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Décisions

CJCE, 12 novembre 1996, n° C-201/94

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

The Queen, Pharmaceuticals Ltd et Primecrown Ltd

Défendeur :

The Medicines Control Agency, ex parte Smith & Nephew Pharmaceuticals Ltd

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Moitinho de Almeida, Murray (rapporteur), Sevón

Avocat général :

M. Léger.

Juges :

MM. Kakouris, Kapteyn, Edward, Jann, Ragnemalm

CJCE n° C-201/94

12 novembre 1996

LA COUR,

1 Par ordonnance du 4 mai 1994, parvenue à la Cour le 11 juillet suivant, la High Court of Justice, Queen's Bench Division (Royaume-Uni), a saisi la Cour, en vertu de l'article 177 du traité CE, de quatre questions relatives à l'interprétation de la directive 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1965, 22, p. 369), telle que modifiée notamment par la directive 87-21-CEE du Conseil, du 22 décembre 1986 (JO 1987, L 15, p. 36), ainsi qu'aux obligations liées à l'autorisation des spécialités pharmaceutiques.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de deux litiges opposant, d'une part, Smith & Nephew Pharmaceuticals Ltd (ci-après "Smith & Nephew") à la Medicines Control Agency (ci-après la "MCA") et à Primecrown Ltd (ci-après "Primecrown") et, d'autre part, Primecrown à la MCA, à propos de la délivrance à Primecrown d'une autorisation d'importer une spécialité pharmaceutique d'origine belge ayant la même appellation et fabriquée à la suite d'un accord passé avec le même donneur de licence qu'un produit pour lequel Smith & Nephew est titulaire d'une autorisation de mise sur le marché (ci-après l'"AMM") au Royaume-Uni.

3 Le premier considérant de la directive 65-65 énonce que "toute réglementation en matière de production et de distribution de spécialités pharmaceutiques doit avoir comme objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique". Le deuxième considérant prévoit que "ce but doit être atteint par des moyens qui ne puissent pas freiner le développement de l'industrie pharmaceutique et les échanges de produits pharmaceutiques au sein de la Communauté".

4 L'article 3 de la directive 65-65, applicable au moment des faits, dispose qu'aucune spécialité pharmaceutique ne peut être mise sur le marché dans un État membre sans qu'une autorisation ait été préalablement délivrée par l'autorité compétente de cet État membre. La spécialité pharmaceutique est définie à l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 65-65 comme "tout médicament préparé à l'avance, mis sur le marché sous une dénomination spéciale et sous un conditionnement particulier". L'article 4 de cette directive énonce la liste des renseignements et des documents qui doivent être joints à la demande d'AMM.

5 L'article 5 de la directive 65-65 dispose que l'AMM "sera refusée lorsque, après vérification des renseignements et des documents énumérés à l'article 4, il apparaît que la spécialité est nocive dans les conditions normales d'emploi ou que l'effet thérapeutique de la spécialité fait défaut ou est insuffisamment justifié par le demandeur ou que la spécialité n'a pas la composition qualitative et quantitative déclarée. L'autorisation sera également refusée si la documentation et les renseignements présentés à l'appui de la demande ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 4".

6 Un nouveau système communautaire en matière d'AMM est entré en vigueur le 1er janvier 1995 à la suite de l'adoption de la directive 93-39-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, modifiant les directives 65-65-CEE, 75-318-CEE et 75-319-CEE concernant les médicaments (JO L 214, p. 22), et du règlement (CEE) n° 2309-93 du Conseil, du 22 juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l'évaluation des médicaments (JO L 214, p. 1). Cependant, en raison de la date de présentation de la demande d'AMM litigieuse, ces dispositions ne sont pas applicables dans l'affaire au principal.

7 La MCA est l'autorité compétente pour délivrer des AMM au Royaume-Uni, conformément aux dispositions nationales transposant la directive 65-65 en droit national.

