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CCE, 27 juillet 1990, n° 90-446

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Konsortium ECR 900

CCE n° 90-446

27 juillet 1990

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 2, vu la notification d'un accord de coopération faite le 7 avril 1988 par les sociétés AEG Aktiengesellschaft, Alcatel NV et Oy Nokia AB, vu la publication de la teneur essentielle de cette notification (2), conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:

I. Les faits

A. Objet de la notification

Le 7 avril 1988, les sociétés AEG Aktiengesellschaft, Alcatel NV et Oy Nokia ont notifié un accord de coopération conclu entre elles. La coopération entre ces entreprises concerne la création d'un consortium, ECR 900, en vue de la conception, de la mise au point, de la production et de la commercialisation en commun d'un système européen de téléphonie mobile, cellulaire et numérique. Elle ne s'étend pas aux terminaux (radiotéléphones), par lesquels les utilisateurs sont reliés au système.

B. Les entreprises concernées

(1) La société AEG Aktiengesellschaft (ci-après " AEG "), dont le siège est situé à Francfort-sur-le-Main, Allemagne, est un sous-groupe du groupe Daimler-Benz AG, qui en est l'actionnaire majoritaire et donc le siège est situé à Stuttgart-Untertuerkheim, Allemagne. AEG opère notamment dans les domaines des systèmes d'automatisation, des outils électriques, de la distribution d'énergie, des appareils électroménagers de la technique de haute fréquence, des techniques de l'industrie, de l'information et de la communication.

(2) La société Alcatel NV (ci-après " Alcatel "), dont le siège est situé à Amsterdam, Pays-Bas, appartient pour une part majoritaire au groupe CGE, dont le siège est situé à Paris, France. Alcatel s'occupe de systèmes de la communication et de la technologie de l'information.

(3) La société Oy Nokia AB (ci-après " Nokia "), dont le siège est situé à Helsinki, Finlande, ne fait partie d'aucun autre groupe, mais constitue un groupe d'entreprises indépendantes. Elle opère notamment dans les domaines des systèmes d'information, des télécommunications, des téléphones mobiles et de l'électronique grand public.

C. Description du système de téléphonie

(1) Dans le document intitulé " Memorandum d'accord de la CEPT " du 7 septembre 1987 (3), les signataires du texte sont convenus de mettre en place dans leurs pays, en 1991, un système public européen de télécommunication mobile numérique et cellulaire. Le système de téléphonie prévu, appelé système GSM (" Groupe spécial mobile "), est d'un type nouveau et n'existe pas encore.

(2) Le système améliore, par l'application d'une nouvelle technique numérique et cellulaire, la communication entre les utilisateurs par un réseau de téléphonie mobile, et cela à plusieurs égards: amélioration substantielle de la qualité acoustique de la communication et de la densité du réseau. Le système permet l'adjonction de services informatiques et télématiques et l'intégration de nouveaux dispositifs de protection (contre l'utilisation abusive des appareils par un procédé d'authentification et contre l'écoute non autorisée par un procédé de codage). L'utilisation, probablement par tous les exploitants de réseau en Europe, des interfaces (matériel et logiciel) de ce système éliminera tous les obstacles à la communication dus aux différences entre les systèmes liées à l'existence des frontières nationales et mettra en place un réseau de communication s'étendant à toute l'Europe et permettra, par exemple, de joindre un utilisateur partout en Europe.

(3) Par la définition préalable, sur la base de normes uniformes, du système GSM et des deux ou trois interfaces qu'il comportera, les travaux de conception et de mise au point aboutiront nécessairement à un système homogène, qui ne nécessitera pas, cependant, la mise en œuvre d'une technique unique, mais laissera place à la conception de composants différents. Les différentes interfaces spécifiées assureront la compatibilité de tous les composants et permettront de combiner des pièces provenant de fabricants différents.

D. Offre et demande pour le système GSM

Comme demandeurs pour le système GSM entrent actuellement en compte uniquement les exploitants de réseau des pays membres de la CEPT ou les entreprises qui opèrent pour leur compte (en Allemagne, par exemple, la DETECON, société de conseil en installations de télécommunication).

La demande, pour l'ensemble ou certains composants du système, est exprimée par la voie d'appels d'offre. Une série d'appels d'offre ont ainsi été publiés dans le Supplément du Journal officiel des Communautés européennes du 5 janvier 1988 (n° 2/59).

Ces appels d'offres portent sur des marchés de livraison et d'installation, et non sur des marchés de travaux de conception et de mise au point. Le but est la livraison, l'installation et la mise en service des équipements au premier trimestre 1991. Les terminaux mobiles ne font pas l'objet des appels d'offres.

