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Décisions

CA Rennes, 6e ch., 21 octobre 1992, n° 60-91

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Coopérative laitière de Ploudaniel (Sté), Viandes de Penthièvre (SA)

Défendeur :

Bétail Viande Davoust (SA), Davoust (SA), Davoust

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Duclos

Conseillers :

MM. Roy, Froment

Avoués :

Mes Bazille, Castres

Avocats :

SCP Cuiec, SCP Podeur Filliol Martin Gautier Faugere Recipon Berthelot Parrad.

T. com. Saint-Brieuc, du 20 nov. 1991

20 novembre 1991

Vu le jugement du 20 novembre 1990, intervenu entre :

- la SA Viandes de Penthièvre (SA VDP), société dont l'objet est notamment l'achat et la vente d'aliments pour le bétail et d'animaux de boucherie, la mise en production de ceux-ci, leur abattage et leur transformation;

- la Coopérative laitière de Ploudaniel, intervenant à ses côtés en tant qu'associée dans cette société;

- Henri Davoust, qui fut président directeur général de la SA VDP et a été révoqué le 19 décembre 1988 de toutes ses fonctions dans cette société;

- la SA Davoust, dont l'objet est le négoce de bestiaux et les transports et qui a été en relation d'affaires avec la SA VDP;

- la SA Bétail Viande Davoust (A BVD), dont l'objet est le négoce de bestiaux, de viande et d'aliment pour le bétail.

Le Tribunal de commerce de Saint-Brieuc :

- a condamné la SA Davoust à payer à la SA VDP une somme de 3 541,01 F pour les frais d'exécution d'une ordonnance de référé du 4 octobre 1989, sous réserve que le règlement de la condamnation à hauteur de 725 452,46 F n'ait pas été fait avant le commandement de payer;

- a ordonné restitution par la SA Davoust à la SDA VDP de 200 tinets, avec exécution provisoire;

- a condamné la SA Davoust à payer à la SA VDP une somme de 138 126,02 F, au titre d'un apurement de compte, pour les relations contractuelle ayant existé entre elles;

- a condamné la SA Davoust à payer à la SA VDP des intérêts au taux légal sur une somme de 725 452,46 F pour la période du 9 août 1939 au 4 octobre 1989;

- a condamné la SA Davoust à payer à la SA VDP des intérêts au taux légal sur une somme de 100 000 F pour la période du 25 janvier au 9 octobre 1989;

- a débouté la SA VDF du surplus de ses prétentions à dommages-intérêts pour désorganisation de l'entreprise, détournement d'éleveurs et détournements de clientèle;

- a débouté la SA Davoust de sa demande pour procédure abusive;

- a laissé la charge des frais non taxables à ceux qui les avaient exposés et a partagé les dépens.

Vu l'appel de ce jugement, dirigé par la SA VDP et la Coopérative laitière de Ploudaniel contre les autres parties.

Vu les écritures d'appel, par lesquelles ces sociétés :

- prétendent que l'accord intervenu entre les SA VDP et Davoust et la société Soviouest, par laquelle ces sociétés avaient convenu qu'elles partageraient, à part égale en plus ou en moins, les différences entre le prix du marché et le prix de reprise de veaux aux éleveurs, laisse, en faveur de la SA VDP sur SA Davoust, une créance de 949 500 F TTC au titre de veaux nourrissons 1987, reconnue par Henri Davoust dans un courrier du 28 décembre 1988;

- prétendent qu'au titre des relations commerciales poursuivies du 2 septembre 1988 au 3 mars 1989, il serait dû par la SA Davoust à la SA VDP, après apurement du compte pour cette période, une somme de 16 647,58 F, telle qu'elle ressort d'un télex du 3 mars 1989 énonçant les factures justifiant ce solde;

- prétendent qu'au titre des tinets il y aurait eu accord, le 24 mars 1989, pour une acquisition TTC d'un montant de 40 324 F;

- indiquent que la SA VDF a été réglée de sa dette à hauteur de 725 079,08F le 4 octobre 1989, en exécution d'une ordonnance de référé du même jour;

