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Décisions

Cass. crim., 29 juin 2004, n° 03-85.190

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte.

Cass. crim. n° 03-85.190

29 juin 2004

LA COUR: - Statuant sur les pourvois formés par X Eric, Y Gauthier, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 24 juin 2003, qui a condamné, le premier, pour infraction à la législation sur les opérations funéraires, à 450 euros d'amende, le second, pour complicité de ce délit, à 4 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils; - Joignant les pourvois en raison de la connexité; - Vu le mémoire produit commun aux demandeurs; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, L. 2223-19, L. 2223-33 et L. 2223-35 du Code général des collectivités territoriales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gauthier Y et Eric X coupables de démarchage pour obtenir une commande de fournitures ou une prestation liée à un décès;

"aux motifs qu'il résulte des éléments du dossier et des débats qu'Eric X, employé de la société Helmstetter (fabricant de tombes et monuments funéraires), s'est présenté fin novembre 1999 au domicile de M. et Mme Z pour leur proposer des services de la société, ayant appris par la presse le décès de leur fils; que le 12 juillet 2000, soit 8 mois plus tard, Eric X s'est à nouveau présenté au domicile des époux Z aux fins de démarchage; que l'article L. 2223-33 du Code général des collectivités territoriales interdit les offres de service, à l'exception des formules de financement d'obsèques, à l'occasion ou en prévision d'obsèques, en vue d'obtenir ou de faire obtenir la commande de fournitures ou de prestations liées à un décès, ainsi que le démarchage, notamment à domicile; que ce texte ne distingue pas selon la nature de ces prestations, à savoir si elles relèvent ou non du service extérieur des pompes funèbres, et le fait que la "marbrerie funéraire" soit exclue de la liste des "objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations" ne signifie nullement que la prohibition légale ne la concerne pas, la réglementation des pompes funèbres ne concernant pas seulement leur service extérieur dont les contours sont définis par l'article L. 2223-19 du code précité; que la raison d'être de la prohibition légale tend, d'une part, à respecter les sentiments des proches d'une personne dont le décès est imminent ou récent et, d'autre part, à interdire à quiconque de profiter de leur désarroi pour leur faire acheter un produit ou un service à des conditions qu'ils n'auraient pas acceptées en temps normal; qu'or, en l'espèce, eu égard aux circonstances particulièrement tragiques du décès de leur fils, le deuil des époux Z devait être respecté et le démarchage d'Eric X tel qu'il a été effectué en novembre 1999 (avec coup de sonnette, échange verbal et dépôt de publicité malgré demande contraire) tombe sous le coup du démarchage prohibé, mais il en est de même des faits du 12 juillet 2000, date à laquelle Eric X a réitéré avec insistance l'offre de l'entreprise;

"1°) alors qu'en incriminant le démarchage en vue d'obtenir une commande de fournitures ou une prestation liée à un décès, le législateur a entendu moraliser l'activité des seuls opérateurs participant au service extérieur des pompes funèbres, lequel service public n'inclut pas la marbrerie funéraire; qu'en retenant que l'interdiction du démarchage édictée par l'article L. 2223- 33 du Code général des collectivités territoriales ne se limitait pas aux prestations relevant du service extérieur des pompes funèbres, mais concernait également la marbrerie funéraire, la cour d'appel a commis une erreur de droit;

"2°) alors en tout état de cause que le démarchage en vue de l'obtention d'une commande de fournitures ou de prestations liées à un décès n'est interdit que lorsqu'il est effectué à l'occasion ou en prévision d'obsèques; qu'en se bornant, pour déclarer Gauthier Y et Eric X coupables d'avoir commis courant novembre 1999 le délit de démarchage en vue d'obtenir une commande de fournitures ou une prestation liée à un décès, à constater qu'ayant appris par la presse le décès du fils de M. et Mme Z, Eric X s'était rendu au domicile de ce couple à la fin du mois de novembre 1999 pour proposer les services de sa société, sans constater que les obsèques étaient alors imminentes ou en cours, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision;

"3°) alors qu'en retenant que Gauthier Y et Eric X avaient de nouveau commis le délit de démarchage à domicile en vue de l'obtention d'une commande de fournitures ou de prestations liées à un décès le 12 juillet 2000, date à laquelle Eric X avait réitéré l'offre de son entreprise, tout en constatant qu'à cette date, les obsèques étaient terminées depuis de nombreux mois, ce dont il résultait que l'interdiction édictée par l'article L. 2223-33 du Code général des collectivités territoriales, expressément limitée à la durée des obsèques et à la période qui les précèdent, n'était plus applicable, la cour d'appel a méconnu les textes ci-dessus mentionnés";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'ayant appris par la presse le décès de Frédéric Z, survenu le 30 octobre 1999, Eric X, préposé de la société Helmstetter dirigée par Gauthier Y, s'est, à deux reprises, rendu au domicile des époux Z pour leur proposer les services de l'entreprise, spécialisée dans la marbrerie funéraire; que, sur plainte des parents du défunt, le procureur de la République a fait citer Eric X devant le tribunal correctionnel, sur le fondement des articles L. 2223-33 et L. 2223-35 du Code général des collectivités territoriales, pour avoir, courant novembre 1999 puis le 12 juillet 2000, démarché Mme Z à domicile à l'occasion du décès de son fils en vue d'obtenir la commande de fournitures ou de prestations liées à ce décès; que, dans les mêmes conditions, des poursuites ont également été engagées à l'encontre de Gauthier Y pour complicité de ce délit;

Sur le moyen, pris en sa première branche; - Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenus soutenant que les fournitures et prestations liées à un décès visées par l'article L. 2223- 33 s'entendaient des seules prestations et fournitures relevant du service extérieur des pompes funèbres, telles qu'elles sont énumérées par l'article L. 2223- 19, dont le 8 exclut, notamment, la marbrerie funéraire, l'arrêt retient que l'article L. 2223-33 ne fait aucune distinction selon la nature des prestations offertes; que les juges en déduisent que l'interdiction résultant de ce texte s'applique également à la marbrerie funéraire;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi;

Mais, sur le moyen pris en ses autres branches; - Vu l'article L. 2223-33 du Code général des collectivités territoriales; - Attendu qu'il résulte de ce texte que sont interdites les démarches à domicile ainsi que toutes les démarches effectuées sur la voie publique ou dans un lieu ou édifice public ou ouvert au public, faites à l'occasion ou en prévision d'obsèques, en vue d'obtenir ou de faire obtenir soit directement, soit à titre d'intermédiaire, la commande de fournitures ou de prestations liées à un décès;

Attendu que, pour condamner les prévenus, l'arrêt énonce que la prohibition édictée par l'article L. 2223-33 tend, d'une part, à respecter les sentiments des proches d'une personne dont le décès est imminent et récent et, d'autre part, à interdire à quiconque d'abuser de leur désarroi à des fins commerciales; que les juges retiennent qu'eu égard aux circonstances particulièrement tragiques du décès de leur fils, le démarchage imposé aux parties civiles en novembre 1999, comme le 12 juillet 2000, tombe sous le coup de la loi pénale;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs qui n'établissent pas en quoi les démarches à domicile avaient été effectuées à l'occasion ou en prévision d'obsèques, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé; d'où il suit que la cassation est encourue;

Par ces motifs, casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Colmar, en date du 24 juin 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.