Livv
Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 29 octobre 2004, n° 03-04359

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Palma (SA), Palma et Compagnie (SNC), Etablissements Palma et Fils (SARL), Palma (Consorts), Rafoni (ès qual.)

Défendeur :

Volkswagen France (SA), Volkswagen Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Betch

Conseillers :

Mmes Bernard, Jaubert

Avoués :

Me Ribaut, SCP Monin

Avocats :

Me Portolano, SCP Vogel & Vogel.

TGI Paris, du 11 janv. 2001

11 janvier 2001

Me Rafoni, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Palma, des établissements Palma et Fils SARL, de Messieurs G. et C. Palma, de Mme Ruiz épouse Palma, de la SNC Palma ainsi que Messieurs Christophe et Gérard Palma ont régulièrement interjeté appel d'un jugement rendu le 11 janvier 2001 par le Tribunal de grande instance de Paris ayant déclaré irrecevables les demandes personnelles présentées par Messieurs C. et G. Palma pris en qualité d'associés des entités du groupe Palma, mis hors de cause la SA Volkswagen Financement (VAG Financement) et rejeté l'intégralité des demandes présentées par Me Rafoni ès qualités.

Cette décision a été rendue dans un litige qui a déjà connu les développements suivants:

La SA Groupe Volkswagen France importateur des véhicules et pièces Volkswagen et Audi (matériels VW Audi) a consenti à SARL établissements Palma, en janvier 1990, un contrat de concession à durée indéterminée ce avec convention de financement permettant la mise à la disposition du concessionnaire de diverses possibilités de crédit pour l'ensemble des activités.

La SARL Etablissements Palma a été mise en redressement judiciaire en mai 1990, procédure à laquelle les sociétés VAG (VW Audi) et VAG Financement ont déclaré leurs créances.

Différentes sociétés Palma ont ainsi été constituées et ont existé puis ont été aussi mises en redressement puis en liquidation judiciaire.

Les procédures collectives ouvertes pour les différentes sociétés Palma Messieurs C. et G. Palma ont été regroupées avec prononcé de la confusion des masses actives et passives.

À partir de cet état de fait, de multiples procédures ont opposé les parties, procédures ayant entraîné, notamment, des décisions de la Commission et du TPICE, les condamnations de Messieurs G. et C. Palma pour abus de confiance commis au préjudice de la société Groupe VW France à laquelle a été accordé 3 597 112 F au titre de détournements opérés à son préjudice.

Par ailleurs et concomitamment, sur rapport d'expertise ordonnée dans le cadre de la vérification des créances, les sociétés Volkswagen France et Volkswagen Finance ont été admises au passif à hauteur de 785 779,88 F et 13 070 919,79 F par ordonnances rendues le 27 janvier 1997 par le juge commissaire.

Me Rafoni ès qualités et les consorts Palma ont alors demandé et demandent encore devant la cour, par conclusions récapitulatives du 4 novembre 2004 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions:

Au principal:

"Par application du principe de subsidiarité visé par la Commission dans sa lettre de rejet du 23.09.1996 et en vertu de la communication du 13.02.1993 relative à la coopération pour l'application des règles de la concurrence.

Dire qu'il sera demandé en tant que de besoin à la Commission communication avec copie aux avocats de la cause de l'intégralité du dossier de la Direction Générale de la Concurrence quant à la procédure de notification des griefs, à l'enquête qui a eu lieu à ce propos et à tous les documents s'y rattachant.

Constater que le contrat individuel conclu entre Palma et VAG France contient pour l'un des clauses contraires au règlement d'exemption CEE 123-85 et pour l'autre des comportements anticoncurrentiels non autorisés par ce même règlement.

Constater que le nombre des clauses et de comportements non exemptés, par l'interconnexion que ces clauses et comportements ont avec les autres clauses du contrat rend le contrat particulier nul, ces autres clauses et comportements portant tous sur des éléments substantiels du contrat, vecteur de l'engagement économique des concluants.

Constater que le contrat en question est un contrat d'adhésion édifié sous la seule responsabilité du Groupe Volkswagen.

