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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 16 septembre 2004, n° 03-04494

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Espace Etoile (SA), Varnier (Epoux)

Défendeur :

Daimler Chrysler France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Raffejeaud

Conseillers :

MM. Dragne, Chapelle

Avoués :

SCP Jupin & Algrin, SCP Jullien-Lecharny-Rol

Avocats :

SCP Vogel & Vogel, Me Bourgeon.

CA Versailles n° 03-04494

16 septembre 2004

La société Espace Etoile et les époux Varnier sont appelants d'un jugement du Tribunal de commerce de Versailles en date du 4 juin 2003 qui les a déboutés de toutes leurs demandes et les a condamnés in solidum à payer à la société Daimler Chrysler France une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

Il est renvoyé au jugement entrepris pour l'exposé des faits.

Les appelants reprennent intégralement leurs moyens de première instance rejetés par le tribunal, reprochant à la société Mercedes Benz, devenue Daimler Chrysler, le caractère déloyal et abusif de sa décision de résilier le contrat de concession.

Ils lui reprochent ainsi, en premier lieu, de les avoir privés du bénéfice qu'ils pouvaient légitimement espérer des investissements qu'ils avaient réalisés et des engagements qu'ils avaient assumés à sa demande ou avec son agrément, en deuxième lieu, de n'avoir pris sa décision que pour des raisons purement vindicatives, et, en troisième lieu, d'avoir engagé un processus de réorganisation de sa distribution locale au milieu du préavis.

Ils sollicitent l'indemnisation de leurs préjudices qu'ils évaluent de la façon suivante:

- la société Espace Etoile, à la somme de 289 653,13 euros au titre de la différence entre le prix de cession de son fonds et sa valeur de marché, et à la somme de 171 332,88 euros au titre des dépréciations et charges exceptionnelles inhérentes aux conditions de négociation de la cession,

- M. Varnier, à la somme de 153 203,79 euros au titre de l'abandon de compte courant et à la somme de 407 641,66 euros au titre des autres préjudices,

- Mme Varnier, respectivement à 24 066,66 euros et à 229 616,58 euros pour les mêmes causes.

Ils sollicitent, en outre, une somme de 7 625 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Satisfaite du jugement, la société Daimler Chrysler France en demande la confirmation pure et simple, outre le paiement d'une somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du NCPC.

A titre subsidiaire, elle considère qu'en toute hypothèse, elle n'a pas commis de faute à l'égard des époux Varnier et que les préjudices allégués, non justifiés dans leur principe, sont largement surévalués dans leur montant.

Sur ce,

Considérant que, conformément aux stipulations contractuelles, la société Mercedes Benz a résilié le contrat de concession, conclu pour une durée indéterminée en respectant un préavis de deux ans;

Considérant qu'il est de principe que les parties peuvent, à tout moment et sans avoir à justifier d'un motif, résilier un contrat à durée indéterminée, moyennant un préavis raisonnable et sous réserve de ne pas commettre d'abus de droit;

Qu'en l'espèce, la société Mercedes Benz a respecté le délai de préavis contractuel qui était suffisant, et qu'il reste donc à examiner si elle a commis un abus dans l'exercice de son droit de résilier le contrat;

Considérant qu'à l'appui de leur appel, la société Espace Etoile et les époux Varnier se bornent à reprendre leurs moyens de première instance, justement écartés par les premiers juges dans une motivation claire et précise;

Qu'il peut simplement être ajouté:

- que l'acquisition des titres du "groupe" Groine s'est faite à l'origine contre le gré de la société Mercedes Benz qui avait préalablement manifesté son intention de faire jouer son droit de préférence;

- que les époux Varnier détiennent toujours les actions et ne justifient d'aucun préjudice de ce chef;

- qu'il n'est pas expliqué en quoi la constitution de la société Beaulieu serait source d'un préjudice;

- que les appelants sont irrecevables à invoquer le préjudice susceptible d'être subi personnellement par la société Beaulieu à raison de l'achat du terrain de Ville-Le-Grand et de la construction de la concession;

- qu'en tant qu'associés de cette société constituée au capital de 100 000 F, ils ne justifient en tout cas d'aucune perte à la revente de leurs parts, dont ils se gardent bien d'indiquer le prix exact, mais qui, à la lecture de l'acte de cession, page 9, n'a pas dû être inférieure à trois millions de francs;

- que les engagements personnels des époux Varnier sont de leur fait et ne créent aucune obligation du concédant, qui n'est d'ailleurs pas leur cocontractant, à leur égard;

- que la neutralité ou la passivité dont a fait preuve la société Mercedes Benz à l'occasion d'un litige qui opposait la société Espace Etoile à un autre concessionnaire ne peut être considérée comme témoignant d'un parti pris en faveur de ce dernier, et que, de toute manière, ce grief n'a aucun rapport avec le caractère abusif ou non de la résiliation du contrat;

- que l'augmentation des objectifs imposée à la société Espace Etoile début 1998 n'a été que de 40,8 %, et non de 61 % comme elle le prétend;

- que la simple comparaison de ce chiffre avec l'augmentation de 38,2 % des immatriculations des véhicules Mercedes, en 1998, suffit à apporter la preuve du traitement équitable et non discriminatoire de la société Espace Etoile par rapport aux autres concessionnaires;

- que la décision prise par la société Mercedes Benz de réorganiser son réseau pendant la période de préavis est sans incidence sur la résiliation du contrat de concession notifiée antérieurement;

- que cette décision que la société Mercedes Benz était parfaitement en droit de prendre, n'a en rien limité le choix de la société Espace Etoile, dès lors que celle-ci avait toujours la faculté de poursuivre son activité seule ou sous une autre marque, ou bien de céder son fonds à un autre constructeur;

- qu'il n'est en tout cas pas soutenu que cette décision aurait été motivée dans le but d'empêcher la société Espace Etoile de revendre son fonds;

- qu'aucune obligation contractuelle d'assistance à la reconversion d'un concessionnaire résilié ne pèse sur le concédant;

- que l'offre que faisait la société Mercedes Benz le 19 novembre 1999 à la société Espace Etoile de lui "faciliter tout rapprochement ", ne sous-entendait pas qu'elle s'immiscerait dans ses négociations avec le "groupe" Gauduel, et qu'au demeurant, la société Espace Etoile ne justifie pas avoir sollicité son aide à cette occasion;

- qu'enfin, la décision de réorganisation a été prise un an après la résiliation, à une date où la société Espace Etoile n'avait toujours pas d'acquéreur;

- qu'elle ne justifie d'ailleurs pas avoir été en mesure de trouver un autre repreneur, et à de meilleures conditions que celles offertes par Gauduel;

Considérant qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris;

Considérant que les appelants paieront une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC;

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement: - Confirme le jugement entrepris. Y ajoutant, - Condamne la société Espace Etoile et les époux Varnier (à payer à la société Daimler Chrysler France) une somme de 5 000 euros (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du NCPC. - Les condamne aux dépens qui seront recouvrés par la SCP Jupin-Algrin, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.