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Décisions

CCE, 17 novembre 1981, n° 82-71

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Langenscheidt- Hachette

CCE n° 82-71

17 novembre 1981

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 6 et 8, vu la notification et la demande d'attestation négative, présentées le 6 novembre 1979 par Hachette SA à Paris et Langenscheidt KG à Berlin, concernant les accords conclus entre ces deux sociétés le 31 mars 1977 pour l'édition et la diffusion de méthodes d'enseignement de la langue française sur le marché d'expression allemande, vu la publication de l'essentiel du contenu de la demande (2), conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, recueilli, conformément à l'article 10 du règlement n° 17, le 17 septembre 1981,

I Les faits

Considérant que les faits peuvent être résumés comme suit:

A. Les entreprises

La librairie Hachette SA à Paris, ci-après dénommée " Hachette ", est une société anonyme qui constitue à la fois la société holding, la société mère et l'unité dite opérationnelle du groupe Hachette, qui est le principal éditeur français. Ce groupe comprend également un réseau de distribution très étendu de livres et de publications tant en France qu'à l'étranger; il dispose de plusieurs filiales dans le Marché commun, notamment Saarbach GmbH à Cologne, ci-après dénommée " Saarbach ", qui est une filiale à 100 %.

Le chiffre d'affaires du groupe Hachette était en 1980 de ..... francs français (3) dont ..... francs français pour le secteur d'activité " livres ". Depuis le début de 1981, Hachette fait partie du groupe Matra qui exerce ses activités principalement dans les domaines suivants: militaire, spatial, informatique, électronique, automobile. Dans le domaine de l'édition, Matra contrôle plusieurs périodiques ainsi que la librairie Aristide Quillet, qui édite des encyclopédies.

Langenscheidt KG à Berlin, ci-après dénommée " Langenscheidt ", est une maison d'édition dont les activités concernent principalement les dictionnaires, les livres scolaires et les méthodes d'enseignement des langues étrangères. Son chiffre d'affaires était environ ...... marks allemands en 1980.

Langenscheidt-Hachette GmbH, à Munich, ci-après dénommée " L-H ", est la filiale commune créée par les accords visés par la présente procédure; elle a pour objet la publication et la diffusion de livres et d'autres moyens pour l'enseignement de la langue française sur le marché d'expression allemande. Son capital est de 20 000 marks allemands.

B. Les accords

Hachette et Langenscheidt ont notifié à la Commission, le 6 novembre 1979, trois accords, en date du 31 mars 1977, relatifs à l'édition et à la diffusion de méthodes d'enseignement de la langue française pour le marché d'expression allemande: un accord entre Langenscheidt, Hachette et Saarbach, dit " contrat général ", un accord entre L-H et Hachette, dit " contrat commercial " et un accord entre Langenscheidt et L-H dit " contrat de services ". Ces accords sont complétés par des documents d'exécution sous la forme de quatre annexes. Ils sont entrés en vigueur le 1er janvier 1978 et la période de validité envisagée expire le 31 décembre 1984. Il est prévu par ailleurs que les accords resteront en vigueur tant que 50 % des parts de L-H seront détenues par Hachette et par Langenscheidt pour le " contrat général ", par Hachette pour le " contrat commercial " et par Langenscheidt pour le " contrat de services ".

1. Contrat général

Cet accord prévoit que Langenscheidt, Hachette et Saarbach procéderont à la constitution, en République fédérale d'Allemagne, d'une société à responsabilité limitée, qui portera le nom de Langenscheidt-Hachette GmbH, et précise les modalités de constitution et de fonctionnement suivantes:

- le capital de L-H (20 000 marks allemands) est détenu pour une moitié par Langenscheidt et pour l'autre moitié par Hachette; la part de Hachette est elle-même divisée en deux parts égales: l'une au nom de Hachette et l'autre au nom de Saarbach;

- selon le contrat de société (Gesellschaftsvertrag) convenu entre les parties, Hachette et Langenscheidt nomment chacun un gérant délégué (delegierte Geschaeftsfuehrer), qualifié pour représenter isolément la société;