Dire en conséquence que le contrat n'était pas exemptable ni exempté par le règlement d'exemption catégorielle et qu'à défaut d'exemption individuelle ce contrat tout entier ou les clauses visées dans les présentes constituent une infraction à l'article 85 du traité de Rome.

Dire en conséquence que ce contrat ou ses clauses sont nuls de plein droit par application de l'article 85 du traité.

Dire pour le cas où seules les clauses seraient annulées que ces dernières étaient déterminantes pour la validité du contrat tout entier et prononcer de ce chef la nullité du contrat particulier de M. Palma ou de la SNC ou SA Palma.

Condamner en conséquence le Groupe Volkswagen à verser une indemnité égale au comblement du passif qui n'aurait pas existé si le contrat avait été régulier.

Condamner le Groupe Volkswagen au remboursement de l'entier préjudice subi par le groupe Palma.

Nommer en conséquence tel expert comptable et financier qu'il appartiendra avec mission de déterminer très exactement le montant du préjudice subi par les concluants en allouant une provision de 5 millions de francs à valoir sur le préjudice.

Dire que les frais d'expertise seront avancés par le Groupe Volkswagen."

Ce, avec condamnation des intimées au paiement des sommes de 500 000 F pour frais irrépétibles de première instance et 76 224,51 euros pour ceux d'appel.

Subsidiairement, les appelants réclament un sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente de la réponse à une question préjudicielle à poser en application des dispositions de l'article 177 du traité de Rome à la Cour de Justice, question dont ils fournissent le texte aux pages 54 et 55 des conclusions récapitulatives auxquelles la cour renvoie.

Les sociétés Volkswagen France et Volkswagen Finance objectent, par conclusions récapitulatives du 2 février 2004 auxquelles la cour renvoie, que le Tribunal de commerce de Salon de Provence a, dès le 8 octobre 1993, prononcé le redressement judiciaire sur résolution du plan de redressement des procédures communes Palma SA, Palma SARL, Palma C. et Palma G. mais que l'acte introductif d'instance devant le Tribunal de commerce de Salon de Provence qui s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Paris été délivré aux seuls noms de la SNC Palma SARL Palma, SA Palma, C. et G. Palma et Mme Ruiz épouse Palma mais ce sans la présence de Me Douhaire ni de Me Feraud-Prax désigné comme les organes de la procédure. Elles précisent que l'action est donc irrecevable sans que l'intervention ultérieure de Me Rafoni puisse suppléer à l'irrecevabilité de la première demande du 24 mars 1994 et ce par application des dispositions de l'article L. 622-1 du Code de commerce.

Elles ajoutent que Messieurs Christophe et Gérard Palma ont été placés en redressement judiciaire dès le 8 octobre 1993 avec une mission d'assistance confiée à Me Douhaire ès qualités mais n'ont pas été assistés par celui-ci lors de l'introduction de l'instance en date du 24 mars 1994 de sorte que leur action est irrecevable. Les intimées ajoutent que depuis le 8 avril 1994 Messieurs Palma sont en liquidation judiciaire et, par-là, dessaisis de plein droit au profit du liquidateur et donc irrecevables à agir.

Elles concluent donc à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré Messieurs Palma irrecevables en leurs demandes mais l'infirmer en ce qu'il a déclaré Me Rafoni recevable à agir à leur encontre. Elles lui réclament 38 000 euros pour chacune en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Elles détaillent, en outre, les multiples décisions de toutes natures déjà rendues sur la validité du contrat de concession Volkswagen et concluent, subsidiairement, au rejet de la demande tendant au prononcé de la nullité du contrat qui ne repose sur aucun fondement et ajoutent qu'il n'est établi aucun grief de nature à priver le contrat du bénéfice de l'exemption.

