CA Montpellier, 1re ch. D, 21 juin 1995, n° 94-573
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Autorama (SA)
Défendeur :
Rachedi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Berger
Conseillers :
MM. Duchemin, Minini
Avoués :
SCP Jougla-Gandini, Me Garrigue
Avocats :
Mes Bringer, Saumade
Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:
Par acte d'huissier en date du 4 mai 1993 Lahouri Rachedi a fait citer la SA Autorama à l'effet d'obtenir sa condamnation:
- à voir constater la non-conformité de la chose vendue par la SA Autorama par rapport à l'usage auquel elle était destinée,
- voir prononcer la résolution de la vente intervenue,
- le paiement de la somme de 22 000 F assortie des intérêts au taux légal depuis le 30 novembre 1988,
- le paiement de la somme de 6 000 F à titre de dommages-intérêts,
- la somme de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le demandeur a exposé que le 11 mai 1987, il a acheté un véhicule d'occasion à la SA Autorama selon un bon de commande indiquant que la transaction portait sur une Alfa Sud modèle 1981 pour un prix de 20 000 F.
Il a fait valoir qu'après l'achat, le moteur du véhicule apparaît s'être trouvé hors d'usage et qu'il l'a ramené au garage, qui lui a facturé les réparations pour une somme de 10 446,64 F.
Il souligne que le garage Autorama n'avait pas fait faire au véhicule le contrôle technique ni la mutation de la carte grise.
Il a ajouté que le système de freinage s'est ensuite à nouveau trouvé défectueux.
Il a indiqué avoir réglé 2 000 F initialement sur la facture initiale pour pouvoir reprendre son véhicule.
Il a fait valoir que le 30 novembre 1988 il a déposé plainte pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise.
La société Autorama a conclu à l'irrecevabilité de l'action de Rachedi eu égard à l'attestation qu'il a signé le 20 avril 1988; subsidiairement elle a conclu au rejet de la demande comme injuste et mal fondée et reconventionnellement sollicite la condamnation de Rachedi à payer la somme de:
- 8 496,01 F correspondant au solde de la facture de réparation,
- 5 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- 3 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 10 décembre 1993 le Tribunal de grande instance de Béziers a prononcé la résolution sur le fondement de l'article 1644 du Code civil de la vente du véhicule de marque Alfa Roméo Alfa Sud modèle 1981 conclue le 11 mai 1987 entre les parties, et condamné en conséquence la SA Autorama à rembourser à Rachedi Lahouri la somme de 20 000 F correspondant au prix de vente, à charge pour ce dernier de restituer le véhicule litigieux, ainsi qu'à lui payer 2 000 F à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 1 500 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A l'appui de son appel la SA Autorama expose que le véhicule en cause a été acquis par Lahouri Rachedi le 11 mai 1987; elle rappelle les difficultés ayant entouré cette transaction, le changement de moteur pour la somme de 10 466,01 F TTC, la défectuosité du système de freinage et l'accord intervenu sous l'égide de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'Hérault aux termes duquel la SA Autorama a procédé gracieusement à la réparation du système de freinage, Lahouri Rachedi s'engageant de son côté à payer la réparation précitée de 10 466,01 F selon certaines modalités; l'appelante fait valoir que Rachedi a signé une attestation le 20 avril 1988 selon laquelle il reconnaît que le véhicule est en bon état de marche; elle rappelle que ce client a porté plainte le 30 novembre 1988 pour tromperie sur la qualité substantielle de la marchandise auprès du procureur de la République de Narbonne qui a classé sans suite cette plainte le 5 mars 1990; la SA Autorama conclut à l'irrecevabilité de la demande engagée le 4 mai 1993, 3 ans après ce classement et 6 ans après la vente litigieuse; elle souligne que Rachedi Lahouri a effectué près de 20 000 kms après la première réparation, sur le moteur, qu'elle a effectué et elle fait valoir que ce client ne précise pas le vice dont serait affecté, selon lui, ce véhicule; l'appelante conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la demande comme tardive; subsidiairement elle conclut à l'infirmation du jugement et au débouté de son adversaire; elle demande, à titre reconventionnel, sa condamnation au paiement de la somme de 8 496,01 F, solde de la réparation précitée, de 5 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Lahouri Rachedi conclut à titre principal à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la SA Autorama au paiement de 6 000 F de dommages et intérêts; à titre subsidiaire il demande la condamnation de la SA Autorama au remboursement du prix de vente de 20 000 F et à la restitution de l'acompte de 2 000 F ainsi qu'au paiement de 6 000 F de dommages et intérêts pour son trouble de jouissance; il sollicite en toute hypothèse la condamnation de l'appelante au paiement de 10 000 F HT, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la décision:
