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Décisions

Cass. com., 5 octobre 2004, n° 02-17.375

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

NDP (EURL), Taugeron (Consorts)

Défendeur :

Graphibus (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Laugier, Caston

T. com. Nantes, du 23 oct. 2001

23 octobre 2001

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 avril 2002), que se prévalant d'une obligation de non-concurrence pesant sur M. Jean-Paul Taugeron envers la société Graphibus, cette société a assigné en référé la société Nantaise de publicité (société NDP), employeur de M. Jean-Paul Taugeron, M. Jean-Paul Taugeron, Mme Picarella, son épouse, Mlle Vanessa Taugeron, sa fille, et M. Ronan Taugeron, son fils, aux fins qu'il soit notamment fait interdiction à la société NDP de recourir aux services de M. Jean-Paul Taugeron et des membres de sa famille ci-dessus désignés ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches : - Attendu que la société NDP, M. Jean-Paul Taugeron, Mme Picarella, Mlle Vanessa Taugeron et M. Taugeron font grief à l'arrêt d'avoir ordonné à la société NDP de cesser ses agissements illicites et notamment sa collaboration avec M. Jean-Paul Taugeron et les membres de sa famille sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard passé un délai de trois mois, d'avoir ordonné une expertise pour évaluer le préjudice éventuellement subi par la société Graphibus du fait des agissements de la société NDP et d'avoir condamné la société NDP et M. Taugeron et sa famille à payer à la société Graphibus 1 500 euro de frais irrépétibles, alors, selon le moyen : 1°) que le principe de liberté du commerce et de l'industrie et celui de la liberté du travail impliquent le droit, pour un ancien dirigeant de société qui n'est pas lié par une clause de non-concurrence, de pouvoir exercer sa profession dans une entreprise concurrente ; que ce principe n'a de limite que dans la commission d'actes de concurrence déloyale ; qu'en l'espèce, pour considérer qu'un faisceau de présomptions établirait le caractère manifestement illicite des activités de la société NDP et de M. Taugeron, la cour d'appel s'est bornée à retenir que ce dernier avait été dirigeant de la société Graphibus, qu'il exerçait des activités de peintre publicitaire sur des camions et que l'objet social des deux sociétés Graphibus et NDP était identique ; qu'il ressortait seulement de ces constatations que la société NDP dans laquelle exerçait M. Taugeron était en concurrence avec la société Graphibus ; que faute de constater l'existence de manœuvres de concurrence déloyale de la part de M. Taugeron et de la société NCP, l'arrêt est privé de base légale au regard des dispositions des articles 873 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que pour retenir que la société NDP et M. Taugeron avaient agi de manière manifestement illicite, la cour d'appel a aussi considéré que M. Taugeron serait lié par une clause de non-concurrence à l'égard de la société Graphibus ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, s'il n'était pas stipulé dans la clause de non-concurrence qu'elle n'aurait à s'appliquer qu'en cas de cession des actions, ce que la cour avait admis par arrêt définitif du 1er avril 1998 et alors qu'elle constatait que M. Taugeron était toujours actionnaire de cette société, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 873 du nouveau Code de procédure civile et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que M. Jean-Paul Taugeron était le co-fondateur de la société Graphibus, qu'il a tenu dans cette société un poste de responsable, et qu'il en est toujours actionnaire, et constate qu'il est le principal responsable salarié de cette société et se présente aux clients potentiels comme le responsable de la société NDP laquelle a un objet social identique à celui de la société Graphibus et a installé ses locaux professionnels en face de ceux de cette dernière ; qu'en l'état de ces constatations faisant ressortir le manquement de M. Jean-Paul Taugeron à son obligation de loyauté envers la société dont il demeurait actionnaire, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision, sans avoir à effectuer la recherche invoquée par la deuxième branche du moyen que ses constatations rendaient inopérante ;que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche : - Sur la fin de non-recevoir opposée par la défense : - Attendu que la société Graphibus fait valoir que dans leurs conclusions d'appel, les consorts Taugeron n'ont jamais répliqué aux assertions de la société Graphibus faisant valoir que les membres de la famille Taugeron étaient co-participants aux agissements déloyaux de M. Jean-Paul Taugeron et que le moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, est irrecevable devant la Cour de cassation ;

Mais attendu que la demande formée à l'encontre de la société NDP et visant à lui interdire d'utiliser les services de M. Taugeron et des membres de sa famille reposait sur l'invocation d'une clause de non-concurrence et d'une obligation de loyauté de M. Taugeron envers la société Graphibus, et que les conclusions de la société NDP et des consorts Taugeron contestaient l'existence même de ces obligations ; qu'il s'en déduit que le moyen n'est pas nouveau ;

Et sur le moyen : - Vu l'article 873 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour interdire à la société NDP de cesser toute collaboration avec les membres de la famille de M. Taugeron, l'arrêt retient que M. Jean-Paul Taugeron était le co-fondateur de la société Graphibus, qu'il a tenu dans cette société un poste de responsable et qu'il en est toujours actionnaire, et constate qu'il est le principal responsable salarié de la société NDP et se présente aux clients potentiels comme le responsable de cette société, laquelle a un objet social identique à celui de la société Graphibus et a installé ses locaux professionnels en face de ceux de cette dernière ;

Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, impropres à établir un comportement fautif de la société NDP en ce qu'elle aurait eu recours aux services des membres de la famille de M. Jean-Paul Taugeron, dès lors que ni l'existence d'obligation personnelle de ceux-ci envers la société Graphibus ni l'existence d'une faute délictuelle commise par eux n'ont été constatées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'elle a fait interdiction à la société NDP de recourir aux services des membres de la famille de M. Jean-Paul Taugeron, l'arrêt rendu le 24 avril 2002, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Angers.