- critiquent le jugement déféré en ce qu'il n'a pas retenu le prix des tinets dont il a ordonné la restitution, et prétendent au paiement de la somme de 284 560,83 F en principal, montant des sommes qui resteraient dues à la SA VDP par la SA Davoust après exécution de l'ordonnance de référé, y compris les frais d'exécution de 3 541, 71 F, alors que le tribunal a retenu que la somme de 138 126,02 F, représentée par une facture du 31 octobre 1988;

- prétendent au paiement de ce solde avec des intérêts de droit à compter d'une mise en demeure du 31 mars 1989, outre des intérêts de droit sur la somme de 725 452,46 F, due au titre de l'ordonnance de référé et des frais d'assignation et de plaidoirie, depuis le 31 mars 1989 jusqu'au règlement le 4 octobre 1989;

- prétendent contre Henri Davoust au paiement, en réparation du préjudice supporté par la SA VDP, d'une somme de 7 495,62 F, représentant des intérêts aux taux de 10,5 % l'an, courus depuis le 25 janvier 1988 jusqu'au 3 octobre 1988, sur une somme de 100 000 F prélevée par lui, sans l'accord du conseil d'administration, lorsqu'il était président directeur général de la SA VDP, et critiquent ainsi le jugement déféré en ce qu'il a condamné à ce titre la SA Davoust à payer des intérêts au taux légal pour cette période, alors que la prétention était dirigée contre Henri Davoust personnellement;

- critiquent le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts par elles dirigées contre la SA Davoust et Henri Davoust pour la réparation du préjudice fautivement causé par eux à la SA VDP au titre du prix excessif de prestations de transports, effectuées pour le compte de celle-ci, alors que l'appel à la concurrence, après la révocation d'Henri Davoust, a révélé des prix nettement inférieurs à ceux pratiqués par la SA Davoust et qu'Henri Davoust, en tant que PDG de la SA VDP, aurait ainsi favorisé SA Davoust, dont il était le PGD et le principal actionnaire, au détriment de SA VDP;

- demandent à ce titre le paiement solidaire par Henri Davoust et la SA Davoust d'une somme de 1 240 500 F à titre de dommages-intérêts;

- critiquent le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts par elles dirigées contre Henri Davoust et les SA Davoust et BVB pour les préjudices causés par eux du fait d'un détournement de veaux, d'une désorganisation de l'entreprise par débauche de salariés, d'une captation de la clientèle des grossistes en veaux et de la clientèle de cheville;

- demandent à ce titre le paiement solidaire par SA Davoust, SA BVD et Henri Davoust de dommages-intérêts à hauteur de 8 156 744 F pour les détournements de veaux et d'élevages, de 1 000 000 F pour la désorganisation de l'entreprise, de 2 000 000 F pour la captation de la clientèle de grossistes en veaux et de 1 000 000 F pour la captation de la clientèle de cheville;

- demandent subsidiairement une expertise pour l'évaluation des préjudices;

- demandent paiement de 40 000 F, à titre d'indemnité pour frais non taxables.

Vu les écritures d'appel d'Henri Davoust et des SA Davoust et BVD par lesquelles :

- la SA Davoust ne critique plus le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné au paiement de la facture d'exécution de l'ordonnance de référé mis à sa charge, en ce qu'ils seraient frustratoires;

- Henri Davoust offre de payer à la SA VDP la somme de 6 623,21 F à titre de dommages-intérêts, pour son compte courant débiteur dans les livres de cette société du 25 janvier au 3 octobre 1988, en observant qu'il ne peut prouver un accord écrit du conseil d'administration mais que les intérêts sollicités à titre de réparation ne peuvent excéder le taux légal à la date du prélèvement, taux retenu par les premiers juges;

- la SA Davoust et Henri Davoust demandent confirmation du jugement déféré en ce que les premiers juges ont débouté la SA VDP de sa demande au titre de prestations prétendues facturées par la SA Davoust à un prix excessif, en observant que Henri Davoust a agi sous le contrôle du conseil d'administration de VDP et que le commissaire aux comptes de cette société n'a fait aucune observation dans ses rapports sur ces prestations

