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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 13 octobre 2000, n° 1999-12825

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Effor Ile-de-France (SA)

Défendeur :

Amandla " Mac Donald's (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briottet

Conseillers :

Mme Bernard, M. Picque

Avoués :

SCP Teytaud, Me Pamart

Avocats :

Mes Petit, Clement.

T. com. Melun, du 22 mars 1999

22 mars 1999

La société Mac Donald's France (ci-après Mac Donald) a souscrit, le 27 février 1992, un contrat de nettoyage des locaux de son restaurant de Pontault Combault auprès de la société Atlantique Effor Services. Ultérieurement, la société Effor Ile-de-France (ci-après Effor) est venue aux droits de la société Atlantique Effor Services, tandis qu'à partir du 1er février 1994, la société Amandla prenait en exploitation le restaurant Mac Donald's de Pontault Combault au titre d'une location gérance du fonds de commerce.

Par lettre du 9 septembre 1997 la société Amandla a résilié le contrat de nettoyage à effet du 28 février suivant.

Cependant la société Effor, qui estimait que son contrat se poursuivait encore pendant 3 ans, adressa le 28 février 1998, une facture de 876 581,10 F correspondant aux échéances mensuelles qui restaient à courir jusqu'à la fin du contrat qu'elle situait au 6 décembre 2000.

Cette somme restant impayée, elle a fait assigner la société Amandla devant le Tribunal de commerce de Melun aux fins de paiement de la somme de 876 681,10 F, majorée des intérêts légaux à compter du 28 février 1998, outre 150 000 F de dommages et intérêts et 20 000 F de frais irrépétibles.

Par jugement du 22 mars 1999 le tribunal a débouté la société Effor de l'ensemble de ses demandes.

La société Effor interjette appel et dans le dernier état de ses écritures, signifiées le 3 juillet 2000, elle soutient que le contrat d'origine, signé le 27 février 1992, était d'une durée de 3 ans à compter rétroactivement du 7 décembre 1991, renouvelable tacitement à chaque échéance triennale sauf dénonciation au moins 3 mois auparavant. A défaut d'avoir été dénoncé avant le 7 septembre 1997 elle prétend qu'il s'est renouvelé le 7 décembre 1997, pour une nouvelle période de 3 ans expirant le 6 décembre 2000, au travers de l'ayant droit de la société Mac Donald ce qui est attesté, selon elle, par le bail de fonds de commerce souscrit entre les sociétés Mac Donald et Amandla lequel stipule expressément que le contrat Effor est une composante des éléments du fonds de commerce donné en location;

En toute hypothèse elle écarte les reproches adverses de mauvaise qualité des prestations, en raison de leur insuffisance à justifier une résiliation contractuelle, puisque la convention litigieuse exigeait des manquements graves et répétés. Ces manquements s'avéraient démentis par le propre comportement de la société Amandla elle-même, en ce qu'à l'époque où elle formulait les critiques sur le travail effectué par le personnel d'entretien de la société Effor, elle embauchait certains d'entre eux qui n'avaient pas encore démissionné ; L'appelante sollicite, en conséquence, la pleine infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société Amandla à lui payer les sommes initialement demandées ainsi que la capitalisation des intérêts et 30 000 F de frais irrépétibles.

La société Amandla objecte que le contrat de nettoyage d'origine ne lui est pas opposable en ce qu'il a été signé, non avec elle-même, mais avec la société Mac Donald qui, à l'époque, exploitait directement le restaurant de Pontault Combault, la preuve n'étant pas rapportée qu'il y ait eu cession du contrat et des engagements ceux-ci étant simplement visés dans une annexe comportant la liste des contrats liés à l'exploitation du restaurant. L'acte ne peut, de ce seul fait, comporter obligation de sa part. Subsidiairement l'intimée soutient que le point de départ du contrat était celui de sa signature, le 27 février 1992, de sorte que le délai de 3 mois avait été largement respecté, le contrat litigieux n'ayant pas pu rétroagir au 7 décembre 1991 puisque le 8 janvier 1992 la société Effor adressait encore une proposition à la société Mac Donald avec un prix mensuel supérieur à celui finalement retenu de sorte, qu'à cette dernière date, on en était encore au stade des pourparlers. Ainsi l'accord des parties étant seulement intervenu le 27 février 1992, la première période de 3 ans n'a commencé à courir que le lendemain 28 février 1992. Elle ajoute qu'au moment de la reprise de l'exploitation du restaurant la société Amandla s'était enquise d'obtenir de la société Effor un nouveau contrat d'une durée moindre d'un an renouvelable comme cela était pratiqué dans les autres restaurants du même type. Elle réitère que le contrat d'origine n'était pas compris dans la reprise et qu'elle s'était bornée à payer les mensualités présentées, un nouveau contrat verbal s'étant instauré.