- la gérance doit obtenir un accord préalable de l'assemblée des associés pour toute dérogation par rapport à la ligne directrice de l'affaire, ainsi que pour toutes les négociations sortant du cadre habituel d'activité de la société;

- les activités de L-H comprennent:

a) la publication et la vente d'ouvrages et d'aides audio-visuelles d'enseignement du français, langue étrangère (FLET), spécifiquement destinés au marché d'expression allemande;

b) la publication pour le marché d'expression allemande, avec ou sans adaptation, de titres choisis dans les catalogues de Langenscheidt, de Hachette et, éventuellement, d'autres éditeurs;

c) la vente sur le marché d'expression allemande du catalogue FLET de Hachette, tel qu'il existait au moment de l'accord;

- les ouvrages et aides audio-visuelles d'enseignement du français comprennent notamment: des cours de français pour le marché scolaire et pour le marché post-scolaire, des ouvrages de lecture facile structurellement gradués, des ouvrages de référence en français et des dictionnaires monolingues conçus spécialement dans le but de compléter les méthodes d'enseignement du français; la publication de dictionnaires bilingues français-allemand n'est pas envisagée;

- la création d'activités d'édition en propre devra être la fonction la plus importante de la nouvelle société;

- les prix des ouvrages par L-H sont fixés par L-H conformément à une politique de prix définie par les parties en présence. Les titres FLET Hachette, entreposés à Munich par L-H, sont vendus à un prix déterminé par cette société en fonction des dispositions légales applicables;

- la politique d'édition de L-H est déterminée, selon les modalités prévues au contrat, d'un commun accord entre Langenscheidt et Hachette;

- il est prévu que Hachette et Langenscheidt s'informeront mutuellement de leurs projets de publication dans le domaine de l'enseignement individuel du français (self-instruction material); Hachette bénéficiera notamment d'une option pour l'adaptation, sur une base internationale, des titres publiés par Langenscheidt dans ce domaine; les titres que Hachette ferait paraître dans ce domaine, et qui recouperaient des titres existants ou en préparation de Langenscheidt, devraient être publiés, si possible, sous le nom L-H.

2. Contrat commercial

Les dispositions principales de cet accord, qui règle les rapports entre Hachette et L-H, sont les suivantes:

- L-H a le droit exclusif de distribuer les ouvrages et aides audio-visuelles FLET de Hachette sur le marché d'expression allemande; - L-H peut adapter pour le marché allemand n'importe quel titre du catalogue FLET de Hachette, si cela s'avère possible et nécessaire;

- Hachette ne publie pas, en principe, sous son nom, les ouvrages FLET sur le marché d'expression allemande. Toutefois, une telle publication peut être effectuée si L-H n'accepte pas, dans les douze mois, une offre de publication faite par Hachette;

- tout tiers importateur allemand peut obtenir auprès de revendeurs français les titres faisant l'objet du contrat, et réciproquement.

3. Contrat de services

Les dispositions principales de cet accord, qui règle les rapports entre Langenscheidt et L-H, sont les suivantes:

- Langenscheidt est chargé de la diffusion et de la promotion au nom de L-H et fournit à L-H tous les services nécessaires à la poursuite de ses activités (notamment stockage, facturation, etc.),

- Langenscheidt fournit également à L-H des matériels ou services relatifs à la préparation avant publication par L-H de n'importe quel titre FLET,

- certains ouvrages du catalogue de Langenscheidt seront publiés par L-H. Ces ouvrages seront fournis par Langenscheidt aux mêmes conditions que celles définies dans le contrat entre L-H et Hachette. Si Langenscheidt soumet par écrit à L-H une offre de publication et que L-H ne donne pas son accord dans les douze mois de la date de la proposition de la publication, Langensheidt devient libre de procéder à cette publication sous son propre nom.

C. La situation économique

Le marché en question est celui des méthodes d'enseignement de la langue française, ouvrages et aides audio-visuelles, sur le marché d'expression allemande.

Les méthodes d'enseignement de la langue française dans le Marché commun sont éditées dans certains États membres par des entreprises établies dans ces États; dans d'autres États membres, comme la Belgique (pour la partie néerlandophone) ou l'Irlande, les besoins sont couverts principalement par des importations en provenance de France. Dans ces pays seulement, les éditeurs français de méthodes d'enseignement de la langue française, dont les plus importants, en dehors de Hachette, sont Hatier, Bordas, Nathan et Larousse, détiennent une part substantielle du marché, Hachette, quant à elle, détient une part du marché concerné inférieure à ... % dans les États du Marché commun autres que la France et les deux pays précités.

Par ailleurs, les méthodes d'enseignement du français, langue étrangère, sont les seules parmi les méthodes d'enseignement des langues étrangères pour lesquelles Hachette réalise un chiffre d'affaires substantiel dans les pays du Marché commun autres que la France. La vente de méthodes d'enseignement des langues par Hachette dans le Marché commun représente environ ... % du chiffre d'affaires de son secteur " livres ". Hachette n'éditait pas, jusqu'à 1979, de dictionnaires français monolingues. En 1980, elle a réalisé à ce titre un chiffre d'affaires d'environ ...... francs français. En ce qui concerne les dictionnaires français-allemand, Hachette a réalisé un chiffre d'affaires de ...... francs français en 1979, c'est-à-dire un pourcentage négligeable du chiffre d'affaires de son secteur " livres "; en 1980, ce chiffre d'affaires a atteint ...... francs français à la suite notamment du lancement d'une nouvelle collection de dictionnaires par Hachette.

En République fédérale d'Allemagne, une vingtaine d'entreprises éditent des méthodes d'enseignement des langues; parmi celles-ci une quinzaine, dont Langenscheidt, produisent des méthodes d'enseignement du français. La plus importante est Ernst Klett Verlag, dont la part du marché des méthodes d'enseignement de la langue française en République fédérale d'Allemagne s'élève à ... %. Les autres entreprises détiennent des parts de marché du même ordre de grandeur que celle de L-H.

La vente des méthodes d'enseignement de la langue française en République fédérale d'Allemagne par Langenscheidt représentait en 1977, c'est-à-dire avant la constitution de L-H, ...... marks allemands. Sur ce total, environ ...... marks allemands, représentant environ ...... exemplaires, provenaient de la vente de la collection " Le français actif " dont la publication a été assurée à partir de 1978 par L-H. La part de marché de Langenscheidt pour les ventes de méthodes d'enseignement de la langue française en République fédérale d'Allemagne pouvait être évaluée en 1977 à environ ... %. Langenscheidt estime sa part de marché en 1979 pour les ventes de méthodes d'enseignement des langues en République fédérale d'Allemagne à ... ou ... %. En ce qui concerne les dictionnaires d'affaires de Langenscheidt pour les dictionnaires français-allemand et ... % pour les dictionnaires français monolingues.

La vente des méthodes d'enseignement du français de Hachette en République fédérale d'Allemagne était assurée, avant la création de L-H, par sa filiale de distribution Saarbach. À ce titre, Hachette avait facturé à celle-ci un chiffre d'affaires d'environ ...... de francs français en 1977, représentant environ ...... exemplaires vendus. Selon les informations recueillies par la Commission, la part de Hachette sur le marché allemand des méthodes d'enseignement du français était d'environ ... % en 1977. La commercialisation des méthodes de langues de Hachette en République fédérale d'Allemagne était restée limitée, d'une part, car il s'agissait de méthodes internationales - c'est-à-dire identiques par tous les pays non francophones - et non de méthodes spécifiquement destinées à des élèves germanophones, d'autre part, car Saarbach n'avait pu développer un réseau de distribution suffisant, compte tenu du fait que de tels produits doivent faire l'objet d'une promotion particulière, notamment auprès des établissements scolaires. Au contraire, Langenscheidt dispose d'un réseau de distribution bien établi en République fédérale d'Allemagne et d'une bonne connaissance du marché scolaire; en effet, l'édition et la vente d'ouvrages représentent une part importante de ses activités.

Depuis la création de L-H, Saarbach poursuit son activité en tant que filiale de distribution de Hachette pour la presse et pour les livres qui ne sont pas visés par les accords entre Hachette et Langenscheidt; pour les livres concernés par les accords, Saarbach agit comme un des grossistes de L-H.

