Livv
Décisions

Ministre de l’Économie, 21 novembre 2003, n° ECOC0400309Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils des sociétés MAAF Assurances et La Mutuelle du Mans IARD

Ministre de l’Économie n° ECOC0400309Y

21 novembre 2003

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 17 octobre 2003, vous avez notifié la création de la société de groupe d'assurance mutuelle Covea par six entités, à savoir : d'une part (i) MAAF Assurances, (ii) MAAF Santé, (iii) Force et Santé appartenant toutes trois au groupe MAAF (ci-après "MAAF") ; d'autre part, (iv) MMA IARD, (v) MMA Vie, (vi) La Défense Automobile Santé (*) (ci-après "DAS") appartenant toutes trois au groupe MMA (ci-après "MMA"). L'assemblée générale constitutive de Covea a eu lieu le 18 juin 2003, date à laquelle les six entités précitées ont également signé les statuts constitutifs de Covea.

I. - Les entreprises concernées

MAAF Assurances, MAAF Santé et Force et Santé sont les trois principales entités composant MAAF. MAAF Assurances est une société d'assurance mutuelle contrôlant un pôle de plusieurs filiales présentes essentiellement dans le domaine de l'assurance dommages et de l'assurance-vie. MAAF Santé et Force et Santé sont respectivement une mutuelle et une union mutualiste, toutes deux dédiées à la santé et à la prévoyance. MAAF a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires total consolidé de 2,4 milliards d'euro, exclusivement en France (1).

MMA IARD, MMA Vie et DAS sont les trois sociétés d'assurance mutuelles composant MMA. Chacune de ces sociétés est à la tête d'un pôle de plusieurs filiales. Les pôles MMA IARD, MMA Vie et DAS interviennent principalement et respectivement dans les domaines (i) de l'assurance dommages IARD (Incendies, Accidents et Risques divers), (ii) de l'assurance vie et de la capitalisation et (ii) de la protection juridique. MMA a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires total consolidé de 4,2 milliards d'euro, quasi exclusivement dans l'Union européenne, dont 3,8 milliards en France (2).

II. - L'opération et sa contrôlabilité

La société de groupe d'assurance est une forme juridique de société introduite par l'ordonnance n° 2001-766 du 29 août 2001 dans le Code des assurances et portant transposition en droit français de la directive communautaire du 27 octobre 1998 relative à la surveillance des entreprises d'assurance faisant partie d'un groupe d'assurance.

Selon les dispositions de l'article L. 322-1-2 du Code des assurances, une société de groupe d'assurance est une entreprise dont l'activité principale consiste (i) "à prendre et à gérer des participations au sens du 2° de l'article L. 334-2 dans des entreprises soumises au contrôle de l'État en application de l'article L. 310-1 ou de l'article L. 310-1-1, ou dans des entreprises d'assurance ou de réassurance dont le siège social est situé hors de France" ou (ii) à nouer et à gérer des liens de solidarité financière importants et durables avec des mutuelles ou unions régies par le livre II du Code de la mutualité, des institutions de prévoyance ou unions régies par le titre III du livre IX du Code de la sécurité sociale, des sociétés d'assurance mutuelle régies par le Code des assurances, ou des entreprises d'assurance ou de réassurance à forme mutuelle ou coopérative ou à gestion paritaire ayant leur siège social dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen."

L'article L. 322-1-3 du même code précise que lorsque la société de groupe d'assurance entretient des liens de solidarité financière importants et durables qui ne résultent pas de participations financières avec des mutuelles, des institutions de prévoyance ou des sociétés d'assurance mutuelle, ces liens sont définis par une convention d'affiliation et la société peut être dénommée (**).

La société de groupe d'assurance mutuelle (ci-après "SGAM") Covea a été créée sur le fondement des articles L. 322-1-2 et L. 322-1-3 du Code des assurances.

