CA Paris, 1re ch. H, 21 septembre 2004, n° ECOC0400321X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Syndicat des professionnels européens de l'automobile
Défendeur :
Groupement des concessionnaires automobiles Peugeot, Automobiles Peugeot (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
Mme Penichon, M. Savatier
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Roblin-Chaix de Lavarenne, SCP Bourdais-Virenque-Oudinot
Avocats :
SCP Fourgoux, associés, SCP Threard Leger Meresse, associés, Me Wachsmann
Par lettres des 4 avril, 12 avril et 28 août 1995, le Syndicat des professionnels européens de l'automobile (SPEA) a saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution automobile par les constructeurs PSA et Renault ainsi que par leurs concessionnaires, leurs groupements et leur organisation professionnelle, le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), qu'il a qualifiées de pratiques anticoncurrentielles au sens des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE, ayant pour effet ou pour objet d'entraver les importations parallèles de véhicules Renault et Peugeot en France au détriment des consommateurs et des mandataires automobiles ainsi que des concessionnaires situés dans les autres Etats membres.
Par décision du 26 mai 2003, le rapporteur général a disjoint cette affaire en trois procédures distinctes, la présente procédure concernant les griefs notifiés à la société Automobiles Peugeot ainsi qu'au Groupement des concessionnaires automobiles Peugeot (GCAP), association régie par la loi du 1er juillet 1901, pour avoir mis en place des mesures ayant pour objet d'exclure les mandataires automobiles et les revendeurs indépendants de la distribution des véhicules de la marque:
- octroi d'aides spécifiques et discriminations aux concessionnaires subissant la concurrence des mandataires et des revendeurs indépendants;
- pressions et sanctions exercées à l'encontre des concessionnaires étrangers du réseau qui livrent des intermédiaires et des revendeurs indépendants;
- mise sur le marché de séries spéciales pour que ces véhicules ne soient pas réimportés en France;
- mise en place d'une procédure de contrôle des bons de commande permettant de désavantager les commandes des acheteurs localisés en France.
Par décision n° 03-D-67 du 23 décembre 2003, le Conseil de la concurrence a dit qu'il n'était pas établi que la société Automobiles Peugeot et le GCAP aient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et celles de l'article 81 du traité CE.
LA COUR,
Vu le recours en réformation enregistré le 27 janvier 2004 par le SPEA contre cette décision, l'exposé des moyens du requérant déposé le 26 février 2004 à l'appui de ce recours et le mémoire en réponse du 17 mai 2004, par lesquels le SPEA demande à la cour de:
- constater que le délai et le déroulement de la procédure a porté atteinte à ses droits;
- constater l'existence "d'aides pression import";
- constater l'existence de pressions et menaces contre les concessionnaires étrangers;
- constater l'existence d'une procédure de contrôle des bons de commande;
- constater le caractère concerté de l'ensemble de ces pratiques, leur objet et leur effet anticoncurrentiels;
En conséquence:
- réformer la décision n° 03-D-67 du 23 décembre 2003 en toutes ses dispositions;
- dire que ces faits constituent des pratiques prohibées au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81, § 1, du traité CE;
- ordonner la publication de la décision à venir dans trois revues aux frais de Peugeot et du GCAP et dans la limite de 15 000 euros par insertion;
Vu le mémoire déposé par la société Automobiles Peugeot le 5 avril 2004, demandant à la cour de :
- confirmer la décision rendue par le Conseil;
- ordonner la publication de la décision dans trois revues aux frais du SPEA;
- condamner le SPEA à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu le mémoire, déposé le 5 avril 2004 par le Groupement des concessionnaires automobiles Peugeot (GCAP), priant la cour de :
- confirmer la décision du Conseil de la concurrence;
- constater que les pratiques reprochées au GCAP relèvent de décisions de politique commerciale unilatérale de la société Automobiles Peugeot, non constitutive d'une entente au sens de l'article 81 du traité du CE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce;
Vu les observations déposées par le ministre chargé de l'Economie;
Vu la lettre du Conseil de la concurrence enregistrée le 27 avril 2004, par laquelle celui-ci déclare ne pas entendre présenter d'observations;
Après avoir, à l'audience publique du 1er juin 2004, entendu les conseils des parties, les observations du ministre chargé de l'Economie, des Finances et du Budget, et les observations orales du Ministère public concluant au rejet du recours;