Plus subsidiairement, elle invoque une résiliation pour dégradation de la qualité des prestations, admise implicitement par la société Effor qui avait licencié, début septembre 1997, l'un de ses employés en poste au motif que les clients se plaignaient de prestations défectueuses ou non effectuées. Ce licenciement avait été précédé d'un avertissement, au mois de mai, dont elle précise que la société Amandla était l'instigatrice. Plus subsidiairement elle proteste de la quasi-inexistence du préjudice subi par la société Effor qui avait bénéficié d'un délai de 5 mois et demi pour procéder à sa restructuration, le coût allégué, de plus de 800 KF, s'avérant exorbitant. En dernière analyse, pour ce qui concernait un second contrat particulier ayant trait au nettoyage des baies vitrées en date du 1er octobre 1996 d'une durée renouvelable d'un an résiliable à chaque anniversaire moyennant un préavis de 3 mois, l'intimée souligne que c'est la société Effor qui a voulu qu'il soit dénoncé le même jour que celui du 28 février 1992, entraînant la suppression du préavis qui, en tout état de cause, devait se termine le 1er octobre 1998 au plus tard l'exécution de celui-ci ne pouvant pas être poursuivie au-delà.

De manière infiniment subsidiaire l'intimée sollicite qu'il soit dit que la résiliation du contrat de nettoyage est justifiée par l'inexécution des obligations de la société Effor le préjudice devant être ramené à 1 franc et conclut à l'octroi de 20 000 F de frais irrépétibles.

Sur quoi:

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'un seul contrat concernant le nettoyage du restaurant Mac Donald's de Pontault Combault a été passé alors que d'autres contrats, également produits, étaient relatifs à des travaux plus spécifiques tels les vitrages et les gaines d'aération; que ce contrat porte depuis l'origine le n° 2125, rappelé dans de nombreuses correspondances tant avant, qu'après, février 1994 ; que, souscrit le 28 février 1992, il rétroagissait effectivement au 7 décembre 1991; que le 17 février 1994, la société Mac Donald a donné la location-gérance du fonds à la société Amandla;que l'article 1.1 du contrat de location gérance dispose que " tous avantages et obligations découlant de tous contrats conclus préalablement à la date d'entrée en vigueur de la location gérance concernant l'exploitation du restaurant, notamment ceux décrits dans l'annexe E " ;qu'en l'état il n'est pas contesté que le contrat litigieux figurait dans la liste de l'annexe Epour sa valeur mensuelle de l'époque de 19 321,85 F HT,

Considérant qu'il est également constant que, par lettre recommandée du 1er mars 1994, adressée à la société Effor, la société Mac Donald écrivait: " ... nous avons confié à la société Amandla SA l'exploitation de ce restaurant par un contrat de location gérance il conviendra donc à partir de cette date (février 1994) d'adresser vos courriers et factures ... à Amandla SA que de l'aveu même de la société Amandla celle-ci n'a pas signé de nouveau contrat de nettoyage(en dehors de ceux spécifiques pour les baies et les gaines d'aération) et a pris en charge les mensualités du contrat de nettoyage d'origine ce sans s'employer sérieusement à le voir modifier ou résilier;