La création de Covea est le prolongement de liens étroits tissés par MMA et MAAF, tous deux présidés par la même personne depuis 1998. Ces deux groupes ont en effet, au cours des dernières années, mis en place plusieurs filiales communes de plein exercice (dans les domaines de l'assurance de flotte de véhicules d'entreprise, du courtage et de l'assurance collective (***) et plusieurs accords de coopération (GIE) (3).

Covea sera administrée par un conseil d'administration composé de membres désignés par une assemblée générale. Le conseil d'administration sera présidé par l'actuel président commun de MMA et MAAF. L'assemblée générale sera composée de représentants désignés par les conseils d'administration des entreprises affiliées. MMA et MAAF disposeront chacun, au travers des différentes entités affiliées à Covea, de la moitié des droits de vote en assemblée générale.

Ainsi que cela a été souligné, MAAF et MMA ont tissé au cours des dernières années des liens étroits. Covea, qui sera présidée par l'actuel président commun de MMA et MAAF, approfondit ces liens et, ainsi que cela est explicitement écrit dans ses statuts et la convention d'affiliation, obéit à une logique de groupe.

MMA et MAAF, au travers de Covea, relèveront d'une unité économique commune. En effet, tout d'abord, il apparaît que Covea pourra, pour le groupe constitué, décider de la politique de ressources financières et de l'affectation de celles-ci, ainsi que de la politique de réassurance. La création de Covea introduit ainsi, en matière financière, une responsabilité solidaire entre MMA et MAAF.

Ensuite, d'une manière plus générale, il peut être noté que Covea définira et coordonnera la stratégie du groupe ainsi constitué.

Enfin, il découle tout naturellement de ce qui précède que la convention d'affiliation prévoit explicitement que Covea publiera des comptes combinés, équivalent à des comptes consolidés, à partir des comptes des affiliées. En effet, les comptes combinés sont précisément prévus dans le cas de groupes dont la cohérence ne résulte pas de liens en capital (article L. 345-2 du Code des assurances). Le règlement comptable relatif aux règles de consolidation et de combinaison des entreprises d'assurances et des institutions de prévoyance précise que doivent être notamment retenues dans le périmètre de combinaison les entreprises d'assurance qui disposent, en vertu d'un accord entre elles, soit d'une direction commune, soit de services communs assez étendus pour engendrer un comportement commercial, technique ou financier commun, soit de liens de réassurance importants et durables en vertu de dispositions contractuelles, statutaires ou réglementaires (4).

L'argument de MMA et de MAAF, selon lequel la création de Covea ne saurait être une concentration du fait que les entités affiliées continuent à exister juridiquement et que Covea ne détient pas leur capital, ne peut donc être recevable (5).

De même, le fait que la modification de la composition du conseil d'administration de l'une des mutuelles affiliées puisse en pratique conduire à sa sortie de la SGAM Covea n'est pas de nature à remettre en cause le fait que Covea concrétise la création d'une même unité économique commune aux affiliées. En effet, d'une part, la sortie de la SGAM, même si elle est théoriquement possible, apparaît en l'état difficile dans la mesure où les six fondatrices de Covea sont présidées par la même personne et où une telle sortie nécessite un préavis d'au moins un an ainsi que l'accord du ministre (6). D'autre part, le départ d'une affiliée aurait simplement pour effet de modifier éventuellement le périmètre de l'unité économique commune, sans pour autant supprimer cette dernière.

Eu égard à ce qui précède, il convient donc d'analyser la création de Covea comme étant une fusion de fait (7).

En conséquence, la présente opération notifiée constitue bien une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

Bien que les seuils de chiffres d'affaires déclenchant le contrôle communautaire de l'opération notifiée soient franchis, MMA et MAAF réalisent chacun plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires en France. En conséquence, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

III. - Définition des marchés concernés et analyse concurrentielle

MAAF et MMA sont concomitamment présents dans plusieurs activités, pour l'essentiel dans le secteur de l'assurance et de la prévoyance.