Le requérant ayant pu répliquer à l'ensemble des observations présentées lors de l'instruction écrite et à l'audience;
Sur la régularité de la procédure:
Considérant que le SPEA fait valoir au visa de l'article 6 de la CESDH que le délai et le déroulement de la procédure ont porté atteinte à ses droits; qu'il incrimine à ce titre tant la durée déraisonnable de cette procédure ouverte en 1995, que la décision de disjonction prise le 29 mai 2003 par le rapporteur général du Conseil de la concurrence, qui auraient eu pour effet de limiter l'examen des comportements en cause, notamment l'effet cumulatif des actions concertées dénoncées par le requérant, et ainsi de "désarticuler" le dossier; qu'il critique enfin le fait que le rapporteur, lors de la séance tenue par le Conseil, n'ait pas suivi dans ses observations orales la position écrite exprimée dans son rapport;
Considérant, en premier lieu, qu'à supposer que la durée de la procédure ait été excessive eu égard à la complexité de l'affaire et aux nécessités de l'enquête, la sanction qui s'attache à la violation par le Conseil de son obligation de se prononcer dans un délai raisonnable au sens de la Convention précitée n'est pas l'annulation de la procédure - qui au demeurant n'est pas sollicitée - mais la réparation du préjudice résultant éventuellement d'un tel délai;
Considérant, en second lieu, que la disjonction de la saisine initiale du Conseil en trois dossiers distincts concernant respectivement les faits reprochés à chacun des deux constructeurs et à leurs concessionnaires, et ceux concernant le CNPA, prise en application des dispositions de l'article 31 du décret n° 2002-189 du 30 avril 2002, ne constitue pas une décision susceptible de recours par application des articles L. 464-2 et L. 464-8 du Code de commerce, les moyens visant à contester cette répartition de la saisine étant irrecevables; qu'il est néanmoins relevé que cette disjonction répondait à la demande formée par la société Peugeot, elle-même fondée sur des considérations de confidentialité, et que cette décision ne fait l'objet d'aucune contestation des autres parties à la procédure;
Qu'aucune atteinte aux principes inscrits à l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH), et spécialement au principe d'impartialité, ne peut être reprochée à cet égard au Conseil dans la conduite de la procédure, le grief de "désarticulation" du dossier reproché au Conseil ne pouvant qu'être rejeté; qu'en effet, le requérant, qui dénonce "un plan global poursuivant un objectif commun conjoint des constructeurs, des concessionnaires, de leur groupement et de leurs organisations professionnelles d'élimination des importateurs parallèles et l'entrave aux réimportations en France des véhicules de marque française au détriment des consommateurs ne pouvant bénéficier du différentiel de prix", ne justifie d'aucun élément pouvant étayer l'existence d'une action concertée entre automobiles Peugeot, Renault, les groupements de leurs concessionnaires et le CNPA, et a fortiori celle d'une domination conjointe exercée par les deux constructeurs, l'affirmation d'une part de marché cumulée entre eux représentant 55 % des ventes sur le marché français des véhicules particuliers étant insuffisante à apporter une telle démonstration d'ailleurs absente de la notification de griefs du 29 mars 2000 concernant les pratiques reprochées à l'un et à l'autre des constructeurs; qu'enfin, il sera observé que les menaces de boycott auprès du Républicain lorrain et du Crédit de l'Est, reprochées au CNPA, ne sont pas de même nature;
Considérant, en troisième lieu, que le fait que le rapporteur n'ait pas repris dans son intervention orale devant le Conseil l'opinion exprimée dans son rapport ne saurait constituer une atteinte aux droits de la défense, dès lors que les parties ont été en mesure de lui répondre, et qu'il résulte de l'application même du principe du contradictoire que le rapporteur, de même que les parties, peuvent modifier leur appréciation des faits de la cause y compris lors des débats tenus devant le Conseil;
Que ces moyens seront écartés;
Sur la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Commission européenne:
Considérant qu'à l'audience du 1er juin 2004 la cour, informée de ce que, le 28 mai 2004, le SPEA a communiqué un extrait d'une communication de griefs datée du 29 avril 2004 adressée par la Commission des Communautés européennes à la société Automobiles Peugeot, a demandé la production de l'intégralité de ce document et renvoyé l'affaire à l'audience du 29 juin 2004 pour qu'il soit débattu de l'effet sur la présente instance de la procédure suivie devant la Commission;
