Conseil Conc., 8 septembre 2004, n° 04-D-43
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Attribution de marchés publics organisés par la commune de Grasse dans le secteur des transports scolaires et périscolaires
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de M. Pelegry, par M. Nasse, vice-président, Mme Perrot ainsi que MM. Bidaud, Charrière-Bournazel, Lasserre, Piot, membres.
Le Conseil de la Concurrence (section I),
Vu la lettre enregistrée le 29 juillet 2002 sous le numéro 02-0070-F, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés Transports Automobiles de la Cote d'Azur et de la Vallée du Loup, Les Cars Bridet, Transports Grassois et Méditerranéen et Les Autocars Musso, susceptibles d'entrer dans le champ d'application des articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions de son application ; Vu la lettre en date du 11 avril 2003 par laquelle la présidente du Conseil de la concurrence a informé les parties que la présente affaire serait examinée sans établissement d'un rapport en application de l'article L. 463-3 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et les sociétés TACAVL et Les Cars Bridet ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les sociétés Transports Automobiles de la Côte d'Azur et de la Vallée du Loup (TACAVL), Les Autocars Musso, Transports Grassois et Méditerranéen (STGM) et Les Cars Bridet entendues lors de la séance du 10 février 2004 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
1. Par lettre, enregistrée le 29 juillet 2002, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés Transports Automobiles de la Cote d'Azur et de la Vallée du Loup (TACAVL), Les Cars Bridet, Transports Grassois et Méditerranéen (STGM) et Les Autocars Musso, à l'occasion de la passation de marchés publics organisés par la commune de Grasse, entre 1995 et 2001, dans le secteur des transports scolaires et périscolaires et susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
A. Le secteur d'activité
2. Le secteur du transport routier de voyageurs est soumis aux dispositions de la loi d'orientation des transports intérieurs n° 82-1153 du 30 décembre 1982, ainsi qu'aux dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, modifiée, relative à la prévention et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite "loi Sapin".
3. S'agissant de la catégorie des transports scolaires qui répond à la définition des transports réguliers publics, au sens de l'article 29 de la loi du 30 décembre 1982, la responsabilité de leur organisation et de leur fonctionnement incombe aux départements et, à l'intérieur des périmètres de transports urbains, aux communes ou établissements publics de coopération locale.
4. Aux termes de l'article 7, paragraphe II de la loi d'orientation, les autorités organisatrices, c'est-à-dire "l'État et dans la limite de leurs compétences, les collectivités territoriales ou leurs groupements" ont le choix, pour l'exécution des transports scolaires, soit de faire exécuter le service public de transport en régie par une personne publique sous forme de service public industriel et commercial, soit de le confier par convention à des entreprises de transport. Dans ce dernier cas, les conseils généraux peuvent, soit conclure des marchés publics conformément au Code des marchés publics, soit confier l'exécution de ces services de transport à des entreprises, par délégations de service public soumises aux dispositions de la loi du 29 janvier 1993.
B. L'organisation des transports scolaires dans la commune de grasse
5. La commune de Grasse est membre du syndicat intercommunal à vocation unique de transport en commun de l'agglomération Grasse-Antibes (STGA), dénommé "Sillage" qui regroupe 14 communes de l'ouest du département des Alpes Maritimes et dont l'objet est le transport urbain et scolaire de voyageurs.
6. Par application d'une convention la liant à ce syndicat intercommunal, c'est la commune de Grasse qui est en charge, en deuxième rang, de l'organisation de la mission de service public de transports scolaires et périscolaires (des lieux de classe aux sites sportifs ou culturels) des élèves des écoles primaires et des collèges de la commune.
7. Sur la période de l'enquête, c'est-à-dire des années scolaires 1994/1995 à 2001/2002, la commune a sélectionné les transporteurs à l'aide de consultations publiques soumises au Code des marchés publics, après avoir préalablement défini le nombre et la nature des circuits (de 5 à 7 circuits selon les années, représentant chacun un lot), le nombre de journées de ramassage (entre 150 et 180 selon les années scolaires) et le nombre de navettes quotidiennes (de 2 à 3) devant être effectuées avec des véhicules n'excédant pas dix ans d'âge.
C. Les sociétés de transport concernées
1. La société les Cars Bridet
8. Les Cars Bridet, société anonyme dont le siège est situé à Wissous (91), a absorbé, en 1999, l'entreprise indépendante Grasse Tourisme Service et dispose depuis d'un établissement secondaire à Grasse. En 2000, le chiffre d'affaires de cette société a été de 58,17 MF, soit 8,87 M euros, pour un effectif de 125 personnes.
9. Dans le même temps, l'établissement secondaire de Grasse, exploité sous l'enseigne Les Cars Bridet - Grasse Tourisme Service, a dégagé un chiffre d'affaires hors taxes de 13,4 MF (soit 2 M euros), pour un effectif de 8 chauffeurs et un parc de 8 autocars consacrés au transport public, un tiers du chiffre d'affaires de l'entreprise étant réalisé sur l'activité transport scolaire.
2. La société Transports Automobiles de la Cote D'azur et de la Vallée du Loup (ci-après TACAVL)
10. La SARL TACAVL a son siège à Châteauneuf de Grasse (06). En 2000, elle employait 49 personnes, disposait d'un parc de 55 véhicules, et réalisait un chiffre d'affaires hors taxes de 30,36 MF (4,6 M euros).
3. La société les Autocars Musso
11. La SARL Les Autocars Musso est une entreprise dont le siège se trouve à Pégonas (06), gérée par Mme Gisèle X... et dirigée par son gendre, Bruno Y.... Son chiffre d'affaires hors taxes a été de 18 MF (2,8 M euros) en 1999 pour un effectif de 48 personnes et un parc de 34 véhicules, dont 18 étaient affectés aux transports scolaires qui représentaient, à cette date, le quart de son activité.
4. La société des Transports Grassois et Méditerranéen (ci-après STGM)
12. Cette SARL qui a son siège à Pégonas, à la même adresse que la société Les Autocars Musso, a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires hors taxes de 7,7 MF (1,2 M euros), pour un effectif de 20 personnes et un parc de 20 véhicules, dont 11 étaient affectés à cette date aux transports scolaires et 9 à l'activité touristique. Mme Gisèle X... est la gérante de cette société et M. Bruno Y..., son gendre, en est le co-gérant.
D. Les marchés publics de transports scolaires
13. Pour sélectionner les prestataires de transports scolaires, la commune de Grasse a eu recours, durant les années scolaires 1994/1995 à 1998/1999, à la procédure de l'appel d'offres restreint préalable à la signature, avec les transporteurs choisis, de délégations de service public d'une durée de cinq ans.
14. A compter de l'année scolaire 1999/2000, c'est la procédure de l'appel d'offres annuel, négocié, restreint ou ouvert, qui a été retenue par la commune pour l'attribution des marchés publics de transports scolaires.
15. Le premier acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction des faits ayant interrompu la prescription est le procès-verbal d'audition du responsable des transports de la commune de Grasse, daté du 7 février 2001. Par application des dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce, les pratiques antérieures au 7 février 1998 sont donc couvertes par la prescription.
16. Par conséquent, seules les pratiques mises en œuvre, d'une part, lors des marchés de transport scolaires des années scolaires 1999/2000, 2000/2001 et 2001/2002 et, d'autre part, lors des marchés de transports périscolaires des années scolaires 1998/1999 (le marché date du 25 juin 1998), 1999/2000 et 2000/2001 ne sont pas couvertes par la prescription.
1. la situation entre 1994 et 1998
17. L'appel d'offres de la période 1994-98 portait sur 7 lots et avaient donné lieu à une faible concurrence puisque 11 offres seulement avaient été déposées. Les résultats de la consultation sont présentés dans le tableau suivant (en gris, offres retenues) :
EMPLACEMENT TABLEAU
2. Le marché public de transports scolaires de l'année scolaire 1999/2000
18. Le marché public d'une durée d'un an, proposé au mois de mai 1999 selon la procédure de l'appel d'offres restreint, comprenait 5 lots et 174 jours de transport. Les résultats de ce premier tour se présentent comme suit (en gris, offres retenues) :
EMPLACEMENT TABLEAU
19. Ce marché a été, dans un premier temps, déclaré infructueux au motif que les offres étaient supérieures aux estimations de la commune. La commission d'appel d'offres a donc procédé à une nouvelle consultation sous forme de marché négocié, ouvert aux quatre candidats ayant soumissionné lors du premier tour.
20. Les résultats de cette consultation se présentent comme suit (en gris, offres retenues) :
3. Le marché public de transports scolaires de l'année scolaire 2000/2001
21. Proposé au mois de mai 2000 sous la forme d'un appel d'offres ouvert, ce marché public d'une durée d'un an comportait 174 jours de transports et 7 lots. Par rapport au marché précédent, un circuit supplémentaire est coordonné avec le circuit A (ci-après A1 et A2) et un circuit F est ajouté. Les résultats se présentent comme suit (en gris, offres retenues) :
EMPLACEMENT TABLEAU
4. Le marché public des transports scolaires de l'année scolaire 2001/2002
22. La procédure suivie a été celle de l'appel d'offres ouvert pour ce marché public d'une durée d'une année qui comprenait 6 lots mais toujours 7 circuits de transports, puisque le lot 1 comportait une tranche ferme et une tranche conditionnelle (circuits A1 et A2). Par ailleurs, compte-tenu du passage à la semaine de quatre jours dans les écoles primaires, la fréquence de ramassage prévue était ramenée à 153 jours (au lieu de 180 jours lors du marché précédent) pour les élèves des écoles primaires, ce qui correspondait aux lots 1, 2 et 6, et à 177 jours pour les élèves des collèges, pour les lots 3, 4 et 5.
