CA Grenoble, 1re ch. civ., 8 septembre 2003, n° 01-01428
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
UFC 38 Que Choisir de l'Isère
Défendeur :
Ford France Automobiles (SA), Gauduel Automobiles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Falletti-Haenel
Conseillers :
Mme Kueny, M. Vignal
Avoués :
SCP Hervé Jean Pougnand, Selarl dauphin & Mihajlovic, SCP Jean Calas
Avocats :
Mes Brasseur, Neret, Gallizia.
L'association UFC 38 Que Choisir a relevé appel du jugement rendu le 26 février 2001 par le Tribunal de grande instance de Grenoble qui a:
- donné acte à la société Ford France Automobiles de son intervention principale,
- rejeté la demande de mise hors de cause présentée par la SA Gauduel Automobiles,
- déclaré abusives et ordonné la suppression dans les deux mois suivant la signification de la présente décision des dispositions suivantes des conditions générales de vente figurant au bon de commande des véhicules Ford:
- l'article 5-3 en son entier
- l'article 6-2 en son entier
- donné acte à la société Ford de ce que la dernière phrase de l'article 2-2 des conditions générales ("modification du modèle ou du millésime") a été supprimée,
- condamné le SA Gauduel Automobiles à payer à l'UFC 38 la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts,
- ordonné la publication du jugement dans le Dauphiné Libéré aux frais de la société Gauduel Automobiles dans la limite de 10 000 F pour les frais d'insertion,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- dit qu'en cas d'appel et s'agissant de la suppression des dispositions susvisées, la décision sera réputée exécutée par l'insertion dans tout contrat délivré comportant lesdits clauses d'un avis précisant qu'elles doivent être réputées non écrites en exécution provisoire du jugement,
- condamné in solidum la SA Gauduel Automobiles et la société Ford France Automobiles à payer à l'UFC 38 la somme de 12 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Suivant déclaration reçue le 6 avril 2001, la société Ford France Automobiles a également relevé appel de cette décision.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du il septembre 2001.
L'UFC 38 demande à la cour:
- de la recevoir en son appel.
- de confirmer la décision déférée concernant les deux clauses jugées abusives et les mesures complémentaires sauf à infirmer la décision sur les points suivants :
* de dire illicites ou abusives les clauses du contrat litigieux à savoir les articles 1-2, 2-2, 6-1, 8-1-1, 8-1-1§2, 8-1-2,
* de prononcer une astreinte d'un montant de 7 622,45 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti pour supprimer de leur contrat les clauses jugées abusives ou illicites,
* de condamner les intimés in solidum à lui verser à titre de dommages-intérêts la somme de 12 195,92 euros pour le préjudice collectif et celle de 3 048,98 euros pour le préjudice associatif,
* d'ordonner la publication de la décision dans les journaux Dauphiné Libéré et les Petites Affiches à concurrence de 1 530 euros par insertion à la chargé de la "défenderesse",
* de condamner " les sociétés " à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle expose être recevable à agir en vertu des articles L. 421-1 et L. 421-7 du Code de la consommation et de l'article R. 411-2 du même Code et avoir vainement tenté d'obtenir à l'amiable la suppression des clauses considérées par elle comme abusives avant d'engager la présente procédure.
Elle rappelle qu'aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, sont interdites dans les contrats les clauses "qui ont pour but ou pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat", disposition qui s'impose aux vendeurs de véhicules automobiles.
Elle ajoute que la Commission des clauses abusives a formulé des recommandations adoptées en 1978 et en 1984 sur les contrats de garantie lesquelles peuvent être considérées comme des usages professionnels.
Elle fait valoir qu'elle subit un préjudice collectif d'autant plus grand que la taille de la société automobile est importante, les clauses jugées abusives ayant toutes une incidence financière pour le consommateur et également un préjudice individuel caractérisé par son travail de recherche et d'investigation des contrats abusifs coûteux en moyens matériels et en personnel.
Motifs et décision:
L'intervention volontaire de la société Ford Automobile devant le tribunal de grande instance n'est pas discutée par l'appelante qui conclut à son encontre.
La demande de mise hors de cause de la société Gauduel n'est pas fondée pour les motifs du jugement que la cour adopte, la situation dominante de la société Ford à l'égard de son concessionnaire n'excluant pas la responsabilité de celui-ci qui assure la diffusion des documents incriminés auprès des consommateurs.
Le premier juge a fait un juste rappel de la législation et de l'appréciation du caractère abusif d'une clause au regard du droit positif.
Il convient d'ajouter que la preuve du caractère abusif de la clause incombe à celui qui l'invoque.
1) Article 1-2:
L'UFC 38 critique la position du tribunal au motif que la notion "d'évolution technique" serait difficile à cerner.
