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Décisions

CCE, 17 juin 1994, n° M.427

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Rhône-Poulenc/Caffaro

CCE n° M.427

17 juin 1994

1. Le 11 mai 1994, les sociétés Rhône-Poulenc SA et Caffaro SpA, ont notifié à la Commission l'accord par lequel elles créent une entreprise commune dénommée Nyltech dans laquelle elles regrouperont l'ensemble de leurs activités dans le secteur du plastique technique au plan mondial, à l'exclusion de l'Amérique Latine.

2. Après examen de la notification, la Commission a abouti à la conclusion que l'opération notifiée entre dans le champ d'application du règlement (CE) n° 4064-89 et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

I. LES PARTIES ET L'OPERATION

3. Rhône-Poulenc SA (RP) est une société holding antérieurement contrôlée par l'Etat français et privatisée en décembre 1993. A la clôture de l'opération de privatisation, le capital de RP est réparti entre le public (67 %), un noyau stable d'actionnaires institutionnels (24 %), les salariés de RP (6 %) et l'Etat (3 %). RP est actif dans les secteurs des produits intermédiaires organiques et minéraux, de l'agro-chimie, de la santé, des spécialités chimiques et des fibres et polymères au travers notamment de RP Fibres et Polymères SA.

4. Caffaro SpA (Caffaro) est une société contrôlée par la société SNIA BPD, elle-même contrôlée à 48,83 % par SICIND SpA, filiale du groupe Fiat. Les principales activités de Caffaro comprennent la production et la vente de produits de chimie de base et de chimie fine, de films pour l'emballage alimentaire et pharmaceutique et de plastique technique. Cette dernière activité est plus particulièrement réalisée par la société STP Tecnopolimeri SpA dont elle détient entièrement le contrôle.

5. RP et SNIA ont d'ores et déja regroupé la plupart de leurs activités dans le domaine du polyamide, tant dans les secteurs des fils et fibres pour tapis (entreprise commune Novalis, autorisée par la Commission le 10.08.1992), que dans le domaine des fils à usage textile (entreprise commune Nylstar, autorisée par la Commission le 08.09.1993 et cession de Nordfaser à Nylstar, autorisée par la Commission le 03.02.1994).

II. CONCENTRATION

Contrôle conjoint

6. RP et par Caffaro détiendront chacun 50 % du capital de Nyltech et nommeront chacun 3 membres du Conseil d'administration, soit au total 6 membres, alors que les deux membres restants seront choisis en commun par les deux parties (article 12 du Joint Venture Agreement). Le "joint venture agreement" prévoit que les décisions du Conseil d'administration devront résulter d'un accord unanime de RP et Caffaro.

En ayant le pouvoir d'approuver le budget et les plans d'investissement ainsi que de définir l'objet et la politique financière et commerciale de l'entreprise, ce Conseil aura la responsabilité du plan stratégique commercial. Il élira en son sein un président qui n'aura aucun droit de vote prépondérant. Le directeur général sera désigné par la partie qui n'aura pas nommé l'administrateur élu comme président.

7. Un comité de gestion sera constitué de ce même président et d'un administrateur nommé par l'autre partie. Ce comité décidera, sur délégation du Conseil d'administration, des stratégies de production, de commercialisation et de recherche-développement. Il aura tout particulièrement à charge l'approbation et la conclusion des contrats importants en matière d'approvisionnement en matière première, de droits de propriété intellectuelle, et dans le domaine financier.

8. Il ressort de ce qui précède que RP et Caffaro contrôleront conjointement l'entreprise commune Nyltech.

Entité économique autonome

9. L'entreprise commune est créée pour une durée illimitée et le "joint venture agreement" prévoit qu'elle décidera de sa propre stratégie, disposera de sa propre image, assurera son propre développement et emploiera directement les différents personnels des activités de Caffaro et de RP transférés (environ 800 personnes). Lui seront aussi transmis tous les moyens matériels et financiers ainsi les brevets, marques et savoir-faire technique et commercial, nécessaires pour être en mesure d'intervenir sur le marché comme fournisseur et acheteur indépendant.

10. Nyltech pourra effectuer de façon autonome sa propre recherche-développement en ce qui concerne les nouvelles applications en matière de plastiques techniques, dans les centres de recherche qui lui ont été transférés. De plus, l'EC pourra faire effectuer sa recherche fondamentale auprès des centres CRIT R&D de RP et Sniaricerche de Caffaro.