Comme offreurs se sont présentés, jusqu'à présent, outre les entreprises notifiantes, les consortiums ou entreprises individuelles ci-après:

- Philips/Siemens ou Philips/Bosch/Siemens,

- Bosch/Philips,

- Matra-Ericsson,

- Ericsson/Orbitel,

- Ericsson/Matra/Ascom Hasler,

- Orbitel/Matra/Ericsson,

- Orbitel (Racal Plessey)

- Motorola (qui emploiera des composants acquis auprès de tiers).

E. Contenu de l'accord de coopération

(1) Les parties à l'accord sont convenues de collaborer à la conception, à la mise au point et à la production du système GSM et de parties de ce système, à la définition et à l'adaptation ultérieures de spécifications techniques ainsi qu'à la commercialisation conjointe et exclusive de ce système et de ses parties dans les pays de la CEPT, conformément aux dispositions de l'accord de coopération.

(2) Les parties à l'accord créent un consortium appelé ECR 900 en vue de la présentation d'offres pour le système GSM à l'occasion d'appels d'offres.

Toute clause entraînant des obligations pour des pays de la CEPT nécessite cependant l'accord écrit préalable de toutes les parties. Si l'une des parties ne souhaite pas participer à une offre ou à un contrat, les autres parties restent libres de soumissionner ou de contracter en son absence.

(3) Pendant la durée de l'accord, il est interdit aux parties de présenter d'autres offres ou de conclure d'autres contrats relatifs au système GSM dans les pays de la CEPT.

(4) En dehors de ces pays, chaque partie à l'accord peut exploiter les possibilités de commercialisation des parties du système GSM à la conception et à la mise au point desquelles elle a participé.

(5) a) En cas de travaux de conception et de mise au point auxquels plusieurs parties participent, un échange permanent et gratuit de l'ensemble de la documentation technique doit avoir lieu entre les parties concernées jusqu'à ce que cette documentation soit entièrement constituée en vue de la production en série.

b) Pour les travaux de conception et de mise au point auxquels ne participe qu'une seule partie, il n'y a pas d'obligation d'échange de documentation technique.

(6) a) Jusqu'à huit mois avant l'expiration de l'accord, il est interdit aux parties d'utiliser la documentation technique obtenue conformément au point (5) a) pour produire le système GSM ou des parties de ce système en vue d'une commercialisation dans les pays membres de la CEPT.

b) Après l'expiration de l'accord, chaque partie a le droit non exclusif d'utiliser la documentation technique obtenue conformément au point (5) a) pour produire le système GSM ou des parties de ce système en vue d'une commercialisation dans n'importe quel pays.

c) Pendant une période de cinq ans à compter de l'expiration de l'accord, l'octroi à des tiers de sous-licence pour l'utilisation du droit susvisé nécessite cependant l'accord préalable des autres parties concernées, le produit des éventuelles redevances étant distribué à parts égales entre les parties concernées.

Après l'expiration de ce délai, les parties sont libres de concéder des sous-licences sans partage du produit des redevances.

d) En cas d'exclusion d'une partie contractante pour violation de l'accord, la partie en question perd le droit d'utiliser la documentation technique qui lui a été transmise. (7) Chacune des parties peut résilier l'accord, pour la première fois, le 31 décembre 1993, et ensuite à la fin de chaque année. Dans ce cas, les autres parties peuvent décider la poursuite de l'application de l'accord.

L'accord prend fin automatiquement le 31 décembre 1992, si l'administration des postes françaises ou allemandes ou une autre administration des postes importante d'un pays de la CEPT n'a pas choisi le système GSM pour son pays.

F. À la suite de la publication prévue à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, la Commission n'a reçu aucune observation des tiers.

II. Appréciation juridique

Article 85 paragraphe 1

L'accord de coopération notifié ne tombe pas, dans les circonstances présentes, sous le coup de l'accord 85 paragraphe 1.

(1) Les parties concernées sont des entreprises et l'accord notifié constitue un accord entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1.

(2) L'accord n'a ni pour objet ni pour effet de restreindre la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

a) Conception, mise au point et production en commun du système GSM

Les parties sont convenues de collaborer à la conception, à la mise au point et à la production du système GSM. Cet accord ne constitue pas une limitation de la concurrence. Il est en effet certain que la conception, la mise au point et la production du système GSM ne seraient pas assurées à l'échelon individuel en raison du coût élevé qu'elles impliquent. Les appels d'offres lancés par les administrations des télécommunications le 5 janvier 1988 prévoient un calendrier serré. Dans l'appel d'offres pour le Danemark, la livraison du système expérimental est fixée à fin octobre 1988 et selon l'appel d'offres pour le Royaume-Uni, l'expérimentation du système doit être achevée le 30 juin 1989. Dès le milieu de l'année 1990, un premier système pilote devra être installé dans les pays adjudicateurs pour y être mis à la l'essai, et la livraison, l'installation et la mise en service des équipements sont prévues pour le premier trimestre 1991. Si elles agissaient individuellement, les parties contractantes ne seraient donc que difficilement en mesure de respecter ce calendrier.

