Conseil Conc., 20 novembre 1991, n° 91-D-52
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre sur le marché de l'automobile on Guadeloupe
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré en section, sur le rapport de M. Bernard Geneste présenté par Mme Madeleine Santarelli, rapporteur de séance, en l'absence de M. Bernard Geneste, empêché, dans sa séance du 20 novembre 1991 où siégeaient: M. Béteille, vice-président, présidant MM. Bon, Fries, Mme Hagelsteen, MM. Schmidt, Sloan, membres.
Le Conseil de la concurrence,
Vu la lettre enregistrée le 22 mars 1989 sous le numéro F 234, par laquelle la société de fournitures automobiles caribéenne (SOFACAR) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe (SIAG); Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application ; Vu les observations du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et du Budget, chargé de l'Industrie et du Commerce extérieur en réponse à la communication qui lui a été donnée du rapport; Vu les observations du commissaire du Gouvernement ; Vu les observations déposées par le Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe, les sociétés Soguava, Guad'Auto, Carmo, société guadeloupéenne de distribution moderne, Auto-Guadeloupe et par la société de fournitures automobiles caribéenne ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties ayant demandé à présenter des observations entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (1) et les motifs (II) ci-après exposés :
I. - LES CONSTATATIONS
La société de fournitures automobiles caribéenne (SOFACAR) a été constituée le 22 janvier 1988 sous forme de société à responsabilité limitée. Son objet social est "l'importation, la commercialisation de toutes automobiles, de tous articles, pièces détachées, produits, matériels et matériaux s'y rattachant, ainsi que celles de tous types de véhicules " dans les départements et territoires d'outre- mer.
Initialement spécialisée dans la réparation et la vente de pièces détachées, elle a décidé, au début de 1989, d'adjoindre à son activité originaire une activité de commercialisation des véhicules neufs. Les véhicules commercialisés sont des véhicules coréens (marque Hyunday) et japonais (marques Daihatsu, Dsuzu, Subaru et Suzuki). Au 31 janvier 1990, la société avait importé 216 véhicules, dont 25, soit 11,5 p. 100, de marque Hyundai. A la même date, les ventes s'élevaient à 149 unités. Pour 1989 (dix mois d'activité), la société a vendu 129 véhicules et réalisé, pour ce secteur d'activité, un chiffre d'affaires hors taxes de 11 960 504 F.
La SOFACAR a saisi le Conseil de la concurrence à la suite, notamment, de son éviction du salon qui s'est tenu à Pointe-à-Pitre du 11 au 19 mars 1989.
A. - Les caractéristiques du marché
Le marché concerné est celui de l'automobile en Guadeloupe. Il est connu, d'une part, par les statistiques des immatriculations diffusées par l'administration et, d'autre part, par les statistiques des ventes établies par le Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe (SIAG).
Les statistiques d'immatriculations révèlent une forte expansion au cours de ces dernières années, les immatriculations de véhicules automobiles étant passées de 7 044 en 1985 à 11 770 en 1989. Toutefois, le marché a stagné en 1989 (11 996 immatriculations en 1988) ; les voitures parti- culières (8 297 immatriculations en 1989) représentent plus de 70 p. 100 des immatriculations de voitures automobiles et parmi elles les véhicules d'une puissance de moins de huit chevaux fiscaux représentent 85 p. 100 des immatriculations.
Les statistiques de ventes communiquées par le syndicat des importateurs montrent que le marché se divise à peu près également entre les constructeurs français (46,5 p. 100 des ventes en 1989) et étrangers. Parmi les constructeurs étrangers, les constructeurs japonais accrédités représentent 10,9 p. 100 des ventes (9,6 p. 100 en 1988), cette part s'élevant à 17,4 p. 100 pour les véhicules utilitaires (14,9 p. 100 en 1988). Ces statistiques font encore apparaître une forte concentration de l'offre c'est ainsi que, pour l'année 1989, la société Auto-Guadeloupe, concessionnaire des marques Grandin, Peugeot-Talbot, VMM (32,6 p. 100 des ventes), la société Soguava, concessionnaire des marques Fiat, Nissan, Opel, représente 21 p. 100 des ventes et les garages Carmo et Cama, concessionnaires Alfa-Roméo, Auto-bianchi, Cherokee, Lancia, Renault, Toyota, Wrangler (21,5 p. 100 des ventes) représentent ensemble plus de 75 p. 100 du total des ventes.
