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Décisions

Ministre de l’Économie, 26 février 2004, n° ECOC0400222Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Air liquide international SA

Ministre de l’Économie n° ECOC0400222Y

26 février 2004

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 23 janvier 2004, vous avez notifié le projet d'acquisition par la société Air liquide international SA (ci-après " Air liquide "), auprès du groupe Livingston, de la société Livingston SA (ci-après " Livingston ") (1). Cette acquisition a été formalisée par un accord signé le 19 décembre 2003.

I. - Les parties et l'opération

La société Air liquide international SA est détenue par Air liquide SA, société mère du groupe " Air liquide " (2), spécialiste des gaz industriels et des services associés (3), qui a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires total consolidé, calculé conformément à l'article 5 du règlement n° 4064-89 du 21 décembre 1989 modifié, de 7,9 milliards d'euros, dont 4 milliards en Europe et 1,93 milliard en France.

La société Livingston SA, qui détient le contrôle exclusif des sociétés TIS-Livingston, Somelec SA, Climats SA et Sapratin technologies, actives dans les secteurs de la métrologie industrielle (4), de la maintenance industrielle, de la fabrication et du service après-vente d'enceintes climatiques, a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires total consolidé de 51 millions d'euros, dont 49 millions en France.

Compte tenu des chiffres d'affaires précités, réalisés lors du dernier exercice clos, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique. L'opération a également été notifiée en Allemagne

II. - Marchés concernés

L'opération entraîne des chevauchements entre les activités des parties dans les domaines de la métrologie industrielle et de la maintenance industrielle. En effet, le groupe acquéreur n'est pas présent dans le secteur de la fabrication d'enceintes climatiques.

La métrologie industrielle

La métrologie peut être définie comme la science de la mesure associée à l'incertitude de son résultat. La validation du résultat de la mesure est au centre de la discipline métrologique. Il convient de distinguer, au sein de la métrologie, la métrologie légale, la métrologie fondamentale et la métrologie industrielle. La première, forme moderne du contrôle des poids et mesures, correspond à l'ensemble des procédures techniques et administratives établies par l'Etat afin de garantir la qualité des mesures réalisées. La métrologie fondamentale développe et maintient des étalons nationaux de référence (5). La métrologie industrielle, quant à elle, vise à fournir aux industriels des prestations de service (étalonnage) leur permettant de mesurer et contrôler leurs processus de fabrication. Elle intervient à tous les stades de l'élaboration d'un produit (recherche, conception, mise en service).

Les parties estiment qu'il convient de distinguer, au sein de la métrologie industrielle, le marché des prestations de service de métrologie mécanique (6) et le marché des prestations de service de métrologie électrique (7). Ils arguent des différences dans la technicité, le prix et la composition de l'offre et de la demande pour distinguer les deux catégories de métrologie. Les appareils sur lesquels sont réalisées les prestations de métrologie, tout d'abord, ne présentent pas les mêmes caractéristiques et ne nécessitent donc pas la même technicité (les services de métrologie mécanique (*) sont réalisés sur des appareils bien plus complexes). Les prix des prestations, d'autre part, présentent des gros écarts (8). Enfin, les parties insistent sur le fait que les laboratoires de métrologie sont spécialisés en métrologie électrique ou mécanique et que la demande des industriels portes sur l'un ou l'autre de ces services d'étalonnage. La question de la délimitation d'un marché de la métrologie industrielle peut cependant être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées.

En ce qui concerne la dimension géographique de l'activité de métrologie industrielle, les parties envisagent une distinction entre la métrologie électrique, secteur auquel ils attribuent une dimension nationale (les services étant de plus en plus réalisés sur le site du client, qui peut donc faire appel à toute société, quelle que soit son implantation géographique) et la métrologie mécanique, qui correspond davantage à une activité réalisée localement (dans le laboratoire de métrologie lui-même et non dans les locaux du client). Cette distinction correspond cependant à une évolution très récente et ne peut pas, en l'état actuel des choses, être généralisée à l'ensemble de la métrologie industrielle. En tout état de cause, la question de la délimitation géographique des marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées.

La maintenance industrielle

Les parties sont également simultanément présentes dans le secteur de la maintenance industrielle qui recouvre les services de maintenance au sens strict, d'entretien et de réparation nécessaires dans un milieu industriel. La question d'une délimitation plus précise de l'activité de maintenance industrielle (par exemple en fonction des appareils faisant l'objet de cette maintenance) peut être laissée ouverte. En effet, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées, les parties étant très faiblement présentes dans le secteur de la maintenance industrielle.

