges bénéficiaires, tout en assurant l'équilibre de son exploitation, afin d'être compétitif par rapport aux abattoirs concurrents et ainsi plus attractif pour la clientèle potentielle. De la sorte la STAL accroît la possibilité d'emploi de ses capacités commerciales.

137. Cependant, il est établi en l'espèce, que la STAL est confrontée à des déficits d'exploitation croissants depuis 1996 et à une baisse sensible des tonnages traités depuis 1998. Les mesures préconisées en conseil d'administration par M. X..., président de la STAL, ont consisté, d'une part, en une hausse des tarifs, d'autre part, dans la recherche de tonnages manquants pour assurer la rentabilité des installations.

138. Il est constant que c'est dans le cadre de réunions du bureau de la STAL, constitué de M. X... et des seuls représentants des sociétés Privileg et Mayenne Viande/Fermiers de l'Erve, qu'ont été prises, courant 2000, les décisions de refus d'augmentation des tarifs, la question étant reportée à mars 2001. Le Conseil relève, en premier lieu, que M. X... a émis des réserves et de sévères mises en garde quant à ces refus et en second lieu, que les trois principaux usagers de la STAL sont par ailleurs ses associés principaux (55 % du capital au moins), siègent au conseil d'administration de la STAL et sont les seuls membres du bureau. Ils ont, ainsi, un intérêt direct à refuser les hausses de tarif, sous peine de voir les charges de leurs propres sociétés augmenter. Par ailleurs, ils s'octroient un avantage supplémentaire en refusant la facturation des prestations de boyauderie - triperie, bénéficiant ainsi de la part de la STAL d'une fourniture gratuite de main d'œuvre.

139. La pratique de maintien des tarifs de la STAL à un niveau artificiellement bas au regard de ses coûts d'exploitation, a été assortie de manœuvres destinées, par le moyen d'une présentation tronquée des causes des difficultés financières de la STAL auprès de sa tutelle, la CAL, à obtenir de la collectivité publique des aides financières sous forme de subventions et de remises de taxes. L'obtention de ces soutiens a donc facilité le maintien des avantages tarifaires dont bénéficiaient les usagers privilégiés de la STAL.

En ce qui concerne l'impact sur la concurrence du refus d'accès à l'abattoir opposé à Ernée viandes

140. En premier lieu, il est établi que le refus d'accès aux services de l'abattoir opposé à Ernée Viandes a un objet anticoncurrentiel, motivé par la volonté d'écarter un opérateur considéré comme s'immiscent dans une activité qui n'était pas la sienne, ainsi qu'il ressort de la lecture du compte-rendu de réunion du bureau de la STAL du 20 avril 2001 : " (...) le positionnement d'Ernée Viandes et Poirier au niveau de production. Pas de concurrence amont - aval ". Interrogé lors de la séance sur cette mention rédigée de sa main, M. X... a déclaré que la demande d'Ernée Viandes est apparue comme " bizarre " car elle émanait d'un éleveur et non d'un grossiste-transformateur, usager habituel de la STAL, et qu'il s'agissait " d'un choc frontal entre des activités totalement différentes " et que l'" on ne pouvait laisser faire n'importe quoi ". Concernant la société Poirier il a répondu qu'il était " surprenant d'avoir à accepter la demande d'un simple transporteur, négociant en porcs, ne disposant même pas d'une salle de découpe ".

141. De la même façon le représentant de la société Mayenne Viandes a exposé, lors de la séance, que la demande d'Ernée Viandes était " anormale " et qu'il ne s'agissait pas d'" un candidat classique ", tandis que le représentant de la société Privileg a mis en avant le fait que la saisine était le fait d'une " société qui voulait exercer le métier du voisin ". Dans ses observations écrites, Privileg présente Ernée Viandes comme réunissant " deux éleveurs de porcs installés en Ille et Vilaine, qui ont pour objectif d'utiliser un outil de découpe pour distribuer sans intermédiaire les produits de leur élevage. Leur souhait consiste à mettre en place dans le département de la Mayenne un troisième pôle à Ernée, face au pôle d'Evron, occupé par la société SOCOPA et face au pôle de Laval dont les deux principaux utilisateurs sont les sociétés Mayenne Viande et Privileg ". Plus loin, elle expose l'enjeu de sa présence à l'abattoir de la Laval, en corrélation avec les engagements qu'elle a contractés : " (...) impérativement, [souligné par Privileg] faire le tonnage obligé après avoir décroché les marchés correspondants et exclure toute possibilité de diminution aux conséquences concurrentielles et financières périlleuses ".