Or, cette notion résulte des termes mêmes de la réglementation en vigueur (cf article R. 132-2 du Code de la consommation).
Le premier juge, suivant une motivation pertinente que la cour adopte ajustement considéré que la clause critiquée ne contrevenait pas aux dispositions de l'article R. 132-2 du Code de la consommation et ne créait aucun déséquilibre significatif dès lors qu'elle réserve au client la faculté de ne pas donner suite au contrat si la modification apportée porte sur l'une de celles qu'il aura estimé déterminante de son consentement.
Il y a lieu d'ajouter que la notion d'évolution technique vise nécessairement l'amélioration du produit et va dans le sens de l'intérêt du consommateur qui bénéficie sans changement de prix et pour une qualité de véhicule égaie d'une amélioration technique.
La société Ford France Automobiles conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de l'UFC 38 concernant les clauses 1-2, 2-2, 6-1, 8-1-1 (1er§), 8-1-1 (2e §), 8-1-2, 8-2-3, à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré abusives et ordonné la suppression des clauses 5-3 et 6-, au rejet de la demande en dommages-intérêts de l'UPC 38 et à la condamnation de celle-ci au paiement de la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle rétorque que l'existence "du déséquilibre significatif' mentionné par l'article L. 132-1 du Code de la consommation doit s'apprécier à la lecture de l'intégralité du contrat concerne.
Elle conteste le caractère abusif de la clause 5-3 du contrat, la force majeure étant toujours susceptible d'être invoquée même si elle n'est pas mentionnée ainsi que de l'article 6-2, les opérations de vente et de reprise n'étant pas indivisibles.
Pour le surplus, elle fait sienne la motivation du premier juge concernant les autres clauses.
Elle s'oppose à l'octroi de tout dommages-intérêts à la société UFC 38.
La société Gauduel Automobiles demande acte de ce qu'elle fait assomption de cause avec la société Ford.
Formant appel incident, elle demande à être déchargée de toute condamnation, l'UFC étant condamnée à lui restituer les sommes qu'elle lui a versées au titre de l'exécution provisoire et à lui payer la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle indique que appartenant au réseau Ford elle s'en est remise à son concédant, en situation dominante. Elle considère qu'elle ne peut être tenue pour responsable de l'illicéité éventuelle des bons de commande qui lui ont été fournis par la société Ford et qu'elle avait l'obligation d'utiliser.
2) Article 2-2:
Cette clause a été supprimée des nouveaux contrats depuis 2001. Pour autant, contrairement à ce qui a été jugé, l'existence d'un nouveau modèle n'est pas de nature à supprimer la nécessité d'interdire l'utilisation de l'ancien modèle.
Le retrait de la clause qui avait pour effet d'imposer un changement de prix notamment pour modification du modèle ou du millésime pendant une prorogation de garantie démontre que la société Ford a pris conscience de ce que celle-ci créait au détriment du non-professionnel un déséquilibre que la possibilité d'annulation du contrat était insuffisante à compenser.
Il convient, ainsi, de dire cette clause abusive.
3) Article 5-3:
Le premier juge suivant une motivation pertinente que la cour adopte intégralement a justement considéré que le fait que la force majeure n'ait pas été mentionnée comme pouvant constituer pour le client un juste motif de retard à la prise de possession du véhicule alors qu'elle est expressément envisagée pour le vendeur autorisé en ce cas à repousser sans limite précise la date de livraison créait un déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties.
Le jugement ayant parfaitement répondu aux objections de la société Ford et de la société Gauduel qui n'en présentent pas d'autres devant la cour sera, en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré abusive la clause de l'article 5-3.
4e article 6-1:
Le premier juge ajustement considéré que le prix de reprise ayant été déterminé par la convention des parties, le profit que le professionnel a pu retirer de la revente ne constitue pas un avantage excessif, étant la contrepartie des frais et des risques auxquels il s'expose lors de l'opération.
La clause n'entraîne aucun déséquilibre au détriment du consommateur qui perçoit exactement ce qui a été convenu au contrat. Le tribunal ayant parfaitement répondu aux critiques de l'appelante, le jugement déféré sera confirmé.
5e article 6-2:
Le premier juge a estimé à bon droit que lé qualificatif de "véhicule mal réparé" employé dans cette clause était une notion imprécise, et non objective laissée à l'appréciation du seul professionnel et que de ce fait la clause créait un déséquilibre significatif au détriment du non-professionnel.
Par une motivation pertinente que la cour adopte en particulier en ce qu'elle dit que la reprise du véhicule se trouve par la disposition critiquée subordonnée à un nouvel accord des parties au moment de sa livraison effective en fonction d'appréciations subjectives du seul professionnel et à faire supporter au client les conséquences pécuniaires des erreurs qui seraient commises par le professionnel au moment de l'établissement de la fiche d'estimation, le tribunal ajustement considéré que l'article 6-2 était abusif.