Considérant qu'aux termes d'observations complémentaires du 15 juin 2004, le SPEA maintient ses précédentes demandes et, subsidiairement, sollicite qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Commission européenne;
Considérant que, par observations complémentaires du 15 juin 2004 la société Automobiles Peugeot prétend irrecevables les productions de ces pièces et, subsidiairement, demande à la cour de se déclarer compétente pour statuer sur l'entier recours dont elle est saisie, tant en droit français qu'en droit communautaire, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer en tout ou en partie, afin de faire droit à ses précédentes écritures;
Considérant que, par observations complémentaires du 15 juin 2004, le GCAP fait valoir que le sursis à statuer n'est pas justifié;
Considérant que, dans ses observations du 15 juin 2004, le ministre invite la cour soit à interroger la Commission sur le sens de la décision envisagée sur le grief relatif aux relations entre Peugeot et ses concessionnaires allemands et notamment la concession Autohaus Kremmer, soit de surseoir à statuer sur la partie du grief notifié par le Conseil de la concurrence relatif aux relations entre société Automobiles Peugeot et la concession Autohaus Kremmer dans l'attente de la décision de la Commission;
Mais considérant, d'abord, que l'article 16 du règlement (CE) 1-2003 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du TCE énonce que: "Lorsque les juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l'article 81 ou 82 du traité qui font déjà l'objet d'une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre des décisions qui iraient à l'encontre de la décision adoptée par la Commission. Elles doivent également éviter de prendre des décisions qui iraient à l'encontre de la décision envisagée dans une procédure intentée par la Commission. A cette fin la juridiction nationale peut évaluer s'il est nécessaire de suspendre sa procédure.";
Considérant que ces dispositions s'imposent dès lors que la juridiction nationale est informée de ce que la Commission envisage de prendre une décision dans une procédure qu'elle a intentée;qu'à cet égard, le moyen tiré de ce que la communication de griefs de la Commission n'a pas été mentionnée parmi les pièces produites au soutien du recours dans la déclaration de celui-ci, de sorte que cet acte doit être écarté des débats et que le SPEA ne peut s'en prévaloir, est inopérant;qu'en effet, ladite communication de griefs ne constitue pas une pièce à l'appui du recours auquel elle est d'ailleurs postérieure, mais a pour objet de porter à la connaissance de la cour une information de nature à affecter la procédure suivie; qu'il peut donc en être fait état à tout moment au cours de celle-ci;
Considérant, ensuite, qu'il ressort de ladite communication de griefs que les pratiques incriminées portent exclusivement sur les mesures prises par la société Automobiles Peugeot à travers ses filiales allemande et néerlandaise pour restreindre le commerce parallèle depuis ces pays; que c'est ainsi qu'il est indiqué que "La procédure à l'encontre d'Automobiles Peugeot SA est limitée aux Pays-Bas et à l'Allemagne" (§ 51 de la communication de griefs) et qu'il est précisé que "Les mesures constatées et mises en œuvre dans l'Union européenne ne rentrent pas dans le cadre de la présente affaire" (§ 54);
Que la Commission n'examine en aucune manière les aides spécifiques accordées par la société Automobiles Peugeot aux concessionnaires français dont était saisi le Conseil de la concurrence; que les décisions à intervenir sont donc sans aucun lien de ce chef;
Considérant, encore, que le Conseil de la concurrence n'a été saisi d'aucun fait portant sur des exportations vers la France à partir des Pays-Bas; que le présent arrêt ne peut donc aller à l'encontre de la décision à intervenir à l'issue de la procédure ouverte par la Commission quant à ce pays;
Considérant enfin que, s'agissant de l'Allemagne, si le Conseil de la concurrence, saisi en avril et août 1995, a examiné un grief tiré de pressions et sanctions exercées à l'encontre des concessionnaires allemands, les seuls éléments factuels qui lui ont été soumis consistent en deux lettres adressées les 8 mars et 10 avril 1995 par la filiale allemande à la concession Autohaus Kremmer, et en des déclarations d'un mandataire français qui relatent les explications que lui auraient donné les dirigeants de cette concession pour expliquer leur décision de cesser de lui livrer des véhicules en 1995; qu'aucun fait postérieur à cette date n'a été relevé;