23. Les résultats de cet appel d'offres se présentent comme suit (en gris, offres retenues) :
EMPLACEMENT TABLEAU
E. Les marchés publics de transports périscolaires
24. En matière de transports périscolaires, la sélection des opérateurs s'est toujours effectuée durant la période non prescrite sur laquelle a porté l'enquête. Il s'agit de marchés publics annuels qui, selon les années, sont des marchés négociés à bons de commande ou ouverts à bons de commande.
1. Le marché public de transports périscolaires de l'année scolaire 1998/1999
25. Lancée à la consultation le 25 juin 1998, la procédure suivie a été celle du marché négocié, le nombre de navettes de transport des élèves de leurs lieux scolaires vers les sites d'activités sportives ou culturelles étant fixé à 2 800 navettes. Deux offres ont été réceptionnées : celle de la SARL Côte d'Azur Riviera pour un prix TTC par navette de 260 francs et celle, retenue, de la SARL Les Autocars Musso pour un prix de 230 francs TTC, cette société étant titulaire du marché précédent.
2. Le marché public de transports périscolaires de l'année scolaire 1999/2000
26. La procédure suivie a été celle du marché négocié à bons de commande avec un montant minimum de 350 000 francs et un montant maximum de 680 000 francs pour 2 900 navettes. A l'issue de l'ouverture des deux offres réceptionnées, celles des sociétés Les Autocars Musso et Gagnard, la commission d'appel d'offres a décidé d'étendre la consultation aux trois entreprises de transport soumissionnaires des marchés de transports scolaires, les sociétés STGM, TACAVL et Grasse Tourisme Service (devenue Les Cars Bridet).
27. C'est de nouveau la société Les Autocars Musso qui a été retenue avec l'offre la moins disante de 232,10 francs par navette, l'offre de la société Gagnard ayant été de 237,50 francs TTC par navette alors que les sociétés STGM et TACAVL ont fait la même offre de 245 francs et que la société Grasse Tourisme Service n'a fait aucune offre.
3. Le marché public de transports périscolaires de l'année scolaire 2000/2001
28. Ce marché public a été conclu selon la procédure de l'appel d'offres ouvert préalable à un marché négocié à bons de commande d'une durée d'une année, renouvelable deux fois, avec un montant minimum de 450 000 francs et un montant maximum de 750 000 francs et une quantité de 3 200 navettes. Deux entreprises ont fait parvenir des offres d'un montant de 234,30 francs TTC par navette pour la société Autocars Musso, retenue, et d'un montant de 253 francs pour la société TACAVL.
F. Les pratiques constatées
1. Les informations échangées dans le cadre des marchés publics de transports scolaires
29. Un document dactylographié, intitulé "transport scolaire" qui faisait partie du dossier d'appel d'offres remis aux candidats au marché de transports scolaires de l'année scolaire 2000/2001, a été saisi le 18 octobre 2001 dans les locaux de l'entreprise Les cars Bridet ; il contient des annotations manuscrites rédigées au crayon à papier, de part et d'autre de la description de trois des sept lots du marché pour lesquels cette société a soumissionné, ainsi qu'au pied de ce document.
30. En regard du lot 1 qui est entouré, sont écrites les mentions : "1 498 francs HT", "rapport 80 francs à 76", "* GT", "1 449,60 francs TTC", "Va 1 500,00 prix HT rond" ; c'est l'offre de 1 582,50 francs TTC, soit 1 500 francs HT faite par la société Les Cars Bridet qui a été retenue pour ce lot.
31. De part et d'autre du lot 6 qui est entouré, on peut lire : à gauche, une flèche suivie de "Musso " et une autre flèche suivie de "Z..." ; à droite de la description de ce lot, " OK GT pour 1 500 francs TTC". C'est l'offre de 1 582,50 francs TTC, soit 1 500 francs HT faite par la société Les Cars Bridet qui a été retenue pour ce lot, pour lequel les sociétés TACAVL (M. A...) et STGM (société co-dirigée comme la société Autocars Musso par Mme X... et M. Y...) dont les noms apparaissent de façon manuscrite sur ce document, ont soumissionné.
32. En regard du lot 7 également entouré, sont écrites les mentions : " 1 620 HT" ; " pour B... TCVAL " précédé d'un flèche, " 1 900 appeler " flèche " Mr A... " (entouré) et " xx.xx.xx.xx.xx ". M. A..., dirigeant de la société TACAVL qui a remporté ce lot, a reconnu lors de son audition que ce numéro de téléphone est celui de son téléphone portable et que quelqu'un de la société Les Cars Bridet lui a téléphoné avant la remise des offres : "mon interlocuteur souhaitait savoir ce qu'on avait l'intention de faire, c'est-à-dire sur quelles lignes nous avions l'intention de soumissionner ".
33. Enfin, au bas de ce document apparaissent les mentions : "3 pour Musso, 2 GT, 2 TACVL", ce qui correspond exactement à la répartition finale des lots de cet appel d'offres retenue par la commune. Il convient de relever que la mention "Musso" ne se rapporte pas à la seule SARL Les Autocars Musso mais aux deux sociétés co-dirigées par Mme X... et M. Y..., les sociétés STGM et Les Autocars Musso.
34. Un document dactylographié identique à celui saisi dans les locaux de la société Les cars Bridet a été saisi par les enquêteurs dans les locaux de la société STGM. Il comprend des annotations manuscrites rédigées au crayon à papier avant la remise des offres, ainsi que l'a reconnu leur auteur, M. Y..., co-dirigeant de cette société, lors de son audition par le rapporteur. Ces inscriptions apparaissent de part et d'autre de la description de tous les lots du marché pour lesquels les sociétés STGM et Les Autocars Musso, dont les dirigeants sont communs, ont l'une et l'autre soumissionné, chacune faisant une offre concurrente pour le lot 4.
35. De part et d'autre du lot 1 apparaissent les mentions : à gauche, "Musso" et à droite, "1 600 HT C..." ; ce lot pour lequel la société Les Autocars Musso a fait une offre a été remporté par la société Les Cars Bridet dont le responsable de Grasse était M. C.... De part et d'autre du lot 2 apparaissent les mentions : à gauche, " Musso " et à droite "1 940 HT", montant de l'offre non retenue de 2 046,70 francs TTC faite par la société Les Autocars Musso pour ce lot, attribué à la société TACAVL.
36. De part et d'autre du lot 3 apparaissent les mentions : à gauche, "Musso" et à droite "1 539,50", ce lot ayant été attribué à la société Les Autocars Musso au prix de 1 539,46 francs TTC. De part et d'autre du lot 4 apparaissent les mentions : à gauche, "Musso + STGM" et à droite "1 613,50 A MOI". M. Y... a fait une offre pour chacune des deux sociétés STGM et Les autocars Musso dont il est le co-dirigeant et c'est l'offre la moins disante de la société STGM qui a été retenue sur ce lot. De part et d'autre du lot 5 apparaissent les mentions : à gauche, "STGM" et à droite "1 600,40", ce montant correspondant à la proposition TTC retenue de la société STGM.
37. De part et d'autre du lot 6 apparaissent les mentions : à gauche, "STGM" et à droite "1 500 C... ". Ce lot a été remporté par la société Les Cars Bridet de M. C... au prix de 1 582,50 francs TTC, soit 1 500 francs HT, ce qui correspond au prix mentionné par M. Y... avant de répondre à l'appel d'offres, comme il est rappelé au paragraphe 34.
38. Enfin, de part et d'autre du lot 7 apparaissent les mentions : à gauche, "STGM" et à droite "1 560 HT" pour lesquelles M. Y... a déclaré lors de son audition qu'elles correspondent "à des premières estimations que j'avais faites concernant les lots qui ne nous étaient pas attribués".
2. Les relations professionnelles et commerciales entretenues par les dirigeants des quatre sociétés de transport mises en cause
39. Les quatre sociétés de transport en cause sont toutes implantées dans un secteur géographique d'une dizaine de kilomètres autour de la commune de Grasse. Elles entretiennent des relations professionnelles et commerciales régulières. C'est ainsi que les sociétés STGM, dirigée par M. Y..., et Les Autocars Musso, dont M. Y... est co-gérant, sont membres du Groupement d'intérêt économique "Solead", également dirigé par M. Y.... La société Musso était titulaire au moment de l'enquête de lots du marché de transport urbain de l'agglomération de Grasse, mais elle a sous-traité une partie des prestations de ce marché à la société concurrente Les Cars Bridet.
40. Les relations entre les dirigeants des quatre sociétés s'exercent également au travers des réunions du syndicat intercommunal de transport en commun "Sillage", ainsi qu'il ressort de la déclaration à cet effet de M. A..., faites en sa qualité de gérant de la société TACAVL : "concernant mes relations avec les entreprises Les Cars Bridet, STGM et Musso, nous nous rencontrons lors de réunions au syndicat intercommunal Sillage".
41. Ces relations s'exercent, enfin, dans le cadre d'un groupement momentané d'entreprises (GME) liant les sociétés TACAVL et Les Cars Bridet, ainsi qu'il résulte de la déclaration de M. A... : "De plus, j'ai prévu de répondre en GME avec Les Cars Bridet-Grasse Tourisme, sur un appel d'offres lancé par le Conseil Général 06, pour la ligne de Saint-Aban. A ce jour, j'ai concrétisé l'accord de GME avec eux par un contrat signé avec leur siège de Wissous. Je vous précise que l'accord de principe qui a précédé la signature de l'accord de GME a eu lieu avec M. C... et M. D... installés à Grasse et représentant la société Les Cars Bridet Grasse Tourisme...". M. A... a, en outre, déclaré à ce titre ; " Je me suis rapproché des Cars Bridet pour survivre car depuis la rachat de Grasse Tourisme, ils ont une structure qui ne me permet pas de les concurrencer et donc ce groupement d'entreprises me permettait de continuer à exploiter les lignes concernées ".
3. La reconduction, aux mêmes sociétés de transport, des lots des différents marchés publics organisés par la commune de Grasse de 1994 à 2002
42. Sur l'ensemble de la période visée par l'enquête, c'est-à-dire de 1994 à 2002, les quatre marchés publics de transports scolaires organisés par la commune de Grasse ont au total concerné neuf circuits de transports scolaires, constitutifs de neuf lots, dont le nombre et la nature ont évolué en fonction des années. L'analyse des résultats de ces marchés révèle que chaque fois que l'un des sept circuits de transport a été reconduit dans les appels d'offres, c'est systématiquement la même société qui en a été attributaire après avoir été la moins disante et ce quel que soit le mode de passation du marché.
43. C'est ainsi que :
* la société Les Cars Bridet-Grasse Tourisme est restée titulaire, de 1994 à 2002, du circuit A1 "Les Thermes-Les coteaux-St Jacques". Cette société a indiqué qu'elle exploite cette ligne depuis plus de 25 ans. Elle est également titulaire, de 2000 à 2002, du circuit A2 "St Jacques-Frédéric Mistral-Le Plan de Grasse" mis en place au cours de l'année scolaire 2000/2001 ;
* la société TACAVL est restée titulaire, de 1994 à 2002, du circuit B "Grasse-St Mathieu". De 2000 à 2002, elle a été titulaire du circuit F "Les Marronniers-Roses de Mai-St Exupéry" mis en place au cours de l'année scolaire 2000/2001 ;
* la société Les Autocars Musso est restée titulaire, de 1994 à 2002, du circuit C "Le plan-Collège les Jasmin " ;
* la société STGM est restée titulaire, de 1994 à 2002, du circuit D "Placassier-Collège les Jasmins" et du circuit E " St Antoine-Collège les Jasmins ".
44. Les déclarations convergentes à ce titre des dirigeants de ces entreprises, corroborées par leurs observations à l'issue de la notification de griefs, sont les suivantes :
* M. A... de la société TACAVL : "pour des marchés annuels, on a aucune raison de s'attaquer entre concurrents locaux. Il y a donc une espèce d'habitude pour que chacun conserve ses lignes. Je n 'ai aucune raison d'aller chercher les autres ; ...avec des marchés annuels ce qui m'intéresse, c'est de conserver mes lignes" ;
* MM. E... et F..., dirigeants de la société Les Cars Bridet : "cela aurait été difficile d'être concurrentiel sur des marchés d'un an, par rapport à un concurrent déjà titulaire de la ligne qui lui n'avait pas d'investissement à faire... nous n'avons attaqué que les deux lots qui nous intéressaient particulièrement pour des questions de réemploi " ;
* Les dirigeants communs (Mme X... et M. Y...) des sociétés Les Autocars Musso et STGM : " la répartition entre les sociétés était simple : on a uniquement cherché à conserver les lots des marchés précédents pour chaque société ".
45. Pourtant, selon M. G..., responsable de l'organisation des transports de la commune de Grasse, les différents lots des marchés étaient "techniquement équivalents" et par conséquent, chaque société soumissionnaire devait "être capable de répondre indifféremment à un ou plusieurs lots ".
4. La répartition quantitative, entre les transporteurs, de l'ensemble des lots des marchés publics de transports d'élèves organisés par la commune de Grasse
46. On constate que la procédure de mise en concurrence aboutit à une répartition égalitaire des lots entre les transporteurs. Ainsi, à l'issue de l'appel d'offres des années scolaires 2000/2001 qui constitue le premier marché consécutif à la fusion des sociétés Grasse Tourisme Service et Les Cars Bridet, chacune des quatre sociétés de transport en cause a obtenu deux lots de transports, en tenant compte du fait que la société Les Autocars Musso a systématiquement remporté l'unique lot des marchés de transports périscolaires.
47. Il apparaît, en outre, qu'une fois cette répartition quantitative équilibrée établie, les quatre entreprises titulaires des circuits ont appliqué, lors de l'appel d'offres suivant (marchés de 2001/2002), une augmentation quasiment identique sur les prix des lots du marché précédent : 2,9 % et 3 % pour TACAVL ; 3,2 % pour Les Cars Bridet ; 3 % pour Les Autocars Musso et STGM. Ceci a eu pour conséquence de faire perdurer cet équilibre. Cette augmentation uniforme des prix offerts a été appliquée aussi bien aux lots dont elles étaient titulaires qu'à ceux pour lesquels elles ne l'étaient pas.
5. La similitude, lors du marché de transports scolaires des années 2000/2001, des offres des soumissionnaires aux estimations des services municipaux
48. Les dirigeants de trois des quatre sociétés en cause ont reconnu que la coïncidence constatée, sur six des sept lots composant ce marché, entre les offres des sociétés en cause et les estimations du prix des lots faites par la commune, n'était pas le fruit du hasard :
* Mme X... et M. Y... ont déclaré: "...la commune était en retard pour lancer l'appel d'offres, le responsable des transports de la commune, M. G..., nous a demandé d'appliquer les mêmes tarifs que l'année précédente pour ne pas que le marché soit rejeté ; nous avons fait ce que M. G... nous a dit de faire" ;
* M. A... a indiqué ; "...la commune qui avait pris du retard m'a demandé de faire le nécessaire pour que les ramassages se fassent à temps. J'ai interprété cela comme une invitation à faire une offre correspondant à celle de l'année précédente".
49. Pourtant, les offres des quatre sociétés n'ont été identiques ou quasi identiques aux estimations de la commune que pour les lots dont elles étaient déjà titulaires au titre des marchés précédents et ont toujours été supérieures à ce montant pour les autres lots auxquels elles ont pourtant soumissionné.
50. S'agissant du "lot 1- circuit 2", correspondant au circuit A2 nouveau, pour lequel il n'y avait pas de prix antérieur au titre de 1999, la société Les Cars Bridet a proposé le même prix que pour le circuit A1, car elle souhaitait son attribution pour bénéficier d'un "réemploi de lignes", anticipant ainsi le gain du circuit A1, dont elle était titulaire les années précédentes.
51. S'agissant du lot 6, correspondant au circuit F nouveau, pour lequel il n'y avait pas de prix antérieur au titre de 1999, la société TACALV, associée à la société Les Cars Bridet au sein d'un groupement momentané d'entreprises, a gagné le marché en proposant une offre supérieure de 11 % à l'estimation de la commune, les offres concurrentes de STGM et Cars Bridet étant supérieures de 13 % et 15 % à cette estimation.
6. La préparation des offres des sociétés STGM et les Autocars Musso lors des trois marchés de transports scolaires des années 1999/2000, 2000/2001 et 2001/2002
52. L'instruction a permis d'établir que M. Y..., dirigeant commun des Cars Musso et de la STGM, chiffrait les appels d'offres de ces deux sociétés. Selon ses propres déclarations (cote 77 de la notification de griefs) : "Je suis intervenu pour étudier et chiffrer les offres Autocars Musso et STGM pour les appels d'offres 1999/2000, 2000/2001 et 2001/2002". Ces offres ont cependant été présentées de façon concurrentes : les deux sociétés ont soumissionné sur les mêmes lots (trois lots en 1999/2000 et un lot en 2000/2001 pour les marchés de transports scolaires et pour le marché des transports périscolaires de 1999/2000) avec des propositions de prix différentes, bien que préparées par leur dirigeant commun, M. Y....
7. Les marchés publics de transports périscolaires
53. C'est la société Les Autocars Musso qui a remporté les appels d'offres organisés par la commune de Grasse pendant la période sur laquelle a porté l'enquête quelque soit la nature juridique des marchés : négocié, ouvert ou à bons de commande.
54. Sur ces marchés et plus précisément les trois marchés publics de transports périscolaires non couverts par la prescription, - à compter du marché de l'année scolaire 1998/1999 - la société Les Autocars Musso n'a eu qu'un seul concurrent, à l'exception toutefois du marché de l'année scolaire 1999/2000 pour lequel il y a eu quatre offres concurrentes, après que la commune ait consulté trois entreprises supplémentaires afin d'étendre et d'élargir la concurrence, les sociétés TACAVL, STGM et Les Cars Bridet.
55. Or, il résulte de la comparaison des offres faites au titre des marchés des années scolaires 1999/2000 et 2000/2001, que les offres concurrentes à celle de la société Les Autocars Musso ont été nettement plus chères :
* en 1999/2000, les sociétés TACAVL et STGM (les offres de cette société étaient préparées par la même personne que celle de la société Les Autocars Musso) ont fait la même offre de 245 francs TTC, supérieure de 5,56 % à celle de la société Les Autocars Musso et la société Les Cars Bridet, pourtant consultée par la commune, n'a fait aucune offre ;
* en 2000/2001, la société TACAVL a fait une offre supérieure de 7,98 % à celle retenue de l'entreprise Les Autocars Musso ; or, cette offre de la société TACAVL d'un montant de 253 francs TTC représente un écart de 3,26 % par rapport à celle faite lors du marché de transports périscolaires précédent (245 francs TTC), alors que dans le même temps, cette société n'a pas augmenté le montant de ses offres faites au titre du marché de transports scolaires et a même diminué celle du lot 3.
