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Décisions

CJCE, 2e ch., 15 juillet 2004, n° C-239/02

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Douwe Egberts NV, Westrom Pharma NV, FICS-World BVBA, Westrom Pharma NV

Défendeur :

Gouvernement belge, Parlement européen, Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Timmermans

Avocat général :

M. Geelhoed

Juges :

MM. Puissochet, Cunha Rodrigues, Schintgen, Mme Colneric

Avocats :

Mes Glas, Wilsens, Van Wallendael, Heremans, Roosen

CJCE n° C-239/02

15 juillet 2004

LA COUR (deuxième chambre),

1 Par décision du 28 juin 2002, parvenue à la Cour le 1er juillet suivant, le Rechtbank van Koophandel te Hasselt a posé, en application de l'article 234 CE, des questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 28 CE, sur l'interprétation et la validité de l'article 2 de la directive 1999-4-CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 février 1999, relative aux extraits de café et aux extraits de chicorée (JO L 66, p. 26), et sur l'interprétation de l'article 18 de la directive 2000-13-CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO L 109, p. 29).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige concernant la mise sur le marché belge d'un produit dénommé "DynaSvelte Café" dans des conditions qui, d'après la société Douwe Egberts NV (ci-après "Douwe Egberts"), vont à l'encontre des dispositions nationales relatives à la publicité et à l'étiquetage des denrées alimentaires.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 La directive 1999-4 énonce à son article 2:

"La directive 79-112-CEE est applicable aux produits définis à l'annexe, selon les conditions suivantes:

a) les dénominations prévues à l'annexe sont réservées aux produits qui y figurent et doivent être utilisées dans le commerce pour les désigner. Ces dénominations sont, le cas échéant, complétées par les termes:

- " en pâte " ou " sous forme de pâte "

ou

- " liquide " ou " sous forme liquide ".

[...]"

4 L'article 3 de la même directive dispose:

"Les États membres n'adoptent pas, pour les produits définis à l'annexe, des dispositions nationales non prévues par la présente directive."

5 Le point 1 de l'annexe de la directive 1999-4, intitulé "Extrait de café, extrait de café soluble, café soluble ou café instantané", précise, notamment:

"Le produit concentré obtenu par extractions des graines de café torréfiées, en utilisant uniquement l'eau comme moyen d'extraction, à l'exclusion de tout procédé d'hydrolyse par addition d'acide ou de base.

[...]

L'extrait de café sous forme solide ou en pâte ne doit pas contenir d'autres éléments que ceux provenant de l'extraction du café. [...]"

6 Les quatrième, cinquième, sixième et huitième considérants de la directive 2000-13 sont libellés comme suit:

" (4) L'objet de la présente directive doit être d'édicter les règles communautaires, à caractère général et horizontal, applicables à l'ensemble des denrées alimentaires mises dans le commerce.

(5) Par contre, les règles à caractère spécifique et vertical, visant certaines denrées alimentaires déterminées seulement, doivent être arrêtées dans le cadre des dispositions régissant ces produits.

(6) Toute réglementation relative à l'étiquetage des denrées alimentaires doit être fondée, avant tout, sur l'impératif de l'information et de la protection des consommateurs.

(8) Un étiquetage détaillé concernant la nature exacte et les caractéristiques des produits, qui permet au consommateur d'opérer son choix en toute connaissance, est le plus approprié dans la mesure où il est celui qui crée le moins d'obstacles à la liberté des échanges."

7 L'article 2, paragraphe 1, de la directive 2000-13 prévoit:

"L'étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas:

a) être de nature à induire l'acheteur en erreur, notamment:

i) sur les caractéristiques de la denrée alimentaire, et notamment sur la nature, l'identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, l'origine ou la provenance, le mode de fabrication ou d'obtention;

ii) en attribuant à la denrée alimentaire des effets ou propriétés qu'elle ne posséderait pas;

iii) en lui suggérant que la denrée alimentaire possède des caractéristiques particulières, alors que toutes les denrées alimentaires similaires possèdent ces mêmes caractéristiques;

b) sous réserve des dispositions communautaires applicables aux eaux minérales naturelles et aux denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, attribuer à une denrée alimentaire des propriétés de prévention, de traitement et de guérison d'une maladie humaine, ni évoquer ces propriétés."

8 L'article 2, paragraphe 3, sous b), de cette directive précise que les interdictions ou restrictions prévues aux paragraphes 1 et 2 s'appliquent également à la publicité.

9 Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la même directive:

"L'étiquetage des denrées alimentaires comporte, dans les conditions et sous réserve des dérogations prévues aux articles 4 à 17, les seules mentions obligatoires suivantes:

1) la dénomination de vente;

[...]"

10 Conformément à l'article 5 de ladite directive:

"1. La dénomination de vente d'une denrée alimentaire est la dénomination prévue pour cette denrée dans les dispositions communautaires qui lui sont applicables.

[...]

2. Une marque de fabrication ou de commerce ou une dénomination de fantaisie ne peut se substituer à la dénomination de vente.

[...]"

11 Selon l'article 18 de la directive 2000-13:

"1. Les États membres ne peuvent interdire le commerce des denrées alimentaires conformes aux règles prévues dans la présente directive par l'application de dispositions nationales non harmonisées qui règlent l'étiquetage et la présentation de certaines denrées alimentaires ou des denrées alimentaires en général.

2. Le paragraphe 1 n'est pas applicable aux dispositions nationales non harmonisées justifiées par des raisons:

- de protection de la santé publique,

- de répression des tromperies, à condition que ces dispositions ne soient pas de nature à entraver l'application des définitions et règles prévues par la présente directive,

- de protection de la propriété industrielle et commerciale, d'indications de provenance, d'appellations d'origine et de répression de la concurrence déloyale."

La réglementation nationale

12 L'article 1er de l'arrêté royal du 5 mars 1987, relatif aux cafés et succédanés de café (Moniteur belge du 12 juin 1987, p. 9035), dispose notamment:

"Pour l'application du présent arrêté, on entend par:

1º café: la graine de caféier (espèces du genre Coffea) convenablement nettoyée et torréfiée; [...]"

13 L'article 3, paragraphe 1, de cet arrêté royal est libellé comme suit:

"Lors de leur mise dans le commerce, les denrées visées à l'article 1er peuvent seules et doivent être désignées par une des dénominations correspondant à leur définition dans cet article."

14 L'arrêté royal du 17 avril 1980, concernant la publicité pour les denrées alimentaires (Moniteur belge du 6 mai 1980, p. 5476), prévoit dans son article 2:

"Dans la publicité pour les denrées alimentaires, il est interdit d'utiliser:

[...]

3º des références à l'amaigrissement;

[...]

7º des références à des recommandations, attestations, déclarations ou avis médicaux ou à des déclarations d'approbation, sauf la mention qu'une denrée alimentaire ne peut être consommée à l'encontre d'un avis médical; [...]"

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15 Douwe Egberts produit et commercialise du café sur le marché belge sous la marque "Douwe Egberts". Elle conteste en justice la mise sur le marché d'un produit dénommé "DynaSvelte Café", fabriqué par Westrom Pharma NV et distribué jusqu'au 31 décembre 2001 inclus par M. Souranis, agissant sous le nom commercial "Établissements FICS", et, depuis le 1er janvier 2002, par FICS-World BVBA.

16 Douwe Egberts soutient, dans le cadre d'une procédure en référé devant le Rechtbank van Koophandel, que les mentions figurant sur le bocal, l'emballage et dans le mode d'emploi de ce produit, à savoir "la percée absolue en matière de contrôle du poids", "amaigrissement, meilleur contrôle du poids, frein au stockage excessif de graisses" et "la formule brevetée aux États-Unis développée par Dr Ann de Wees Allen du Glycemie Research Institute", constituent des infractions à différentes dispositions législatives nationales relatives à la publicité et à l'étiquetage des denrées alimentaires.