Qu'au contraire la Commission saisie d'une plainte en 1999 s'appuie sur le "tournant", en 1999, du système de rémunération des concessionnaires et sur le fait "qu'au moins entre 1999 et 2001, des concessionnaires se sont vu refuser les primes de performance pour cause de vente à l'exportation" (§ 169 de la communication de griefs); que parmi ceux-ci figure Autohaus Kremmer; que s'agissant de ce concessionnaire, la Commission relève que "les premiers indices montrant la volonté de [la filiale allemande] de tenter d'interdire à Kremmer de vendre des voitures neuves de marque Peugeot à l'exportation datent de début 1995" (§ 191); qu'elle remarque, cependant, que ce concessionnaire a été particulièrement performant entre 1996 et 1999 en ce qu'il a dépassé les objectifs fixés pour ces années (§ 189); que les autres faits qu'elle dénonce concernant les rapports de ce concessionnaire et de la filiale allemande de la société Automobiles Peugeot datent des années 1999 et 2000, ainsi que des conditions de la résiliation du contrat de concession intervenue en décembre 2000 pour prendre effet au 31 décembre 2001 (§ 197 et suivants);
Que s'agissant du grief de mise en place d'un contrôle des bons de commande permettant de désavantager les commandes des acheteurs localisés en France, les seuls faits précis soumis à la cour sont constitués par une déclaration d'un dirigeant de la société Automobiles Peugeot faite à l'assemblée générale du GCAP le 13 octobre 1995, alors qu'il ressort de la communication des griefs de la Commission que les faits que celle-ci a relevés en ce qui concerne les restrictions des approvisionnements des concessionnaires allemands sont postérieurs, en ce qu'ils portent essentiellement sur les approvisionnements en véhicules 406 coupé pour l'année 1998; qu'il faut observer que la pratique dont est saisie la cour ne vise pas le contrôle a posteriori du lieu d'immatriculation des véhicules, qui est lié au mode de rémunération des concessionnaires, tel qu'il est examiné par la Commission; que ce contrôle se distingue des procédés permettant de pénaliser les étrangers souhaitant acquérir un véhicule en Allemagne, dénoncés par le requérant dans la présente instance;
Qu'ainsi, comme le fait justement valoir le GCAP, les pratiques examinées par la Commission sont, pour l'essentiel, postérieures à celles soumises au Conseil de la concurrence et à la cour, alors que, dans son mémoire contenant l'exposé de ses moyens, le requérant dénonce seulement les aides versées entre 1994 et 1997;
Considérant qu'il en ressort que les seuls éléments devant être appréciés à la fois par la cour et par la Commission dans sa décision à venir sont les deux lettres de 1995 précitées, dont la Commission reconnaît elle-même qu'ils ne constituent que des "indices";
Que dès lors, en appréciant la valeur probante de ces seuls indices sur les pratiques en cause pour une période différente de celle sur laquelle porte la communication des griefs de la Commission, le présent arrêt n'apparaît pas susceptible d'aller à l'encontre de la décision à intervenir de cette autorité d'une manière telle qu'il soit nécessaire de suspendre la présente procédure;
Sur le fond:
Considérant que sans plus incriminer devant la cour la mise sur le marché par la société Automobiles Peugeot de séries spéciales ne pouvant être réimportées en France, le SPEA dénonce, au visa des règlements d'exemption par catégorie (REC) pris en application de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE dans le secteur automobile, le premier n° 123-85 (CEE) du 12 décembre 1994, abrogé par le REC n° 1475-95 du 28 juin 1995, lui-même abrogé par le REC n° 1400-2002 du 31 juillet 2002 entré en vigueur le 1er octobre 2003, les pratiques concertées mises en œuvre par le constructeur et par le GCAP concernant, d'une part, l'octroi d'aides dites "aides pression import", de manière ponctuelle et discriminatoire, aux concessionnaires subissant la concurrence des mandataires et des revendeurs indépendants réimportant des véhicules neufs et, d'autre part, les pressions exercées sur les concessionnaires étrangers complétées par un contrôle des bons de commandes; qu'il estime que ces pratiques ont porté atteinte à la concurrence entre les concessionnaires ainsi qu'entre les concessionnaires et les mandataires et ainsi consolidé un cloisonnement de caractère national entravant l'interpénétration voulue par le traité;
Considérant que ces pratiques étant susceptibles d'affecter le marché intracommunautaire de la distribution de véhicules automobiles auprès des particuliers, il convient de rechercher si elles entrent dans les prévisions tant des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce que de celles de l'article 81 du traité CE, les interdisant lorsqu'elles ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun;