En 1978, première année d'activité de L-H, celle-ci a réalisé un chiffre d'affaires de... marks allemands, dont... pour ses ventes en République fédérale d'Allemagne, représentant environ... exemplaires vendus, dont... en République fédérale d'Allemagne. En 1980, le chiffre d'affaires de L-H a été de... marks allemands, dont... pour ses ventes en République fédérale d'Allemagne, représentant au total environ... exemplaires vendus.

Le chiffre d'affaires de L-H se décompose comme suit:

- vente sur le marché de langue allemande de titres du catalogue FLET de Hachette: 39 %,

- publication sur le marché de langue allemande de titres choisis dans les catalogues de Langenscheidt, de Hachette, et éventuellement d'autres éditeurs:

a) sans adaptation: 30 %;

b) avec adaptation: 26 %,

- publication et vente d'ouvrages FLET spécifiquement destinés au marché de langue allemande: 5 %.

En 1980, la part de L-H sur le marché allemand des méthodes d'enseignement de la langue française a été d'environ ... %. Cette part de marché est nettement inférieure à celle détenue par la plus importante maison d'édition sur ce marché: Ernst Klett Verlag. Par ailleurs, une dizaine d'entreprises détiennent des parts de marché du même ordre de grandeur que celle de L-H.

II

Appréciation juridique

A. Application de l'article 85 paragraphe 1

1. Considérant qu'aux termes de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, sont incompatibles avec le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun;

2. Considérant que Langenscheidt et Hachette sont des entreprises au sens de l'article 85; que les trois accords notifiés à la Commission, visant à créer une filiale commune et à organiser les relations entre celle-ci et les deux sociétés mères, sont des accords entre entreprises;

3. Considérant que ces accords sont susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres; qu'ils concernent en effet des échanges de livres et de droits de publication entre la France et la République fédérale d'Allemagne, qui représentent une valeur économique notable;

4. Considérant qu'il convient donc d'examiner si les accords ont pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser, de manière sensible, le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun;

5. Considérant que, en dehors des méthodes d'enseignement des langues, Hachette publie essentiellement des ouvrages d'édition en langue française (y compris des ouvrages partiellement en langue française comme les dictionnaires bilingues); que, en dehors des méthodes d'enseignement des langues, Langenscheidt publie essentiellement des ouvrages d'édition scolaires en langue allemande et des dictionnaires (notamment bilingues); que le marché des ouvrages d'édition en langue française et le marché des ouvrages d'édition en langue allemande constituent deux marchés distincts, s'agissant de produits normalement non substituables, s'adressant par leur nature même à deux catégories d'utilisateurs séparées, les lecteurs francophones et les lecteurs germanophones;

6. Considérant donc que les sociétés mères de la filiale commune ne sont des concurrents, effectifs ou potentiels, qu'en ce qui concerne les méthodes d'enseignement des langues et les dictionnaires bilingues français-allemand;que, par conséquent, des restrictions de concurrence résultant, directement ou indirectement, de la coopération entre les sociétés mères au sein de la filiale commune ne sont pas susceptibles de s'étendre au-delà de ces deux produits;

7. Considérant que chacun des associés contrôle 50 % du capital de la filiale commune et qu'il ressort des statuts de celle-ci que toutes les décisions importantes concernant ses activités doivent être prises avec l'accord de l'assemblée des associés; que cela implique une concertation entre les deux entreprises au sein de la filiale commune;

8. Considérant que les activités de la filiale commune comprennent la publication sur le marché de langue allemande de méthodes d'enseignement du français spécialement adaptées à ce marché; que ces adaptations sont réalisées par la coopération de Langenscheidt et Hachette; que Hachette s'interdit de publier pour son propre compte des ouvrages FLET sur le marché d'expression allemande; que Langens cheidt s'engage également à ne pas publier pour son propre compte certains ouvrages d'enseignement du français; qu'il est prévu que Hachette et Langenscheidt retrouvent la possibilité de publier les titres en cause de façon indépendante dans le cas où, une offre ferme de publication ayant été faite à L-H, celle-ci n'aurait pas été accepté dans un délai de douze mois, mais que cette clause, qui vise un cas exceptionnel, n'est pas de nature à supprimer la restriction en cause; que, avant l'accord, Langenscheidt publiait indépendamment des méthodes d'enseignement du français sur le marché allemand et que Hachette pouvait à tout moment effectuer une telle publication sur ce marché; que l'accord restreint donc la concurrence en excluant, sauf dans le cas exceptionnel susmentionné, la possibilité de publication, de façon indépendante par Langenscheidt et par Hachette, de deux collections complètes de méthodes d'enseignement du français sur le marché allemand;