56. Ainsi qu'il a été précédemment noté, l'application des procédures concurrentielles mises en œuvre chaque année par la commune de Grasse pour l'attribution des transports périscolaires aboutit à ce que, tous transports scolaires confondus, chacune des quatre sociétés de transport en cause a exploité exactement deux lots de transports d'élèves à compter de l'année scolaire 2000/2001.
57. A l'instar du constat fait précédemment lors de l'analyse du marché des transports scolaires, l'offre de la société Les Autocars Musso en matière de transports périscolaires a été quasiment identique à l'estimation de la commune (234,30 francs TTC/234,35 francs TTC) pour l'année scolaire 1999/2000.
58. La société TACAVL a fait une offre supérieure d'environ 9 % par rapport à l'offre, retenue, de son concurrent lors du marché précédent (253 francs/232,10 francs), ce qui lui ôtait toute chance d'être retenue.
59. A l'occasion de ce marché, la société STGM a fait une offre concurrente à celle de la société Les Autocars Musso, après que la commune ait décidé d'élargir la concurrence. L'offre de STGM était à un prix sensiblement plus élevé que celui des Cars Musso : 245 francs contre 232,10 francs. Ces deux sociétés ne disposaient pourtant d'aucune autonomie opérationnelle dans la mesure où leurs dirigeants et leur siège sont communs et où c'est le même dirigeant qui prépare et chiffre les offres de chacune d'elles.
60. Le constat des relations fréquentes et régulières entretenues par les dirigeants des sociétés en cause, au travers du syndicat intercommunal "Sillage", du GIE "Solead" ou du GME liant la société Les Cars Bridet et la société TACAVL, évoqué plus haut à l'occasion de l'analyse des marchés de transport scolaires s'applique également aux marchés de transports périscolaires pour lesquels ces sociétés se sont trouvées en situation de se faire concurrence.
G. Les griefs notifiés
61. Sur la base des éléments énoncés ci-dessus et sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce, les griefs suivants ont été notifiés :
* aux sociétés Les Cars Bridet, TACAVL, Les Autocars Musso, STGM "de s'être librement concertées et d'avoir échangé des informations pour se répartir, entre entreprises en situation de se faire concurrence, les marchés publics de transports scolaires organisés par la commune de Grasse au titre des années scolaires 1999/2000, 2000/2001 et 2001/2002 et le marché public de transports périscolaires organisé par la commune de Grasse au titre de l'année scolaire 1999/2000" ;
* aux sociétés Les Autocars Musso et TACAVL "de s'être librement concertées et d'avoir échangé des informations pour se répartir, entre entreprises en situation de se faire concurrence, le marché public de transports périscolaires organisé par la commune de Grasse au titre de l'année scolaire 2001/2002".
II. Discussion
62. Selon la jurisprudence constante du Conseil, la preuve de pratiques anticoncurrentielles peut résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes soit d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants, constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d'instruction et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant.
63. Il est également de jurisprudence établie que des échanges d'informations entre sociétés soumissionnaires perturbent nécessairement le jeu normal de la concurrence, en réduisant ou supprimant l'incertitude dans laquelle chaque concurrent doit rester au regard du comportement des autres concurrents. Ainsi, dans sa décision n° 01-D-13 du 19 avril 2001, le Conseil de la concurrence a énoncé "qu'en matière de marchés publics ou privés sur appel d'offres, il est établi que des entreprises ont conclu une entente anticoncurrentielle dès lors que la preuve est rapportée soit qu'elles ont convenu de coordonner leurs offres, soit qu'elles ont échangé des informations antérieurement à la date où le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être, qu 'il s'agisse de l'existence de compétiteurs, de leur nom, de leur importance, de leur disponibilité en personnel ou en matériel, de leur intérêt ou de leur absence d'intérêt pour le marché considéré ou des prix qu 'ils envisagent de proposer".
A. En ce qui concerne les marchés publics de transports périscolaires
64. Le grief d'avoir échangé des informations pour se répartir les marchés publics de transports périscolaires a été notifié aux sociétés Les Cars Bridet, TACAVL, STGM et Les Autocars Musso, pour le marché de l'année scolaire 1999/2000, et aux sociétés TACAVL et Les Autocars Musso pour le marché de l'année scolaire 2001/2002.
65. Les éléments du dossier ne permettent pas d'établir qu'une entente a été mise en œuvre par les sociétés Les Cars Bridet et TACAVL lors du marché de transports périscolaires de l'année scolaire 1999/2000 et par les sociétés TACAVL et Les Autocars Musso lors du marché de transports périscolaires de l'année scolaire 2001/2002.
66. En revanche, lors du marché de transports périscolaires de l'année scolaire 1999/2000, les sociétés STGM et Les Autocars Musso ont déposé des offres présentées comme concurrentes, alors qu'elles avaient été préparées et chiffrées par la même personne, M. Y....
67. De fait, dans la mesure où ces deux sociétés n'avaient pas d'autonomie opérationnelle et n'étaient pas en mesure de présenter des offres autonomes, elles auraient dû ne déposer qu'une seule offre commune et ne pas présenter au maître d'ouvrage des offres faussement concurrentes qui ont eu pour effet de le tromper sur la situation de la concurrence, peu important à ce titre, concernant la qualification de cette pratique, que "le responsable du marché ait connu les liens juridiques unissant les sociétés concernées, dès lors que l'existence de tels liens n'implique pas nécessairement la concertation et l'échange d'informations". (Conseil de la concurrence, décision n° 03-D-01 du 14 janvier 2003).
68. Il est donc établi que les sociétés STGM et Les Autocars Musso ont échangé des informations préalablement à la présentation de leur offre, ce qui a trompé le maître d'ouvrage sur l'étendue et la réalité de la concurrence.
B. En ce qui concerne les marchés publics de transports scolaires de l'année 2000/2001
69. La preuve matérielle des échanges d'informations entre les quatre sociétés soumissionnaires au marché de transports scolaires de l'année scolaire 2000/2001 est rapportée par les déclarations de MM. A... et Y... et les notes manuscrites figurant sur les deux documents saisis au sein des entreprises STGM et Les Cars Bridet.
70. Le co-dirigeant des sociétés STGM et Les Autocars Musso, M. Y..., a en effet expressément reconnu "avoir effectivement rédigé ces notes avant la remise des offres" et le dirigeant de la société TACAVL, M. A..., a reconnu "qu'on m'a effectivement téléphoné avant la remise des offres mais je ne me souviens pas qui. Mon interlocuteur (de la société Les Cars Bridet puisque le numéro du téléphone portable de M. A... était mentionné sur le document saisi dans cette société avec la mention "appeler") souhaitait savoir ce que l'on avait l'intention de faire, c'est-à-dire sur quelles lignes nous avions l'intention de soumissionner".
71. Concernant le document saisi dans les locaux de la société Les Cars Bridet, il apparaît que les notes manuscrites qui y figurent ont été rédigées avant la remise des offres, puisque les prix qui y sont portés sont différents de ceux déposés par les transporteurs. En outre, il résulte du contenu même des annotations portées en regard des lots 1 et 6 "*GT " (comme Grasse Tourisme) et " OK GT " que ces lots étaient par avance réservés à cette société avant même la soumission .
72. Il ressort, par ailleurs, des mentions "Musso" et "Z..." (avec une faute d'orthographe, au lieu de "A...") en regard du lot 6 qui constituait un circuit nouvellement créé, que le rédacteur de ces notes, que l'instruction n'a pas permis d'identifier, savait par avance que les sociétés Autocars Musso et TACAVL, dirigée par M. A... allaient également déposer une offre pour ce lot qui lui était toutefois réservé ainsi qu'il vient d'être démontré, compte tenu de la mention " OK GT " dépourvue d'ambiguïté.
73. En outre, il est établi que le lot 7 était réservé par avance à la société TACAVL de M. A..., ainsi qu'il ressort des mentions "pour B..., (de nouveau avec une faute d'orthographe), TACAVL, appeler xx.xx.xx.xx.xx" et du fait que ce numéro est bien celui de M. A... qui a expressément reconnu avoir eu une conversation téléphonique avec un représentant de la société Les Cars Bridet, entretien qui a porté sur ses intentions et sur les lignes sur lesquelles il allait soumissionner, la préposition "pour" qui précède le nom de M. A... attestant sans ambiguïté que ce lot était par avance réservé à la TACAVL.
74. Enfin, il est établi que les transporteurs étaient convenus entre eux, qu'à l'issue de cet appel d'offre, la répartition des lots entre les quatre entreprises soumissionnaires serait de trois lots pour les deux sociétés de Mme X... (STGM et Autocars Musso), deux pour Les Cars Bridet (anciennement Grasse Tourisme) et deux pour la société TACAVL, ainsi qu'il ressort de la mention, également dépourvue d'ambiguïté, apparaissant au bas de ce document "3 pour Musso, 2 GT, 2 TACVL", soit un total de sept circuits alors que le marché précédent ne comportait que cinq circuits et qu'il ne peut donc s'agir d'une reprise des résultats de l'année antérieure.
