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Décisions

CA Lyon, 1re ch., 16 novembre 2000, n° 2000-04975

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Serveur Administratif (SA), Ehrmann (Consorts), France Télécom (SA), Jet On Line (SA)

Défendeur :

Editions Législatives (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loriferne

Conseillers :

M. Roux, Mme Biot

Avoués :

SCP Junillon-Wicky, Mes Verrière, Barriquand, SCP Aguiraud, SCP Brondel-Tudela

Avocats :

Mes Buisson, Bloch, Botta, Belin de Chantemele, Durand.

CA Lyon n° 2000-04975

16 novembre 2000

Faits et procédure

Par arrêt du 22 juin 2000 auquel il est renvoyé pour un exposé plus complet, cette cour a notamment statué ainsi qu'il suit:

"Déclare fondée l'action en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire engagée par la société Editions Législatives à l'encontre de Monsieur Thierry Ehrmann et de la société Le Serveur Administratif;

Condamne in solidum la société Le Serveur Administratif et Monsieur Thierry Ehrmann à payer à la SARL les Editions Législatives la somme de 6 millions de francs à titre de dommages et intérêts;

Ordonne à la société Le Serveur Administratif et à Monsieur Ehrmann de cesser d'utiliser les données contrefaisantes dès le prononcé du présent arrêt;

Ordonne la cessation de l'exploitation de tous serveurs assurant la diffusion des données contrefaisantes et en particulier les serveurs accessibles par les numéros 3614 CC, 3617 CC, 3617 CCFAX, 3617 INFOCONVEN, 3623 CC, sous astreinte de 50 000 F par jour à compter de la signification de la présente décision;

Déclare la présente décision opposable à Jet On Line et France Télécom;

Dit que France Télécom devra procéder à la déconnexion des serveurs précités dès la signification de la présente décision".

Sur le fondement de l'article 461 du nouveau Code de procédure civile, la société Le Serveur Administratif a déposé devant la cour le 3 août 2000 une requête en interprétation tendant à voir dire que l'arrêt du 22 juin 2000 doit être entendu comme ordonnant la cessation d'exploitation des serveurs accessibles par les numéros 3614 CC, 3617 CC, 3617 CCFAX, 3617 INFOCONVEN, 3623 CC en tant que ces serveurs diffusent des données contrefaisantes mais ne doit pas être entendu comme interdisant l'exploitation d'autres données au moyen des codes télématiques précités.

Elle demande à la cour de dire en conséquence que la déconnexion ordonnée à France Télécom n'empêche pas de faire connecter ou reconnecter tous codes télématiques et notamment le code 3617 CCFAX pour exploiter et poursuivre l'exploitation de données non contrefaisantes.

Elle expose que le code 3617 CCFAX donne accès non seulement à des résumés des Conventions collectives mais à d'autres données telles que les "Codes et Lois de la Fonction Publique" qui n'ont jamais été arguées de contrefaçon ni jugées contrefaisantes.

La SARL Editions Législatives estime que la société Le Serveur Administratif s'emploie à rendre inopérantes les mesures d'interdiction prononcées et conclut au rejet de la requête en interprétation, en sollicitant 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle indique que les codes d'accès utilisés évoquent l'activité Conventions collectives, que les termes de l'arrêt rendu ordonnent sans ambiguïté la cessation d'exploitation de tous serveurs assurant la diffusion des données contrefaisantes et qu'il appartiendra à la requérante d'ouvrir d'autres codes pour l'accès à des données distinctes.

Elle demande reconventionnellement à la cour de préciser que les mesures d'interdiction concernent toute l'activité synthèse des Conventions Collectives, quel que soit son état d'évolution, que ces mesures d'interdiction concernent tous les supports utilisés en particulier le Code des conventions collectives sur support papier et son support CD-ROM et tous les moyens d'accès Internet et Minitel, et que la personnalité morale du co-contractant de France Télécom est indifférente.

La société Le Serveur Administratif s'oppose à cette demande reconventionnelle qu'elle estime relever de la compétence du juge de l'exécution déjà saisi. Elle fait en outre valoir que la cour n'a pas jugé contrefaisant l'ouvrage intitulé Code des conventions collectives.

Monsieur Thierry Ehrmann s'en rapporte à justice.

La société France Télécom précise qu'elle suivra les prescriptions de la juridiction et s'en rapporte à la cour.

La société Jet On Line s'en rapporte également à justice.

Motifs de la décision

Attendu qu'il doit être rappelé que dans les motifs de son arrêt du 22 juin 2000 la cour a notamment indiqué : "Attendu que la réparation de la contrefaçon suppose que cessent d'être utilisées les données contrefaisantes et que cessent d'être exploités l'ensemble des services télématiques accessibles au public qui diffusent les synthèses contrefaisantes" ;

Que ce motif éclaire suffisamment les dispositions de l'arrêt par lesquelles la cour ordonne sous astreinte la cessation de l'exploitation de tous serveurs assurant la diffusion des données contrefaisantes, en particulier ceux cités au dispositif, et dit que France Télécom devra procéder à la déconnexion de ces serveurs;

Attendu que tous les serveurs par lesquels le public est susceptible de parvenir à la consultation des synthèses contrefaisantes des Conventions collectives doivent ainsi cesser d'être exploités et être déconnectés; qu'il s'agit de la sanction de la contrefaçon reconnue et qu'il importe peu que ces serveurs fournissent d'autres données que les synthèses contrefaisantes, étant au surplus observé d'une part que l'intitulé utilisé par de nombreux serveurs en cause (CC, INFOCONVEN) fait référence à la notion de Conventions collectives pour orienter sur eux les utilisateurs, et d'autre part qu'il n'existe pas de possibilité technique de restreindre d'office l'accès à certaines données d'un serveur;

Qu'il appartient à la société Le Serveur Administratif, si elle le juge utile, d'ouvrir d'autres serveurs sur lesquels pourront être consultés d'autres données que les synthèses contrefaisantes;

Attendu enfin que les mesures de cessation d'exploitation et de déconnexion ordonnées ne sont pas limitées aux seuls serveurs expressément désignés dont la liste n'est nullement limitative dès lors qu'elle est précédée de la formule "en particulier" et que le but des mesures prononcées est bien la déconnexion de tous les serveurs donnant accès aux données contrefaisantes exploitées par la société Le Serveur Administratif ou Monsieur Ehrmann directement ou par personne physique ou morale interposée;

Attendu que s'agissant de la demande reconventionnelle de la société Editions Législatives, relative au Code des conventions collectives sur support papier et sur support CD-ROM, il y a lieu de relever qu'aucune action en contrefaçon visant cet ouvrage n'a été soumise à la cour laquelle ne peut donc, dans le cadre d'une requête en interprétation, se prononcer sur une telle demande;

Que pour le surplus, les demandes formulées par les parties relèvent du juge de l'exécution;

Attendu que l'équité commande d'allouer à la société Editions Législatives la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la présente procédure;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant dans le cadre de l'article 461 du nouveau Code de procédure civile; Précise que le dispositif de l'arrêt du 22 juin 2000 doit s'interpréter en ce sens que la cour a clairement ordonné la cessation d'exploitation de tous les serveurs par lesquels sont diffusées les synthèses contrefaisantes des conventions collectives, la liste des serveurs expressément désignés n'étant nullement limitative, et peu important que ces serveurs diffusent également d'autres données; Dit n'y avoir lieu de se prononcer sur les autres demandes; Condamne la société Le Serveur Administratif à payer à la société Editions Législatives la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Le Serveur Administratif aux dépens de la présente instance avec distraction au profit des avoués des autres parties dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.