142. Ainsi il est établi que les entreprises de découpe et commercialisation de viande, associées dans la STAL et usagers de l'abattoir, craignaient la concurrence nouvelle d'éleveurs ou de négociants qui se lancent dans l'activité de découpe et intègrent la filière aval de la commercialisation, évolution susceptible de démontrer que cette intégration amont-aval est efficace, supprime un échelon intermédiaire, et génère des économies de coûts qui pourraient être répercutées sur la clientèle.

143. En deuxième lieu, il est constant que les comportements relevés concernent un marché relativement étroit, constitué d'un périmètre de 120 km autour de l'abattoir de Laval, où les deux principaux opérateurs, l'ensemble Mayenne Viande / Fermiers de l'Erve et Privileg, par ailleurs intégrés tous deux dans le groupe SCABEV, ont refusé à un petit concurrent, nouvel entrant sur le marché, l'accès à l'abattoir public de Laval, alors même qu'ils sont parvenus, par des manœuvres diverses, à faire subventionner par la collectivité publique le déficit d'exploitation de l'abattoir qu'ils ont maintenu en pleine connaissance de cause. Ils ont ainsi bénéficié de conditions particulièrement et artificiellement compétitives, créant au détriment d'Ernée Viandes, nouvel entrant, une distorsion de concurrence qui a pu être évaluée entre 27 et 46 % du coût selon les estimations. Au surplus, il n'est pas contesté que le coût de l'abattage représente, pour le grossiste-transformateur, environ 5 % de son coût total de commercialisation.

En ce qui concerne la qualification des pratiques relevées

144. Il résulte de ce qui précède que les conventions d'engagement d'apport de tonnages passées par la Communauté d'Agglomération de Laval avec des usagers de l'abattoir, dont l'objet est d'imposer des obligations financières à ces usagers aux fins de garantir les investissements publics, ont pour contrepartie que les usagers qui les ont signées peuvent faire procéder à des abattages dans la limite de ces engagements. Lorsque les capacités de l'abattoir sont, pour une raison conjoncturelle, inférieures à ces engagements, ces capacités sont, dans les faits, allouées aux titulaires d'engagements au prorata de ces engagements. Lorsqu'il existe des capacités libres, les titulaires d'engagements peuvent faire abattre, s'ils le souhaitent, plus que le tonnage correspondant à leurs engagements ou des clients n'ayant pas signé d'engagement de tonnage peuvent avoir accès à l'abattoir. Dans la mesure ou l'accès au marché aval de la commercialisation des viandes et sous-produits d'animaux de boucherie au stade de gros ou de demi-gros est conditionné par la possibilité préalable de faire abattre des animaux dans la zone de chalandise considérée, l'accès à un abattoir revêt un caractère stratégique dans le jeu de la concurrence sur le marché aval.

145. A l'époque des faits, entre juin 1999 et février 2002 la direction de la Société Technique d'Abattage de Laval (STAL), et les sociétés Mayenne Viandes, les Fermiers de l'Erve et Privileg ont, avec des personnes physiques représentant la Communauté d'Agglomération de Laval (CAL), au sein du bureau de la STAL, mis en œuvre des pratiques concertées pour faire échec à la procédure de reprise des engagements de la société Lepont par la société Ernée Viandes, qui avait repris les activités de la société Lepont et qui était un nouvel entrant sur le marché de la commercialisation en gros ou demi-gros d'animaux de boucherie dans la région.

146. Les parties en cause, membres du bureau de la STAL, ont par leur concertation permis à l'une d'entre elles, la société Privileg, actionnaire-associé de l'abattoir STAL, de récupérer les engagements de la société Lepont et empêché l'accès de la société Ernée Viandes au marché aval de la commercialisation des viandes et sous-produits d'animaux de boucherie au stade de gros ou de demi-gros obligeant celle-ci, dans un premier temps, à faire abattre ses animaux dans un autre abattoir moins compétitif puis à renoncer à être présente sur le marché.Pour ce faire elles ont utilisé plusieurs procédés.

147. En premier lieu, elles ont fait une interprétation collective manifestement tendancieuse d'une convention de gestion commune de tonnageentre la société Privileg et Monsieur René Claude Lepont qui prévoyait qu'au cas où le tonnage de l'un était insuffisant, il pourrait être complété par l'autre mais qui ne prévoyait nullement que si une des deux entreprises était rachetée par un tiers les engagements de tonnages de cette société seraient nécessairement repris par l'autre partie à la convention. En deuxième lieu, elles ont procédé à une interprétation contraire à l'arrêté de 1991, lequel dispose sans ambiguïté qu'en cas de cession le repreneur fait siens les engagements préalablement souscrits.En troisième lieu, elles ont appliqué un traitement discriminatoire à l'entreprise Ernée Viandes, nouvel entrant sur le marché, puisque les parties ont, dans la même période, permis la reprise des engagements de tonnage de Fermiers de l'Erve et du groupe des Alsaciens par le groupe Erve-Finances/Mayenne Viande.En quatrième lieu, les parties en cause ont profité de ce que la capacité théorique de production de l'abattoir était provisoirement réduite en raison de travaux pour refuser les demandes d'abattage de la société Ernée Viandes au motif qu'après attribution des engagements de Lepont à Privileg la capacité effective de l'abattoir correspondait juste à la totalité des engagements souscrits par les associés, alors même qu'il est établi que, dans les faits, les quantités abattues par les associés étaient inférieures à la capacité de traitement de l'abattoir.

148. Par ailleurs, les sociétés Privileg et Mayenne Viande/Fermiers de l'Erve, qui sont à la fois les associés principaux de la STAL et ses principaux usagers ont, au cours de l'année 2000 et jusqu'en mars 2001 refusé d'augmenter les tarifs de la STAL, obligeant celle-ci à faire des pertes d'exploitation et s'octroyant ainsi un avantage artificiel dans la concurrence au détriment de la société Ernée Viandes, contrainte de faire abattre ses animaux dans un autre abattoir pratiquant des prix plus élevés.

149. Ces pratiques qui avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de la commercialisation des viandes et sous-produits d'animaux de boucherie au stade de gros ou de demi-gros, sont prohibées par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

150. En revanche, il n'est pas établi que les sociétés ABG et Alsace Viande, qui ont cédé à la société Fermiers de l'Erve les engagements de tonnages détenus par elles auprès de l'abattoir de Laval, ont participé aux comportements discriminatoires qui ont eu pour objet de refuser l'accès de cet abattoir à Ernée Viandes. Le Conseil relève également que dans les courriers adressés à la société Fermiers de l'Erve, les sociétés ABG et Alsace Viande ont invité cette dernière à régulariser ce transfert auprès de la CAL et à verser la caution bancaire. Le grief adressé aux sociétés ABG et Alsace Viande doit, en conséquence, être écarté.

En ce qui concerne la responsabilité de la CAL dans le refus d'accès à l'abattoir opposé à Ernée viandes

151. La CAL se défend d'avoir participé, en tant que collectivité, à une collusion avec la STAL et ses usagers principaux consistant à empêcher Ernée Viandes d'avoir accès aux services de l'abattoir, notamment au titre de la reprise des engagements Lepont. Elle fait valoir qu'elle n'a aucune maîtrise sur la gestion de la capacité de l'abattoir par la STAL et signale à ce titre, qu'à deux reprises, en octobre 2001 puis en février 2002, la STAL n'a pas pris en compte sa demande d'attribuer les engagements Lepont vacants à tout usager prêt à les reprendre, notamment à Ernée Viandes. Elle fait valoir, également, qu'à aucun moment la CAL n'est intervenue dans les décisions prises au sein de la STAL quant à la répartition entre ses usagers des tonnages non compris dans les engagements.

152. En effet, l'intérêt de la CAL, en tant que propriétaire de l'abattoir public et afin de percevoir le plus de redevances, est que l'abattoir fonctionne au maximum de ses capacités et qu'il résorbe son déficit d'exploitation. La CAL, en tant que personne morale, n'avait pas intérêt à refuser l'accès de l'abattoir à une entreprise prête à reprendre les obligations liées à un engagement d'apport laissé vacant par un usager défaillant. Les griefs notifiés à la CAL, quant à sa participation, en tant que collectivité publique, à une collusion visant à répartir au profit des usagers traditionnels de la STAL la totalité des tonnages et à refuser l'accès aux services de l'abattoir à Ernée Viandes, doivent, en conséquence, être écartés.

153. En revanche, certains des représentants de la CAL, MM. K..., J... et O..., ont pris une part directe dans les comportements dénoncés. Ils ont participé à des réunions avec la STAL et les représentants de Privileg, Fermiers de l'Erve et Mayenne Viande ; ils ont adressé à Ernée Viandes des réponses équivalant à un rejet de ses demandes, après concertation avec ces mêmes entreprises, alors même qu'aux yeux d'Ernée Viandes, ils étaient réputés exprimer la position de la collectivité publique qu'ils représentent.

D - Sur les sanctions

En ce qui concerne le texte applicable

154. Les comportements discriminatoires relevés ont débuté en juin 1999 et se sont poursuivis au-delà du 27 octobre 2001, date de la dernière réponse de la STAL rejetant de nouveau la requête d'Ernée Viandes. Au surplus, la CAL a signalé, dans ses observations, que la STAL n'avait pas donné suite à une requête de la CAL en date du 25 février 2002 l'invitant à examiner la demande de reprise de l'engagement Lepont par Ernée Viandes. Le refus d'accès aux services de l'abattoir de Laval opposé à Ernée Viandes est donc constitutif d'une infraction continue qui a débuté avant l'entrée en vigueur, à la date du 18 mai 2001, de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques et qui s'est poursuivie après cette date. La saisine, datée du 7 février 2002, est postérieure à cette entrée en vigueur. Il en résulte que les dispositions du livre IV du Code de commerce applicables en l'espèce sont celles de la loi du 15 mai 2001. Il en est de même de l'infraction relative à la répartition concertée des capacités de l'abattoir entre les usagers associés dans la STAL.

155. La présente affaire étant jugée en procédure simplifiée, il y a lieu de faire application de l'article L. 464-5 du Code de commerce qui dispose que : " Le Conseil, lorsqu'il statue selon la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3, peut prononcer les mesures prévues au I de l'article L. 464-2. Toutefois la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs des pratiques prohibées ".

156. En revanche, les pratiques tarifaires ont été modifiées à compter de la hausse du tarif de la STAL, décidée en mars 2001. De même, aucun élément ne permet de conclure que les actions en vue d'obtenir de la collectivité publique le subventionnement du déficit de la STAL se sont poursuivies au-delà du 18 janvier 2001, date à laquelle la CAL a octroyé un tel subventionnement. Ces pratiques constituent donc des infractions qui ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420. Par suite, et en vertu de la non rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.

157. Dès lors, en vertu des dispositions de l'article 22, alinéa 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, applicables à l'époque de la commission des faits, la sanction pécuniaire prononcée, dans le cadre de la procédure simplifiée, ne peut excéder 500 000 francs (76 244 euros) pour chacun des auteurs des pratiques prohibées.

En ce qui concerne la gravité des pratiques et le dommage à l'économie

158. Selon les dispositions de l'article L. 420-1 du Code du commerce : "Sont prohibées (...), lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :

1° - Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;

2°- Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

3°- Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;

4°- Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ".

159. Les infractions retenues ont eu pour objet et pour effet d'empêcher un usager potentiel d'avoir accès aux services de l'abattoir public de Laval, le contraignant à recourir à des conditions économiques moins favorables. Il en résulte une distorsion de concurrence importante par rapport aux principaux usagers historiques de l'abattoir, qui a placé la société Ernée Viandes dans une situation plus difficile face à ces autres usagers, lesquels sont aussi ses concurrents directs sur le marché aval de la commercialisation de la viande.

160. En outre, les usagers principaux de la STAL, en accord avec elle, se sont réparti l'activité de l'abattoir et ont maintenu à un niveau artificiellement bas les tarifs de la STAL, de façon à continuer de bénéficier, en tant que clients, de conditions économiques avantageuses par rapport à leurs concurrents potentiels.

161. La gravité de ces comportements est accentuée par les modalités de leur mise en œuvre. Les intéressés ont usé de manœuvres dilatoires pour repousser les demandes d'Ernée Viandes. Par ailleurs, leurs agissements ont été facilités par le fait que les trois principaux usagers historiques de l'abattoir de Laval sont en même temps associés au sein de la société fermière de l'abattoir, la STAL et, qu'au surplus, leurs représentants sont les seuls à siéger au bureau de la STAL où ont été décidées les pratiques dénoncées.

162. De même, la collusion et l'appui obtenus des représentants de la CAL ont facilité la mise en œuvre des pratiques en cause, et ont réduit le degré d'incertitude pour l'application des mesures adoptées, notamment l'appropriation des engagements de tonnages prétendument libérés. L'importance de cet appui, qui a permis d'écarter Ernée Viandes pendant deux ans, apparaît évidente au regard du comportement du nouveau représentant de la CAL, actif à compter de septembre 2001, qui s'est refusé à reconnaître l'appropriation indue des engagements de tonnages d'anciens usagers et à demandé que soit prise en compte la demande d'Ernée Viandes.