Attendu que Lahouri Rachedi a fait l'acquisition le 11 mai 1987 auprès de la SA Autorama d'un véhicule Alfa Roméo type Alfa Sud modèle 1981 moyennant le prix de 20 000 F;
Attendu que courant juin-juillet 1987 la société Autorama a dû remplacer le moteur de ce véhicule alors que celui-ci n'avait parcouru que 7 000 kms; que peu de temps après le système de freinage s'est révélé défectueux;
Attendu que ces défectuosités qui affectent les organes moteur et de sécurité du véhicule et rendent ce dernier impropre à sa destination constituent le vice prévu par les articles 1641 et suivants du Code civil;
Attendu qu'il est constant que Lahouri Rachedi a porté plainte entre les mains du procureur de la République de Narbonne le 30 novembre 1988 et qu'il n'a eu connaissance du classement sans suite de cette plainte que par l'autorisation de délivrance du procès-verbal du 1er avril 1992; que si plus d'un an sépare cette date de l'assignation du 7 mai 1993 par laquelle Rachedi a assigné la SA Autorama devant le Tribunal de grande instance de Narbonne aux fins de voir prononcer la résolution de la vente intervenue, ce délai, en l'espèce, ne saurait, compte-tenu des péripéties antérieures de la procédure et du laps de temps de 3 ans et demi entre le moment où fut déposée la plainte précitée et celle où Rachedi fut informé de son classement sans suite, être considéré comme contraire aux exigences de l'article 1648 du Code civil et priver ce justiciable de la faculté d'agir contre son vendeur en raison des vices cachés affectant le véhicule en cause;
Attendu qu'il échet de considérer qu'en l'espèce ce dernier a fait l'objet de réparations, notamment le remplacement du moteur, qui le rendent désormais propre à sa destination et à son usage ce qu'a d'ailleurs reconnu Rachedi lui-même dans une attestation de bon état de marche du 20 avril 1988;
Attendu qu'il ne saurait être fait droit dans ces conditions à l'action en résolution avec ses corollaires à savoir le remboursement du prix de vente par le vendeur et sa condamnation à des dommages et intérêts;
Attendu, en revanche, que la société Autorama ne saurait prétendre à la condamnation de Rachedi au paiement de la somme de 8 496,01 F représentant le solde de la facture de réparation et remplacement du moteur en date du 29 juillet 1987 car ces travaux, inhérents au mauvais état de cet organe moteur d'un véhicule acheté, même d'occasion, un mois à peine auparavant doivent rester à la charge du vendeur qui était tenu de délivrer à l'acquéreur une automobile en bon état de marche et qui doit lui rembourser l'acompte de 2 000 F qu'il a perçu sur le prix de ces réparations.
Attendu qu'il serait contraire à l'équité que Lahouri Rachedi garde à sa charge les sommes non comprises dans les dépens qu'il a exposées en appel; qu'il convient toutefois d'observer que la somme de 10 000 F au paiement de laquelle il demande la condamnation de son adversaire sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et qui, dans sa quasi-intégralité, représente les frais d'avocat a été prise en charge dans sa quasi-totalité également par le Trésor Public au titre de la décision d'aide juridictionnelle dont bénéficie ce justiciable; qu'ainsi il échet de ramener à une juste et raisonnable mesure la somme manifestement exagérée de 10 000 F réclamée à ce titre par M. Rachedi en la fixant à 2 000 F;
Attendu, enfin, que l'appelante qui succombe partiellement puisque sa demande de condamnation de son adversaire au paiement de la somme de 8 496,01 F est rejetée doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts, puisque la résistance de son adversaire est partiellement justifiée, ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que, pour cette même raison, elle doit supporter l'intégralité des dépens;
Par ces motifs LA COUR, Déclare recevable l'appel régulier en la forme, Au fond, Réforme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Déclare recevable l'action en résolution pour vices cachés diligentée par Rachedi Lahouri contre la SA Autorama; Déboute Rachedi Lahouri de cette action; Déboute la SA Autorama Orssaud de sa demande de condamnation de Rachedi Lahouri au paiement de la somme de 8 496,01 F (huit mille quatre cent quatre-vingt-seize francs et un centime) de solde de réparation et la condamne à rembourser à ce dernier l'acompte de 2 000 F (deux mille francs) qu'il lui a versé sur le prix de ces travaux avec les intérêts de cette somme au taux légal à compter du 12 août 1994; Déboute la SA Autorama Orssaud de sa demande de dommages et intérêts ainsi qu'au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la condamne sur le fondement de ce texte, à payer 2 000 F (deux mille francs) à Rachedi Lahouri; Fait masse des dépens de première instance et d'appel qui pourront être directement recouvrés sur la SA Autorama Orssaud par Maître Garrigue conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile sous réserve des dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.