En ce qui concerne la dimension géographique de l'activité de maintenance industrielle, la question peut également être laissée ouverte. En effet, les parties ont de très faibles positions au niveau national et, si une dimension infranationale devait être retenue, il conviendrait de remarquer que les parties ne sont pas présentes dans les mêmes régions (9).

III. - Analyse concurrentielle

En adoptant la segmentation la plus fine de l'activité de métrologie industrielle et en distinguant donc la métrologie mécanique de la métrologie électrique, il convient de remarquer que le chevauchement entre les activités des parties est très faible (10) et que la nouvelle entité devra faire face à une pression concurrentielle significative.

En effet, en ce qui concerne la métrologie mécanique, la nouvelle entité représente [0-10] % (dont [0-10] points sont réalisés par le groupe acquéreur) des ventes réalisées en France et est confrontée à la concurrence du Laboratoire national d'essais, qui réalise [10-20] % de ces ventes, et à celle des sociétés France qualité ([0-10] % des ventes), A+ Métrologie ([0-10] %), Gouy/Micron + ([0-10] %), Quantum Networks ([0-10] %) et Mainco ([0-10] %). Dans le secteur de la métrologie électrique, la nouvelle entité a un poids plus important. Elle représente, en effet, [15-25] % du total des ventes en France malgré le très faible chevauchement entraîné par l'opération. Bien que l'offre concurrente soit plus atomisée, les principaux concurrents étant Agilent technologies ([0-10] % des ventes), E2M ([0-10] % des ventes), LCIE Veritas ([0-10] %), A+ Metrologie ([0-10] %) et Rhode & Schwarz ([0-10] %), il convient de remarquer que ces sociétés appartiennent à des groupes qui ont une dimension et une capacité financière importantes qui leur permettent d'exercer une pression concurrentielle sur la nouvelle entité.

Enfin, même si la nouvelle entité est en mesure de proposer ses services en métrologie électrique et en métrologie mécanique, le risque d'un effet congloméral peut être écarté. Tout d'abord, plusieurs entreprises concurrentes sont également présentes dans ces deux secteurs. De plus, il convient de noter que, d'une manière générale, les clients ne sont demandeurs que de l'un ou l'autre des services d'étalonnage (11).

En conclusion et compte tenu des éléments analysés, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans les secteurs d'activité concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

(*) Erreur matérielle : lire " électrique " au lieu de " mécanique ". Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

(1) D'autres sociétés appartenant au groupe Livingston sont parallèlement acquises par Air Liquide : Livingston GmbH en Allemagne, Livingston Calibration BV aux Pays-Bas et Livingston Electronic Equipment Services SA en Espagne. Ces sociétés ne réalisent aucun chiffre d'affaires en France.

(2) Aucun actionnaire ne détient plus de 5 % du capital d'Air Liquide.

(3) Le groupe Air Liquide est également présent dans les domaines de la chimie, du soudage, de l'ingénierie, de la construction et de la plongée.

(4) La métrologie peut être définie comme la science de la mesure.

(5) Selon le " Vocabulaire international de la métérologie ", un étalon est " une mesure matérialisée, appareil de mesure, matériau de référence ou système de mesure destiné à définir, réaliser, conserver ou reproduire une unité ou plusieurs valeurs d'une grandeur pour servir de référence ".

(6) La métrologie mécanique concerne les services de métrologie appliqués aux appareils de mesure de grandeurs physiques (dimension, pression, force-couple, masse...).

(7) La métrologie électrique concerne les services de métrologie appliqués aux appareils de mesure de grandeurs électriques (tension, intensité, temps, fréquence...).

(8) Le prix moyen d'un service d'étalonnage pour un appareil mécanique est compris entre 20 et 40 euros alors que le prix moyen d'un service pour un appareil électrique avoisine les 70 euros.

(9) Livingston est essentiellement présent en région parisienne, région Centre et dans le Sud-Ouest alors qu'Air Liquide est présent dans l'est de la France.

(10) En effet, Livingston ne représente, en 2002, que [...] % du total des ventes réalisées en France dans le domaine de la métrologie mécanique et Air Liquide, à travers sa filiale Metrotech, ne représente, pour la même année, que [...] % des ventes réalisées en France dans le domaine de la métrologie électrique.

(11) La métrologie électrique s'adresse à des entreprises spécialisées dans les technologies de pointe (défense, aérospatiale, télécommunications) alors que la métrologie mécanique est davantage destinée à des secteurs d'activité plus classiques (automobile, construction etc).