Les critiques de la société Ford qui ne prennent pas en compte cette motivation mais portent sur la divisibilité des opérations de reprise et de commande sont inopérantes.
6 Article 8-8-§1
Comme l'a jugé le tribunal, le rappel mentionné à l'article 8-1 des conditions générales que les conditions de garantie accordées par le constructeur ne se substituent pas à la garantie que l'acheteur tient de la loi contre les conséquences des défauts ou vices cachés "tandis que l'article 8-1-1 énonce le champ d'application et l'étendue géographique de la garantie conventionnelle accordée matérialise la distinction entre garanties légales et conventionnelles et répond aux exigences de l'article R. 21 1-4 du Code de la consommation.
Les critiques de l'UFC 38 qui se garde de faire état des dispositions de l'article 8-1 méconnaissent le fait que le caractère abusif s'apprécie en se référant à toutes les autres clauses du contrat. Cette méconnaissance ôte toute portée à l'argumentation développée.
7) Article 8-1-1 2e § :
Le premier juge a justement rappelé que les dispositions incriminées s'inscrivent dans le cadre des garanties conventionnelles accordées par le constructeur et ont seulement pour objet de préciser les exclusions et les limites que le constructeur entend y apporter sans porter atteinte aux possibilités de réparation résultant de l'application de la garantie légale ou de la responsabilité de droit commun.
Contrairement à ce que prétend l'appelante, la présentation de la clause figurant clairement dans l'article 8-1-1 relatif aux conditions de la garantie conventionnelle ne prête pas à confusion.
L'ambiguïté alléguée qui repose sur une présentation inexacte de la clause n'est pas établie son caractère abusif n'est pas démontré.
8) Article 8-1-2 § et § 6:
La cour fait sienne la motivation du premier juge.
L'appelante soutient que le professionnel s'octroie un avantage excessif en subordonnant l'acquisition de la garantie anticorrosion aux conditions imposées par le réseau Ford dont les spécifications mentionnées au contrat ne sont édictées nulle part.
La clause critiquée n'apparaît pas abusive dès lors que le contrat prévoit (article 8-1-1 § 2) l'a possibilité pour l'acheteur de faire effectuer l'entretien de son véhicule en dehors du réseau de concessionnaires ou agents officiels Ford sauf à apporter la preuve que la défaillance n'est pas due à un entretien non conforme aux standards Ford ou à un défaut de contrôle.
Comme l'a souligné le premier juge, il n'est pas illégitime qu'un professionnel ne soit pas tenu conventionnellement de garantir des pièces de réparation sur lesquelles il n'a pas été en mesure d'exercer son contrôle et que sa garantie conventionnelle soit limitée aux pièces qu'il aura nécessairement contrôlées.
Les dispositions critiquées ne sont donc pas abusives.
9) Articles 8-2-3:
Le premier juge a considéré que cette clause n'était pas abusive, celle-ci n'avant trait qu'à la garantie conventionnelle et ne privant pas le consommateur de son droit d'obtenir le cas échéant en justice la réparation intégrale de son préjudice au titre de la garantie légale.
L'appelante ne prétend plus au du caractère abusif de la clause devant la cour.
Le jugement sera, en définitive, confirmé concernant les clauses abusives.
Sur les demandes complémentaires:
Le jugement étant confirmé et sa publication dans le Dauphiné Libéré ayant eu lieu dans le cadre de l'exécution provisoire, sa publication dans les Petites Affiches et le 38 n'apparaît pas justifié.
Il n'y a pas lieu, non plus de prononcer une astreinte dès lors que le jugement a été exécuté et qu'il n'est pas démontré ni même allégué que les clauses jugées abusives n'aient pas été retirées.
Concernant les dommages-intérêts, l'appelante qui a reçu 20 000 F en réparation de son préjudice distingue le préjudice collectif et le préjudice associatif.
La somme de 20 000 F allouée par le premier juge correspond au préjudice collectif compte tenu la nature et du nombre des clauses annulées.
Au titre du préjudice associatif, l'UFC 38 est Fondée à obtenir la somme de 2 000 euros.
Les parties succombant toutes en partie il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il sera fait masse des dépens d'appel qui seront supportés à raison 2/3 par l'UFC 38 et de 1/3 par les sociétés Ford et Gauduel tenues in solidum.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à dire abusive la clause de l'article 2-2, Y ajoutant : Condamne in solidum la société Ford et la SA Gauduel Automobiles à payer à l'UFC 38 la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre du préjudice associatif, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Fait masse des dépens d'appel qui seront supportés à concurrence des 2/3 par l'UFC 38 et de 1/3 par les sociétés Ford et Gauduel in solidum avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause.