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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 15 juillet 2004, n° 04-01063

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Toyota France (SAS)

Défendeur :

Auto Diffusion 45 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remery

Conseillers :

Mme Magdeleine, M. Garnier

Avoués :

SCP Laval-Lueger, Me Bordier

Avocats :

SCP Selas Arnaud-Sarkozy, Me Urion.

CA Orléans n° 04-01063

15 juillet 2004

Exposé du litige;

La cour statue sur l'appel à jour fixe, interjeté par la société Toyota France (société Toyota), d'une ordonnance de référé du Président du Tribunal de commerce d'Orléans rendue le 5 mars 2004 qui a ordonné, sous astreinte, à la société appelante de poursuivre des relations contractuelles avec la société Automobiles Diffusion 45 (société AD 45).

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les:

* 10 juin 2004 (société Toyota),

* 10 juin 2004 (société AD 45).

Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que, par contrat de concession à durée indéterminée du 30 juillet 1997, la société Toyota, distributeur, a conféré à la société AD 45 le droit de vendre les produits de la marque Toyota dans les arrondissements d'Orléans et Pithiviers. Ce contrat a été résilié, moyennant le préavis contractuel de deux ans, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 février 2002, à effet du 4 mars 2004, mais, par l'ordonnance aujourd'hui déférée à la cour, le Juge des référés commerciaux a prescrit la poursuite des relations contractuelles dans l'attente d'une décision au fond du Tribunal de commerce d'Orléans. La société Toyota a relevé appel de cette décision, dont elle demande l'infirmation.

En cause d'appel, chaque partie a présenté les demandes et moyens qui seront exposés et discutés dans les motifs ci-après.

Motifs de l'arrêt:

Sur la procédure :

Attendu que la société AD 45 soutient au préalable que l'appel serait devenu sans objet et qu'il n'y aurait plus lieu à référé en raison de la saisine sur le fond du Tribunal de commerce d'Orléans qui aurait mis l'affaire en délibéré au 22 septembre 2004; que, cependant, la décision de celui-ci n'étant pas, en l'état, prononcée, l'appel de l'ordonnance de référé n'est pas dépourvu d'objet;

Attendu, par ailleurs, que la société Toyota a renoncé, en cause d'appel, à l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée devant le premier juge;

Sur le bien-fondé de la mesure conservatoire adoptée par le premier juge:

Attendu qu'aux termes de l'article 873, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, le Président du tribunal de commerce peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite:

Que, par application de ce texte, il n'est pas interdit au Juge des référés de suspendre momentanément les effets de la dénonciation d'un contrat ou d'ordonner le maintien de relations contractuelles entre parties, malgré la résiliation, s'il résulte de celle-ci un dommage imminent, dès lors que, d'une part, le Juge des référés fixe un terme raisonnablement certain au maintien des relations et que, d'autre part, il n'est pas d'ores et déjà exclu que ce maintien ait une chance, dans les circonstances de la cause, d'être décidé par le juge du fond, parallèlement saisi ;

Attendu que, s'il est exact que la résiliation a été prononcée sous l'empire du règlement (CE) n° 1475-95 de la Commission du 28 juin 1995, concernant l'application de l'article 85 § 3, du traité institutif des Communautés, à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, le fait que le préavis de deux ans était en cours d'exécution à la date du nouveau règlement (CE) n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81 § 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile et à la fin de la période transitoire prévue par lui et que, par conséquent, les relations contractuelles entre la société Toyota et son concessionnaire n'avaient pas encore définitivement cessé, ne rend pas d'ores et déjà, dépourvue de toute pertinence l'argumentation de la société AD 45 tendant à faire juger, sur le fond et sur la hase du nouveau règlement, qu'elle pourrait, malgré l'expiration du précédent contrat de concession par l'effet de la résiliation, être intégré au réseau de distribution, non plus exclusive, mais sélective Toyota, dont elle estime respecter les critères objectifs de sélection et ainsi prétendre à la poursuite de relations contractuelles avec la société Toyota ;

Que si son droit à la continuation de relations contractuelles se heurte aux contestations sérieuses que développe la société Toyota,sur l'inapplication rétroactive du règlement n° 1400-2002, sur l'effet absolu de la résiliation, sur l'absence de tout droit de la société AD 45 à intégrer le réseau de distribution sélective, dont elle ne remplirait pas les critères, notamment financiers, ou sur l'existence de manquements contractuels, ces contestations sérieuses, qu'il n'appartient pas au Juge des référés de trancher, sont ici le fondement même de l'intervention de celui-ci, l'article 873, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile énonçant expressément que les mesures conservatoires qu'il ordonne peuvent l'être même en présence de telles contestations,dès lors, du moins, que l'argumentation qui leur est, en l'état, opposée ne peut être écartée comme dépourvue de toute pertinence;

Que c'est donc à juste titre que le Président du tribunal de commerce a ordonné la poursuite des relations entre parties, pour permettre à la société AD 45, notamment, de continuer a s'approvisionner en produits contractuels, la rupture de cet approvisionnement, si elle avait lieu maintenant, consacrant définitivement le dommage de la société AD 45, dans la mesure où elle rendrait particulièrement difficile la reprise de ces relations si le juge du fond venait à juger que cette société a droit à être intégré dans le réseau de distribution sélective Toyota ;qu'est ainsi établie l'imminence du dommage et la nécessité d'en prévenir la réalisation par les mesures pertinemment décidées par le premier juge, le terme mis à celle-ci, savoir le règlement du litige sur le fond était, en l'espèce, suffisamment certain ;que, par ailleurs, le fait que les établissements de crédit contactés par la société AD 45 pour lui fournir une caution bancaire subordonnent leur accord à la délivrance de celle-ci à l'existence d'un contrat écrit de distribution, empêche légitimement la société AD 45 de remplir, en l'état, le critère d'existence d'une garantie financière;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ordonnance entreprise doit être confirmée, la demande de dommages-intérêts présentée par la société AD 45 étant, par ailleurs, rejetée, la complexité des questions juridiques en cause, qui justifie le maintien de relations contractuelles, dans l'attente de leur règlement définitif, ne permettant pas de qualifier d'abusif l'appel interjeté par la société Toyota;

Que les dépens d'appel seront supportés par cette dernière, qui sera également tenue de payer à la société AD 45 la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière de référé; Rejette la demande de la société Automobiles Diffusion 45 (AD 45) tendant à dire n'y avoir lieu à référé en raison de la saisine du juge du fond et de la mise en délibéré par lui de sa décision; Confirme l'ordonnance entreprise, sauf à préciser que la société Toyota France devra maintenir des relations contractuelles avec la société AD 45, en lui livrant des véhicules neufs de marque Toyota et en lui fournissant des pièces détachées, équipements, accessoires de cette marque afin de lui permettre d'assurer le service de réparation et d'après-vente, et ce jusqu'à ce que, par une décision passée en force de chose jugée, le juge du fond se soit prononcé sur l'intégration de la société AD 45 dans le réseau de distribution sélective Toyota; Rejette la demande de la société AD 45 tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive; Condamne la société Toyota France aux dépens d'appel et à payer à la société AD 45 la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Accorde à Me Bordier, titulaire d'un office d'avoué, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.