8 La MCA a publié des brochures sur la manière de présenter les demandes d'autorisation d'un médicament importé par voie parallèle. Ces brochures portent la référence MAL 2 (PI) et sont intitulées "Notes on Application for Product Licences (Parallel Importing) (Medicines for Human Use)" [Notice relative aux demandes d'autorisation d'un produit (importation parallèle) (médicament destiné à l'usage humain)]. S'agissant des spécialités pharmaceutiques, le document MAL 2 (PI) définit une "importation parallèle" comme répondant à deux exigences: le produit est soumis à une AMM au Royaume-Uni et un demandeur souhaite importer d'un autre État membre une version de ce produit déjà pourvu d'une AMM délivrée par un autre État membre. Dans un tel cas, la MCA a recours à une forme simplifiée de demande désignée sous le terme de "procédure PL (PI)". Dans le cadre de cette procédure, qui est généralement plus rapide que la procédure prévue par la directive 65-65, le demandeur d'une AMM doit fournir moins de renseignements que ceux exigés pour une demande faite au titre de la directive 65-65. Pour bénéficier de cette procédure, la spécialité pharmaceutique concernée doit remplir plusieurs conditions, dont notamment celle d'avoir été élaborée par ou sous licence du fabricant du produit couvert par l'autorisation obtenue au Royaume-Uni ou d'un membre du même groupe de sociétés que le fabricant du produit couvert par l'autorisation obtenue au Royaume-Uni.

9 Smith & Nephew commercialise la spécialité pharmaceutique "Ditropan" au Royaume-Uni à la suite d'un accord passé en 1982 avec la firme américaine Marion Merrell Dow (ci-après "MMD"), dont la fabrication au Royaume-Uni est confiée par la première à Boots Pharmaceuticals Ltd. Le Ditropan incorpore un élément actif dénommé oxybutynine hydrochloride, utilisé dans le traitement de certaines formes d'incontinence urinaire. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que la demande d'autorisation d'essais cliniques concernant le Ditropan suivie d'une demande d'AMM se fondait sur des données et sur d'autres renseignements fournis par MMD. Cette demande a été déposée par Smith & Nephew devant la MCA en 1982. Cette dernière ayant considéré que ces renseignements étaient insuffisants, au regard notamment de la nécessité de démontrer l'absence de caractère potentiellement cancérogène du produit, Smith & Nephew a donc été contrainte d'effectuer des études cliniques supplémentaires et, selon la juridiction de renvoi, de modifier la formule de la spécialité pharmaceutique par rapport à celle produite par MMD aux États-Unis. Dans ces conditions, l'AMM ne lui a été délivrée qu'au mois de janvier 1991.

10 Le 8 octobre 1992, Primecrown a déposé une demande d'autorisation selon la procédure PL (PI) afin d'importer de manière parallèle une variante du Ditropan, vendue en France par les Laboratoires Debat. Cette demande a été rejetée par la MCA au motif qu'aucun lien n'existait entre Smith & Nephew et les Laboratoires Debat. Primecrown a ensuite déposé, le 22 février 1993, auprès de la MCA, une nouvelle demande d'autorisation selon la procédure PL (PI) en vue de l'importation et de la vente au Royaume-Uni du Ditropan commercialisé en Belgique par Marion Merrell Dow Belgium (ci-après "MMD Belgium"), conformément à une AMM belge.

11 Par lettre du 28 juin 1993, MMD a indiqué qu'elle ne pouvait pas garantir que les excipients utilisés dans le Ditropan fabriqué en Belgique et ceux utilisés dans celui fabriqué au Royaume-Uni soient identiques.

12 Dans un document signé le 8 juillet 1993, l'expert pharmaceutique désigné par la MCA a cependant conclu que le Ditropan belge avait la même composition que le Ditropan de Smith & Nephew.

13 Le 24 août 1993, la MCA a accordé l'autorisation sollicitée par Primecrown, estimant, à tort, que le lien entre Smith & Nephew et MMD Belgium exigé pour l'application de la procédure PL (PI) existait. La MCA a estimé qu'aucun problème de santé publique ne se posait actuellement dans cette affaire.

14 Par lettre du 7 septembre 1993, adressée à la MCA, MMD a indiqué que, bien qu'elle connaisse et contrôle les spécifications relatives au Ditropan fabriqué en Belgique, il n'en allait pas de même s'agissant de celles relatives au Ditropan fabriqué au Royaume-Uni. Soulignant que Smith & Nephew constituait une personne juridique distincte du groupe de sociétés MMD, cette dernière a précisé qu'elle lui avait seulement fourni l'ingrédient oxybutynine hydrochloride. En conclusion, elle indiquait qu'il ne lui était pas possible de confirmer que les spécifications relatives au Ditropan fabriqué en Belgique étaient identiques à celles du Ditropan fabriqué au Royaume-Uni.