9. Considérant que les activités de la filiale commune comprennent également la distribution sur le marché allemand de méthodes d'enseignement du français, et notamment des méthodes FLET de Hachette; que les prix de vente de ces méthodes sont fixés par L-H, c'est-à-dire d'un commun accord entre Hachette et Langenscheidt, et que la distribution des produits vendus par L-H sur le marché allemand est assurée par Langenscheidt; que les méthodes d'enseignement du français de Hachette et de Langenscheidt qui étaient distribuées avant l'accord par deux réseaux indépendants sont maintenant distribuées par un seul et même réseau;que, par conséquent, la concurrence est également restreinte au stade de la distribution;

10. Considérant donc que les dispositions des accords notifiés relatives aux activités de la filiale commune ont pour effet de restreindre la concurrence entre les deux sociétés mères sur le marché en cause; que ces restrictions de concurrence ont des effets sensibles du fait de l'importance des deux sociétés mères et du fait que les parts du marché en cause qu'elles détiennent, bien que limitées, ne sont pas négligeables;

11. Considérant que la création de la filiale commune peut constituer une restriction de concurrence en ce qui concerne le domaine connexe des dictionnaires bilingues français-allemand, dans lequel les sociétés mères sont susceptibles d'étendre leur collaboration ; que, toutefois, ce risque est limité par le fait que Langenscheidt et Hachette publient déjà de tels dictionnaires indépendamment et ne paraissent pas avoir actuellement d'intérêt à mettre ces activités en commun; que, d'ailleurs, Hachette a publié un nouveau dictionnaire français-allemand indépendamment de Langenscheidt après la création de la filiale commune;

12. Considérant que les accords notifiés prévoient également un échange d'information entre Hachette et Langenscheidt dans le domaine de l'enseignement individuel du français; que, dans la mesure où cette information mutuelle concerne le domaine d'activité de L-H, elle fait partie de la collaboration normale des deux sociétés mères au sein de la filiale commune; qu'il est également prévu que les deux entreprises pourront étendre leur collaboration dans le domaine précité; que notamment Hachette détient une option pour étudier l'adaptation sur une base internationale des titres publiés par Langenscheidt dans ce domaine et que les titres que Hachette veut faire paraître dans ce domaine, alors qu'ils recoupent des titres existants ou en préparation de Langenscheidt, doivent, si possible, être publiés sous le nom de L-H; qu'il s'agit là de déclarations d'intention qui n'ont pas de caractère contraignant et pourraient seulement se concrétiser ultérieurement par des accords entre Hachette et Langenscheidt; que, par conséquent, ces dispositions ne constituent pas, à ce stade, des restrictions supplémentaires de concurrence;

B. Application de l'article 85 paragraphe 3

13. Considérant que, aux termes de l'article 85 paragraphe 3, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables à tout accord entre entreprises qui contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte et sans:

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;

b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence;

14. Considérant que les accords notifiés permettent une amélioration de la production et de la distribution des méthodes d'enseignement du français en République fédérale d'Allemagne, contribuant ainsi au développement des connaissances linguistiques à l'intérieur du Marché commun; qu'en effet, lorsque les méthodes d'enseignement du français de Hachette étaient distribuées en République fédérale d'Allemagne par Saarbach, Hachette détenait une part du marché concerné d'environ... %; qu'Hachette détient d'ailleurs une part de marché inférieure à ... % dans tous les autres pays du Marché commun où il existe des méthodes d'enseignement du français publiées par des éditeurs établis dans ces pays (voir point I C la situation économique); qu'avec la création de L-H, lesdites méthodes de Hachette peuvent être distribuées par le réseau commercial de Langenscheidt, ce qui doit permettre une meilleure pénétration du marché allemand;que, surtout, la coopération entre Hachette et Langenscheidt permet l'édition d'ouvrages répondant spécifiquement à la demande des consommateurs allemands, notamment par des adaptations des méthodes internationales mises au point par Hachette;