Considérant qu'il apparaît, ainsi, que la SA Amandla a poursuivi le contrat de nettoyage d'origine avec la société Effor laquelle a continué naturellement ses prestations et la facturation sur la base dudit contrat ;qu'au demeurant, c'est ce contrat qu'elle vise dans sa lettre de résiliation unilatérale du 9 septembre 1997 en faisant référence à la date anniversaire de signature du 28 février omettant, par inadvertance ou délibérément, que les parties qui en étaient régulièrement convenues, faisaient rétroagir son effet au 7 décembre 1991 la durée étant de 3 ans renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation avant chaque reconduction sous réserve d'un préavis de 3 mois;

Qu'il suit que la société Amandla devait respecter le délai précité;qu'à défaut de ce faire le contrat s'est renouvelé le 7 décembre 1997 pour une nouvelle période de 3 ans expirant le 6 décembre 2000 de sorte que la lettre recommandée du 9 septembre 1997, reçue le 13 septembre suivant par son destinataire, ne pouvait avoir d'effet que pour le 7 décembre 2000;

Considérant que, malgré le refus notifié par la société Effor, dans sa réponse du 26 septembre 1997, de ne pas voir résilier le contrat avant son nouveau terme de décembre 2000, la société Amandla, qui pourtant ne pouvait plus ignorer que le contrat s'était renouvelé le 7 décembre 1997 pour une nouvelle période de 3 ans, a maintenu sa position aux termes de sa lettre du 6 janvier 1998 ;qu'elle a donc caractérisé une rupture unilatérale;

Considérant que la société Amandla n'a pas davantage démontré la réalité des manquements graves et répétés propres à l'autoriser à mettre en œuvre une résiliation, le licenciement de l'un des membres du personnel en poste n'accréditant pas sa thèse en ce que les motifs, y ayant conduit la société Effor, étaient bien plus larges et variés que le seul défaut de nettoyage sur le site de Pontault Combault.

Considérant, pour ce qui est du nettoyage des baies vitrées, que, dans son envoi télécopié du 27 janvier 1998, la société Effor n'invitait pas son cocontractant à résilier ce second contrat en même temps que le contrat principal de nettoyage, mais se bornait à lui demander de préciser ses intentions ; qu'en conséquence la dénonciation dudit contrat annuel intervenue le même jour par retour du courrier, a pu avoir un effet contractuel pour l'échéance à venir du 1er octobre 1998, étant observé que, dans son décompte du 28 février 1998, la société Effor n'a calculé les échéances mensuelles de celui-ci que jusqu'à cette date du 1er octobre 1998; Que, dans ces conditions, il y a bien rupture fautive de la part de la SA Amandla;

Considérant, au regard des conséquences de cette rupture, qu'il sera observé que le prix mensuel convenu se trouvait dû en contre partie de l'exécution des prestations de ménage celles-ci n'étant plus effectuées, à partir de février 1998, devant l'opposition de la société Amandla ; que ce prix ne saurait être exigé intégralement jusqu' au terme du contrat à titre indemnitaire ; qu'il ne correspond pas au préjudice réel de la société Effor tel que découlant de la prévision du contrat sous le double aspect de la perte subie et du gain manqué ; qu'en effet la société Effor ne supporte plus les charges correspondant à l'exécution de ses prestations ; qu'en application de l'article 1149 du Code civil il est nécessaire d'en faire une juste appréciation les éléments du dossier permettant de le fixer à 450 000 F.

Considérant que, s'agissant de dommages et intérêts, il n'y a pas lieu de prévoir les intérêts moratoires avant le prononcé de la présente décision mais, qu'en revanche, il convient d'ordonner la capitalisation, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, de ceux qui courront après une année passée ledit prononcé;

Considérant que la société Amandla a contraint son adversaire à exposer des frais irrépétibles qui seront évalués à 22 000 F.

Par ces motifs, Contradictoirement, Infirme le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Condamne la SA Amandla à payer à la SA Effor Ile-de-France la somme de 450 000 F majorée des intérêts légaux à compter de la date du présent arrêt et capitalisation après une année passée ledit prononcé. Condamne, en outre la SA Amandla à payer à la SA Effor Ile-de-France la somme de 22 000 F de frais irrépétibles et à s'acquitter des dépens, Admet la SCP Teytaud au bénéfice de l'article 699 du NCPC.