Qu'il résulte des dispositions de l'article 3 du règlement 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 abrogeant le règlement 17-62 du Conseil et entré en application le 1er mai 2004, que l'application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîner l'interdiction d'accords ou de pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres mais qui n'ont pas pour effet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité, ou qui sont couverts par un règlement d'exemption pris en application du paragraphe 3 du même article;
Que selon l'article 29, alinéa 2, du même règlement, lorsque dans un cas déterminé des pratiques concertées auxquelles s'applique un règlement d'excemption par catégorie de la Commission produisent des effets incompatibles avec l'article 81, paragraphe 3, du traité sur le territoire d'un Etat membre ou sur une partie de ce territoire qui présente toutes les caractéristiques d'un marché géographique distinct, l'autorité de concurrence de cet Etat membre peut retirer le bénéfice de l'application du règlement d'exemption par catégorie en cause sur ce territoire;
Sur les "aides pressions imports":
Considérant que les SPEA fait valoir que ces aides qui ont consisté entre 1994 et 1997 à verser 25,53 millions d'euro à des concessionnaires pour lutter contre les réimportations de véhicules des autres Etats membres avaient un caractère anticoncurrentiel dès lors qu'elles avaient pour objet de lutter contre les importations parallèles imputables aux mandataires en réduisant artificiellement l'avantage compétitif dont ceux-ci disposaient sur le prix et qu'elles avaient pour conséquence de soutenir de manière artificielle les concessionnaires soumis à la concurrence des mandataires;
Qu'il ajoute que les modalités discriminatoires de calcul de ces aides, accordées au cas par cas en fonction de l'offre alternative concurrente, renforçaient leurs effets anticoncurrentiels sur le marché tant français qu'intracommunautaire, le constructeur ayant ainsi faussé de manière artificielle la concurrence par les prix entre les concessionnaires et les mandataires et entretenu une opacité tarifaire qui lui permettait de maintenir au détriment des utilisateurs finaux des prix élevés sauf sur les zones de marché concurrencées par les mandataires, au lieu de baisser ses prix de vente pour l'ensemble du territoire français, et ce alors qu'il disposait d'autres moyens tels que les conditions d'approvisionnement et les services, pour protéger son réseau;
Considérant qu'il est constant que, pendant la période 1994-1997, ces aides financières ont été consenties par le constructeur d'une manière uniforme dans toute la France aux concessionnaires répondant aux conditions fixées lesquelles dépendaient du taux de véhicules importés dans la zone où intervient le concessionnaire et du nombre de véhicules qu'il a vendus;
Mais considérant que l'objet ou l'effet anticoncurrentiel de ces pratiques n'est pas établi;
Considérant, en effet, que le versement par un constructeur d'aides commerciales spécifiques à ses concessionnaires afin de soutenir ses réseaux, de développer ses ventes ou d'éviter leur chute ne constitue pas, en soi, une pratique illicite, dès lors que leurs conditions d'octroi ne sont pas en elles-mêmes critiquables;qu'il est justifié des difficultés rencontrées par les concessionnaires dont l'activité s'est trouvée affectée, de manière sensible, par le développement d'importations parallèles que favorisaient les écarts de prix constatés dans les Etats membres et les fluctuations des monnaies européennes pendant la période considérée, circonstances non démenties utilement par le requérant;
Considérant que la mise en place de ces aides n'a pas eu pour effet de provoquer l'opacité tarifaire dénoncée par ce dernier;qu'elles n'affectaient pas le tarif des véhicules mais venaient, a posteriori, soutenir les efforts des concessionnaires dont l'activité était localement la plus sensiblement affectée par le développement d'importations parallèles;
Que contrairement à l'argumentation développée par le SPEA les pratiques reprochées à la société Automobiles Peugeot et au GCAP n'entrent pas dans les prévisions des cas d'exclusion mentionnés dans les règlements d'exemption précités et spécialement à l'article 6, alinéas 7 et 8, du REC n° R1475-95, dès lors qu'il n'est démontré:
- ni que le constructeur ou ses concessionnaires auraient restreint directement ou indirectement la liberté des utilisateurs finaux, des intermédiaires mandatés ou des distributeurs de s'approvisionner auprès d'une entreprise du réseau de leur choix à l'intérieur du Marché commun en produits contractuels ou en produits correspondants, dès lors que les distributeurs, concessionnaires ou mandataires, notamment étrangers, sont restés libres d'approvisionner la clientèle nationale,et que ces aides dont le montant moyen par véhicule était de 307 francs en 1994, de 703 francs en 1995, de 378 francs en 1996 et de 438 francs en 1997, soit un montant qui a varié de 0,39 % à 0,85 % du prix de vente moyen d'un véhicule, étaient minimes;
- ni que la société Automobiles Peugeot, sans raison objectivement justifiée, aurait octroyé aux concessionnaires des rémunérations calculées en fonction du lieu de destination des véhicules automobiles revendus ou du domicile de l'acheteur, ces aides étant attribuées dès qu'il apparaissait que le concessionnaire était soumis à la concurrence directe d'un mandataire ou d'un revendeur hors réseau au regard du nombre de véhicules réimportés dans sa zone d'activité;
Que ces pratiques ne peuvent davantage être critiquées au regard de l'article 8, alinéa 3, du même règlement, qui prévoit le retrait du bénéfice d'un règlement d'exemption, notamment lorsque le constructeur applique sans justifications objectives des prix ou des conditions de ventes discriminatoires, les conditions d'octroi de ces aides consenties aux concessionnaires Peugeot en concurrence avec les mandataires ou les distributeurs hors réseau, quel que soit le lieu de résidence du client, n'ayant aucun caractère discriminatoire;
Qu'il n'est pas établi que les pratiques en cause, qui étaient ainsi couvertes par les règlements d'exemption n° 123-85 et n° 1475-95 précités, aient produit des effets incompatibles avec l'article 81, paragraphe 3, du traité sur le territoire d'un Etat membre; qu'il y a lieu de relever à cet égard que loin de conduire à un cloisonnement du marché et d'éliminer certains de ses acteurs, ces pratiques ont au contraire stimulé la concurrence entre les membres des réseaux de distribution et les distributeurs hors réseaux - mandataires et revendeurs -, maintenu la densité du réseau de distribution et la qualité des services offerts et conduit à des baisses significatives du prix des produits dont ont bénéficié les utilisateurs finaux, sans pour autant évincer de leurs parts de marché les distributeurs hors réseaux dont la liberté commerciale n'était nullement restreinte;que ces effets sont au demeurant attestés par le requérant, qui observe dans ses écritures que "si le volume des aides a augmenté de manière considérable, le montant des aides par véhicule a également augmenté considérablement car le nombre de véhicules réimportés est demeuré quasiment identique";
Considérant, enfin, qu'il ne peut être reproché à la société Automobiles Peugeot d'avoir cherché à mettre en place, unilatéralement, de telles orientations, dès lors que le constructeur, qui détenait 17 % du marché au cours de la période considérée, ne se trouvait pas en position de domination sur ce marché;
Sur les actions dirigées contre les concessionnaires étrangers:
Considérant que pour dénoncer ces pratiques, le SPEA s'appuie essentiellement sur les déclarations faites lors de l'assemblée générale du GCAP le 8 juin 1995 par un dirigeant de la société Automobiles Peugeot, qui, selon le requérant, a décrit le système mis en place réposant "sur des lettres notifiant les interdictions en cas de déviances, des audits à fins de contrôles et la publication de ces sanctions en vue de crédibiliser ces actions"; qu'il fait valoir que la menace explicite à l'égard des concessionnaires étrangers a été efficace en pratique sans qu'il y ait lieu d'établir que des concessions ont été effectivement résiliées;
Considérant, cependant, qu'à l'appui de son moyen le requérant se borne à citer les déclarations du dirigeant précité qui sont intervenues dans un contexte de tension avec les concessionnaires français; que, destinés à rassurer le réseau français, ces propos, dont il n'est pas établi qu'ils aient été portés à la connaissance des concessionnaires étrangers, ne caractérisent pas à eux seuls les pressions alléguées;qu'en effet, il relevait de la responsabilité du constructeur de veiller à ce que les concessionnaires étrangers respectent les conditions autorisant les ventes transfrontalières et de lutter contre les importations illégales, dès lors que les contrats comportaient des clauses licites assurant l'étanchéité du réseau; que tel est le sens, dépourvu d'ambiguïté, de la circulaire du 19 avril 1995 au réseau italien; qu'il n'est pas établi que celle du 15 février 1994 qui vise "les ventes hors frontières dans des conditions anormales" a été adressée aux concessionnaires étrangers, de sorte que, même à en supposer les termes ambigus, cette circulaire n'a pu constituer une pression sur ceux-ci; qu'enfin, il n'a pu être démontré que des sanctions aient été prononcées à raison de ventes transfrontalières, la seule résiliation que la société Automobiles Peugeot a admis devant le Conseil avoir été liée à de telles ventes constituant la sanction de ventes à un revendeur hors réseau, donc au mépris d'une disposition licite du contrat liant les parties, selon les explications du constructeur qui n'ont pas été démenties;