15 Ainsi, après avoir pris connaissance du fait qu'aucun lien, au sens de la procédure PL (PI), n'existait entre Smith & Nephew et MMD Belgium, le titulaire de l'AMM pour le Ditropan en Belgique, la MCA a retiré l'autorisation qu'elle avait accordée à Primecrown.

16 Le 26 janvier 1994, Smith & Nephew a été autorisée par la High Court à introduire une demande d'annulation de la décision de la MCA, du 24 août 1993, accordant à Primecrown l'autorisation d'importer le Ditropan belge au Royaume-Uni. Cette dernière a demandé à la High Court, sur le fondement du Medicines Act 1968, section 107, paragraphe 2, d'annuler la décision de la MCA retirant l'autorisation.

17 C'est dans ces conditions que la juridiction de renvoi a été saisie de ces deux litiges. Estimant que leur issue dépendait de l'interprétation du droit communautaire, elle a posé à la Cour les quatre questions préjudicielles suivantes:

"1) Une entreprise titulaire d'une autorisation de mise sur le marché concernant une spécialité pharmaceutique brevetée (le 'produit X'), délivrée selon les modalités de la directive 65-65, est-elle recevable à invoquer ladite directive 65-65 et, notamment, son article 5, devant une juridiction nationale, en vue de contester la validité (et d'essayer d'obtenir l'annulation) d'une autorisation de mise sur le marché accordée à un concurrent pour une spécialité pharmaceutique brevetée ayant la même appellation (le 'produit Y')?

2) L'autorité compétente de l'État membre A peut-elle délivrer une autorisation de mise sur le marché pour le produit Y dont est demandée l'importation d'un État membre B, alors que le produit Y n'est pas fabriqué par (ou sous le contrôle de) la personne détenant l'autorisation de commercialisation dans l'État membre A, ou par (ou sous le contrôle d') un membre du même groupe de sociétés?

3) S'il est répondu par l'affirmative à la question 2,

a) quelles conditions préalables doivent-elles être remplies avant que l'État membre A puisse délivrer une autorisation de mise sur le marché concernant le produit Y et, notamment,

b) de quels renseignements concernant le produit Y l'État membre A doit-il être en possession avant que l'autorité compétente délivre une autorisation de mise sur le marché de ce produit,

c) dans quelle mesure l'autorité compétente peut-elle prendre en considération les renseignements fournis par le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché du produit X, alors que la période prévue à l'article 4, paragraphe 8, de la directive 65-65 (telle que modifiée) n'est pas échue,

d) l'autorité compétente peut-elle délivrer une autorisation de mise sur le marché du produit Y, dont l'importation est recherchée, alors que cette autorité n'a pas comparé les procédés effectifs de fabrication du produit Y avec ceux du produit X?

4) Le fait que les titulaires d'autorisation des produits X et Y, respectivement dans l'État membre A et l'État membre B, sont tous les deux titulaires de licences délivrées par le même donneur de licences, domicilié en dehors de la Communauté européenne, a-t-il une incidence sur la réponse aux questions 2 et 3?"

Sur les deuxième et troisième questions

18 Par ses deuxième et troisième questions, qu'il convient d'examiner d'abord, la juridiction de renvoi demande en substance dans quelles conditions l'autorité compétente d'un État membre peut délivrer une AMM pour une spécialité pharmaceutique pour laquelle est demandée l'importation d'un second État membre où cette spécialité bénéficie d'une AMM, alors que l'autorité compétente de l'État membre d'importation a déjà délivré une AMM au profit d'une autre spécialité pharmaceutique et que les deux spécialités ont été fabriquées, en vertu d'un accord conclu avec le même donneur de licence, par des personnes indépendantes.