11. RP et Nyltech conclueront un contrat de fourniture de matière première pour le sel nylon pour une durée de [Supprimé pour raison de secret d'affaires]. En effet, Nyltech pourrait rencontrer de grandes difficultés d'approvisionnement sur le marché du sel nylon qui ne comprend que quatre producteurs de sel nylon en Europe, une large partie de cette production étant autoconsommée. [Supprimé pour raison de secret d'affaires].

12. D'autres contrats de fourniture ou de mandat seront conclus entre les sociétés mères et l'EC en particulier en matière de caprolactame, nécessaire à la fabrication du nylon 6, et de l'approvisionnement en chutes de fabrication de nylon, nécessaires pour la fabrication de plastique technique de second choix. En effet, le marché de la matière première pour le second choix est dépendant d'un volume par nature aléatoire de déchets.

13. Nyltech et les sociétés fondatrices conclueront de plus des baux ayant pour objet l'occupation de certains sites en attendant que ceux-ci lui soient transférés à l'issue d'une période de 10 ans suivant la création de l'entreprise commune.

L'ensemble de ces contrats ont pour objet, et pour effet, de garantir l'autonomie de Nyltech en lui assurant une plus grande sécurité d'approvisionnement et en lui garantissant la disposition des sites qui, pour des raisons techniques n'ont pu lui être pleinement transférés.

14. En conséquence, l'entreprise commune accomplira de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome.

Absence de coordination des comportements concurrentiels

15. RP et Caffaro se retireront des marchés affectés par l'opération notifiée après avoir transféré à la nouvelle entreprise commune l'ensemble de leurs activités dans le domaine des plastiques techniques. Seront donc transmises à Nyltech tant les activités de plastique technique à base de polyester, de polyacétal que de polyamide de RP et Caffaro, à l'exception des ateliers de polymérisation de Tubize et Belle Etoile de RP [Supprimé pour raison de secret d'affaires].

16. RP conservera en propre les installations de sa filiale brésilienne qui est exclusivement active sur le marché latino-américain lequel doit être considéré comme un marché distinct. Il s'en suit qu'il n'y aura pas de risque de coordination entre la filiale brésilienne de RP et Nyltech.

17. Une clause de non-concurrence du "Joint Venture Agreement" prévoit que les sociétés mères puissent acquérir une entreprise active sur le marché des PTP. Elles seront alors dans l'obligation de proposer cette entreprise à Nyltech. En cas de refus d'achat de la part de Nyltech ou d'impossibilité de vente de cette activité à une tierce entreprise, RP et/ou Caffaro seront alors dans l'obligation d'y mettre un terme dans les douze mois qui suivent.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

18. Le chiffre d'affaires mondial du groupe Rhône-Poulenc, comme celui du groupe Fiat excède tant le seuil de 5 milliards d'écus au plan mondial que celui de 250 millions d'écus au plan communautaire. Les entreprises concernées ne réalisent pas plus des deux-tiers de leur chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre.

19. Il s'agit de plus d'un cas de coopération entre la CEE et l'AELE, prévu au protocole 24 des accords sur l'Espace économique européen.

IV. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

Présentation générale du secteur

20. Les "plastiques techniques" appartiennent à l'univers des matières plastiques. Ils disposent de propriétés spécifiques, les rendant plus ou moins aptes à certaines applications industrielles. En effet, seules quelques matières plastiques sont en mesure de satisfaire à des exigences particulières: stabilité dimensionnelle, maintien des propriétés à des températures élevées, performances proches de celles des métaux... .

Les "plastiques techniques" résultent du mélange d'un polymère de base et d'une série d'additifs et renforts. Les plastiques techniques sont, pour l'essentiel, constitués des cinq polymères de base suivants: polyamides, polycarbonates, polyoxyméthylène, polyoxyde de phénylène, polyesters saturés, qui chacun détermine une catégorie distincte de plastiques techniques. Leur mélange avec les additifs et renforts nécessaires aux spécifications requises est dénommé "compound", selon la terminologie anglo-saxonne.

Ces mélanges ou "compounds" sont ensuite transformés en fonction de leur destination finale. Délivrés sous forme de poudre ou de granulés, les plastiques techniques sont alors soit injectés, soit extrudés par des transformateurs qui réalisent des pièces à partir de moules. L'injection-moulage est la technique la plus courante (320 KT pour 5 KT d'extrusion en 1992).

Les industries automobile, électronique, électrique et celles des transports figurent parmi les grandes utilisatrices des plastiques techniques.