17 Considérant que l'issue du litige dépendait de l'interprétation du droit communautaire et de l'appréciation de la validité de la directive 1999-4, le Rechtbank van Koophandel te Hasselt a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1) L'article 2 de la directive 1999-4-CE [...] doit-il être interprété en ce sens que pour les produits mentionnés à l'annexe de cette directive, seules les dénominations de vente y énoncées peuvent être utilisées, sans qu'à côté de ces dénominations de vente d'autres dénominations (comme un nom commercial ou de fantaisie) puissent aussi être utilisées, ou alors l'article 2 doit-il être interprété en ce sens que les dénominations de vente énoncées à l'annexe à la directive ne peuvent être utilisées que pour les seuls produits mentionnés à cette annexe, mais qu'à côté de ces dénominations de vente d'autres dénominations (comme un nom commercial ou de fantaisie) peuvent aussi être utilisées ?

2) Si la Cour [...] devait être de l'avis que l'article 2 de la directive 1999-4-CE [...] doit être interprété en ce sens que pour les produits mentionnés à l'annexe de cette directive, seules les dénominations de vente y énoncées peuvent être utilisées, sans qu'à côté de ces dénominations de vente d'autres dénominations (comme un nom commercial ou de fantaisie) puissent aussi être utilisées, ne s'ensuit-il pas que cette directive est contraire à l'article 28 du traité CE portant interdiction de restrictions quantitatives à l'importation et de toutes mesures d'effet équivalent entre les États membres de la Communauté européenne dès lors que, pour les produits qui satisfont à la définition des extraits de café à son annexe, cette directive, ainsi interprétée :

- exclut l'utilisation d'autres dénominations qu''extrait de café' ou 'café instantané', telle la dénomination " café ";

- réserve ainsi l'utilisation de la dénomination " café " à une seule forme de " café ", à savoir le grain de café;

- et cloisonne donc artificiellement le marché du café par rapport à des produits concurrents qui constituent d'autres formes de café que le grain de café, telles que, entre autres, les extraits de café et le café instantané ?

3) L'article 18, paragraphe 1, et l'article 18, paragraphe 2 de la directive 2000-13-CE doivent-ils être interprétés en ce sens que des dispositions nationales concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard qui interdisent certaines mentions comme les 'références à l'amaigrissement', et les 'références à des recommandations, attestations, déclarations ou avis médicaux ou à des déclarations d'approbation' dans l'étiquetage et/ou la présentation de denrées alimentaires et/ou la publicité faite à leur égard, alors que la directive n'interdit pas ces mentions, constituent des violations de cette directive compte tenu du fait que le huitième considérant de celle-ci affirme que l'étiquetage le plus approprié est celui qui crée le moins d'obstacles à la liberté des échanges, et que ces dispositions nationales ne peuvent donc être appliquées ?

4) L'article 18, paragraphe 2, de la directive 2000-13-CE doit-il être interprété en ce sens qu'il y a lieu de comprendre par 'protection de la santé publique' les dispositions nationales non harmonisées concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard, qui interdisent certaines mentions comme les 'références à l'amaigrissement', et les 'références à des recommandations, attestations, déclarations ou avis médicaux ou à des déclarations d'approbation' ?

5) L'article 28 du traité CE doit-il être interprété en ce sens que des dispositions nationales concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard qui n'ont pas été harmonisées au niveau européen et qui dérogent dès lors à la directive 2000-13-CE dans la mesure où elles interdisent certaines mentions dans l'étiquetage et/ou la présentation et/ou la publicité comme les 'références à l'amaigrissement', et les 'références à des recommandations, attestations, déclarations ou avis médicaux ou à des déclarations d'approbation' doivent être considérées comme des mesures d'effet équivalent et/ou comme des restrictions quantitatives à l'importation entre les États membres de la Communauté européenne, dans la mesure où ces dispositions nationales :

- imposent, d'une part, une charge supplémentaire lors de l'importation de denrées alimentaires afin de les rendre conformes à la législation nationale et créent ainsi des obstacles au commerce entre les États membres,

et

- d'autre part, ne s'appliquent pas à tous les opérateurs concernés qui exercent leurs activités sur le territoire national, en ce sens qu'il existe des produits tout à fait comparables (tels les produits cosmétiques) auxquels ces dispositions ne s'appliquent pas, ni d'ailleurs une quelconque disposition équivalente, et que ces dispositions ne peuvent être appliquées par le juge national ?"