75. Concernant le document saisi dans les locaux de la société STGM, la mention "C... ", du nom du dirigeant local de la société Les Cars Bridet à l'époque en cause, portée en regard des lots 1 et 6 confirme que ces lots étaient réservés à cette société, le montant de "1 500 HT" apparaissant de plus en regard du lot 6 attestant que M. Y..., le rédacteur de ces notes, était également, par avance, informé du montant de l'offre qu'allait déposer la société Les Cars Bridet, qui a effectivement remporté ce lot à ce prix. Il faut, sur ce point, préciser qu'il s'agissait d'un nouveau circuit et que, par conséquent, M. Y... ne pouvait par avance, sans un échange préalable d'informations, imaginer le montant de l'offre que la société Les Cars Bridet était susceptible de déposer.
76. Enfin, la mention dépourvue d'ambiguïté "A MOI" en regard du lot 4, atteste que M. Y... savait avant le dépôt des soumissions qu'il ne serait pas concurrencé sur ce lot qui lui était donc réservé, en accord avec les autres soumissionnaires.
77. Par conséquent, contrairement à ce qui est soutenu par la société Les Cars Bridet, ces deux documents ne peuvent être des estimations internes antérieures aux soumissions et constituent la preuve matérielle que M. Y..., en sa qualité de dirigeant des sociétés STGM et Les Autocars Musso, a effectivement échangé, avant le dépôt des offres, des informations avec M. C... de la société Les Cars Bridet et que dans le même temps, un membre de la société Les Cars Bridet, M. C... ou M. H..., à qui M. C... attribue la rédaction des notes figurant sur le document saisi au sein de la société Les Cars Bridet, a également échangé des informations avec M. A... de la société TACAVL.
78. En séance, les entreprises mises en cause ont soutenu qu'il existait des doutes sur la signification des annotations manuscrites portées sur le document saisi dans les locaux de la société Les cars Bridet, en raison de la difficulté à y distinguer le script des chiffres cinq et six. Cependant, ce document comporte un numéro de téléphone identifié, qui comporte ces deux chiffres. On peut ainsi constater sans ambiguïté que la lecture des annotations manuscrites effectuées par le rapporteur est exacte ; l'argument doit être écarté.
79. Ces deux documents attestent, dès lors, que les dirigeants des quatre sociétés en cause se sont effectivement concertés avant de déposer leurs offres et, par ailleurs, que les informations réciproquement échangées témoignent de leur accord de volonté pour coordonner leurs offres dans le but de se répartir les lots de ce marché.
C. En ce qui concerne les marchés publics de transports scolaires de l'année 1999/2000 et de l'année 2001/2002
80. Les entreprises mises en cause considèrent que leur faible pression concurrentielle sur les lots dont elles ne sont pas précédemment attributaires s'explique, pour chacune d'elles, par un comportement unilatéral, économiquement rationnel, consistant à ne faire porter leur effort que sur les lots dont elles sont "historiquement" titulaires. Ainsi, la stabilité de l'attribution des lots ne résulterait pas d'une concertation. Elles avancent cet argument pour les trois marchés en cause, y compris pour celui de 2000/2001 pour lequel la preuve de leur entente a été rapportée.
81. Comme l'indique M. A... de la société TACAVL : "Pour des marchés annuels, on a aucune raison de s'attaquer entre concurrents locaux. Il y a donc une espèce d'habitude pour que chacun conserve ses lignes. Je n'ai aucune raison d'aller chercher les autres ; ...avec des marchés annuels ce qui m'intéresse, c'est de conserver mes lignes". Cette position est confirmée par les dirigeants communs des sociétés Les Autocars Musso et STGM : " La répartition entre les sociétés était simple : on a uniquement cherché à conserver les lots des marchés précédents pour chaque société ".
82. Les entreprises mises en cause soutiennent ainsi qu'un parallélisme de comportement a pu être obtenu sans concertation entre elles, dès lors que la répartition stable des lots et le niveau de prix qu'elles en obtiennent sont satisfaisants pour elles et qu'elles n'ont "aucune raison" de tenter de remporter de nouveaux lots par une politique commerciale plus dynamique.
83. Ces arguments reviennent à affirmer l'existence entre elles d'une situation d'équilibre non collusif. Un tel équilibre s'établit au sein d'un oligopole lorsque chacun de ses membres peut adopter une ligne de conduite qui maximise son profit par une anticipation correcte du comportement des autres, équilibre qui peut se maintenir si aucun des acteurs n'a intérêt à changer unilatéralement sa stratégie.
84. Mais cet équilibre ne peut s'établir et perdurer que si le marché fonctionne sur un mode suffisamment stable et transparent pour que chaque opérateur puisse correctement prévoir le comportement de ses concurrents et vérifier la validité de sa prévision. Dans le cas contraire, avec une information imparfaite et une modification des règles du jeu, les concurrents doivent échanger des informations pour pouvoir choisir la bonne stratégie. L'équilibre devient alors collusif.
85. Or, les conditions d'un équilibre non collusif n'ont pas été réunies sur la période 1999-2001, marquée par de nombreuses perturbations. On peut relever les éléments suivants :
* en 1999, la commune a choisi des marchés annuels alors que les précédents appels d'offre portaient sur une période de 5 ans ;
* en 1999, la soumission n'a porté que sur 5 lots, contre 7 entre 1994 et 1998 ; les sociétés STGM et Autocars Musso étaient donc assurées de perdre chacune un lot, sauf à reconstituer leur activité en gagnant un lot précédemment détenu par leurs concurrents ;
* en 1999, la commune a déclaré le premier tour d'enchères infructueux, les prix des offres étant jugés excessifs, et a imposé aux soumissionnaires de passer par un marché négocié, procédure dont il est difficile de prévoir l'issue lorsqu'on n'est pas partie prenante à la négociation ;
* en 2000, la commune a introduit 2 nouveaux lots qui n'avaient jamais été proposés depuis 1994, donnant ainsi à chaque entreprise l'occasion d'accroître sa part de marché et, en particulier, aux sociétés STGM et Autocars Musso, la possibilité de retrouver le niveau d'activité perdu en 1999 ;
* en 2000, la société Grasse Tourisme, qui avait été rachetée, en 1999, par les Cars Bridet, groupe plus puissant, a changé sa politique commerciale, notamment à travers une revalorisation très substantielle de ses tarifs puisque l'offre sur son circuit "traditionnel", Les Thermes-Les Coteaux St-Jacques, a été revalorisée de 140 % en 2000, cette hausse faisant suite à une précédente augmentation de 50 % entre 1999 et 1998. Ces hausses très fortes ne pouvaient être aisément anticipées par la concurrence.
86. Ainsi, la stabilité, qui avait existé entre 1994 et 1998, ne s'est pas maintenue entre 1999 et 2001, l'essentiel des perturbations provenant d'ailleurs de la volonté de la collectivité locale d'accroître la concurrence par une modification des lots et de la durée des marchés. Ces changements, loin de permettre aux entreprises de reproduire leur conduite antérieure et d'anticiper que leurs concurrents feraient également ce choix, les obligeaient à adopter des comportements nouveaux.
87. On relève, tout d'abord, que le passage de 7 à 5 lots aurait dû exacerber la concurrence en 1999, notamment pour les sociétés STGM et Autocars Musso qui risquaient de perdre chacune un lot si elles s'accommodaient d'une simple reconduction de la répartition antérieure. Une entreprise rationnelle et autonome, se sentant menacée de perdre des parts de marché du fait de l'excès d'offre par rapport à une demande réduite, a intérêt, d'une part, à proposer ses prix les plus concurrentiels sur ses lots pour protéger son acquis et, d'autre part, à être plus agressive sur les lots détenus par les concurrents pour tenter de reconstituer son volume d'activité.
88. Or, on constate au contraire, à partir des tableaux des paragraphes 17, 18 et 19, que les prix proposés sur les lots C, D et E détenus par SGTM et Musso, dont les offres ont été établies par la même personne, sont en augmentation de + 21 % à + 25 %, et que seule une déclaration de marché infructueux puis une négociation avec la commune ont permis de limiter l'augmentation tarifaire à + 9 % pour les 3 lots. Il est donc établi que ces sociétés, voyant les lots dont elles étaient titulaires se réduire de 5 à 3, loin de soumissionner au meilleur prix dès le premier appel d'offres pour conserver les 3 lots restants, n'ont pas craint d'intégrer dans leurs propositions des marges substantielles auxquelles elles n'ont renoncé que sous la pression de la commune. Dans le même temps, elles soumissionnaient sur le lot B avec une offre supérieure de + 70 % au prix du précédent marché et sur le lot A avec une offre supérieure de + 300 % au prix du précédent marché, démontrant ainsi qu'elles n'avaient pas la volonté de regagner les lots perdus.
89. De même, les sociétés Grasse Tourisme et TACALV ont pu proposer des offres en augmentation, respectivement de + 50 % et + 66 %, sans craindre de perdre leur lot alors même qu'elles savaient que la réduction du marché de 7 à 5 circuits pouvait renforcer la concurrence des sociétés SGTM et Musso, victimes de cette réduction.
90. Ainsi, pour les marchés de la période 1994-1998 les quatre autocaristes avaient déposé 11 offres pour 7 lots, certains lots ne suscitant qu'une seule offre. Mais, en 1999, on constate, 9 offres pour 5 lots, lors de la première enchère, et 12 offres pour 5 lots lors du second tour, en marché négocié. On passe à 17 offres pour 7 lots en 2000 et à 18 offres pour 7 lots en 2001. Pourtant, cette multiplication des offres débouche toujours sur le même résultat. On est ainsi passé, pour l'attribution de 7 lots, de 11 offres en 1994 à 18 offres en 2001, sans qu'aucune des 7 nouvelles offres ne vienne menacer la répartition établie.
91. Ainsi, la volonté exprimée par les entreprises en cause de conserver chacune et à chaque appel d'offres les lignes détenues au terme de l'appel précédent - volonté qui n'est pas illicite - n'a pas été mise en œuvre dans un environnement stable rendant pour toutes aisément prévisible, sans concertation, le comportement de chacune. Contrairement à ce que soutiennent ces entreprises, il ne leur suffisait pas, pour l'obtenir, de vouloir chacune cette stabilité et de savoir que les autres la voulaient aussi.
92. Un faisceau d'indices graves, précis et concordant démontre, à l'inverse, que les entreprises se sont concertées.
1er indice : l'identité des attributions des marchés de 1999/2000 et 2001/2002 avec l'attribution collusive de 2000/2001
93. Ce premier indice résulte du fait que l'attribution des circuits de transports scolaires reconduits au cours de cette période est rigoureusement identique à celle du marché public de transports scolaires de l'année scolaires 2000/2001 pour lequel la preuve matérielle de l'entente a été rapportée par les deux documents saisis dans les locaux des sociétés Les Cars Bridet et STGM.
2ème indice : le parallélisme des hausses de prix entre les marchés 2000/2001 et 2001/2002
94. L'attribution des lots pour l'année 2001/2002 s'est effectuée selon le schéma adopté lors de l'année 2000/2001, année pour laquelle la preuve de la collusion est rapportée. Chaque soumissionnaire a ainsi concouru en reprenant pour chaque lot la valeur d'attribution de l'année précédente majorée d'un taux compris entre 2,9 % et 3,2 %, ce taux ayant été appliqué par chaque autocariste non seulement aux lots qu'il estimait devoir lui revenir mais aussi à ceux pour lesquels il estimait avoir peu de chance d'être retenu, de sorte qu'il restait à un niveau supérieur au prix du mieux disant proposé lors de l'appel d'offres de 2000/2001.
95. Ce comportement a conduit à reporter, en 2001/2002, la structure de prix de l'équilibre atteint en 2000/2001. Or, c'est la structure des prix offerts qui caractérise la collusion. Ainsi, si la structure de prix de 2000/2001 caractérisait un équilibre collusif, celle de 2001/2002 le caractérise aussi.
3ème indice : l'existence de contacts réguliers entre les dirigeants en cause
96. Les dirigeants des quatre sociétés en cause entretenaient de fréquentes et régulières relations professionnelles au travers du syndicat intercommunal " Sillage ", du GIE " Soleal ", d'un groupement momentanée d'entreprise et d'un contrat de sous-traitance. En outre, la preuve est rapportée que les entreprises Musso et STGM faisaient élaborer leurs offres par les mêmes personnes.
4ème indice : les caractéristiques particulières des prix offerts
97. Pour mettre en œuvre cette "espèce d'habitude pour que chacun conserve ses lignes ;... sur des marchés annuels, il n'y a aucune raison de s'attaquer entre concurrents locaux", sans cependant ne soumissionner qu'aux seuls lots que l'on désirait conserver (pour ne pas courir le risque de voir le marché déclaré infructueux), il fallait aussi présenter des offres sur des lots non désirés tout en évitant que ces offres n'apparaissent, par inadvertance, "mieux disantes" que celles du concurrent auquel le lot était destiné. Ce problème numérique n'est pas simple dès lors que les marchés se répètent chaque année, qu'il y a jusqu'à sept lots et que la composition des lots change à chaque marché. Sans concertation, des "erreurs" auraient pu se produire. Or, l'analyse des résultats des trois marchés non couverts par la prescription fait apparaître qu'il n'y a jamais eu d'erreur : la meilleure offre de chacune des entreprises attributaires des circuits n'a jamais coïncidé avec la meilleure offre d'une autre entreprise. Les constatations, ainsi effectuées, excluent par leur répétition l'effet du hasard et constituent un indice d'entente de répartition des marchés.
5ème indice : la répartition quantitativement équilibré des circuits entre les transporteurs
98. En agrégeant les résultats des attributions obtenues pour les marchés scolaires et périscolaires, on constate que la stabilité des attributions dans le temps entretient une harmonieuse répartition quantitative des lots des marchés entre les quatre entreprises : deux lots chacune. Ceci est contraire au principe d'imprévisibilité des appels d'offres publics et constitue un indice de partage équilibré l'ensemble des lots mis en compétition.
6ème indice : la possibilité des rétorsions
99. La stabilité d'un oligopole collusif dépend de la possibilité de ses membres de " punir " un éventuel déviant qui n'appliquerait plus l'accord. Ceci n'est possible que si les entreprises parties à l'accord sont informées du prix proposé par le gagnant, ce qui est le cas. Elles doivent, en outre, disposer de moyens suffisants pour exploiter les lots dont elles auraient, en représailles, privé le "déviant" pour que la menace de ces représailles soit crédible. C'est aussi le cas, en l'espèce, comme en témoigne M. G..., responsable de l'organisation des transports de la commune de Grasse, cité au paragraphe 47 : les différents lots des marchés étaient "techniquement équivalents" et par conséquent, chaque société soumissionnaire devait "être capable de répondre indifféremment à un ou plusieurs lots".
100. Au total, la nature et la convergence des indices sus exposés recueillis au cours de l'enquête et de l'instruction, constituent un faisceau d'indices graves, précis et concordant permettant de considérer comme établie la preuve de pratiques anticoncurrentielles des quatre sociétés soumissionnaires aux marchés publics de transports scolaires de la commune de Grasse des années 1999/2000 et 2001/2002.
D. Les objections des entreprises mises en cause
101. Les autocaristes de Grasse justifient leur non concurrence en avançant que l'annualité des marchés les empêcherait de faire face aux coûts d'investissement qu'impliquerait l'exploitation de lignes nouvelles.
102. Elles soutiennent qu'à chaque renouvellement des marchés, les écarts de prix entre les offres des titulaires des lots et celles des concurrents s'expliquent par la nécessité pour ces derniers de prendre en compte le coût d'amortissement d'un nouvel autocar dans le cadre incertain de marchés annuels. Ce que résume, ainsi, la société Les Cars Bridet : "cela aurait été difficile d'être concurrentiel sur des marchés d'un an, par rapport à un concurrent déjà titulaire de la ligne qui, lui, n'avait pas d'investissement à faire."
103. Mais cet argument se heurte à plusieurs objections. Tout d'abord, la commune exige des sociétés de transport, non pas des véhicules neufs mais des véhicules de moins de dix ans, ce qui leur permet de faire des offres de prix compétitives sur des nouvelles lignes avec des véhicules déjà amortis ou sur le point de l'être. En outre, les entreprises concernées n'ont pas une activité limitée au transport scolaire, celle-ci ne représentant qu'une part minoritaire des véhicules en service. Il faudrait donc démontrer qu'aucun des véhicules n'était inutilisé ou sous-utilisé pour affirmer que le gain d'un circuit de transport scolaire devait entraîner inévitablement un achat de véhicule de moins de dix ans.
104. On note, en particulier, que les sociétés SGTM et Autocars Musso ont perdu chacune un lot au terme de la période 1994/1999, du fait du rétrécissement du marché du transport scolaire de 7 à 5 lots pour l'appel d'offres 1999/2000, et se trouvaient donc chacune avec un autocar partiellement amorti et inutilisé. Pourtant, ces sociétés ont continué à faire, en 1999, 2000 et 2001, sur les lots détenus par la concurrence, des offres sensiblement supérieures, intégrant selon elles l'amortissement d'un véhicule neuf.
105. Les déclarations de M. C..., gérant de Grasse Tourisme, contredisent d'ailleurs cette obligation d'achat d'autocars supplémentaires pour répondre aux appels d'offres : "Concernant les appels d'offre de la ville de Grasse, depuis 1994 jusqu'à 1999, ..., je ne répondais qu'à un seul lot car notre principale activité était le tourisme. En 1999, nous avons fusionné avec Les Cars Bridet et nous avons plus régulièrement répondu aux appels d'offres, c'est-à-dire que nous faisions des études de prix de revient avant de proposer un prix de soumission. Nous nous sommes intéressés aux appels d'offres qui pouvaient nous intéresser en terme de réemploi de matériel existant." (cote 73). Le changement de politique introduit par Les Cars Bridet dans leur établissement de Grasse, à partir de 1999, consiste donc bien à essayer de gagner des lots nouveaux pour réemployer du matériel existant. L'argument de l'investissement est donc inopérant.
106. Enfin, les écarts de prix entre les offres, supposés traduire le coût d'amortissement d'un autocar neuf selon les sociétés mises en cause, varient de 60 francs à 350 francs par navette selon les lots et les entreprises sans que jamais un calcul précis ne vienne justifier ces écarts. Ces montants sont à rapprocher des déclarations de M. E..., président de la société Les Cars Bridet et M. F..., directeur de l'établissement de Grasse, lors de leur audition du 24 février 2003 : "L'augmentation du lot 1 de 654 francs HT à 1 582,5 francs HT s'explique par le fait que l'on s'était engagé vis à vis de la commune à renouveler les véhicules". Selon ces déclarations, le coût d'amortissement d'un véhicule sur ce lot serait donc de 928 francs HT par navette. Il y a donc de graves incohérences dans l'estimation par les autocaristes du coût d'amortissement d'un nouveau véhicule.