La production de ces mélanges ou "compounds" peut être réalisée par des entreprises qui sont intégrées verticalement et qui produisent elles-mêmes leur polymère, comme Rhône-Poulenc ou SNIA, ou par des entreprises qui achètent leurs matières premières et réalisent le mélange qui sera vendu aux transformateurs; cette seconde catégorie est dénommée "compounders" pour reprendre la terminologie anglo-saxonne.

Marché de produits: les plastiques techniques en polyamide (PTP)

21. Il existe des franges de substituabilité entre les grandes catégories de plastiques techniques. En effet, plusieurs types de plastiques techniques peuvent satisfaire la même application. Il est en définitive peu d'applications pour lesquelles les plastiques techniques polyamide sont utilisés de façon exclusive. Il semble toutefois qu'en dépit d'une certaine substituabilité des produits au plan technique, les caractéristiques spécifiques des plastiques techniques à base de polyamide (qualité intrinsèque du polyamide, prix des produits, rigidité au changement du point de vue de la demande) permettent de les distinguer.

L'opération ne conduisant pas à la création ou au renforcement d'une position dominante, même sur la base de la définition la plus restrictive du marché de produit, la question de savoir si les PTP constituent un marché de produit distinct peut être laissée ouverte.

22. Les PTP sont produits à partir d'un polymère de base: le polyamide qui résulte de processus chimiques successifs que la Commission a décrit dans plusieurs décisions précédentes [voir Du Pont/ICI (IV-M.214 du 30.09.1992), description reprise dans les décisions Rhône- Poulenc/SNIA (IV-M.206 du 10.08.1992 et IV-M.399 du 3.2.1994)].

Le polyamide peut être réalisé selon deux processus distincts aboutissant à la production de polyamide 6 ou de polyamide 6.6. Dans le cadre de la création de Nyltech, cette distinction ne modifiant en rien l'analyse concurrentielle, la question de savoir si les PTP 6 et 6.6 appartiennent à deux marchés de produit distincts sera laissée ouverte.

23. Certains "plastiques techniques" dits "de second choix" peuvent être obtenus à partir de déchets notamment de fils et fibres polyamide ou à partir de polymère dégradé impropre aux utilisations mécaniques.

Ces PTP "de second choix" sont destinés à des applications dont les exigences en matière de résistance mécanique ou de résistance thermique sont moindres. Les prix des PTP de second choix sont inférieurs à 20 à 30 % à ceux du premier choix. Enfin, le volume de sa production est étroitement lié à celui des déchets; c'est pourquoi, les quantités disponibles de second choix sont relativement aléatoires.

De nombreux facteurs distinguent les PTP de premier et de second choix. Il semble qu'ils constituent deux marchés de produits distincts. Toutefois, l'absence de création ou de renforcement de position dominante quelle que soit la segmentation de marché retenue, conduit à laisser ouverte la question de l'existence de deux marchés de produits distincts.

Marché géographique

24. Le marché géographique de référence est constitué par l'Espace économique européen.

Les principaux acteurs du marché sont présents dans la plupart des Etats de la Communauté. Une comparaison entre les sites de production des grands groupes actifs dans ce secteur et la localisation de leurs ventes permet de constater l'existence de flux d'échanges intracommunautaires importants.

D'une façon générale, il n'existe pas de différence notable dans les standards de qualité dans les différents pays d'Europe de l'Ouest.

Les prix moyens des PTP sont relativement homogènes à travers l'Europe et notamment pour la France, l'Italie et l'Allemagne. Si des écarts de prix peuvent ponctuellement contredire cette homogénéïté tarifaire, ils sont généralement dus à la qualité et aux dévaluations monétaires. Certains concurrents, et notamment Du Pont, soulignent toutefois qu'en dépit de ces fluctuations, les prix sont homogènes au niveau européen.

Il n'existe pas d'entraves réglementaires particulières dans les Etats membres qui freineraient les échanges intracommunautaires. Par ailleurs, il n'y a pas de barrières douanières entre la CE et les pays de l'AELE et les coûts de transport sont faibles.

25. Toutefois, pour les mêmes raisons que celles qui ont déjà été développées par la Commission dans ses décisions IV-M-355 Rhône-Poulenc/Snia II et IV-M-399 Rhône-Poulenc-Snia/Nordfaser (notamment qualité des produits, sécurité et régularité des approvisionnements), et compte tenu de la nécessité d'une liaison étroite et constante entre le donneur d'ordre et le fournisseur le marché géographique de référence n'est pas plus vaste que l'Europe de l'Ouest. Les importations en Europe occidentale ne proviennent que des Etats-Unis et ne représentent qu'une très faible part (moins de 2 %) de la consommation totale.

