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Décisions

Cass. crim., 19 octobre 2004, n° 04-82.218

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Agostini

Avocat général :

M. Davenas

Avocat :

Me Blondel

TGI Saint-Brieuc, ch. corr., du 20 févr.…

20 février 2003

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par le Procureur général près la Cour d'appel de Rennes, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 3e chambre, en date du 18 mars 2004, qui a relaxé René X, Gilbert A et Francis W des chefs de tromperies et publicité de nature à induire en erreur ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 512, 516, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; - Vu les articles L. 213-1, L. 212-1 du Code de la consommation, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale ; - Attendu que les éléments matériel et moral du délit de tromperie peuvent résulter de la méconnaissance des mesures d'exécution prises en application de l'article L. 214-1 du Code de la consommation et de l'absence de vérification de la conformité du produit ;

Attendu que les éléments matériel et moral du délit de publicité de nature à induire en erreur procèdent du seul caractère trompeur, qui peut résulter d'une faute de négligence ou d'imprudence, de l'un ou l'autre des éléments d'information, quel qu'en soit le support, donnée au client potentiel pour lui permettre de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui lui sont proposés ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'entre novembre 1993 et mars 1994, puis entre décembre 1994 et avril 1995, la société "Y" a acheté en Belgique des palettes d'oeufs qu'elle a conditionnés pour les revendre sur les marchés allemand et français ; que les oeufs destinés à l'Allemagne étaient conditionnés dans des emballages illustrés par des images en couleur représentant des poules picorant en plein champ et mentionnant que les pondeuses étaient des poules de "libre parcours"; que ceux destinés à la vente en France, mélangés avec des oeufs produits localement, étaient emballés avec les mentions "Y" et "oeufs de poules élevées en plein air" ;

Que René X, président de la société Z et de sa filiale "Y", Gilbert A, directeur général adjoint de la société Z à partir de février 1994 et Francis W, directeur commercial de la société "Y", ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, du chef de tromperie pour avoir vendu "des oeufs sous le label "oeufs de poules élevées en plein air" et comme étant de production fermière, alors que ces oeufs étaient de production industrielle et étrangère", ainsi que du chef de publicité de nature à induire en erreur pour avoir fait passer des oeufs de production industrielle et étrangère pour des oeufs "plein air" et de production "Y" ;

Attendu que, pour renvoyer les prévenus des fins de la poursuite, l'arrêt retient que le fait que la société "Y" n'ait pas procédé à la vérification de l'origine des oeufs, ce que semblait lui imposer les dispositions des règlements communautaires en vigueur concernant les normes de commercialisation applicables, et se soit contentée des mentions portées sur les documents commerciaux fournis par l'intermédiaire chargé de ses achats ne suffit pas à caractériser l'élément intentionnel du délit de tromperie ; que les juges ajoutent que la matérialité de la fraude n'était pas vérifiable après la livraison des oeufs qui étaient achetés au prix d'oeufs fermiers ;

Que, s'agissant du délit de publicité de nature à induire en erreur, l'arrêt énonce que la commercialisation d'oeufs d'origine étrangère sous la marque régulièrement déposée "Y" ne peut constituer l'élément matériel de cette infraction et que les prévenus ont été induits en erreur sur l'origine industrielle des oeufs ;

Mais attendu qu' en se déterminant de la sorte, alors qu'il résultait de ses propres constatations, d'une part, que les dispositions alors applicables des règlements n° 1907-90-CEE du Conseil du 26 juin 1990 et n° 1274-91-CEE de la Commission du 15 mai 1991 concernant notamment l'emploi de mentions relatives au mode d'élevage et à l'origine des oeufs avaient été méconnues, d'autre part, que la conformité des oeufs n'avait pas été vérifiée, et qu'enfin la marque et dénomination sociale, "Y", était utilisée pour la commercialisation d'oeufs d'origine étrangère, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, Casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Rennes, en date du 18 mars 2004, en ses seules dispositions ayant relaxé René X, Gilbert A et Francis W des chefs de tromperies et publicité de nature à induire en erreur concernant les faits objet de la procédure n° 95008432, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.