- Henri Davoust et les SA BVD demandent la confirmation du jugement déféré en ce que celui-ci a débouté VDP de ses demandes au titre d'une désorganisation de l'entreprise par débauchage de salariés, de détournement d'éleveurs de veaux, et de captation des clientèles de cheville et de grossistes en veaux, en déniant tout démarchage et autres actes de concurrence déloyale et en observant qu'Henri Davoust ne saurait avoir " préparé son départ " dès lors qu'il a été révoqué, que le fait que des salariés de VDP aient démissionné et que certains aient été ultérieurement embauchés par la SA Davoust n'établit pas un débauchage dès lors que VDP tentait de modifier le lieu de travail et remettait en cause des droits acquis, que le fait que des éleveurs n'aient pas poursuivi leurs relations avec VDP n'établit pas d'acte illicite dès lors qu'ils étaient en fin de contrat et qu'enfin la baisse de clientèle ne fait pas la preuve du comportement fautif de celui qui en profite, les clients étant libres de leur choix dans le cadre d'une libre concurrence sur le marché.

I) Sur le solde dû à la SA VDP par la SA Davoust au titre de l'apurement des comptes ayant existé entre elles relativement à leurs relations contractuelles:

Considérant que la SA VDP a assigné en référé la SA Davoust en vue du paiement par elle d'une provision de 1 006 471,58 F, représentant:

- à hauteur de 949 500 F des opérations au titre de veaux nourrissons en 1987;

- à hauteur de 40 324 F le prix de 200 tinets;

- à hauteur de 16 647,58 F un solde pour des factures de prestations réciproques entre les partenaires, solde communiqué par télex à là SA Davoust.

Considérant que, dans ses écritures en réponse pour ce référé, la SA Davoust indiquait se reconnaître débitrice d'une somme de 725 079,08 F, calculée comme suit:

Ventes veaux nourrissons 1987 : 945 000 F;

Factures en crédit : 499 700,78 F;

Factures en débit : 724 121,70 F;

Considérant que le magistrat des référés, s'il a, dans son ordonnance du 4 octobre 1989, constaté un accord des parties, a cependant indiqué également que, pour les prestations diverses faisant l'objet de factures réciproques, les parties convenaient " d'en référer au juge du fond " et a condamné SA Davoust à payer une provision à hauteur du montant de la dette par elle reconnue, ce dont il résulte que l'accord constaté ne portait que sur la provision à allouer, au titre du solde débiteur reconnu par SA Davoust; qu'il est par ailleurs reconnu que cette société s'est libérée le 4 octobre 1989 de la provision mise à sa charge et des frais de référé;

Considérant qu'en sus la SA Davoust reconnaît, dans ses écritures d'appel, devoir une somme de 133 126,02 F, représentée par la facture du 31 octobre 1988 mentionnée sur le télex à elle envoyé par la SA VDP le 3 mars 1989;

Considérant que ce télex vise un accord téléphonique du 2 mars 1989, mentionne, avec leur numéro et leur date, les factures venant en crédit pour la SA Davoust du 12/11/88 au 25/2/89, soit 724 121,70 F, et celles venant en débit, du 2 septembre 1988 au 3 mars 1989, soit 740 769,48 F, le solde en faveur de la SA VDP étant de 16 647,58 F;

Considérant qu'il ressort des pièces produites que la discussion, en appel, de ce télex porte sur 4 factures des 7, 8, 13 novembre 1988 et 5 janvier 1989, d'un montant respectif de 15 186,07 F, 40 859,27 F, 9 075,79 F et 36 271,68 F;

Considérant que ces factures, versées à la procédure, ont donné lieu à des versements de TVA par la SA VDP et sont afférentes à des participations aux pertes pour des contrats d'élevage de veaux, de même que la facture d'un montant de 138 126,02 F, désormais reconnue; qu'il suit de ces éléments la preuve que la totalité des factures figurant tant au crédit qu'au débit de la SA Davoust sur le compte communiqué par télex du 3 mars 1989 correspond à des opérations convenues, obligeant chacune des parties à ce compte, étant observé que l'attestation du PDG de la société Soviouest, selon laquelle, lors du départ d'Henri Davoust fin 1988, tous les engagements pris par la SA VDP envers cette société étaient réglés, n'implique pas que les engagements de la SA Davoust à l'égard de la SA VDP l'aient été;

Considérant que preuve n'est pas rapportée d'une vente de 200 tinets de la SA VDP à la SA Davoust, après le prêt que la première avait consenti à la seconde, à défaut d'un accord sur la chose et le prix, la première demandant 170 F HT l'unité et la seconde en offrant 75 F HT; qu'à bon droit les premiers juges ont seulement sur ce point ordonné une restitution;

Considérant qu'ainsi au titre de l'apurement des comptes, en ce qui concerne les opérations contractuelles, la SA Davoust doit en principal à la SA VDP la somme de 241 068,50 F, suivant, le calcul ci-après :

Veaux 1987 : 949 500 F;

Solde de factures : 16 647,58 F;

Déduction provision : 725 079,08 F.

Considérant qu'enfin il est expressément reconnu, dans les écritures de la SA VDP, que l'ordonnance de référé du 4 octobre 1989 a été immédiatement exécutée, y compris en ce qui concerne les frais, de sorte que le commandement de payer et les frais d'exécution sur ladite ordonnance ne sont pas dus par la SA Davoust; que le solde dû par cette société à la SA VDP porte intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure faite par lettre du 31 mars 1989;

II) Sur la réparation du préjudice supporté par la SA VDP du fait du prélèvement irrégulier par Henri Davoust d'une somme de 100 000 F dans la caisse de cette société lorsqu'il en était le dirigeant social:

Considérant que ni le prélèvement ni son irrégularité ne sont discutés; que la société a été privée de la somme de 100 000 F du 25 janvier au 3 octobre 1988; que le préjudice à la réparation duquel Henri Davoust est tenu à ce titre doit être évalué à la somme de 7 000 F ;

III) Sur les autres prétentions de la SA VDP à l'encontre d'Henri Davoust et des SA Davoust et BVD :

Considérant que le rapport spécial du commissaire aux comptes de la SA VDP, présenté à l'assemblée générale de cette société le 29 juin 1989 pour l'exercice du 1er janvier au 31 décembre 1988, indique que, dans le cadre de son activité, la société a des échanges avec différentes sociétés ayant des dirigeants communs ; que le rapport énonce que ces échanges portent sur les fournitures d'animaux, d'aliments, de prestations de service, de transports, d'entretien et de frais d'abattage et concernent notamment la SA Davoust. Que le rapport porte que ces différents échanges sont effectués à des conditions normales ; qu'il n'est pas prétendu à l'annulation des conventions de transport; que le simple fait qu'en 1989 la SA VDP ait pu trouver sur le marché d'autres entreprises effectuant des transports à un prix inférieur aux prestations de SA Davoust pour l'année 1988 n'établit pas la preuve d'actes fautifs au regard du droit de la concurrence, étant observé qu'il ne ressort pas des productions que cette dernière société ait pratiqué des tarifs discriminatoires à l'égard de son partenaire; qu'à bon droit les premiers juges ont rejeté les prétentions de la SA VDP de ce chef;

Considérant que les salariés de la SA VDP n'étaient pas liés à leur employeur par une clause de non-concurrence,étant observé que, si certains des contrats ont fait l'objet d'avenants sur ce point, ces modifications sont intervenues en 1982, bien avant la démission des titulaires, de sorte qu'elles ne peuvent avoir été convenues dans le but d'une embauche par la SA Davoust ; que 17 salariés, dont 3 techniciens pour les veaux et un cadre administratif, ont quitté la SA VDP entre la mi-novembre 1988 (Soizic Davoust, fille du PDG révoqué) et le 18 mai 1989 (Marie-Hélène Toublanc) ; qu'il n'est pas établi avec certitude par les productions que ces départs aient été suscités par la SA Davoust ou la SA BVD et que Henri Davoust se soit rendu complice de débauchages en créant un climat artificiel d'insécurité sur l'évolution future de la SA VDP et les lieux de travail ou en faisant des offres d'embauche pour la SA Davoust qu'il dirigeait et la SA BVD dans laquelle il était intéressé, étant observé qu'aucune pièce décisive ne rapporte la preuve de ces manœuvres,que les salaires dont ont bénéficié postérieurement à leur départ les salariés démissionnaires ne sont pas anormaux, que Robert Marquer, cadre administratif démissionnaire à la mi-novembre 1988, indique que son départ se justifie par la crainte de changements dans l'exploitation de l'entreprise et le mauvais climat y régnant à l'époque, que cette attestation, corroborée par la révocation ultérieure contre son gré d'Henri Davoust, est concordante avec celle des autres salariés ayant quitté la SA VDP, que ceux-ci pouvaient légitimement être inquiets du départ de leur patron et lui rester fidèle en quittant leur employeur pour la SA Davoust ou la SA BVD, sociétés qui n'ont pas été crées à cette fin mais existaient depuis de nombreuses années dans une activité concurrentielle de la SA VDP,même si, du fait d'intérêts communs, des accords ponctuels existaient entre elles avant la révocation d'Henri Davoust ;