Appréciation de l'opération

1) Les plastiques techniques polyester et polyacétal

26. L'entreprise commune sera active de façon marginale dans les secteurs des plastiques techniques polyester et des plastiques techniques polyacétal.

RP produit du PT polyester à hauteur de [Supprimé pour raison de secret d'affaires] KT pour un marché européen d'environ 50 KT (estimations pour 1992) soit une position de marché de [Supprimé pour raison de secret d'affaires]. Tecnopolimeri achète et vend du PT polyacétal à hauteur de [Supprimé pour raison de secret d'affaires] pour un marché européen d'environ 100 KT soit une position de marché de [Supprimé pour raison de secret d'affaires] également.

Dans l'hypothèse où ces deux Plastiques Techniques constituent des marchés distincts, il n'existe aucun chevauchement d'activité entre les parties. Dans l'hypothèse d'un marché global des Plastiques Techniques l'addition de parts de marché résultant de l'apport de ces activités serait si marginale qu'il ne modifie en rien l'analyse concurrentielle relative à l'opération Nyltech.

2) Les PTP de second choix

27. Nyltech sera productrice de PTP de second choix. Un contrat d'approvisionnement en chutes, signé entre Caffaro et Nyltech, devrait assurer à l'entreprise commune une certaine sécurité d'approvisionnement.

Toutefois, les parties sont très peu actives dans la production et la vente de PTP de second choix. RP vient de débuter au 1er janvier 1994 une activité dans ce domaine au travers d'une participation de 50 % dans la Société de Recyclage du Nylon (SRN) et qui est apportée à Nyltech. De son côté, Tecnopolimeri développe sa présence dans les PTP de second choix au travers d'un contrat de façonnage et de distribution conclu avec la société SCORI, qui est repris par Nyltech.

Ainsi, si les PTP de second choix sont considérés comme un marché pertinent distinct, l'addition des positions respectives de RP et de Tecnopolimeri conduit à une part de marché de [Supprimé pour raison de secret d'affaires], soit [Supprimé pour raison de secret d'affaires] KT pour RP et [Supprimé pour raison de secret d'affaires] KT pour Tecnopolimeri pour un marché total estimé à 100 KT.

3) Les PTP de premier choix

28. L'addition des parts de marché en Europe occidentale de RP et Caffaro, consécutive à la création de Nyltech, conduit à la situation suivante:

<emplacement tableau>

Le tableau ci-dessus fait ressortir que l'opération notifiée ne crée ni ne renforce de position dominante sur le marché ouest-européen des PTP. La distinction entre PTP 6 et PTP 6.6 ne remet pas en cause cette appréciation. En effet, la part de marché de Nyltech restera inférieure à 25 %, des concurrents puissants comme BASF, Bayer ou Du Pont détiennent d'importantes parts de marché, des concurrents moins importants comme DSM réalisent néanmoins des parts de marché avoisinant 10 %, enfin, de nombreux petits producteurs comme Radici, Lati ou Monsanto par exemple, ainsi que des "compounders" totalisent 20 % environ du marché.

IV. RESTRICTIONS ACCESSOIRES

29. Le contrat de fourniture en nylon 6.6 conclu avec RP pour une durée de [Supprimé pour raison de secret d'affaires], comprend une obligation d'achat en quantités minimales à RP, couvrant selon les estimations des parties l'ensemble des besoins de l'EC pendant ses trois premières années de fonctionnement. [Supprimé pour raison de secret d'affaires]. La période de [Supprimé pour raison de secret d'affaires] prévue par le contrat va au delà de ce qui est strictement nécessaire pour garantir l'autonomisation progressive de l'entreprise commune et ne constitue donc pas une restriction accessoire à l'opération de concentration.[Supprimé pour raison de secret d'affaires]

30. Le "Joint Venture Agreement" prévoit de plus une clause de non-concurrence entre les sociétes mères et l'EC. Celle-ci visant à exprimer la réalité du retrait durable des sociétés mères du marché concerné, elle peut être aussi qualifiée de clause accessoire.

V. CONCLUSION

32. Sur la base de l'ensemble de ces conclusions, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le Marché commun et avec le traité EEE. Cette décision est prise sur la base de l'article 6 paragraphe 1 sous b du règlement du Conseil n° 4064-89 et de l'article 17 de l'accord sur l'Espace économique européen.