Considérant que, s'agissant de la concession Autohaus Kremmer, les seules lettres régulièrement mises aux débats des 8 mars et 10 avril 1995 ne constituent pas une pression caractérisant un comportement anticoncurrentiel dès lors qu'en l'absence d'autres éléments elles apparaissent seulement comme un rappel à ce concessionnaire des conditions dans lesquelles peut intervenir une vente transfrontalière licite; que les affirmations du requérant sur la suspension des livraisons à ce concessionnaire et sur la résiliation de la concession "quelques mois plus tard" ne sont étayées par aucun élément du dossier, la seule déclaration d'un mandataire qui se serait vu opposer un refus de livraison par ce concessionnaire étant impropre à démontrer que le constructeur a effectivement cessé ses livraisons à ce concessionnaire, et aucune pièce n'étant produite quant à la date à laquelle cette résiliation est intervenue;
Sur le contrôle des bons de commande:
Considérant que le SPEA reproche enfin à la société Automobiles Peugeot d'avoir mis en place un système de contrôle des bons de commande permettant une discrimination des délais de livraison suivant le domicile de l'acquéreur, et fait valoir qu'il complétait les pressions sur les concessionnaires étrangers;
Considérant, toutefois, que pour fonder ce grief le requérant vise uniquement les propos tenus par un dirigeant de la société Automobiles Peugeot le 13 octobre 1995 lors d'une assemblée générale du GCAP et la déclaration de M. Schreiber, directeur commercial exportation Europe, lorsqu'il a été entendu, le 26 mai 1998, dans le cadre de la présente procédure;
Que, cependant, cette déclaration est dépourvue de précision; qu'en particulier, dans ses écritures, le SPEA admet qu'il a seulement été reconnu que le fichier dont il fait état "existe théoriquement en France", ce qui est insuffisant pour démontrer la réalité d'un contrôle a priori des bons de commande émanant des concessionnaires étrangers permettant de désavantager les acheteurs localisés en France, ce dont il a été fait grief à la société Automobiles Peugeot; qu'en outre, la personne entendue a aussi déclaré que les propos évoquant un contrôle des bons de commande lors de l'assemblée générale du GCAP ont été tenus pour rassurer les concessionnaires;
Que les tensions entre les concessionnaires soumis à cette époque à la concurrence des importateurs et le constructeur sont suffisamment établies pour réduire la portée des propos dénoncés au contexte dans lequel ils ont été prononcés;
Qu'il n'est produit aucun autre élément de nature à démontrer la réalité de la mise en œuvre du contrôle visé dans la déclaration de griefs;
Considérant que dès lors, et sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur le caractère concerté des pratiques dénoncées, en l'absence de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes, aucun des griefs sur lesquels le requérant se fonde n'est établi; que son recours ne peut donc qu'être rejeté;
Considérant que la demande de publication de la décision n'est pas motivée par la société Automobiles Peugeot; que, dépourvue de fondement, elle doit être rejetée;
Considérant que l'équité commande de limiter en l'espèce à 5 000 euro la somme que le SPEA est condamné à payer à la société Automobiles Peugeot au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant que les avoués ne peuvent obtenir le bénéfice de la distraction des dépens que dans les matières où leur ministère est obligatoire; que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, la demande présentée sur le fondement de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile sera rejetée,
Par ces motifs: Rejette la demande tendant à écarter des débats la communication de griefs de la Commission européenne; Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer; Rejette le recours; Condamne le Syndicat des professionnels européens de l'automobile à payer à la société Automobiles Peugeot la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Rejette toute autre demande; Condamne le Syndicat des professionnels européens de l'automobile aux dépens.