19 A titre liminaire, il convient de rappeler que la directive 65-65 a, selon ses premier et deuxième considérants, pour objectif essentiel de garantir que, lors de la mise sur le marché d'une spécialité pharmaceutique, la sauvegarde de la santé publique soit assurée par des moyens qui ne puissent pas freiner le développement de l'industrie pharmaceutique et les échanges de produits pharmaceutiques au sein de la Communauté. A cette fin, la directive exige la production d'une série de documents et d'informations précis et détaillés en vue de la délivrance d'une AMM même si la spécialité pharmaceutique en question bénéficie d'une AMM délivrée par l'autorité compétente d'un autre État membre.

20 Toutefois, l'objectif de protection de la santé publique tel qu'il est poursuivi par la directive 65-65 ne se justifie avec une telle rigueur qu'à l'égard de spécialités pharmaceutiques mises pour la première fois sur un marché.

21 Partant, les dispositions de la directive 65-65 qui concernent la procédure de délivrance d'une AMM ne sauraient trouver à s'appliquer à une spécialité pharmaceutique qui bénéficie d'une AMM dans un État membre et dont l'importation dans un autre État membre constitue une importation parallèle par rapport à une spécialité pharmaceutique bénéficiant déjà d'une AMM dans ce second État membre. En effet, dans une telle hypothèse, la spécialité pharmaceutique importée ne peut être considérée comme étant mise pour la première fois sur le marché dans l'État membre d'importation.

22 C'est en ce sens que la Cour a jugé dans l'arrêt du 20 mai 1976, De Peijper (104-75, Rec. p. 613, points 21 et 36) que, si les autorités sanitaires de l'État membre d'importation disposent déjà, à la suite d'une importation antérieure, de toutes les indications pharmaceutiques relatives au médicament en question et jugées indispensables aux fins du contrôle de l'efficacité et de l'innocuité du médicament, il n'est manifestement pas nécessaire, pour protéger la santé et la vie des personnes, que lesdites autorités exigent d'un second opérateur, ayant importé un médicament en tous points identique ou dont les différences n'auraient aucune incidence thérapeutique, de leur soumettre à nouveau les indications susvisées.

23 Il convient de rappeler que, dans l'arrêt De Peijper, point 10, la Cour a examiné l'hypothèse d'une spécialité pharmaceutique préparée selon un procédé uniforme, ayant une composition qualitative et quantitative bien définie, qui se trouvait régulièrement en circulation dans plusieurs États membres, puisque les autorisations exigées par les législations de ces États membres avaient été accordées en ce qui concerne ledit produit soit au fabricant, soit à celui qui était responsable de sa commercialisation. Cette spécialité pharmaceutique était en tous points identique à une spécialité pharmaceutique pour laquelle les autorités sanitaires de l'État membre d'importation disposaient déjà des documents relatifs au procédé de préparation, ainsi qu'à la composition quantitative et qualitative, ces documents leur ayant été remis auparavant par le fabricant ou son importateur agréé à l'appui d'une demande d'autorisation de commercialisation.

24 Par ailleurs, les spécialités pharmaceutiques en cause dans cet arrêt avaient été fabriquées par le même groupe de sociétés et avaient, donc, une origine commune.

25 Cette jurisprudence peut être transposée dans une situation telle que celle en cause dans l'affaire au principal, dans laquelle des sociétés indépendantes produisent des spécialités pharmaceutiques qui ont pour origine commune d'être fabriquées à la suite d'accords conclus avec un même donneur de licence. En effet, à défaut, de tels accords pourraient aboutir à un cloisonnement des marchés nationaux des différents États membres.

26 Il y a lieu également d'indiquer que l'autorité compétente de l'État membre d'importation doit encore vérifier que les deux spécialités pharmaceutiques, sans être en tous points identiques, ont à tout le moins été fabriquées suivant la même formule et en utilisant le même ingrédient actif et qu'elles ont en outre les mêmes effets thérapeutiques.

27 A cette fin, l'autorité compétente de l'État membre d'importation dispose, ainsi que la Cour l'a souligné dans l'arrêt De Peijper, précité, point 26, de moyens législatifs et administratifs susceptibles de contraindre le fabricant, son représentant agréé ou le détenteur de licence de la spécialité pharmaceutique concernée à fournir les renseignements dont ils disposent et qu'elle estime nécessaires. L'autorité compétente peut, par ailleurs, avoir recours au dossier déposé dans le cadre de la demande d'AMM de la spécialité pharmaceutique déjà autorisée.