Observations liminaires

18 Le Gouvernement belge, le Parlement et le Conseil émettent des doutes quant à la nature du produit "DynaSvelte Café", qui pourrait faire obstacle à l'applicabilité en l'espèce de la directive 1999-4. Pour sa part, la Commission souligne que, si ce produit n'est pas une denrée alimentaire de consommation courante mais plutôt une denrée alimentaire destinée à une alimentation particulière, il ne relèvera pas du champ d'application de la directive 2000-13.

19 Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l'article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de l'affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour (voir, notamment, arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379-98, Rec. p. I-2099, point 38, et du 5 juin 2003, Design Concept, C-438-01, Rec. p. I-5617, point 14).

20 Dans la présente affaire, il y a lieu de répondre aux questions posées en partant des prémisses sur lesquelles se fonde la juridiction de renvoi, à savoir que le produit "DynaSvelte Café" est une denrée alimentaire de consommation courante et qu'il relève du champ d'application de la directive 1999-4.

Sur la première question

21 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si, lors de la commercialisation des produits mentionnés à l'annexe de la directive 1999-4, seules les dénominations de vente y énoncées peuvent être utilisées ou si, à côté des dénominations de vente, d'autres dénominations, telles qu'un nom commercial ou de fantaisie, peuvent également être utilisées.

22 Il convient de relever d'emblée que la directive 2000-13 édicte des règles à caractère général et horizontal, applicables à l'ensemble des denrées alimentaires, tandis que des dispositions à caractère spécifique et vertical, visant uniquement les extraits de café et de chicorée, ont été adoptées par la directive 1999-4.

23 Dans ce contexte, la directive 1999-4 est une directive sectorielle, au sens du cinquième considérant de la directive 2000-13, et doit être interprétée à la lumière de cette dernière.

24 Selon l'article 2, sous a), de la directive 1999-4, "les dénominations prévues à l'annexe sont réservées aux produits qui y figurent et doivent être utilisées dans le commerce pour les désigner".

25 Il en résulte, d'une part, que les dénominations de vente, notamment "extrait de café", "extrait de café soluble", "café soluble" et "café instantané", ne peuvent être utilisées que pour la commercialisation des produits auxquels s'applique la directive 1999-4 et, d'autre part, qu'une telle utilisation est obligatoire.

26 Par ailleurs, ainsi que le Parlement et la Commission l'ont précisé, l'article 3 de la directive 2000-13 énumère les mentions qui doivent impérativement figurer dans l'étiquetage des denrées alimentaires, dont la dénomination de vente, sans pour autant exclure l'utilisation d'autres mentions.

27 De surcroît, l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2000-13 prévoit qu'une marque de fabrication ou de commerce ou une dénomination de fantaisie ne peut se substituer à la dénomination de vente, sans pour autant interdire leur utilisation simultanée.

28 L'article 2 de la directive 1999-4 n'interdit donc pas de faire figurer une dénomination de fantaisie ou une marque de commerce, à côté de la dénomination de vente obligatoire. Une telle interdiction limiterait l'information des consommateurs sur les caractéristiques des produits en cause au principal et serait contraire à l'un des objectifs énoncés au sixième considérant de la directive 2000-13.

29 Dès lors, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 2 de la directive 1999-4 doit être interprété en ce sens que, lors de la commercialisation des produits mentionnés à l'annexe de cette directive, il n'est pas exclu que d'autres dénominations, telles qu'un nom commercial ou de fantaisie, puissent être utilisées à côté des dénominations de vente.

Sur la deuxième question

30 La question de la validité de l'article 2 de la directive 1999-4 n'a été soulevée par la juridiction de renvoi que dans l'hypothèse où, dans la réponse à la première question, la Cour l'aurait interprété en ce sens qu'il interdit, pour les produits mentionnés à l'annexe de cette directive, l'utilisation d'autres dénominations à côté des dénominations de vente.

31 Au vu de la réponse à la première question, il n'y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

Sur les troisième, quatrième et cinquième questions

32 Par ces questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 28 CE ainsi que l'article 18, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000-13 s'opposent à une réglementation nationale qui interdit les références à l'"amaigrissement" et à des "recommandations, attestations, déclarations ou avis médicaux ou à des déclarations d'approbation" dans l'étiquetage, la présentation et la publicité des denrées alimentaires.