Considérant qu'en revanche, s'agissant de Dominique Mary qui n'a démissionné que le 12 décembre 1988, il est reconnu qu'il a agi pour le compte de la SA Davoust quelques jours avant sa démission, en traitant avec un éleveur de l'Ile-et-Vilaine, Denis Gourdel, ne figurant pas sur la liste des 67 éleveurs habituels de la SA VDP portés sur les annexes visées dans les écritures de celle-ci ;que ni la SA Davoust ni Henry Davoust ne pouvaient ignorer que l'activité de ce salarié à leur profit procédait de sa déloyauté à l'égard de son employeur ; qu'en outre en acceptant d'embaucher, à quelques semaines d'intervalle, les 3 techniciens pour les veaux de la SA VDP et le cadre chargé de sa comptabilité, la SA Davoust et Henri Davoust, qui a permis ces embauches alors qu'il avait un ascendant sur ce personnel, ont commis des actes de concurrence déloyale au détriment la SA VDP, en occasionnant en connaissance de cause une désorganisation temporaire de cette société pendant le temps nécessaire au remplacement de ces salariés, qui exerçaient des fonctions non subalternes indispensables a son fonctionnement ;

Considérant que les faits de concurrence déloyale ci-dessus retenus, commis par la SA Davoust et Henri Davoust, ont causé à la SA VDP un préjudice dont la réparation doit être fixée, au regard de l'importance de ce personnel, à la somme de 500 000 F; que, pour le surplus, à bon droit les premiers juges ont débouté la SA VDP des prétentions au titre du débauchage de salariés;

Considérant qu'aucun éleveur, lié à la SA VDP par contrat d'engraissage, n'a rompu son contrat avec cette société et qu'il n'est établi, par les productions, ni que Henri Davoust, anticipant sa révocation, en raison de la mésentente qui existait entre lui et les actionnaires majoritaires de la SA VDP ait donné des ordres pour diminuer la durée des contrats des éleveurs, ni d'ailleurs qu'au regard de la durée moyenne habituellement convenue pour ceux-ci dans les 3e et 4e trimestres 1988 aient eu une durée anormalement courte ; que le seul fait que certains de ces éleveurs n'aient pas poursuivi leurs relations avec la SA VDP et aient choisi de se lier à la SA Davoust n'établit pas la preuve qu'ils aient été démarchés par Henri Davoust qu'ils connaissaient, en qui ils avaient confiance et dont ils n'ont pas ignoré la révocation par la SA VDP, comme certains d'entre eux l'expliquent dans leurs attestations; qu'en revanche, s'il n'est pas établi qu'il y ait eu des détournements de veaux, il ressort des productions que la SA Davoust a traité, avant le 10 décembre 1988, avec 14 éleveurs qui étaient habituellement ceux de la SA VDP et dont les contrats avec elle s'étaient achevés au cours du dernier semestre de l'année 1988, selon ce qu'il ressort des listes produites et non discutées;que ce déplacement d'éleveurs a été déloyalement accepté par la SA Davoust, Henri Davoust, son PDG qui était également celui de la SA VDP, n'ayant pas informé de ce mouvement le conseil d'administration de cette dernière société et l'ayant même dissimulé pour partie en facturant avec retard l'aliment pour bétail acquis par la SA Davoust à la SA VDP pour fournir les 14 éleveurs ayant changé de donneur d'ordre ;que le préjudice causé à la SA VDP par ces agissements déloyaux, dont Henry Davoust et la SA Davoust sont les auteurs, siège toutefois dans la perte pour la SA VDP d'une chance de gain sur la production des 14 élevages de ces exploitants au titre des contrats ainsi déloyalement obtenus et dans le trouble commercial résultant de la nécessité de reconstituer le potentiel de production perdu ; qu'une expertise n'est pas, compte tenu de la nature de ce préjudice, utile à la manifestation de la vérité ; que sa réparation doit être fixée, au regard des productions, à la somme de 1 000 000 F en ce qui concerne la perte de chance de gain pour les 2 005 cases de ces 14 élevages et à la somme de 70 000 F en ce qui concerne le trouble commercial ; que, pour le surplus, à bon droit les premiers juges ont débouté la SA VDP de ses prétentions concernant des détournements d'élevages et de veaux :