B. - Les importations de véhicules
Tout véhicule dont l'immatriculation est obligatoire doit, pour pouvoir circuler sur la voie publique, être " réceptionné " par le ministère de l'Industrie. Les constructeurs coréens et japonais entrent dans les prévisions de l'article R. 106 du Code de la route selon lequel les véhicules construits hors du territoire de la Communauté économique européenne ne peuvent faire l'objet d'une réception par type que si le constructeur dispose d'un mandataire accrédité auprès des pouvoirs publics.
Les cinq constructeurs distribués par la Sofacar ne disposant pas d'un tel mandataire, la réception des véhicules ne peut avoir lieu que selon la procédure dite " à titre isolé " définie par un arrêté ministériel du 19 juillet 1954, modifié en dernier lieu le 19 février 1988. A la différence de la réception par type qui permet de faire réceptionner un véhicule type - des contrôles ultérieurs permettant de s'assurer de la conformité effective des véhicules produits avec le modèle réceptionné - la réception à titre isolé implique que celle-ci ait lieu véhicule par véhicule et l'instruction des dossiers ne peut être effectuée que par la direction régionale de l'industrie d'Ile-de-France.
La SOFACAR refusant de se soumettre à la procédure de l'examen préalable des véhicules, qu'elle estime contraire au droit communautaire, les véhicules qu'elle commercialise se trouvent en infraction avec le Code de la route, lequel ne permet la circulation sous immatriculation étrangère que pendant deux mois.
C. - L'organisation de la profession
Le Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe (SIAG), constitué le 25 mai 1945 et dont les statuts n'ont pu être retrouvés, comprend quatorze membres, soit la quasi-totalité des importateurs locaux, à l'exception des sociétés Beel automobiles (Lada, Saab), CCMI (Aro, FSO, Yugo) et Imex (Santana, Volvo).
Trois importateurs sont plus particulièrement concernés par l'activité de la SOFACAR. Il s'agit de la société Auto-Guadeloupe qui, à travers sa filiale Automar, commercialise à Saint-Martin la marque Subaru, distribuée par la SOFACAR ; de la société Soguava qui, en sa qualité de concessionnaire Opel et d'adhèrent au réseau General Motors Europe, pourrait commercialiser la marque Isuzu et de la société Imex qui vend des véhicules Santana, qui sont des véhicules Suzuki fabriqués sous licence en Espagne.
D. - Les pratiques relevées
a) Les pratiques d'exclusion des foires et salons,
L'enquête administrative a recueilli les éléments permettant d'établir que la société SOFACAR a été exclue des manifestations publiques ayant pour objet la rencontre entre l'offre et la demande de véhicules.
I. Le salon Auto-Moto 1989
Le salon Auto-Moto de la Guadeloupe a été organisé pour la première fois en 1988. Le salon 1989 s'est déroulé du 11 au 19 mars. Il a réuni dix concessionnaires, représentant dix-sept des vingt marques distribuées dans l'île (si l'on excepte les marques distribuées par la SOFACAR). Tous les exposants étaient membres du syndicat, à l'exception de la société CCMI.
Il ressort de l'audition du directeur des relations publiques de la société Echanges et communication, organisateur du salon que la SOFACAR, qui était en mesure de présenter des véhicules de marque Hyundai et Daihatsu, a été inscrite au salon le 9 février 1989, son inscription n'étant subordonnée à aucune condition particulière relative à la qualité des exposants ou à celle du matériel exposé.
Le 9 mars 1989, l'organisateur du salon a été informé, par l'intermédiaire du directeur de la société Soguava, du retrait des concessionnaires si la participation de la SOFACAR était maintenue. Le responsable local de la Chambre syndicale nationale de la construction et de la réparation automobile (CSNCRA) a négocié et obtenu auprès de la société Echanges et communication le retrait de la SOFACAR dans la journée du 10 mars 1989, veille de l'ouverture du salon. Il dit avoir été informé par le président du syndicat des importateurs de la décision de ceux-ci de se retirer de la manifestation si la SOFACAR devait y participer. Selon l'organisateur du salon, le syndicat des importateurs avait fait valoir pour justifier son attitude le fait que la SOFACAR commercialisait des véhicules non conformes à la réglementation, non susceptibles d'être assurés et devant être considérés comme des véhicules d'occasion dans la mesure où ils avaient déjà fait l'objet d'une première immatriculation. Lors de son audition, le président du syndicat a déclaré que " dans la mesure où (le) syndicat a pour mission de veiller notamment au respect par ses membres des règles régissant la profession, il ne peut en aucune manière cautionner les agissements des sociétés se mettant volontairement dans l'illégalité ".