163. Enfin, la gravité des comportements signalés est accentuée par le fait qu'ils aboutissent à la confiscation, par un groupe restreint de trois entreprises, d'un équipement public à leur seul bénéfice, alors qu'à l'origine les services de cet abattoir étaient ouverts à tous usagers potentiels sans discrimination.

164. En empêchant l'accès aux services de l'abattoir de Laval, à des conditions économiques plus avantageuses, les parties mises en cause ont affecté les capacités concurrentielles d'autres opérateurs. Ces concurrents auraient, sans ces pratiques, disposé de marges commerciales leur permettant de rétrocéder à leur clientèle les économies réalisées auprès de cet abattoir, ou de compenser les effets de la baisse des cours, notamment pour la viande de porc, leur permettant ainsi de mieux assurer leur maintien sur le marché, ce qui n'a pas été le cas puisque la société Ernée Viandes a été placée en redressement judiciaire. Ses co-gérants ont quasiment renoncé à leur activité de découpe et de commercialisation, et se sont repliés sur leur activité d'éleveurs. Les sociétés Privileg et Mayenne Viande/Fermiers de l'Erve sont donc parvenues à empêcher qu'un éleveur de porcs intègre la filière aval de la découpe et de la commercialisation, alors même que cette intégration amont-aval, en supprimant un échelon intermédiaire, est susceptible de générer des économies de coût de production dont peut, ensuite, bénéficier le consommateur.

165. Par ailleurs, il a été constaté que le refus des membres du bureau de la STAL de prendre les mesures appropriées pour mettre fin au déficit d'exploitation de l'abattoir, notamment sur les tarifs, a représenté un coût pour la collectivité publique qui a dû consentir des aides financières destinées à compenser pour partie les pertes annoncées.

En ce qui concerne la situation des entreprises ou organismes concernés

166. La STAL, en qualité de fermier, gestionnaire de l'abattoir de Laval, a pris une part active, directe et prépondérante aux pratiques relatives au traitement discriminatoire des demandes d'abattage d'Ernée Viandes et à la répartition concertée des capacités de l'abattoir entre ses usagers-actionnaires. En ce qui concerne le maintien de ses tarifs à des niveaux ne permettant pas de couvrir ses déficits d'exploitation, on relève que le président a défendu les mesures à prendre pour remédier aux déficits, mais qu'elles ont été repoussées par ses actionnaires. Le chiffre d'affaires de la STAL du dernier exercice clos s'est élevé à 2 815 310 euros. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 42 000 euros.

167. La société Privileg, en sa qualité d'actionnaire-associé de la STAL, membre de son bureau et de son conseil d'administration, et en tant qu'usager de l'abattoir de Laval, a pris une part active, directe et prépondérante aux pratiques relatives au traitement discriminatoire des demandes d'abattage d'Ernée Viandes, à la répartition concertée des capacités de l'abattoir entre ses usagers-actionnaires et au maintien des tarifs de la STAL à des niveaux ne permettant pas de couvrir ses déficits d'exploitation. Le chiffre d'affaires de la société Privileg du dernier exercice clos s'est élevé à 22 793 307 euros. Il y a lieu de lui appliquer d'une part, pour l'infraction concernant les tarifs, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, une sanction pécuniaire d'un montant de 76 000 euros, et, d'autre part, pour les infractions relatives au traitement discriminatoire fait à Ernée Viandes et à la répartition concertée des capacités de l'abattoir, qui se sont poursuivies postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, une sanction pécuniaire d'un montant de 340 500 euros, soit un total de 416 500 euros.

168. Il a été constaté que la société Mayenne Viande en sa qualité d'actionnaire-associé de la STAL, membre de son bureau et de son conseil d'administration, et en tant qu'usager de l'abattoir de Laval, a pris une part active, directe et prépondérante aux pratiques relatives au traitement discriminatoire des demandes d'abattage d'Ernée Viandes, à la répartition concertée des capacités de l'abattoir entre ses usagers - actionnaires et au maintien des tarifs de la STAL à des niveaux ne permettant pas de couvrir ses déficits d'exploitation. Le chiffre d'affaires de la société Mayenne Viande du dernier exercice clos s'est élevé à 31 154 012 euros. Il y a lieu de lui appliquer, d'une part, pour l'infraction relative aux tarifs, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, une sanction pécuniaire d'un montant de 76 000 euros, et, d'autre part, pour les infractions relatives au traitement discriminatoire fait à Ernée Viandes et à la répartition concertée des capacités de l'abattoir, qui se sont poursuivies postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, une sanction pécuniaire d'un montant de 466 500 euros, soit un total de 542 500 euros.