28 Enfin, ainsi que la Cour l'a déjà relevé dans l'arrêt De Peijper, précité, point 27, une simple collaboration entre les autorités des États membres les mettrait en état de se procurer mutuellement les documents nécessaires de vérification.

29 Si, au terme de l'examen mené, l'autorité compétente de l'État membre d'importation constate que tous les critères précédemment énoncés sont réunis, la spécialité pharmaceutique à importer doit être considérée comme ayant déjà été mise sur le marché dans l'État membre d'importation et, par conséquent, doit pouvoir bénéficier de l'AMM délivrée pour la spécialité pharmaceutique déjà présente sur le marché, à moins que des considérations tirées de la protection efficace de la vie et de la santé des personnes ne s'y opposent.

30 Dans l'hypothèse où l'autorité compétente conclurait que la spécialité pharmaceutique à importer ne remplit pas tous les critères précités et qu'elle ne peut pas, par conséquent, être considérée comme ayant déjà été mise sur le marché dans l'État membre d'importation, elle ne pourrait délivrer la nouvelle AMM requise pour la commercialisation de la spécialité à importer que dans le respect des conditions énumérées à la directive 65-65, telle que modifiée par la directive 87-21. A cet égard, il convient de rappeler que le pouvoir d'appréciation de l'autorité compétente d'un État membre, dans le cadre de cette directive, est très limité. Ce pouvoir d'appréciation n'inclut en aucun cas la possibilité de délivrer une AMM, en application de l'article 3 de la directive 65-65, lorsque tous les renseignements mentionnés à l'article 4 de cette directive n'ont pas été fournis et les essais effectués. Une telle AMM peut être délivrée uniquement lorsqu'il est démontré que toutes les obligations précisées à l'article 4 ont été remplies (voir arrêt du 5 octobre 1995, Scotia Pharmaceuticals, C-440-93, Rec. p. I-2851).

31 Serait donc contraire à la directive 65-65, telle que modifiée par la directive 87-21, le fait pour une autorité compétente d'utiliser, dans le cadre d'une demande d'AMM entrant dans le champ d'application de cette directive, les informations fournies par une société indépendante, sans son accord, à l'appui d'une demande d'AMM concernant une autre spécialité pharmaceutique.

32 Il résulte de ce qui précède que, lorsque l'autorité compétente d'un État membre conclut qu'une spécialité pharmaceutique bénéficiant d'une AMM dans un autre État membre et une spécialité pharmaceutique pour laquelle elle a déjà délivré une AMM sont fabriquées par des sociétés indépendantes à la suite d'accords conclus avec un même donneur de licence et que ces deux spécialités pharmaceutiques, sans être en tous points identiques, ont à tout le moins été fabriquées suivant la même formule et en utilisant le même ingrédient actif et qu'elles ont, en outre, les mêmes effets thérapeutiques, elle doit, à moins que des considérations tirées de la protection efficace de la vie et de la santé des personnes ne s'y opposent, faire bénéficier la spécialité pharmaceutique importée de cette AMM. Dans l'hypothèse où l'autorité compétente aboutirait à la conclusion que la spécialité pharmaceutique à importer ne remplit pas les critères précités, une nouvelle AMM est nécessaire. Celle-ci ne peut être délivrée que dans le respect des conditions énoncées aux articles 3 et 4 de la directive 65-65, telle que modifiée par la directive 87-21.

Sur la quatrième question

33 Par cette question, la juridiction de renvoi demande si le fait que les licences de fabrication pour les spécialités pharmaceutiques ont été en l'espèce délivrées par la même personne morale, établie en dehors de la Communauté européenne, a une incidence sur la réponse précédemment donnée.

34 A la lumière des réponses aux deuxième et troisième questions, il suffit d'observer que le fait que le donneur de licences pour les deux spécialités pharmaceutiques en cause soit situé en dehors de la Communauté européenne n'a aucune incidence sur la réponse précédemment donnée.

Sur la première question

35 Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si le titulaire de l'autorisation originale délivrée selon la procédure normale visée à la directive 65-65 peut se prévaloir de la directive et notamment de son article 5 dans une procédure devant une juridiction nationale dans laquelle il conteste la validité d'une autorisation accordée par une autorité publique compétente à l'un de ses concurrents pour une spécialité pharmaceutique brevetée ayant la même appellation.