De son côté, l'organisateur a officialisé sa demande de retrait formulée à la SOFACAR par un courrier ainsi rédigé " Sur la pression du président du syndicat des importateurs de véhicules qui menace de boycotter ou de perturber le salon (...) si votre société était présente demain sur le stand prévu et au vu de la lettre de [monsieur le] préfet de la Guadeloupe vous interdisant de mettre en vente les voitures Hyundai, je me vois contraint, en tant que responsable de ce salon, de vous demander instamment de ne pas vous présenter sur votre stand pendant toute la durée du salon ".
Le retrait de la SOFACAR a été confirmé par deux télex adressés le 10 mars 1989 au syndicat professionnel par l'organisateur du salon, d'une part, et par le président de la chambre syndicale nationale de la construction et de la réparation automobiles, d'autre part. Il ressort de ce dernier document que la décision de ne pas participer au salon en présence de la société SOFACAR avait été prise lors de la dernière réunion du syndicat précédant l'ouverture du salon,
2. Les expositions Auto-Direct
La société Auto-Direct a organisé, les 3 et 10 septembre ainsi que le 1er octobre 1989, l'exposition et la vente de véhicules neufs et d'occasion. La société SOFACAR, a demandé à participer à cette manifestation où elle devait présenter cinq véhicules. Lors de son audition l'ancien responsable d'" Auto-Direct " a déclaré que " sous la pression de certains concessionnaires, [il] avait dû annuler le contrat conclu avec la société SOFACAR ".
3. Le salon du "4 x 4 " de Saint-François
Du 29 avril au 1er mai 1989 s'est tenu à Saint-François un salon du "4 x 4" et du plein air dont l'accès était exclusivement réservé aux membres du Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe. La société SOFACAR ayant demandé à y participer s'est vue opposer un refus par la société CD 2 B, organisatrice du salon au motif qu'elle n'était pas membre de ce syndicat.
b) L'exclusion de la société Imex du Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe (SIAG).
Pour justifier le fait que son comportement n'était pas dirigé contre la société SOFACAR, le SIAG invoque l'exclusion de la société Imex, prononcée en septembre 1989, à la suite de la commercialisation par cette entreprise de véhicules Suzuki, marque qui ne disposait pas de mandataire accrédité. Il ressort, en effet de l'enquête que la société Imex a importé en mai et juin 1989 cinq véhicules Suzuki en provenance de la société Auto-Design à Gap qui les tenait elle-même de la société Europe-Autos services, installée au Luxembourg. Un de ces véhicules a été acquis par la société ; les quatre autres ont été revendus.
L'exclusion, prononcée le 4 septembre 1989, est consécutive à ces ventes et a été notifiée à Imex par une correspondance du président du syndicat, rédigée en ces termes
" Vous avez bien compris que la décision que vous avez prise de suivre la concurrence sauvage qui vous est faite en important des véhicules non homologués et en les commercialisant ne nous permet pas de vous compter au nombre des membres de notre syndicat. Nous espérons que vous reviendrez très rapidement aux normes et que vous pourrez alors réintégrer notre syndicat. "
c) L'accord de répartition du marché entre les importateurs de véhicules accrédités.
L'enquête a mis en évidence deux correspondances adressées au préfet de la Guadeloupe par le président du Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe les 28 avril 1989 et 8 février 1990.
Dans la première, le signataire rappelle que par un courrier précédent, le syndicat a reçu communication des quotas de véhicules retenus pour les marques japonaises (soit 1 679 véhicules pour 1989) et indique que ses " mandants ont la volonté de respecter les quantités qui sont ainsi prescrites sous la réserve expresse que les conditions de la concurrence ne soient pas faussées par la distribution hors quota de véhicules d'origine japonaise ou coréenne ils ne sauraient que retrouver leur totale liberté si devait continuer la distribution de voitures non immatriculées ou si l'obligation était faite à l'administration d'accepter l'immatriculation de véhicules n'entrant pas dans ce quota ". Dans la seconde correspondance il est précisé que "les importateurs ne peuvent se considérer comme engagés par une quelconque limitation à ces chiffres du fait de l'importation et de la commercialisation de véhicules japonais non homologués par les services des mines français, sur le département de la Guadeloupe, et, de plus, sans limitation de quantité ".