169. Il est constaté que la société Fermiers de l'Erve en sa qualité d'actionnaire-associé de la STAL, membre de son bureau et de son conseil d'administration, et en tant qu'usager de l'abattoir de Laval, a pris une part active, directe et prépondérante aux pratiques relatives au traitement discriminatoire des demandes d'abattage d'Ernée Viandes, à la répartition concertée des capacités de l'abattoir entre ses usagers - actionnaires et au maintien des tarifs de la STAL à des niveaux ne permettant pas de couvrir ses déficits d'exploitation. Le chiffre d'affaires de la société Fermiers de l'Erve du dernier exercice clos s'est élevé à 668 991 euros. Il y a lieu de lui appliquer, d'une part, pour l'infraction relative aux tarifs, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, une sanction pécuniaire d'un montant de 5000 euros, et, d'autre part, pour les infractions relatives au traitement discriminatoire fait à Ernée Viandes et à la répartition concertée des capacités de l'abattoir, qui se sont poursuivies postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, une sanction pécuniaire d'un montant de 10 000 euros, soit un total de 15 000 euros.

En ce qui concerne les autres suites à donner

170. Les trois représentants de la CAL précités et les responsables des entreprises mises en cause ont pris une part personnelle et déterminante dans la mise en œuvre des actes exposés visant à empêcher la société Ernée Viandes d'accéder aux services de l'abattoir de Laval, et ceci, au moyen de manœuvres telles que, notamment, l'interprétation volontairement fallacieuse des dispositions de conventions ou de statuts, le refus d'appliquer normalement les clauses de ces documents, les prétextes fallacieux avancés pour justifier les refus opposés aux demandes d'Ernée Viandes, ou encore la présentation tronquée des causes des déficits à la CAL pour la convaincre d'apporter son aide financière, tous moyens qui peuvent être considérés comme frauduleux.

171. Les faits relevés sont de nature à justifier l'application de l'article L. 420-6 du Code de commerce qui dispose que : " Est puni d'un emprisonnement de quatre ans et d'une amende de 5 000 000 francs le fait, pour toute personne physique, de prendre frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre de pratiques visées aux articles L. 420-1 et L. 420-2 " ; les personnes physiques concernées sont M. André X..., président de la STAL, MM. Dominique Z... président de Mayenne Viande, Luc A... (Fermiers de l'Erve), Philippe D... et Jean-Pierre C... (Privileg), au titre d'associés et de clients privilégiés de la STAL, MM Marcel J... (directeur du développement économique), Bernard K... (vice-président) et Jean Pierre O... (directeur général) pour la CAL. Il y a donc lieu de transmettre le dossier au Procureur de la République, en application de l'article L. 462-6 du même Code.

Décision

Article 1er : Il n'est pas établi que la Communauté d'Agglomération de Laval, et les sociétés Erve Finance, ABG Mochel et Alsace Viande ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Il est établi que les sociétés STAL, Mayenne Viande, les Fermiers de l'Erve et Privileg ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 3 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes : à la société STAL une sanction de 42 000 euros ; à la société Privileg une sanction de 416 500 euros ; à la société Mayenne Viande une sanction de 542 500 euros ; à la société les Fermiers de l'Erve une sanction de 15 000 euros.

Article 4 : Dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, les sociétés STAL, Mayenne Viande, les Fermiers de l'Erve et Privileg feront publier la présente décision à partir du titre " En ce qui concerne la qualification des pratiques relevées ", soit les paragraphes 144 à 171, et le dispositif de celle-ci, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires, dans une édition de "Ouest France" diffusée dans le département de la Mayenne. Cette publication sera précédée de la mention : "Décision n° 04-D-39 du 3 août 2004 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par les sociétés STAL, Mayenne Viande, les Fermiers de l'Erve et Privileg ".

Article 5 : Le présent dossier est transmis au Procureur de la République, en application de l'article L. 462-6 du livre IV du Code de commerce.