Cela exposé

Considérant que Messieurs Christophe et Gérard Palma ont été déclarés en liquidation judiciaire le 8 avril 1994 par le Tribunal de commerce de Salon de Provence;

Considérant que leurs demandes présentées à titre personnel comme en qualité d'associés ou d'actionnaires ou de représentants des sociétés Palma sont donc, par application des dispositions de l'article L. 622-9 du Code de commerce, irrecevables;

Considérant que le sort de l'intervention de Me Rafoni ès qualités n'est pas lié à celui de l'action principale puisque l'intervenant principal, liquidateur judiciaire, se prévaut d'un droit propre qu'il est seul habilité à exercer après le jugement prononçant la liquidation judiciaire ; Que Me Rafoni ès qualités étant intervenu en cette qualité, son action doit donc être déclarée recevable;

Considérant que s'il présente ses demandes contre "le groupe Volkswagen" force est de constater que la SA Volkswagen Finance n'a pas été partie au contrat de concession et que Me Rafoni ès qualités ne produit aucun élément permettant de justifier de son maintien dans la cause;

Considérant que la SA Volkswagen Finance doit, en conséquence, être mise hors de cause;

Considérant, sur le contrat de concession, que dès le 26 juin 1996 la Commission a adressé à la société Palma une communication lui annonçant son intention de ne pas poursuivre l'instruction de cette affaire et, sur observations de celle-ci, a ensuite et par décision du 23 septembre 1996, rejeté sa plainte retenue comme non fondée;

Considérant que par arrêt du 21 janvier 1999, le TPICE a rejeté, pour absence de fondement les recours formés contre les décisions de la Commission qui ont considéré que les griefs concernaient des stipulations ou pratiques contractuelles ne constituant pas des restrictions de concurrence au sens de l'article 85 du traité;

Considérant que c'est vainement que les appelants soutiennent que le contrat type de VAG France déborderait le cadre des obligations et limites du règlement 123-85 ce qui lui ferait perdre le bénéfice de l'exemption dès lors que si une clause n'est pas prévue au règlement, elle n'est pas nulle pour autant puisque le règlement n'est pas un contrat cadre imposant des prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles mais se limite à établir les conditions qui, si elles sont remplies font échapper les clauses à la nullité prévue par l'article 85 du traité;

Considérant, en conséquence, que la perte du bénéfice de l'exemption alléguée n'a pas l'automatisme que les appelants invoquent;

Considérant qu'en l'espèce aucun des griefs invoqués par les appelants n'est fondé et qu'ils ont tous déjà été rejetés par la Commission, selon une décision elle-même confirmée par le TPICE qui souligne qu'il n'est pas démontré qu'il y a eu une rupture éventuelle de l'équilibre économique du contrat de concession consécutive à une application abusive, par le concédant, des stipulations querellées et issues du contrat-type VAG France; Que l'appelant n'apporte devant la cour aucun élément nouveau;

Considérant, en outre, qu'il ne démontre pas, à la présente instance, en quoi ces griefs, griefs pourtant déjà rejetés comme précédemment relevé et auxquels il se limite à donner devant la cour un effet général, ont pu avoir des conséquences spécifiques dans les relations contractuelles nouées entre les parties;

Considérant que l'appelant n'établit pas, non plus, l'existence d'une faute avérée des sociétés Volkswagen à l'encontre des consorts ou sociétés Palma (faute qui d'ailleurs n'est même pas alléguée) ni que ceux-ci auraient subi un préjudice déterminé résultant de cette faute même s'il sollicite une indemnité "égale au comblement du passif" ou à déterminer à dire d'expert dont la nomination ne peut pas avoir pour objet de palier la carence de l'appelant dans l'administration de la preuve;

Considérant que rien ne démontre davantage à la présente instance l'existence d'un effet éventuel des irrégularités énoncées sur la validité du contrat ou encore le lien entre ces irrégularités et un préjudice allégué;

Considérant, sur la question préjudicielle, qu'il est demandé de poser qu'elle n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 177 du traité et qu'elle reste, en tout état de cause, pour les motifs sus-évoqués sans intérêt dans le cas du présent litige;

Considérant qu'il y a lieu pour ces motifs et ceux des premiers juges de confirmer le jugement déféré;

Considérant que l'équité ne commande pas l'attribution à l'une des parties d'une somme pour frais irrépétibles de première instance ou d'appel;

Par ces motifs LA COUR: Déclare l'appel recevable; Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré; Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs; Condamne Me Rafoni ès qualités au paiement des dépens de première instance et d'appel avec admission, pour ces derniers, de l'avoué concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.