Ces deux correspondances montrent que le contingente- ment des importations de véhicules d'origine japonaise décidé par les pouvoirs publics est mis en œuvre en deux étapes distinctes. D'une part, pour une année considérée, l'administration communique au président du Syndicat des importateurs le nombre de véhicules d'origine japonaise dont l'immatriculation sera acceptée au cours de l'année. Ce nombre est calculé en pourcentage des immatriculations de l'année antérieure, Ce pourcentage était, pour 1989, égal à 13,5 p. 100 des immatriculations de 1988 pour 1990. Il était de 15 p. 100 des immatriculations de 1989. Dans un second temps, les importateurs concernés communiquent à l'autorité administrative le nombre de véhicules auquel chacun d'entre eux se limitera au cours de l'année à venir.
Il ressort du rapprochement des deux correspondances citées que ce nombre est calculé selon un pourcentage fixe pour chaque marque. Ces pourcentages s'élèvent respectivement à 46,51 p. 100 du total autorisé pour Toyota (Carmo SA.), 16,93 p. 100 pour chacune des deux marques Honda et Mazda (Guad'auto SA.), 14,22 p. 100 pour Nissan (Soguava) et 5,21 p. 100 pour Mitsubishi (SGDM SA) ;
d) La participation du Syndicat des importateurs auto- mobiles de Guadeloupe à l'acquisition d'un véhicule auprès de la SOFACAR
Le 5 mai 1989, M. Thierry Varin achetait auprès de la SOFACAR un véhicule de marque Daihatsu pour un prix de 67 500 F comprenant les frais de délivrance de la carte grise. N'ayant pu obtenir un certain nombre de documents comme la demande d'immatriculation, le certificat de vente, le procès-verbal de réception par le service des mines, l'attestation de dédouanement, une nouvelle facture comportant le millésime du modèle, le numéro d'immatriculation et le numéro de châssis du véhicule l'acheteur faisait sommation à la SOFACAR de les lui fournir et celle-ci lui adressait en réponse la copie du récépissé de la demande de réception par le service des mines et du contrat de vente, l'attestation de dédouanement et la facture complétée et lui annonçait l'envoi du procès-verbal de réception par le service des mines dès l'aboutissement de la procédure.
N'ayant rien reçu le 15 juin 1989 M Varin assignait la SOFACAR en référé devant le Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, aux fins qu'injonction lui soit faite de remettre le procès-verbal de réception par le service des mines et le Syndicat des importateurs automobiles de Guadeloupe se portait intervenant volontaire dans cette procédure qui aboutissait à la condamnation de la SOFACAR d'avoir à délivrer les documents demandés sous astreinte. La société ayant relevé appel de cette décision, une ordonnance du magistrat chargé de la mise en état à la Cour d'appel de Basse-Terre a, sur le fondement des articles 138 à 141 du nouveau Code de procédure civile, ordonné au Conseil de la concurrence de produire aux débats une lettre de la Société Générale de banque aux Antilles, filiale locale de la société générale, du 11 mars 1989 et le "apport complémentaire d'enquête établi par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes. Ces documents, qui établissent l'origine des fonds ayant servi à l'acquisition du véhicule, ont été transmis par le Conseil de la concurrence le 17 mars 1990.
L'enquête a permis d établir que les relations entre M. Varin et le syndicat étaient antérieures à la vente et que le chèque remis à la SOFACAR avait été tiré sur un compte interne de la société générale de banque aux Antilles provisionné par la société guadeloupéenne de distribution moderne (SGDM), don le président était le secrétaire général du Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe.
e) L'accord de prix.
Le président-directeur général de la société Auto-Guadeloupe a déclaré aux enquêteurs " Au sein de notre organisation syndicale, nous avions convenu de plafonner les remises consenties [au cours du salon Auto-Moto 89] à 4 p. 100."
II. SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Sur la compétence du Conseil de la concurrence:
Considérant que les entreprises mises en cause et le Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe ont fait valoir en cours d'instruction que les pratiques analysées au paragraphe D du I de la présente décision ne seraient que la mise en œuvre des décisions de contingentement des véhicules d'origine japonaise - autres que les véhicules construits sur le territoire de la Communauté économique européenne - prises par les pouvoirs publics avec l'assentiment des autorités communautaires ; qu'ils en déduisent l'incompétence du Conseil de la concurrence pour en connaître, en se prévalant, notamment à cet égard, de la décision du tribunal des conflits du 6 juin 1989 (préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, Cour d'appel de Paris) ;
Considérant qu'en vertu de son article 53, les règles définies par l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée " s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques " ; qu'en l'espèce, si le fonctionnement du marché guadeloupéen de l'automobile ne peut être analysé sans tenir compte des décisions de contingentement des véhicules d'origine japonaise prises par les pouvoirs publics, les pratiques analysées au paragraphe D du I de la présente décision, qui sont le fait d'entreprises intervenant sur le marché de la distribution automobile en Guadeloupe ou de leur organisation professionnelle, entrent dans les prévisions de l'article 53 précité;
Sur l'étendue de la saisine:
Considérant qu'il appartient au Conseil de la concurrence, saisi par un opérateur intervenant sur un marché déterminé, d'examiner l'ensemble des conditions de fonctionnement de ce marché au regard des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 indépendamment des faits et qualifications énoncés dans l'acte de saisine et sous la seule réserve du respect du principe du contradictoire posé par l'article 18 de l'ordonnance ; qu'au surplus, en l'espèce, l'ensemble des pratiques en cause ne peuvent être analysées indépendamment des conditions de fonctionnement du marché de l'automobile en Guadeloupe, marché dont la définition n'est contestée ni du point de vue géographique ni du point de vue des produits en cause ; qu'en conséquence, le Conseil peut, sans avoir à se saisir d'office, examiner et qualifier toutes les pratiques constatées au cours de l'instruction dés lors qu'elles ont fait l'objet de griefs ;
Sur la participation à la vente Varin
Considérant que, si la participation du Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe à l'achat fait par M. Varin auprès de la SOFACAR comporte un caractère inhabituel, il n'est pas établi que cette participation soit constitutive d'une pratique ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de limiter la concurrence au sens des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur les pratiques constatées à l'occasion de la tenue de foires et salons :
Considérant, en ce qui concerne le salon Auto-Direct, que la déclaration du responsable de cette manifestation selon laquelle il avait dû résilier le contrat initialement conclu avec la SOFACAR à la suite de pressions exercées par " certains concessionnaires " n'est pas d'une précision suffisante pour établir l'existence d'une pratique contraire aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance de 1986 ;
Considérant, en ce qui concerne le salon du " 4 x 4 et du plein air" organisé à Saint-François par le Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe, qu'il est loisible à un groupement professionnel de réserver à ses adhérents l'accès à une manifestation commerciale qu'il organise qu'en l'absence d'éléments établissant que la SOFACAR avait demandé son adhésion au syndicat, il n'est pas établi que le refus d'admission à ce salon qui lui a été opposé par le Syndicat constitue une pratique contraire aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance de 1986 ;
Considérant, en ce qui concerne le salon Auto-Moto 89, que la déclaration du président-directeur général d'Auto-Guadeloupe se ami laquelle " au sein de notre organisation syndicale nous avions convenu de plafonner les remises consenties à 4 p. 100 " n'est pas suffisante, faute d'autres indices, pour établir l'existence d'une pratique imputable au Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais considérant que le président du Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe a signifié à l'organisateur de cette manifestation le refus de ses adhérents d'y participer si la SOFACAR y était présente et a exercé des pressions sur cet organisateur pour obtenir l'exclusion de cette société ; que la participation à une foire ou un salon permet à un importateur ou un concessionnaire d'automobiles de rencontrer la clientèle potentielle que dès lors les pratiques du syndicat qui avaient pour objet et ont eu pour effet d'interdire à la SOFACAR d'accéder à ce salon sont contraires aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance de 1986 ;
Sur l'exclusion de la société Imex du Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe
Considérant que le Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe ne conteste pas avoir exclu, en 1989, la société Imex en raison du fait que cette société avait décidé d'importer des voitures japonaises de marque Suzuki relevant pour leur immatriculation de la procédure de réception dite " à titre isolé " ; que le fait pour ce syndicat, d'ailleurs dans l'incapacité de produire ses statuts, d'avoir exclu un de ses membres pour ce simple motif constitue une pratique prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dés lors que cette exclusion avait pour conséquence d'empêcher la société Imex d'accéder aux salons organisés par le syndicat pour ses membres et pouvait avoir pour effet de limiter la capacité concurrentielle de cette entreprise ;
Sur l'accord de répartition du marché :
Considérant qu'il résulte du dossier que dans le département de la Guadeloupe les ministères des Départements et Territoires d'Outre-mer et de l'Industrie ont fixé à 15 p. 100 du montant des véhicules immatriculés l'année précédente le contingent de véhicules de marques japonaises admis à la commercialisation que le préfet de la région Guadeloupe a demandé chaque année au président du Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe de lui "présenter la répétition du quota de voitures japonaises qui pourrait être retenue " en l'invitant à organiser une concertation entre ses membres qu'en réponse à cette invitation, le Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe a proposé en 1989 et en 1990 une répartition du quota entre les marques Nissan, Toyota, Mazda, Honda et Mitsubishi identique à celle qu'il avait proposée pour 1988 sans tenir compte de l'évolution différenciée des immatriculations de chaque marque durant l'année antérieure que la constance de cette répartition du contingentement n'était pas dictée par les pouvoirs publics, comme en témoigne le fait que ce même syndicat avait proposé une répartition différente en 1987, année durant laquelle une nouvelle marque de voitures japonaises avait été admise au bénéfice de la répartition que si cette constance de la répartition pouvait avoir pour effet de limiter la concurrence entre les marques en cause, cet effet n'a pas été observé dans la mesure où, en 1989 et 1990, aucune des marques n'a atteint le quota qui lui avait été assigné et n'a donc pas été freinée dans son développement par la répartition proposée ;
Mais considérant que le Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe a, au nom de ses membres, assorti ses propositions, en 1989, de l'exigence que l'administration refuse toute immatriculation de véhicules des marques japonaises et coréennes relevant du régime de la réception dite "à titre isolé" dont l'importation n'était pas contingentée ; que cette exigence a été renouvelée en 1990, année pour laquelle le président du syndicat a signifié au préfet que " toutefois les importateurs ne peuvent se considérer comme engagés par une quelconque limitation à ces chiffres du fait de l'importation et la commercialisation de véhicules japonais non homologués par les services des mines français sur le département de la Guadeloupe, et de plus sans limitation " ; que ces exigences, qui ne peuvent être considérées comme imposées par l'administration, laquelle était au contraire l'objet d'une pression de la part du syndicat, ont été formulées alors même qu'aucune des marques susmentionnées n'avait rempli son quota en 1988 ou en 1989 en raison de la faiblesse de la demande locale pour les voitures japonaises offertes à la vente par les importateurs bénéficiant de la procédure d'homologation par type et ne pouvait dès lors prétendre avoir souffert du contingentement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'à l'occasion de sa réponse à la demande des pouvoirs publics, le Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe a mis en œuvre pour les aminées 1989 et 1990 des pratiques qui avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence entre ceux de ses membres qui importaient des véhicules Nissan, Toyota, Mazda, Honda et Mitsubishi et les importateurs d'autres marques de voitures japonaises et coréennes sur le marché de la Guadeloupe que ces pratiques sont contraires aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que ces pratiques du Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe qui sont contraires aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne résultent pas de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application ; qu'il n'est pas établi qu'elles ont contribué au progrès économique tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résultait ; que dès lors les dispositions de l'article 10 de cette ordonnance ne sont pas applicables ;
Considérant qu'il y a lieu de faire application de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée, et d'infliger au Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe une sanction pécuniaire en tenant compte, d'une part, du fait que les pouvoirs publics ont contingenté le volume global des importations de voitures japonaises homologuées et, d'autre part, des incidences des pratiques relevées sur le jeu de la concurrence entre les importateurs de voitures japonaises homologuées et les importateurs de voitures japonaises et coréennes relevant de la procédure de la réception dite " à titre isolé ",
Décide :
Article 1er - Il est infligé au Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe une sanction pécuniaire d'un montant de 400 000 F.
Article 2 - Dans le délai de deux mois suivant sa notification, le texte intégral de la présente décision sera publié, aux frais du Syndicat des importateurs automobiles de la Guadeloupe, dans le quotidien France-Antilles. Cette publication sera précédée de la mention " Décision du Conseil de la concurrence du 20 novembre 1991 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de l'automobile en Guadeloupe ".