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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. des urgences, 22 mai 1991, n° 90-9406

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pierre

Défendeur :

Vetrolan (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brissier (faisant fonctions)

Conseillers :

Mme Duvernier, M. Linden

Avocats :

Mes Catoni, Brezillon.

TGI Paris, 9e ch., du 30 mars 1990

30 mars 1990

Par arrêt du 19 décembre 1990 - auquel il est référé pour l'espèce des faits, de la procédure, des prétentions et des arguments des parties -, cette cour a invité ces dernières à présenter leurs observations sur l'application éventuelle des dispositions combinées des articles 16-5 et 17 alinéa 3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et celle éventuelle de l'article 5-1 de la même convention, l'affaire étant renvoyée à cette fin à l'audience du 13 février 1990, qui a été reportée à celle du 3 avril 1991.

Monsieur Pierre fait pour l'essentiel valoir :

- qu'il résulte de la combinaison des articles 16-5 et 17 alinéa 3 de la Convention de Bruxelles que "la procédure de saisie-conservatoire ne saurait être affectée par une quelconque clause attributive de compétence",

- que, sur le fondement de l'article 5-1 de la même convention, l'obligation qui sert de base à la demande a été exécutée en France,"que l'on se place, soit du point de vue de l'exécution du contrat d'agence proprement dit ou des obligations qui en découlent, obligation de payer les commissions".

Après avoir énoncé dans ses conclusions déposées le 13 février 1991 que "s'agissant de la validité de la saisie-conservatoire autorisée le 8 juin 1989, le Tribunal de grande instance de Paris, qui a rendu l'ordonnance, peut seul se prononcer sur sa validité en application des articles susvisés (16-5 et 17 alinéa 3) de la Convention de Bruxelles", la société de droit italien Vetrolan, dans ses conclusions postérieures déposées le 3 avril 1991, soutient que l'article 16-5 concerne "la mise à exécution des décisions judiciaires" et non "les mesures provisoires et conservatoires" et se prévaut des dispositions de l'article 17.

Sur l'application de l'article 17 de la Convention de Bruxelles

Considérant que l'acte du 8 avril 1988, qualifié par les parties elles-mêmes de contrat ("le présent contrat prend effet à partir de la date de sa signature"), et ayant le même objet que celui du 12 novembre 1987, définit, sans faire aucune référence à ce premier acte, les obligations de la société Vetrolan et de Monsieur Pierre en sa qualité d'agent commercial (sous les rubriques respectives "Engagement Vetrolan", "Attributions de l'Agent") et modifie le secteur d'activité, le mode de calcul des commissions et leur délai de paiement tels que prévus par le premier acte ;

Considérant que les mentions du second contrat, sous la rubrique "Engagement Vetrolan", "Rétrocession de la clientèle existante et dénonciation des contrats en cours", apparaissent se rattacher à la "nouvelle organisation commerciale" de la société Vetrolan (lettre de son "directeur" du 11 mai 1988) et traduire les conséquences de la nouvelle répartition des secteurs entre les deux agents commerciaux pour la France Monsieur Gérald Pierre et Monsieur Georges Menges ;

Considérant, dans ces conditions, que même si ces deux contrats successifs, rédigés de manière quelque peu sibylline, n'apparaissent pas irréductiblement incompatibles, il n'en demeure pas moins qu'il existe une incertitude quant à la volonté des parties ou de maintenir en vigueur les dispositions du premier contrat non modifiées par le second ou de substituer au premier le second qui, d'un commun accord y mettrait fin ;

Considérant que cette incertitude quant à la substitution du second contrat au premier ou quant à leur complémentarité ainsi que l'absence de référence du second à la clause attributive de compétence insérée dans le premier font naître un doute sérieux sur l'intention commune des parties de maintenir ou non, dans leurs rapports contractuels postérieurs au 8 avril 1988 (date du second contrat), l'application de cette clause ;

Que les conditions d'application de l'article 17 de la Convention de Bruxelles ne sont pas, dès lors, réunies en l'espèce

Sur l'application de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles :

Considérant qu'un litige relatif à la rupture abusive d'un contrat d'agence commerciale autonome et en paiement de commission dues en exécution de ce contrat est un litige en matière contractuelle au sens de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ;

Considérant que la référence à la loi italienne contenue uniquement dans le premier contrat ne saurait, pour les raisons sus exposées, être regardée comme une manifestation certaine et non équivoque de volonté des parties de soumettre à cette loi, postérieurement au 8 avril 1988 (date du second contrat), leurs rapports contractuels ;

Considérant que, selon la règle de conflit de loi française applicable dans ces conditions, le contrat d'agent commercial est régi par la loi du pays dans lequel l'agent commercial exécute son activité, en l'espèce la loi française ;

Considérant qu'en droit français, la demande d'indemnité pour rupture abusive du contrat d'agent commercial trouve son fondement dans le non-respect de ce contrat ;

Considérant que la demande de paiement de commission apparaît en l'espèce comme étant corrélative à la résiliation du contrat et est, au surplus, d'un montant (35 500,69 F) beaucoup moins élevé que celle d'indemnité pour rupture abusive du contrat (280 000 F) ;

Que ces éléments révèlent qu'aux yeux du demandeur, l'obligation litigieuse principale est celle d'indemnité pour rupture abusive du contrat ;

Considérant que le lieu d'exécution de cette obligation litigieuse, qui se substitue à celle considérée comme fautivement inexécutée de poursuivre la mise en œuvre au contrat, est située en France ;

Que, sur le fondement de l'article 5-1 susvisé, la juridiction française est, donc, compétente pour connaître de la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat et de paiement de commissions ;

Sur l'application de l'article 16-5 de la Convention de Bruxelles

Considérant que, par application de ce texte, la juridiction française, en l'espèce le Tribunal de grande instance de Paris, est également compétent pour statuer sur l'action en validité de la saisie-conservatoire exécutée en France ;

Considérant qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'ensemble des demandes précitées ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit à la demande de Monsieur Pierre au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, Infirmant le jugement déféré, dit que le Tribunal de grande instance de Paris est compétent pour connaître de l'ensemble des demandes formées par Monsieur Gérald Pierre contre la société de droit italien société Vetrolan ; Renvoie la cause et les parties devant cette juridiction ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société de droit italien Vetrolan aux dépens du présent contredit.