33 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que l'arrêté royal du 17 avril 1980 interdit d'utiliser les mentions litigieuses non seulement dans la publicité des denrées alimentaires, mais aussi dans leur étiquetage.

34 Or, ainsi que la Cour l'a jugé dans son arrêt du 12 décembre 1990, SARPP (C-241-89, Rec. p. I-4695, point 15), les dispositions de la directive relatives à l'étiquetage diffèrent sur un point essentiel de celles concernant la publicité. En raison de son caractère général et horizontal, la directive permet aux États membres de maintenir ou d'adopter des règles s'ajoutant à celles qu'elle édicte. En matière d'étiquetage, les limites de la compétence ainsi laissée aux États membres sont posées par la directive elle-même, puisqu'elle énumère de manière exhaustive, en son article 18, paragraphe 2, les raisons susceptibles de justifier l'application des normes nationales non harmonisées qui interdisent le commerce des denrées conformes à la directive. L'article 18 de la directive 2000-13 n'est cependant pas applicable à la publicité. Par conséquent, la question de savoir si, en ce domaine, le droit communautaire s'oppose à l'application d'une réglementation nationale qui s'ajoute aux règles prévues par la directive doit être examinée à la lumière, notamment, des dispositions du traité relatives à la libre circulation de marchandises et, en particulier, des articles 28 CE et 30 CE.

35 Il y a donc lieu d'examiner séparément les aspects de la réglementation nationale en cause relatifs, d'une part, à l'étiquetage et, d'autre part, à la publicité des denrées alimentaires.

Sur l'étiquetage des denrées alimentaires

36 L'article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2000-13 interdit toute indication ayant trait aux maladies humaines, indépendamment du fait que celle-ci est susceptible ou non d'induire le consommateur en erreur, ainsi que les indications qui, tout en ne comportant aucune référence aux maladies mais plutôt, par exemple, à la santé, s'avèrent trompeuses (voir arrêts du 23 janvier 2003, Commission/Autriche, C-221-00, Rec. p. I-1007, point 35, et Sterbenz et Haug, C-421-00, C-426-00 et C-16-01, Rec. p. I-1065, point 28).

37 Par ailleurs, l'article 18, paragraphe 1, de la directive 2000-13 empêche les États membres de prendre des mesures d'interdiction du commerce des denrées alimentaires conformes aux règles prévues par cette directive.

38 Il résulte de ce qui précède que les denrées alimentaires dont l'étiquetage contient des indications non trompeuses relatives à la santé doivent être considérées comme conformes aux règles de la directive 2000-13, les États membres ne pouvant interdire leur commercialisation en se fondant sur des motifs tirés de l'éventuelle irrégularité de cet étiquetage (arrêts précités Commission/Autriche, point 37, et Sterbenz et Haug, point 30).

39 Ainsi qu'il a été relevé au point 34 du présent arrêt, la directive 2000-13 permet, toutefois, aux États membres d'appliquer des normes nationales non harmonisées qui interdisent le commerce de denrées alimentaires conformes à cette directive, dès lors qu'elles sont justifiées sur la base de son article 18, paragraphe 2, sans qu'il soit nécessaire de les apprécier au regard des articles 28 CE et 30 CE. Parmi les raisons qui y sont énumérées figure, notamment, la protection de la santé publique et des consommateurs.

40 Dans la mesure où les dispositions litigieuses de l'arrêté royal du 17 avril 1980 interdisent d'une façon absolue les références à l'"amaigrissement" et à des "recommandations, attestations, déclarations ou avis médicaux ou à des déclarations d'approbation" indépendamment de leur aptitude à induire le consommateur en erreur et pour autant qu'elles ne visent pas aux maladies humaines, elles doivent être considérées comme des normes nationales non harmonisées, dont la compatibilité avec le droit communautaire dépend des motifs sur lesquels elles sont fondées et du respect du principe de proportionnalité.

41 Or, si l'article 2, paragraphe 1, de la directive 2000-13 interdit, d'une part, toutes les indications relatives à la prévention, au traitement et à la guérison d'une maladie humaine, même si celles-ci ne sont pas de nature à induire l'acheteur en erreur, et, d'autre part, les indications trompeuses ayant trait à la santé, force est de constater que la protection de la santé publique, à supposer que des risques y afférents puissent malgré tout être envisageables dans une situation particulière, ne saurait justifier un régime aussi restrictif de la libre circulation de marchandises que celui résultant de la législation nationale en cause (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Autriche, point 48, et Sterbenz et Haug, point 37).

42 En effet, il existe des mesures moins restrictives pour écarter de tels risques résiduels pour la santé, au nombre desquels figure, notamment, l'obligation pour le fabricant ou le distributeur du produit en cause d'apporter, en cas de doutes, la preuve de l'exactitude matérielle des données de fait mentionnées sur l'étiquetage (voir arrêts du 28 janvier 1999, Unilever, C-77-97, Rec. p. I-431, point 35, et Sterbenz et Haug, précité, point 38).

43 Une interdiction absolue de faire figurer dans l'étiquetage des denrées alimentaires certaines indications relatives à l'amaigrissement ou à des recommandations médicales sans que, au cas par cas, on examine leur aptitude effective à induire l'acheteur en erreur, aurait pour conséquence que les denrées alimentaires portant ces indications ne pourraient pas être librement commercialisées en Belgique, même dans l'hypothèse où celles-ci ne seraient pas trompeuses.

44 Une telle mesure excéderait ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de protection des consommateurs contre les tromperies et ne saurait donc être justifiée au titre de l'article 18, paragraphe 2, de la directive 2000-13.

45 Par ailleurs, dans les cas où les mentions en cause sont scientifiquement fondées, elles fournissent aux consommateurs une information pertinente, qui peut précisément les amener à acquérir et à consommer le produit ou les en dissuader.

46 Enfin, en ce qui concerne l'éventuelle difficulté d'établir, dans certains cas, le caractère trompeur d'une certaine mention, il convient de rappeler qu'il appartient aux juridictions nationales, dans toutes les situations douteuses, de forger leur conviction en prenant en considération l'attente présumée d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, notamment, arrêts du 4 avril 2000, Darbo, C-465-98, Rec. p. I-2297, point 20, et Sterbenz et Haug, précité, point 43).

47 Il y a donc lieu de répondre aux troisième, quatrième et cinquième questions posées, en ce qui concerne l'étiquetage des denrées alimentaires, que l'article 18, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000-13 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause, qui interdit, dans l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires, les références à l'"amaigrissement" et à des "recommandations, attestations, déclarations ou avis médicaux ou à des déclarations d'approbation".

Sur la publicité des denrées alimentaires

48 En ce qui concerne les aspects de la réglementation nationale relatifs à la publicité des denrées alimentaires, il y a lieu de relever que, d'une part, cette réglementation est identique à celle se rapportant à l'étiquetage et que, d'autre part, les dispositions de l'article 2, paragraphe 1, de la directive 2000-13 applicables à l'étiquetage sont, en vertu de l'article 2, paragraphe 3, sous b), de celle-ci, également applicables à la publicité.

49 Dans ces conditions, eu égard à ce qui a été constaté aux points 36 et 40 du présent arrêt, il convient de considérer que l'interdiction absolue des mentions relatives à l'"amaigrissement" et à des "recommandations, attestations, déclarations ou avis médicaux ou à des déclarations d'approbation", dans la publicité des denrées alimentaires, constitue une réglementation non harmonisée par la directive 2000-13.

50 La libre circulation de marchandises entre les États membres est un principe fondamental du traité CE qui trouve son expression dans l'interdiction, énoncée à l'article 28 CE, des restrictions quantitatives à l'importation entre les États membres ainsi que de toutes mesures d'effet équivalent.

51 Ainsi que la Cour l'a déjà jugé, pour que des dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente échappent au domaine d'application de l'article 28 CE, elles ne doivent pas être de nature à empêcher l'accès au marché des produits en provenance d'un autre État membre ou à le gêner davantage qu'elles ne gênent celui des produits nationaux (arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard, C-267-91 et C-268-91, Rec. p. I-6097, point 17).