Les autorités de concurrence européenne et françaises ont eu l'occasion d'aborder la question de la définition des marchés concernés par la plupart des activités exercées par MAAF et MMA. Plus précisément, en matière d'assurances, lesdites autorités de concurrence ont régulièrement souligné qu'il était possible de distinguer autant de marchés de produits pertinents qu'il existe d'assurances couvrant les différents types de risques (8).

Pour les besoins de la présente affaire, MAAF et MMA ont identifié 20 segments couvrant les activités sur lesquelles ils sont concomitamment présents.

Au cas d'espèce, il ressort de l'instruction du dossier qu'il n'est pas nécessaire de définir précisément les marchés concernés, dans la mesure où, quelle que soit la définition de marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

L'examen des positions de MAAF et MMA sur les différents segments identifiés fait apparaître que l'opération conduira, sur plusieurs d'entre eux (9), à de faibles chevauchements et que, en tout état de cause, Covea sera en concurrence avec plusieurs autres opérateurs importants, qui ont des parts de marché significatives et qui sont à même d'exercer une pression concurrentielle sur Covea.

Eu égard à ces éléments, il peut s'en conclure que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante.

En conséquence, je vous informe que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

(*) Erreur matérielle : lire : "La Défense Automobile et Sportive" au lieu de : "La Défense Automobile Santé".

(**) Erreur matérielle : ajouter à la fin du paragraphe : "dénommée société de groupe d'assurance mutuelle (ci-après "SGAM")".

(***) erreur matérielle : lire : "(dans les domaines de l'assurance de flotte de véhicules d'entreprise, du courtage)" au lieu de : "(dans les domaines de l'assurance de flotte de véhicules d'entreprises, du courtage et de l'assurance collective)".

(1) Chiffre d'affaires calculé conformément à l'article 5 du règlement du Conseil n° 4064-89 du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, auquel renvoie l'article 2 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce.

(2) Ibid.

(3) Voir notamment les décisions du ministre relatives aux opérations de concentration suivantes : Covea Fleet/SMABTP/SAGENA du 14 novembre 2002 ; Covea Fleet/MMA du 2 décembre 2002 ; [...]. Par ailleurs, MAAF et MMA vont fusionner prochainement leurs portails informatiques internes pour aboutir à un portail multifonction commun (voir l'entretien avec le directeur central de l'organisation et de l'informatique de MMA, paru dans 01 Informatique du 28 mai 2003).

(4) Section VI de l'annexe du règlement n° 2000-05 du 7 décembre 2000 du comité de la régulation comptable relatif aux règles de consolidation et de combinaison des entreprises d'assurances et des institutions de prévoyance régies par le Code des assurances et des institutions de prévoyance régies par le Code de la sécurité sociale ou par le Code rural.

(5) Il peut être d'ailleurs noté que les fondatrices de Covea au titre de MAAF (MAAF Assurances, MAAF Santé, Force et Santé), qui constituent les principales entités de MAAF, contrôlent chacune plusieurs filiales mais n'ont pas entre elles de liens en capital. Elles relèvent cependant d'un même ensemble cohérent et appartiennent de ce fait au périmètre de combinaison des comptes du groupe MAAF. La même situation prévaut pour les fondatrices de Covea au titre de MMA (DAS, MMA IARD, MMA Vie), qui appartiennent au périmètre de combinaison des comptes du groupe MMA.

(6) Article 8 de la convention d'affiliation. L'accord préalable du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie est nécessaire en vertu des dispositions de l'article R. 322-161 du Code des assurances.

(7) Communication de la Commission sur la notion de concentration, paragraphes 6 et suivants.

(8) Voir par exemple la décision Quatrem/Portefeuille de contrats, AVIVA du 16 juillet 2003.

(9) C'est notamment le cas en matière d'assurance santé individuelle, d'assurance santé collective, de prévoyance individuelle, de prévoyance collective, d'épargne individuelle, d'épargne collective, d'assurance dommages pour les biens professionnels agricoles, d'assurance dommages pour les ouvrages, de gestion d'actifs financiers pour compte de tiers.