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Décisions

CA Basse-Terre, 2e ch. civ., 11 septembre 2000, n° 99-01402

BASSE-TERRE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Nesty, Les Quatre Saisons (SCI)

Défendeur :

Groupama (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirier-Chaud

Conseillers :

MM. Bertrand, Remond

Avocats :

Mes Werter, Ibene

TGI Pointe-à-Pitre, du 9 sept. 1999

9 septembre 1999

Vu le jugement contradictoire rendu le 09/09/1999 par le Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre,

Dans l'instance n° 98-2842 diligentée par Nicole Nesty épouse Lacour tant en son nom personnel qu'ès qualité de gérante de la SCI "Les Quatre Saisons" à l'encontre de Groupama sur assignation introductive du 07/12/1998, sur le fondement d'un contrat d'assurances souscrit le 12/11/1996, aux fins de garantie du sinistre vol réalisé le 26/08/1997,

Cette décision ayant débouté les demanderesses au motif de l'exclusion de garantie (prévue au contrat) à raison de la non mise en œuvre des systèmes de protection renforcée, et les ayant condamné à payer à Groupama la somme de 4 000 F au titre des frais irrépétibles,

Vu les actes de procédure d'appel ci-après

1° déclaration d'appel de Nicole Lacour et de la SCI, reçue au Greffe le 27/09/1999, à l'encontre de la décision susvisée,

2° conclusions de Nicole Lacour et de la SCI, visées de la partie intimée le 18/02/2000, timbrées du Greffe le 21, tendant à l'infirmation,

3° conclusions de Groupama, visées de la partie appelante le 23/02/2000, timbrées du Greffe le 25, tendant à la confirmation,

Vu l'ordonnance de clôture, du 13/04/2000,

Vu les faits de la cause et la procédure antérieure exposés aux motifs de la décision entreprise, auxquels la cour se réfère expressément.

Moyens et prétentions des parties

Nicole Lacour et la SCI "Les Quatre Saisons" contestent l'obligation, prétendue et opposée par Groupama à l'appui de son refus de garantie, de la mise en œuvre systématique du système de protection, et concluent à l'infirmation de la décision déférée, et à la condamnation de Groupama à payer au titre :

- du sinistre,

* à la SCI, le montant des dégâts causés à l'immeuble par l'effraction 6 127,50 F

* à Nicole Lacour 181 000 F avec les intérêts de droit à compter du 07/12/1998

- des frais irrépétibles, à Nicole Lacour 10 000 F et aux dépens, dont distraction.

Elles font valoir que, dans le cadre du précédent contrat (protection moyenne, et pour quelques dizaines francs de prime en plus), elles auraient eu droit à indemnité, alors qu'ayant investi dans l'installation d'un système de protection renforcé, mais omis ce jour-là de l'activer, elles se voient refuser toute garantie.

Nicole Lacour fait aussi valoir qu'elle était partie au travail à 7 heures 30 en fermant portes et fenêtres, mais sans activer l'alarme intérieure et la barrière infra-rouge protégeant l'accès de la porte d'entrée, ce afin de permettre à la servante de pénétrer, qu'elle avait prévu de rentrer avant le départ de celle-ci afin de pouvoir se préparer pour les obsèques de son père (qui devaient avoir lieu dans l'après-midi de ce même jour), mais qu'elle avait été retenue à son travail, ce fait étant constitutif du cas de force majeure prévu au contrat.

Groupama se fonde sur la clause contractuelle qui prévoit l'exclusion de toute garantie du risque vol en cas de non mise en œuvre des systèmes de protection, conteste la force majeure, et conclut à la confirmation de la décision déférée outre condamnation des appelantes à lui payer au titre des frais irrépétibles, la somme de 8 000 F et aux dépens.

Motifs

Attendu que l'article 1134 du Code civil dispose les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

[...]

Elles doivent être exécutées de bonne foi."

Attendu que le contrat d'assurances multi-options en cause (92/92058177/1003) souscrit auprès de Groupama par Nicole Lacour et la SCI, à effet du 08/11/1996, moyennant une prime annuelle totale HT de 1 984 F, relativement à une maison particulière sise à Petit-Bourg, comporte, pour le risque vol, la clause particulière suivante :

- Maison particulière équipée de protection renforcée contre le vol."