36 Il convient de rappeler que la Cour a précisé, dans l'arrêt du 26 janvier 1984, Clin-Midy e.a. (301-82, Rec. p. 251, point 4), que les dispositions de la directive 65-65 fixant les conditions d'octroi, de suspension ou de retrait de l'AMM, notamment son article 21, sont inconditionnelles et suffisamment précises pour pouvoir être invoquées devant une juridiction nationale par les personnes concernées à l'encontre de toute disposition législative, réglementaire ou administrative du droit national non conforme à la directive.

37 Quoique l'article 5 de la directive 65-65 n'ait pas été spécifiquement mentionné dans l'arrêt Clin-Midy e.a., précité, il convient de relever qu'il est inconditionnel et suffisamment précis pour pouvoir être invoqué devant une juridiction nationale en vue de contester une AMM délivrée par une autorité compétente.

38 Les dispositions de la directive 65-65, telle que modifiée par la directive 87-21, ne peuvent cependant être invoquées qu'en vue de contester la validité d'une autorisation délivrée sur le fondement de cette directive.

39 Il convient donc de répondre en ce sens que le titulaire d'une AMM originale délivrée selon la procédure visée à la directive 65-65 peut se prévaloir des dispositions de cette directive, telle que modifiée notamment par le directive 87-21, et notamment de son article 5, dans une procédure devant une juridiction nationale en vue de contester la validité d'une autorisation qui a été délivrée par l'autorité compétente, sur le fondement de la directive 65-65, modifiée, à l'un de ses concurrents pour une spécialité brevetée ayant la même appellation. Il en est de même lorsqu'il s'agit d'une autorisation qui, bien que délivrée dans le cadre d'une autre procédure prescrite au niveau national, aurait dû l'être sur le fondement de la directive.

Sur les dépens

40 Les frais exposés par les Gouvernements du Royaume-Uni, allemand, français et italien, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

Statuant sur les questions à elle soumises par la High Court of Justice, Queen's Bench Division, par ordonnance du 4 mai 1994, dit pour droit:

1) a) Lorsque l'autorité compétente d'un État membre conclut qu'une spécialité pharmaceutique bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché dans un autre État membre et une spécialité pharmaceutique pour laquelle elle a déjà délivré une autorisation de mise sur le marché sont fabriquées par des sociétés indépendantes à la suite d'accords conclus avec un même donneur de licence et que ces deux spécialités pharmaceutiques, sans être en tous points identiques, ont à tout le moins été fabriquées suivant la même formule et en utilisant le même ingrédient actif et qu'elles ont, en outre, les mêmes effets thérapeutiques, elle doit, à moins que des considérations tirées de la protection efficace de la vie et de la santé des personnes ne s'y opposent, faire bénéficier la spécialité pharmaceutique importée de cette autorisation de mise sur le marché.

b) Dans l'hypothèse où l'autorité compétente aboutirait à la conclusion que la spécialité pharmaceutique à importer ne remplit pas les critères précités, une nouvelle autorisation de mise sur le marché est nécessaire. Celle-ci ne peut être délivrée que dans le respect des conditions énoncées aux articles 3 et 4 de la directive 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques, telle que modifiée notamment par la directive 87-21-CEE du Conseil, du 22 décembre 1986.

2) Le fait que le donneur de licences pour les deux spécialités pharmaceutiques en cause soit situé en dehors de la Communauté européenne n'a aucune incidence sur la réponse précédemment donnée.

3) Le titulaire d'une autorisation de mise sur le marché originale délivrée selon la procédure visée à la directive 65-65 peut se prévaloir des dispositions de cette directive, telle que modifiée notamment par la directive 87-21, et notamment de son article 5, dans une procédure devant une juridiction nationale en vue de contester la validité d'une autorisation qui a été délivrée par l'autorité compétente, sur le fondement de ladite directive à l'un de ses concurrents pour une spécialité brevetée ayant la même appellation. Il en est de même lorsqu'il s'agit d'une autorisation qui, bien que délivrée dans le cadre d'une autre procédure prescrite au niveau national, aurait dû l'être sur le fondement de la directive.