15. Considérant que les utilisateurs bénéficient de manière équitable de ces avantages, car ils peuvent se procurer plus facilement, auprès du réseau de vente de Langenscheidt, qui est bien établi et conforme à leurs exigences, les méthodes éditées par Hachette qui, pour sa part, dispose d'une grande capacité et d'une grande expérience techniques dans ce domaine;que cela leur donne une plus grande possibilité de choix, les deux éditeurs pouvant conjointement mieux répondre aux exigences spécifiques des utilisateurs allemands et permettre à ceux-ci de disposer de méthodes spécialement adaptées à leur marché;

16. Considérant que, tout en reconnaissant les conséquences positives que peuvent avoir les accords notifiés, la Commission doit s'assurer que ceux-ci ne comportent pas de restrictions qui ne seraient pas indispensables pour atteindre les objectifs visés et qu'ils ne permettent pas aux entreprises en cause d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits concernés;

17. Considérant que la création de la filiale commune L-H permet à Hachette de bénéficier de l'introduction sur le marché allemand de Langenscheidt; que, en effet, un produit tel que les méthodes d'enseignement des langues, destinées notamment aux établissements scolaires, doit faire l'objet d'une promotion particulière pour être présenté aux utilisateurs; que, d'une part, l'effort réalisé par Hachette pour établir un réseau de distribution indépendant, qui soit efficace pour la diffusion de ses méthodes d'enseignement du français sur le marché d'expression allemande, s'est révélé insuffisant à la lumière de l'expérience faite par sa filiale Saarbach, compte tenu sutout de la demande limitée de produits d'édition de langue française sur ce marché; que, d'autre part, ce caractère limité de la demande ne justifierait pas pour Langenscheidt les investissements importants qui seraient nécessaires pour la mise au point de méthodes d'enseignement originales; que les opérations d'édition et de publication d'ouvrages entièrement originaux et d'ouvrages plus au moins adaptés selon les besoins du marché allemand constituent une part importante des activités de L-H (environ 30 % de son chiffre d'affaires); que ces activités requièrent une coopération étroite entre Langenscheidt et Hachette, ce qui a conduit à la création d'une filiale commune;

18. Considérant que le domaine d'action de la filiale commune est strictement limité aux méthodes d'enseignement de la langue française et au marché d'expression allemande; qu'en dehors de ce domaine, Langenscheidt et Hachette continuent à publier et à commercialiser indépendamment leurs produits d'édition, et notamment des méthodes de langues; qu'à l'intérieur même dudit domaine, L-H ne publie que certains titres de Langenscheidt et de Hachette et pour le reste joue seulement un rôle de distributeur des titres du catalogue FLET de Hachette sur le marché d'expression allemande; que ces produits peuvent d'ailleurs être importés sur ce marché par d'autres entreprises, être distribués par d'autres canaux et se trouver en concurrence avec les produits de Langenscheidt et les produits publiés par L-H sur le marché d'expression allemande.

19. Considérant que les dictionnaires français monolingues sont compris dans le domaine d'activité de la filiale commune; qu'il est toutefois précisé que sont visés à ce titre les dictionnaires monolingues conçus spécialement dans le but de compléter les méthodes d'enseignement du français; que, par conséquent, l'inclusion de ces dictionnaires dans le domaine d'activité de la filiale commune est indispensable pour atteindre le but recherché;

20. Considérant que la création de la filiale commune n'a pas un caractère irréversible; qu'en effet, les accords prévoient qu'ils resteront en vigueur tant que Hachette et Langenscheidt (pour le contrat général), Hachette (pour le contrat commercial) et Langenscheidt (pour le contrat de services) détiendront 50 % des parts de L-H que, par ailleurs, il a été indiqué que la période de validité envisagée pour les accords expire le 31 décembre 1984;