107. Au surplus, aucun élément ne vient préciser la politique d'amortissement globale des véhicules au sein de ces entreprises qui en possèdent pourtant plusieurs dizaines et pour lesquelles le transport scolaire ne représente que 20 % à 30 % du chiffre d'affaires, ni ne vient expliquer comment la politique de soumission à certains appels d'offres s'inscrit dans une politique générale d'utilisation optimale de la flotte de véhicules. Ainsi, le lien mécanique entre le gain d'un lot et l'achat d'un véhicule n'est pas démontré.
108. Il faut, à cet égard, souligner que les quatre sociétés mises en cause n'ont jamais invoqué de possibles différences de productivité entre elles, dues par exemple à l'âge moyen de la flotte des autocars ou à son taux d'utilisation, pour expliquer les différences de prix de leurs offres.
109. Enfin, il existe des liens économiques entre ces entreprises qui utilisent entre elles la sous-traitance, par exemple les sociétés Musso et STGM, membres du GIE Solead, sous-traitent au profit de Grasse Tourisme pour le marché du transport urbain à Grasse ou constituent des groupements, comme le groupement momentané d'entreprise réunissant la société TACALV et Les Cars Bridet pour répondre à un appel d'offres du département des Alpes- Maritimes. Ces possibilités de sous-traitance ou de groupement relativisent le caractère impératif de l'achat de matériel neuf pour faire face rapidement à un gain de part de marché, tel qu'il est exposé par les sociétés d'autocars pour expliquer la structure de leurs offres.
110. L'argument technique consistant à invoquer la prise en compte des amortissements pour expliquer les écarts de prix des offres reste donc trop général et n'est pas étayé par des éléments suffisamment probants pour être convaincant. Il doit être écarté.
111. S'agissant de la reconduction, entre les marchés de 2000/2001 et 2001/2002, de la structure des prix offerts, plusieurs autocaristes soutiennent aussi que l'augmentation générale proche de 3 % des offres de tous les candidats sur tous les lots serait la résultante de l'indication fournie par M. G..., directeur technique de la ville de Grasse, selon lequel la commune "appliquerait sur les prix du marché précédent un pourcentage d'augmentation publié par l'INSEE qui se situe autour de 2,5/3 %".
112. Mais M. G... n'indique pas que la ville de Grasse utilise habituellement un indice de l'INSEE pour calculer ses prix de réservation et il ne précise pas de quel indice particulier de l'INSEE il s'agit. Ainsi, ni en 1999 ni en 2000, un tel indice n'a été utilisé par la ville pour calculer une hausse de son prix de réservation. La circonstance que la commune a souhaité procéder ainsi pour l'appel d'offres de 2002 ne peut donc être déduit de son comportement antérieur. Il faut nécessairement que cette information ait été transmise volontairement aux soumissionnaires. Mais il n'est pas indiqué par les sociétés d'autocars mises en cause qui invoquent ce moyen pour leur défense, à quelle occasion et dans quelles circonstances cette information a été transmise à l'ensemble des autocaristes, ni s'ils avaient tous le même degré d'information.
113. Enfin, M. G... ne mentionne qu'une fourchette de 2,5 % à 3 %. Or, aucun des autocaristes n'a choisi d'augmenter ses prix en s'alignant sur le bas de la fourchette réputée connue de tous puisque les hausses se sont échelonnées de 2,9 % à 3,2 %. L'interprétation et l'utilisation de l'information relative à l'application d'un taux INSEE ont donc été communes à l'ensemble des autocaristes et ce, dans un sens qui a éliminé tout risque de concurrence susceptible de remettre en cause la répartition antérieure des lots.
114. Au demeurant, dans l'éventualité où toutes les entreprises soumissionnaires auraient effectivement connu le prix de réservation de la commune pour 2001/2002, cela n'explique pas comment une conduite autonome et non collusive aurait permis d'aboutir au résultat constaté. Le bénéfice de cette information n'aurait fait que reconstituer la situation de marché constatée lors de l'appel d'offres de 2000/2001, marché sur lequel il est démontré qu'un échange d'informations entre soumissionnaires préalable au dépôt des offres a été nécessaire pour assurer une répartition stable des lots.
115. En effet, dans une situation de transparence totale sur les prix de réservation de la commune, les soumissionnaires qui souhaitaient acquérir un lot auraient normalement dû, pour ce lot, offrir un prix inférieur ou égal au prix de réservation de la ville et non un prix supérieur. Or, pour les lots qu'elles voulaient acquérir, c'est-à-dire ceux dont elles étaient déjà titulaires, elles ont offert un prix égal au prix de réservation, c'est-à-dire le prix maximum possible, au-delà duquel la ville aurait déclaré le marché infructueux. Pour les lots détenus par leurs concurrents, elles ont proposé un prix sensiblement supérieur au prix de réservation, perdant ainsi toute chance de l'emporter. Ce comportement commun révèle que les quatre sociétés ne souhaitaient pas se concurrencer pour gagner des parts de marché, ce qui n'est pas illicite, mais il révèle aussi qu'elles étaient sûres de n'être pas concurrencées sur la part de marché déjà détenue. Ce comportement commun, inexplicable sans concertation, leur a permis de maximiser collectivement leurs profits aux dépens de la ville. Ceci constitue un indice supplémentaire de la collusion.
116. En conclusion, il est établi que les quatre entreprises en cause se sont concertées pour se répartir le marché des transports scolaires de 2000/2001 comme le démontrent les déclarations de leurs dirigeants et les pièces manuscrites saisies. Par ailleurs, un faisceau d'indices graves précis et concordant permet d'établir que ces entreprises se sont concertées aussi pour se répartir les marchés portant sur les années scolaires 1999/2000 et 2001/2002. Enfin, il est établi que les dirigeants communs des entreprises Musso et SGTM se sont concertés pour établir leurs réponses aux appels d'offres relatifs aux transports scolaires et périscolaires chaque fois qu'ils ont, pour l'une et l'autre entreprise, répondu à ces appels, notamment à l'appel d'offres portant sur le marché des transports périscolaires 1999/2000. Ces pratiques ont eu un objet anticoncurrentiel et relèvent des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
E. S'agissant de l'effet des concertations entre les quatre sociétés
117. L'assurance que pouvaient nourrir les quatre transporteurs, à l'issue de leurs concertations et échanges d'informations, de ne pas être concurrencés sur les circuits déjà exploités lors des marchés précédents et qu'ils souhaitaient conserver, ainsi que sur les nouveaux circuits dont ils souhaitaient être attributaires, ne les a nécessairement pas incités à baisser leurs prix.
118. C'est ainsi que la société Les Cars Bridet a pu accroître son offre d'environ 140 % (1 582,50 francs/654,10 francs) sur le circuit Les Thermes-Les coteaux-St Jacques lors de l'appel d'offres des années scolaires 2000/2001 par rapport à son prix retenu lors du marché précédent, sans être pour autant concurrencée sur ce circuit par un autre transporteur, ce qui ne peut trouver d'autre explication qu'une réservation préalable de cette ligne à cette société, consécutive à la répartition sus développée des circuits entre les transporteurs soumissionnaires.
119. Ce faisant, ces transporteurs ont trompé la commune de Grasse sur l'existence et l'intensité de la concurrence sur ses consultations publiques, éliminant ainsi l'imprévisibilité et l'aléa des résultats qui s'attachent normalement à tout appel d'offres.
120. Ces pratiques ont ainsi eu pour effet, par le biais d'une reconduction systématique des mêmes lots aux mêmes transporteurs et d'une réservation des nouveaux circuits à certains d'entre eux, qui ont annihilé tout aléa quant aux résultats des appels d'offres, de faire obstacle à la libre fixation des prix par le seul fonctionnement du jeu des appels d'offres.
121. En effet, chaque entreprise sachant qu'elle ne serait pas concurrencée a rédigé ses offres sur la base de celles de l'année précédente ou des estimations connues de la commune et non, de ses propres coûts, prix de revient et choix de sa politique commerciale, ce qui n'a pu que générer une fixation et une augmentation artificielles des prix.
122. Dès lors, ces pratiques ont eu un effet anticoncurrentiel et relèvent des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
F. S'agissant de l'imputabilité des pratiques
123. Il résulte des éléments du dossier que c'est au cours de l'année 1999 que la société Grasse Tourisme Service a été absorbée par la société anonyme Les Cars Bridet, avant de devenir un établissement secondaire de cette société anonyme, dépourvue de toute autonomie commerciale, ainsi qu'il résulte des déclarations de ses dirigeants selon lesquels l'établissement secondaire " dépendait de la stratégie industrielle et commerciale du siège, son directeur, M. C... n'avait aucune latitude pour signer des marchés publics. Il devait en informer le siège ".
124. Par conséquent, c'est la société anonyme Les Cars Bridet qui doit répondre des pratiques prohibées relevées, imputées à son établissement secondaire de Grasse.
G. S'agissant des sanctions
125. Une partie des infractions retenues, à savoir celles concernant les marchés de transports des années scolaires 1999/2000 et 2000/2001 ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques et par conséquent, par application du principe de non-rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions plus sévères que celles antérieurement en vigueur, introduites par la loi du 15 mai 2001 à l'article L. 464-2 du Code de commerce, ne leur sont pas applicables.
126. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai indéterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos".
127. En outre, aux termes de l'article L. 464-5 du Code de commerce, pour les faits antérieurs au 18 mai 2001 : "Le Conseil, lorsqu'il statue selon la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3, peut prononcer les mesures prévues au I de l'article L. 464-2". Toutefois, en vertu des dispositions de l'article 22 alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, applicables à l'époque de la commission des faits, la sanction pécuniaire prononcée, dans le cadre de la procédure simplifiée, ne peut excéder 500 000 francs (76 244 euros) pour chacun des auteurs des pratiques prohibées. Pour les faits postérieurs au 18 mai 2001 : aux termes de l'article L. 464-5 du Code de commerce, "le Conseil, lorsqu'il statue selon la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3, peut prononcer les mesures au I de l'article L. 464-2, toutefois, la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs des pratiques prohibées".
128. Concernant la gravité des pratiques, il est de jurisprudence constante que les ententes horizontales entre soumissionnaires concurrents à des marchés publics, qui ont pour objet et pour effet d'aboutir à une répartition des marchés, sont d'une particulière gravité .
129. S'agissant du dommage causé à l'économie par de telles pratiques, la cour d'appel de Paris a rappelé dans un arrêt du 4 février 2003 que "s'agissant d'agissements de nature à tromper les organismes publics quant à l'existence ou à l'intensité de la concurrence à l'occasion d'appel d'offres dont sont constamment rappelés la gravité intrinsèque et les dommages qu'ils causent à l'économie, notamment au regard du risque de banalisation et d'entraînement qui peut en résulter, la société requérante ne peut valablement invoquer une absence de gravité des faits qui lui sont reprochés et de dommage causé à l'économie" ;
130. En l'espèce, pour apprécier le dommage causé à l'économie par les pratiques relevées, il y a lieu de prendre en compte, d'une part, le fait que ces pratiques ont perduré sur une longue période ; d'autre part, qu'elles ont concerné la totalité des marchés publics de transports organisés par la commune de Grasse ; de troisième part, qu'elles ont concerné l'ensemble des sociétés de transports soumissionnaires à ces marchés ; enfin, qu'elles ont été mises en œuvre dans un secteur au sein duquel la concurrence était réduite puisque les quatre entreprises en cause, et ces quatre seulement, ont régulièrement soumissionné à ces marchés.
131. Contrairement à ce que font valoir les sociétés en cause, qui allèguent que les faits reprochés n'auraient pas généré de surcoût pour la commune de Grasse dans la mesure où les prix proposés par les "entreprises déjà en place ne pouvaient qu'être que les plus compétitifs, eu égard à la nécessité pour les autres entreprises d'intégrer dans leurs prix le coût d'investissements matériels" les prix ont été, au contraire, très proches des prix de réservation de la commune, c'est-à-dire les prix maximums au-delà desquels les marchés risquaient d'être déclaré improductifs.
132. Contrairement à ce qui est, en outre, développé par ces sociétés, le fait que les marchés de l'année scolaire 2000/2001 aient été attribués à des prix correspondant aux estimations de la commune, ne saurait aucunement démontrer que celle ci n'a pas été abusée; en effet, dans la mesure où ces estimations avaient, pour référence, les offres retenues lors des marchés précédents qui étaient déjà le résultat d'une coordination des offres de la part des quatre sociétés en cause ayant abouti à des prix fixés artificiellement, ces estimations étaient elles-mêmes faussées.
1. En ce qui concerne la société les Cars Bridet
133. La société Les Cars Bridet s'est vue attribuer, sur la période non prescrite un lot du marché de transports scolaires de l'année 1999/2000 d'une valeur de 113 813 francs TTC (654,10 francs x 174 jours), deux lots du marché de l'année 2000/2001 d'une valeur identique de 275 355 francs TTC (1 582,50F x 174 jours) et deux lots du marché 2001/2002 d'une valeur identique de 249 879 francs TTC (1 633,20 francs x 153 jours), soit un total sur la période de 1 164 282 francs TTC (177 493,74 euros) . La SA Les Cars Bridet a réalisé un chiffre d'affaires de 5 176 276 euros au cours de l'exercice 2002.
2. En ce qui concerne la société TACAVL
134. La société TACAVL s'est vue attribuer sur la période non prescrite un lot du marché de transports scolaires de l'année 1999/2000 d'une valeur de 342 541 francs TTC (1 968,63 francs x 174 jours), deux lots du marché de l'année 2000/2001 d'une valeur respective de 342 541 francs TTC (1 968,63 francs x 174 jours) et 285 708 francs TTC (1 642 francs x 174 jours) et deux lots du marché 2001/2002 d'un valeur respective de 310 235 francs TTC (2 027,68 francs x 153 jours) et 258 761,25 francs TTC (1 691,25 francs x 153 jours), soit un total sur la période de 1 539 787 francs TTC (234 739 euros). Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 5 219 568 euros au cours de l'exercice 2002.
3. En ce qui concerne la société STGM
135. La société STGM s'est vue attribuer sur la période non prescrite deux lots du marché de transports scolaires de l'année 1999/2000 d'une valeur respective de 280 749 francs TTC (1 613,50 francs x 174 jours) et 278 469 francs TTC (1 600,40 francs x 174 jours), deux lots du marché de transports scolaires de l'année 2000/2001 d'une valeur respective de 280 752 francs TTC (1 613,52 francs x 174 jours) et 278 469 francs TTC (1 600,40 x 174 jours) et, enfin, deux lots du marché de transports scolaires de l'année 2001/2002 d'une valeur respective de 294 106 francs TTC (1 661,62 francs x 177 jours) et 291 866 francs TTC (1 648,96 francs x 177 jours), soit une valeur totale sur la période de 1 704 413 francs TTC (259 836 euros). Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 1 260 722 euros au cours de l'exercice 2002.
4. En ce qui concerne la société les Autocars Musso
136. La société Les Autocars Musso s'est vue attribuer sur la période non prescrite un lot du marché de transports scolaires de l'année 1999/2000 d'une valeur de 267 873 francs TTC (1 539,50 francs x 174 jours), un lot du marché de transports scolaires de l'année 2000/2001 d'une valeur de 267 866 francs TTC (1 539,46 francs x 174 jours) et un lot du marché de transports scolaires de l'année 2001/2002 d'une valeur de 280 662 francs TTC (1 585,66 francs x 177 jours), soit une valeur totale sur la période de 816 400 francs TTC (124 460 euros) .
137. Concernant, par ailleurs, les marchés de transports périscolaires, la société Les Autocars Musso s'est vue attribuer sur la période non prescrite, le lot du marché de transports scolaires de l'année 1999/2000 d'une valeur de 673 090 francs TTC (232,10 francs x 2 900 navettes) et le lot, reconductible, du marché de transports scolaires de l'année 2000/2001 d'une valeur de 749 760 francs TTC (234,30 francs x 3 200 navettes), soit une valeur totale sur la période de 1422 850 francs TTC (216 912 euros). Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 3 376 541 euros au cours de l'exercice 2002.
138. Aux termes des dispositions du I, dernier alinéa de l'article L. 464-2 du Code de commerce : "le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'il précise. Il peut également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne intéressée".
139. En raison de la particulière gravité des pratiques relevées ayant conduit à la mise en place d'un cartel collusif sur une longue période et afin d'attirer l'attention des autorités locales et des consommateurs, il y a lieu d'ordonner la publication dans le quotidien Nice Matin des visas ainsi que du dispositif de la présente décision, aux frais partagés des quatre sociétés condamnées, au prorata du montant des amendes infligées.
Décision
Article 1er : Il n'est pas établi que les sociétés Les Cars Bridet et Transports Automobiles de la Côte d'Azur et de la Vallée du Loup, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce à l'occasion du marché public de transports périscolaires organisé par la commune de Grasse pour les années scolaires 1999/2000 et 2000/2001.
Article 2 : Il est établi que les sociétés Les Autocars Musso et Société des Transports Grassois et Méditerranéen ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce à l'occasion du marché public de transports périscolaires de l'année scolaire 1999/2000.
Article 3 : Il est établi que les sociétés Les Cars Bridet, Transports Automobiles de la Côte d'Azur et de la Vallée du Loup, Les Autocars Musso et Société des Transports Grassois et Méditerranéen ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce à l'occasion des marchés de transports scolaires organisés par la commune de Grasse lors des années scolaires 1999/2000, 2000/2001 et 2001/2002.
Article 4 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
* 60 000 euros à la société Les Cars Bridet ;
* 37 500 euros à la société Transports Automobiles de la Côte d'Azur et de la Vallée du Loup (TACAVL) ;
* 51 000 euros à la société Les Autocars Musso ;
* 18 000 euros à la société des Transports Grassois et Méditerranéen (STGM).
Article 5 : Est ordonné la publication dans le quotidien Nice Matin des visas et du dispositif de la présente décision aux frais partagés des quatre sociétés condamnées et au prorata du montant des amendes infligées. Cette publication sera précédée de la mention "Décision du Conseil de la concurrence du 8 septembre 2004 relative à des pratiques d'entente mises en œuvre par les sociétés Les Cars Bridet, Transports Automobiles de la Côte d'Azur et de la Vallée du Loup, Les Autocars Musso et Société des Transports Grassois et Méditerranéens lors de la passation de marchés publics organisé par la commune de Grasse dans le secteur du transport scolaire et péri-scolaire".