Que ce contrat remplace le contrat /1002 précédemment souscrit le 30/08/1996 et garantissant le risque vol dans le cadre de la clause particulière "Maison particulière équipée de protection moyenne contre le vol", la prime totale étant de 2 043 F HT ;

Que le cahier des clauses particulières prévoit, pour le cas d'une telle clause de protection renforcée, l'exclusion de garantie suivante :

" Nous ne garantissons pas les vols ou détériorations survenus alors que les moyens de protection mentionnés ci-dessus n'ont pas été observés, sauf cas de force majeure ou si le non-respect de ces moyens de protection n'a pu avoir d'incidence sur la réalisation des dommages. " ;

Qu'il convient de remarquer que cet article renvoie au précédent "Maison particulière équipée de protection moyenne contre le vol" et exige aussi, cumulativement, les diligences correspondantes, sous la même sanction ;

Attendu, sur la réalisation du sinistre, qu'il est établi que le vol a été perpétré le 26/08/1997 vers 13 heures, alors que les systèmes (alarme intérieure et barrière infra-rouge de la porte d'entrée) de la protection renforcée n'avaient pas été activés après le départ de la servante, Nicole Lacour se trouvant à son travail ;

Que le rapport de l'expertise amiable note que, selon les témoins, les voleurs se sont introduits dans la propriété en forçant le portail automatique avec un véhicule, et qu'ensuite, avec un outil de type pied-de-biche, ils ont forcé la porte fenêtre donnant sur la terrasse, leur permettant de pénétrer dans les lieux ;

Attendu que, nonobstant ce mode opératoire, l'incidence du non-respect des moyens de protection renforcée sur la réalisation des dommages n'a pas été discutée par les parties ;

Que, sur le contenu du mot "observés", et sauf à vider de sens les clauses sus-visées, ce mot ne peut s'interpréter que dans le sens de l'obligation de la mise en œuvre des moyens de protection concernés, donc nécessairement préalablement installés ;

Que la circonstance des obsèques du père de Nicole Lacour, si éprouvante soit-elle, ne saurait, par elle-même, revêtir le caractère de la force majeure ;

Mais attendu que, dans le cadre du contrat en cause, les assurées avaient l'obligation de mettre en œuvre cumulativement les moyens de protection moyenne et ceux de la protection renforcée à peine de non garantie ;

Qu'il convient donc de remarquer que, dans le cadre du précédent contrat souscrit exigeant seulement une protection moyenne, pour une prime seulement supérieure de 59 F HT, ces assurées, pour ce même sinistre, auraient eu droit à garantie ;

Qu'en cet état, en celui du cumul précité exigé en l'espèce, la clause de non garantie pour le cas de la seule non mise en œuvre des moyens de protection renforcée paraît pouvoir être constitutive d'une clause abusive au sens de la loi, en particulier l'article L. 132-1 du Code de la consommation, la sanction édictée pour un tel cas étant que les clauses abusives sont réputées non écrites.

Qu'il convient donc, avant dire droit, d'inviter les parties à conclure contradictoirement sur ce moyen de droit et, en tant que de besoin, ses conséquences utiles ;

Qu'il échet de réserver le fond et de renvoyer la cause à la plus proche conférence de la mise en état de cette chambre ;

Par ces motifs, LA COUR, d'appel de Basse-Terre, 2° chambre, statuant en matière civile, publiquement, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, Vu le jugement rendu le 09/09/1999 par le Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, En la forme, dit Nicole Nesty épouse Lacour et la SCI "Les Quatre Saisons" recevables en leur appel ; Avant dire droit au fond, Tous droits et moyens des parties demeurant réservés, Enjoint les parties de conclure sur le moyen de droit de la protection des consommateurs contre les clauses abusives ; Renvoie la cause et les parties à la plus prochaine conférence utile de la mise en état de cette chambre ; Réserve le surplus des demandes et les dépens.