21. Considérant donc que les accords notifiés n'imposent pas aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs visés;

22. Considérant que les accords notifiés ne donnent pas aux entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence; que les méthodes d'enseignement du français publiées par Hachette en France peuvent être librement importées par des tiers en République fédérale d'Allemagne et que les ouvrages publiés par L-H peuvent être obtenus par des importateurs français;

23. Considérant qu'il existe près de vingt entreprises qui éditent des méthodes d'enseignement des langues en République fédérale d'Allemagne, dont une quinzaine éditent des méthodes d'enseignement du français; que les parts du marché concerné détenues par Hachette et Langenscheidt avant la conclusion des accords en question étaient faibles; que la part de marché de L-H est restée nettement inférieure à celle détenue par les entreprises les plus importantes sur ce marché où les autres entreprises ont des parts de marché du même ordre de grandeur que celle de L-H; que la création de celle-ci ne risque donc pas d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause, mais au contraire tend à la stimuler en remplaçant deux entreprises peu compétitives dans ce domaine par une nouvelle entreprise mieux adaptée aux exigences du marché; 24. considérant donc que toutes les conditions d'application de l'article 85 paragraphe 3 sont remplies;

C. Articles 6 et 8 du règlement n° 17

25. Considérant que, aux termes de l'article 6 du règlement n° 17, lorsque la Commission rend une décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité, elle indique la date à partir de laquelle sa décision prend effet; que cette date ne saurait être antérieure au jour de la notification ;

26. Considérant que, aux termes de l'article 8 du même règlement, la décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 est accordée pour une durée déterminée et peut être assortie de conditions et de charges;

27. Considérant que les accords en cause ont été notifiés à la Commission le 6 novembre 1979, qu'ils sont entrés en vigueur le 1er janvier 1978 et que la période de validité envisagée expire le 31 décembre 1984;

28. Considérant que la Commission devra réexaminer l'opportunité du maintien de l'exemption lorsque les activités de la filiale commune se seront suffisamment développées; que cet examen pourra utilement avoir lieu au terme de la période de validité envisagée par les parties; qu'il est donc approprié d'accorder l'exemption pour une période allant du 6 novembre 1979 au 31 décembre 1984;

29. Considérant que, pour permettre à la Commission de s'assurer que les conditions d'application de l'article 85 paragraphe 3 continuent d'être remplies pendant la période d'exemption, il convient d'obliger les parties à informer la Commission de toute modification des contrats notifiés (y compris leurs annexes), de la conclusion de tout nouvel accord entre elles et de toute extension de leur collaboration, dans le domaine des méthodes d'enseignement du français comme langue étrangère et dans le domaine des dictionnaires bilingues français-allemand,

A arrêté la présente décision:

Article premier

Conformément à l'article 85 paragraphe 3 du traité instituant la Communauté économique européenne, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 sont déclarées inapplicables, pour une période allant du 6 novembre 1979 au 31 décembre 1984, aux accords conclus le 31 mars 1977 entre Hachette SA, Langenscheidt KG et Langenscheidt-Hachette GmbH pour l'édition et la diffusion de méthodes d'enseignement de la langue française sur le marché d'expression allemande.

Article 2

Les destinataires de la présente décision informeront sans délai la Commission de toute modification et de tout complément appportés aux accords notifiés, y compris à leurs annexes, de la conclusion de tout nouvel accord entre eux et de toute extension de leur collaboration, dans le domaine des méthodes d'enseignement du français comme langue étrangère et dans le domaine des dictionnaires bilingues français-allemand.

Article 3

La présente décision est destinée aux entreprises suivantes:

- Librairie Hachette SA, 79, boulevard Saint-Germain F-75006 Paris,

- Langenscheidt KG, Crellestrasse 29-30, D-1000 Berlin 62,

- Langenscheidt-Hachette GmbH, Neusser Strasse 3, D-8000 Muenchen 40.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 109 du 12. 5. 1981, p. 2.

(3) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certains chiffres ont été omis, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement n° 17 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.