Considérant que le fait qu'un certain nombre de grossistes de cheville ou en veaux ait préféré traiter avec la SA Davoust ou la SA BVD, sociétés qui exerçaient déjà des activités similaires à la SA VDP, plutôt qu'avec cette dernière, après la révocation d'Henri Davoust, en raison de la confiance qu'ils portaient à celui-ci, comme il en est justifié par des attestations, n'établit pas que, par des actes déloyaux, il y ait eu captation de clientèle au détriment de la SA VDP ; qu'à bon droit les premiers juges ont rejeté les prétentions à ce titre ;

Considérant qu'enfin, si Henry Davoust a vendu à la Coopérative laitière de Ploudaniel et à d'autres sociétés ses parts dans la SA VDP en novembre 1977, il n'apparaît pas que ce fait l'ait spécialement obligé à cesser toute activité dans des sociétés concurrentes, alors de surcroît que la SA VDP a poursuivi avec lesdites entreprises pendant de nombreuses années des relations commerciales complexes, le fait qu'il soit resté, en dépit de la vente de ses actions, PDG de la SA VDP jusqu'à sa révocation ayant seulement eu pour effet de limiter la concurrence entre ces sociétés pour les affaires traitées en commun ;

IV) Autres demandes :

Considérant que l'équité commande que soit accordé à la SA VDP une indemnité de 8 000 F pour les frais non taxables qu'elle a exposés et qui sont étrangers à sa succombance, cette indemnité étant mise, in solidum, à la charge d'Henri Davoust et de la SA Davoust ; qu'au regard de leur succombance respective les dépens de 1re instance et d'appel seront partagés entre la SA VDP, à proportion du quart, et Henri Davoust et la SA Davoust, à proportion des 3/4.

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a ordonné restitution par la SA Davoust à la SA Viandes de Penthièvre de 200 tinets ; Réformant pour le surplus ; Condamne la SA Davoust à payer à la SA Viandes de Penthière la somme de 241 068,50 F, avec intérêts au taux légal depuis le 31 mars 1989, au titre de l'apurement des comptes entre ces sociétés jusqu'en décembre 1988 quant à leurs relations contractuelles ; Condamne Henri Davoust à payer à la SA Viandes de Pentièvre la somme de 7 000 F pour le préjudice causé à cette société par le prélèvement irrégulier d'une somme de 100 000 F dans sa caisse du 25 janvier au 3 octobre 1988 ; Dit que la SA Davoust et Henri Davoust ont commis, au détriment de la SA Viandes de Penthièvre, des actes de concurrence déloyale par utilisation des services d'un salarié de celle-ci avant l'expiration de son contrat de travail, par désorganisation de celle-ci du fait de l'embauche de 4 de ses salariés démissionnaires et par souscription de 14 contrats d'élevage, entre septembre et décembre 1988, avec des exploitants agricoles traitant habituellement avec elle ; Condamne in solidum la SA Davoust et Henri Davoust à payer à la SA Viandes de Penthièvre, en réparation du préjudice causé par ces faits, la somme totale de 1 570 000 F, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Les condamne in solidum à lui payer la somme de 3 000 F, pour les frais non taxables qu'elle a exposés et qui sont étrangers à sa succombance ; Déboute des autres prétentions Ordonne partage des dépens de 1re instance et d'appel dans la proportion d'1/4 pour la SA Viandes de Penthièvre et de 3/4 pour Henri Davoust et la SA Davoust ; Y condamne ces parties dans cette proportion avec, pour les dépens d'appel et pour les avoués en ayant fait la demande, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, dans les conditions posées par ce texte.