52 Or, il convient de relever que les denrées alimentaires légalement fabriquées et commercialisées dans les autres États membres où, conformément aux dispositions de la directive 2000-13, les indications non trompeuses relatives à la santé peuvent être mentionnées se verraient limiter l'accès au marché belge. En effet, il ne saurait être exclu la possibilité que le fait, pour un opérateur concerné, d'être contraint d'abandonner un système publicitaire qu'il juge particulièrement efficace puisse constituer un obstacle aux importations (voir, en ce sens, arrêt SARPP, précité, point 29).

53 Par ailleurs, une interdiction absolue de la publicité sur les caractéristiques d'un produit est de nature à gêner davantage l'accès au marché de nouveaux produits originaires d'autres États membres que celui des produits nationaux, avec lesquels le consommateur est mieux familiarisé (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2001, Gourmet International Products, C-405-98, Rec. p. I-1795, point 21).

54 L'interdiction édictée par la réglementation nationale constitue donc une entrave au commerce intracommunautaire entrant dans le champ d'application de l'article 28 CE.

55 Une telle entrave ne peut être justifiée que par l'une des raisons d'intérêt général énumérées à l'article 30 CE, parmi lesquelles figure la protection de la santé et de la vie des personnes, ou par l'une des exigences impératives tendant, entre autres, à la défense des consommateurs. Elle doit, également, être propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop, C-34-95 à C-36-95, Rec. p. I-3843, point 45).

56 Les raisons invoquées pour justifier les aspects de la réglementation nationale en cause relatifs à la publicité ont une portée identique à celles avancées afin de justifier les aspects de cette réglementation concernant l'étiquetage, à savoir la protection de la santé des personnes et la répression des tromperies. Pour les motifs indiqués aux points 41 à 46 du présent arrêt, ces arguments ne sauraient être accueillis.

57 Toutefois, et contrairement aux législations nationales qui, en matière d'étiquetage, vont à l'encontre de la directive 2000-13 et qui ne peuvent s'appliquer ni aux denrées alimentaires importées ni aux denrées alimentaires d'origine nationale, lorsqu'une réglementation nationale en matière de publicité est contraire aux articles 28 CE et 30 CE, l'application de cette réglementation n'est interdite qu'en ce qui concerne les produits importés et non les produits nationaux (arrêt SARPP, précité, point 16).

58 Étant donné qu'il ressort de l'ordonnance de renvoi que le litige au principal ne concerne pas des denrées alimentaires importées, il appartient au juge national de vérifier dans quelle mesure le droit national impose de faire bénéficier un opérateur économique national des mêmes droits que ceux qu'un opérateur économique d'un autre État membre tirerait du droit communautaire dans la même situation (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2000, Guimont, C-448-98, Rec. p. I-10663, point 23).

59 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux troisième, quatrième et cinquième questions posées, en ce qui concerne la publicité des denrées alimentaires, que les articles 28 CE et 30 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui interdit, dans la publicité pour les denrées alimentaires importées d'autres États membres, les références à l'"amaigrissement" et à des "recommandations, attestations, déclarations ou avis médicaux ou à des déclarations d'approbation".

Sur les dépens

60 Les frais exposés par le Gouvernement belge, le Parlement, le Conseil, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le Rechtbank van Koophandel te Hasselt, par décision du 28 juin 2002, dit pour droit:

1) L'article 2 de la directive 1999-4-CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 février 1999, relative aux extraits de café et aux extraits de chicorée, doit être interprété en ce sens que, lors de la commercialisation des produits mentionnés à l'annexe de cette directive, il n'est pas exclu que d'autres dénominations, telles qu'un nom commercial ou de fantaisie, puissent être utilisées à côté des dénominations de vente.

2) L'article 18, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000-13-CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause, qui interdit, dans l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires, les références à l'"amaigrissement" et à des "recommandations, attestations, déclarations ou avis médicaux ou à des déclarations d'approbation".

Les articles 28 CE et 30 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui interdit, dans la publicité pour les denrées alimentaires importées d'autres États membres, les références à l'"amaigrissement" et à des "recommandations, attestations, déclarations ou avis médicaux ou à des déclarations d'approbation".