En outre, la conception, la mise au point et la production du système GSM nécessitent des investissements et un personnel si importants qu'une action individuelle n'est guère concevable.

Les parties ont évalué le coût des travaux de conception et de la mise au point à quelque 300 à 500 millions de marks allemands. En raison du calendrier prévu, ce montant ne pourra être étalé sur une période prolongée, mais devra être déboursé d'ici la mise en place du système pilote en 1990, alors que l'adjudicataire ne pourra compter sur l'amortissement de ses investissements avant longtemps. Si le marché est attribué à un des concurrents, l'amortissement pourrait même être complètement mis en question. Enfin, pour ce qui est du personnel nécessaire, il n'existe qu'un nombre limité d'ingénieurs suffisamment qualifiés pour concevoir et mettre au point le système GSM, ce nombre ne pouvant être augmenté à court terme.

Enfin, pour des raisons économiques objectives, on ne peut s'attendre à ce que les parties assument seules le risque financier que représentent la conception, la mise au point et la production du système GSM.

Le marché en cause est caractérisé par une demande très réduite. À l'heure actuelle, entrent exclusivement en ligne de compte comme demandeurs quinze exploitants de réseau des pays de la CEPT ou les entreprises opérant pour leur compte, de sorte que les soumissionnaires n'ont qu'une chance limitée de se voir attribuer le marché. Or, ce n'est que si le marché leur est adjugé que les soumissionnaires auront la possibilité d'amortir les coûts extrêmement élevés des travaux de conception et de la mise au point, puisque les résultats de ces travaux ne sont guère exportables en dehors des appels d'offres. Ce risque économique réel et important n'est supportable que s'il est assumé conjointement par les parties à l'accord.

Il est significatif à cet égard que les administrations des télécommunications nationales font expressément référence à la constitution de consortiums et d'associations de soumissionnaires dans leurs appels d'offres.

Aucun membre du consortium pris individuellement ne pourrait donc utiliser sa propre production améliorée par une conception et mise ou point individuelle pour prendre un avantage concurrentiel sur les autres membres.

L'obligation de la conception, de la mise au point et de la production en commun du système GSM ne restreint donc pas la concurrence au sein du Marché commun.

b) Commercialisation conjointe du système GSM

L'obligation de la commercialisation conjointe du système dans les pays de la CEPT empêche certes les parties pendant la durée de validité de l'accord, de se faire concurrence pour la vente des produits dans ces pays, au nombre desquels figure l'ensemble des pays membres de la Communauté. Toutefois, cette obligation ne constitue pas une restriction de la concurrence. En effet, pour les raisons mentionnées précédemment, les parties ne seraient pas en mesure de présenter chacune séparément une offre acceptable en vue d'une commercialisation individuelle du système GSM.

c) Interdiction d'utilisation de la documentation technique

Lorsqu'une partie est exclue pour violation de l'accord, elle perd le droit d'utiliser la documentation technique qui lui a été transmise et, par là, la possibilité de produire et de commercialiser des produits concurrents à l'aide de cette documentation.

Cependant, cette interdiction n'entraîne aucune restriction de la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1. En effet, la partie qui ne respecte pas, vis-à-vis des autres parties, les obligations qui lui incombent et omet d'apporter sa contribution à la réalisation de la tâche commune, bénéficierait, si elle était autorisée à utiliser la documentation technique, d'avantages injustifiés qui lui donneraient un avantage concurrentiel immérité sur les autres parties à l'accord. Cette concurrence non fondée sur le mérite n'est pas protégée par l'article 85.

(3) L'appréciation juridique ci-dessous se fonde sur les faits exposés précédemment. En cas de modification de ces derniers, rien n'empêche la Commission de réexaminer l'affaire.

A arrêté la présente décision:

Article premier

Sur la base des faits dont elle a connaissance, il n'y a pas lieu pour la Commission d'intervenir, sur la base de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, à l'encontre de l'accord de coopération conclu le 21 décembre 1987 par les sociétés AEG Aktiengesellschaft, Alcatel NV et Nokia AB.

Article 2

Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision:

1) AEG Aktiengesellschaft

Theodor-Stern-kai 1

D-6000 Frankfurt/Main 70,

2) Alcatel NV

Strawinskylaan, 537

NL-1077 XX Amsterdam,

3) Oy Nokia AB

Mikonkatu 15 A

Helsinki/Finland.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 308 du 7. 12. 1989, p. 5.

(3) CEPT = Conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications.