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Décisions

CCE, 23 mars 1990, n° 90-186

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Moosehead/Whitbread

CCE n° 90-186

23 mars 1990

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 6 et 8, vu la notification faite le 2 juin 1988 par Whitbread & Co. plc et Moosehead Breweries Ltd concernant l'octroi par Moosehead à Whitbread d'une licence exclusive de production et de vente de bière sous la marque Moosehead au Royaume-Uni, vu l'essentiel du contenu de la notification (2) publié conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:

I. LES FAITS

La notification

(1) Le 2 juin 1988, conformément à l'article 4 du règlement n° 17, Moosehead Breweries Limited, Nouveau-Brunswick, Canada, et Whitbread and Company plc, Londres, ont notifié à la Commission un certain nombre d'accords qu'elles ont conclus le 12 mai 1987 et le 1er mai 1988.

(2) Les parties ont sollicité une attestation négative ou, à défaut, une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité.

Les parties

(3) Moosehead, qui a son siège au Nouveau-Brunswick, au Canada, est une filiale à 100 % de Sevenacres Holding Limited. Moosehead a pour activité principale la production, la commercialisation et la distribution de bière et ne possède aucun intérêt dans des brasseries situées dans la Communauté.

(4) Whitbread, société constituée au Royaume-Uni, est une brasserie qui exploite environ 6 000 débits de boissons qu'elle gère elle-même ou qui sont loués à des débitants. En 1987, Whitbread a réalisé un chiffre d'affaires de 1,554 milliard de livres.

Le produit et le marché

(5) Les accords concernent la production au Royaume-Uni d'un type de bière que Moosehead vend au Canada et dans d'autres pays sous la marque " Moosehead " (ci-après dénommé " le produit "). Cette bière est semblable, de par sa nature et son degré, aux autres " non-premium lagers " actuellement vendues au Royaume-Uni, bien que, selon les parties, elle ait un goût particulier, caractéristique des lagers canadiennes.

(6) 1. Comme cela est indiqué dans la décision 84-381-CEE de la Commission (3), dans l'affaire Carlsberg, le marché de la bière au Royaume-Uni se distingue des autres marchés européens sur les points suivants.

2. La majeure partie de la bière vendue au Royaume-Uni l'est à la pression dans des débits de boissons: 81 % (4) de toute la bière vendue l'est dans des débits de boissons dits " on-licensed " et 75 % à la pression. En 1987, la lager a représenté 45 % de la consommation totale de bière au Royaume-Uni (5). Pour vendre des quantités importantes d'un nouveau type de bière au Royaume-Uni, il faut donc que le vendeur ait accès à un certain nombre de débits de boissons.

3. Les brasseries distribuent leur bière au Royaume-Uni en utilisant, pour l'essentiel, leurs propres camions. Il n'existe donc aucun réseau indépendant important de distribution de bière au Royaume-Uni.

4. La plupart des débits de boissons au Royaume-Uni sont tenus par contrat d'acheter leur bière à une seule brasserie. Ils appartiennent, en fait, à la brasserie avec laquelle ils ont signé ce contrat. Étant donné que la quasi-totalité de la bière à la pression, qui représente plus de 75 % de la quantité de bière vendue, l'est dans des débits de boissons et que 57 % des établissements " on-licensed " au Royaume-Uni appartiennent à des brasseries auxquelles ils sont " liés ", il est très utile, sinon indispensable, pour un brasseur étranger désireux de pénétrer sur le marché britannique d'obtenir le concours d'une grande brasserie nationale.

Il est probable que le nombre de débits de boissons " on-licensed " tenus d'acheter leur bière à une seule brasserie diminuera à compter du 1er novembre 1992, date à laquelle, par suite de l'application de l'arrêté concernant la fourniture de bière (Supply of Beer Order), les brasseurs nationaux qui possèdent plus de 2 000 débits de boissons devront libérer de toutes leurs obligations d'approvisionnement la moitié de leurs établissements au-dessus du seuil de 2 000. Aussi, les débits de boissons tenus d'acheter leur bière à une seule brasserie seront libres d'acheter une autre bière et d'acheter d'autres boissons non alcooliques d'une autre source à partir du 1er mai 1990. Une fraction substantielle de la consommation totale de bière au Royaume-Uni continuera cependant d'être vendue par des débits de boissons liés.

5. Au total, les six principales brasseries britanniques (6), qui détenaient environ 82 % du marché de la bière au Royaume-Uni en 1987, vendent de nombreux types de bière et de nombreuses marques de lager. Whitbread a représenté 12 % des ventes au détail de bière au Royaume-Uni en 1987.

Les accords

Dispositions générales

(7) 1. L'accord en question se compose de trois contrats, le " Marketing and Technical Agreement " et le " Trade Mark User Agreement " (contrat relatif à la commercialisation et aux questions techniques et contrat relatif à l'utilisation de la marque) en date du 12 mai 1987 et le " Assignment Agreement " (contrat d'attribution) en date du 1er mai 1988. La Commission considère que ces trois contrats constituent un seul accord, qui est désigné, dans la présente décision, sous le nom de " l'accord ".

2. En vertu de l'accord, Moosehead concède à Whitbread le droit unique et exclusif de produire, de promouvoir et de vendre la bière produite en vue d'être vendue sous la marque " Moosehead " dans le territoire concédé (le Royaume-Uni, les îles Anglo-Normandes et l'île de Man) (ci-après dénommé " le territoire ") en utilisant le savoir-faire secret de Moosehead. En contrepartie de ce droit exclusif, Whitbread verse une redevance à Moosehead.

3. Whitbread accepte de se conformer aux spécifications de Moosehead en ce qui concerne la qualité de la bière, ainsi que le type et la qualité des matières premières utilisées.

4. Whitbread convient de ne pas solliciter la clientèle, de ne créer aucune succursale ou de ne disposer d'aucun dépôt en vue de la distribution du produit en dehors du territoire concédé. Whitbread peut cependant satisfaire les demandes non sollicitées émanant d'acheteurs d'autres États membres de la Communauté.

5. Pendant la durée de l'accord, Whitbread convient de ne produire ou de ne promouvoir dans le territoire concédé aucune autre bière identifiée comme étant une bière canadienne.

Dispositions relatives à la marque

(8) 1. En vertu de l'accord, Whitbread convient de ne vendre le produit que sous la marque " Moosehead " et de n'utiliser cette marque que sur le produit ou pour celui-ci.

Les droits de propriété relatifs à la marque au Royaume-Uni sont attribués conjointement à Whitbread et Moosehead. Cette attribution est destinée, selon les parties, à donner à Whitbread une meilleure garantie concernant son droit d'utilisation de la marque pendant la durée de l'accord. Moosehead concède à Whitbread une licence exclusive d'exploitation de la marque concernant le produit au Royaume-Uni pendant la durée de l'accord.

2. L'accord prévoit que, au Royaume-Uni, Moosehead ne déposera ou n'utilisera, sans l'accord de Whitbread, aucune marque ressemblant ou qui pourrait raisonnablement être confondue avec la marque " Moosehead " et que Whitbread ne présentera aucune demande d'enregistrement d'une telle marque.

3. En outre, Whitbread reconnaît les droits de Moosehead sur la marque et la validité du dépôt fait par Moosehead en tant que titulaire de cette marque. Whitbread s'engage à respecter toutes les conditions qui peuvent être stipulées dans les termes prévus par le dépôt de la marque, à ne rien faire qui puisse porter atteinte à ce dépôt ou à ces droits et à ne pas présenter de demande de modification ou d'annulation du dépôt de cette marque.

4. L'accord prévoit que, à son expiration, Whitbread rétrocédera à Moosehead tous ses droits et intérêts dans la marque et dans l'achalandage y afférent et s'associera avec Moosehead dans toute demande tendant à faire reconnaître Moosehead comme seul titulaire de ladite marque. Par conséquent, dès l'expiration de l'accord, Whitbread cessera d'utiliser la marque en question.

Dispositions relatives au savoir-faire

(9) 1. Moosehead convient de fournir à Whitbread tout le savoir-faire approprié nécessaire pour fabriquer le produit et, en outre, convient de fournir à Whitbread toute la levure nécessaire.

2. Whitbread convient de se conformer aux instructions et aux spécifications données par Moosehead en ce qui concerne le savoir-faire et de ne se procurer la levure qu'auprès de Moosehead ou d'un tiers désigné par celui-ci.

3. Whitbread convient de n'utiliser le savoir-faire communiqué par Moosehead que pour la fabrication du produit et d'en préserver le caractère confidentiel.

(10) La politique de promotion du produit, les stratégies de marque et les prévisions de vente dans le territoire doivent être approuvées conjointement par les deux parties. Toutefois, Whitbread est seul responsable de la mise en œuvre de cette politique et en supporte les coûts.

Durée de l'accord

(11) L'accord, entré en vigueur le 1er mai 1987, a une durée indéterminée, sauf s'il y est mis fin conformément aux dispositions suivantes:

- chacune des deux parties peut y mettre fin moyennant un préavis de un à dix ans, si Whitbread n'a pas vendu des quantités déterminées du produit,

- chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis plus court si l'une d'elles manque à l'une de ses obligations contractuelles ou si un changement important survient dans le contrôle total ou partiel que d'autres sociétés exercent sur elles.

(12) Dès l'expiration de l'accord, Whitbread est tenu de cesser la fabrication du produit, de restituer tout le savoir-faire à Moosehead et de ne plus l'utiliser à l'avenir. En outre, Whitbread s'interdit d'utiliser la marque après l'expiration de l'accord et doit rétrocéder à Moosehead tout droit et tout intérêt qu'il a acquis dans ladite marque. Whitbread est également tenu de ne pas divulguer le savoir-faire à des tiers.

Observations des parties

Les parties ont présenté les observations suivantes.

(13) 1. Étant donné que Moosehead ne possède aucune succursale en Europe et que ni Moosehead, ni aucune de ses sociétés affiliées ne disposent d'installations de production dans la Communauté, ni d'un réseau de distribution de bière, ni d'aucune expérience dans le domaine de la vente de la bière au Royaume-Uni, il ne serait pas, à brève échéance, commercialement réalisable pour Moosehead de créer ses propres installations de fabrication du produit. Compte tenu de la nature du marché de la vente au détail de la bière, de l'étendue de la zone de distribution et du faible volume des ventes, il ne serait pas économique pour Moosehead de créer son propre réseau de distribution ou de vendre par l'intermédiaire de grossistes indépendants.

2. Whitbread a une expérience limitée des lagers canadiennes et n'a, en particulier, aucun accès à la levure unique de culture qui donne à la lager Moosehead un goût particulier permettant de la distinguer des autres lagers, ni aux informations techniques que possède Moosehead et qui sont nécessaires à la fabrication du produit auquel l'accord se rapporte. Whitbread ne possède donc pas les compétences nécessaires pour fabriquer ce nouveau produit destiné au marché britannique sans le concours de Moosehead. Toutefois, grâce à ses brasseries et à son expérience générale, Whitbread peut produire de la bière de marque Moosehead destinée à être vendue sur le territoire concédé si Moosehead lui apporte son concours. Par ailleurs, Whitbread ne possède pas de marque connue de bière canadienne.

3. Les parties font valoir que, compte tenu des éléments susmentionnés, l'accord contribue à améliorer la production et la distribution des produits, pour deux raisons. Premièrement, s'il n'y avait pas eu d'accord, la bière n'aurait pas pu être disponible aussi rapidement ou sur un territoire aussi vaste et n'aurait, par conséquent, été disponible que pour une clientèle moins nombreuse et plus tard. Deuxièmement, comme l'accord permet de fabriquer le produit sur le territoire concédé, il est probable que celui-ci sera plus frais et meilleur marché, en raison de la réduction de la distance de transport.

La forte concurrence qui règne dans la partie du marché de la bière qui concerne les lagers garantira que les consommateurs bénéficieront des avantages de l'accord et empêchera celui-ci d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

Les dispositions de l'accord qui restreignent la concurrence sont indispensables pour donner à Whitbread une confiance suffisante pour investir des sommes importantes dans la production d'un nouveau type de bière sur un marché déjà concurrentiel, et pour permettre à Moosehead de confier la production et la vente de son produit à une autre brasserie, en étant assuré que le licencié consacrera ses efforts, en ce qui concerne la promotion et la vente des lagers canadiennes, exclusivement à la bière Moosehead.

4. L'obligation faite à Moosehead de ne pas vendre certaines bières concurrentes pendant la durée de l'accord est indispensable pour atteindre l'objectif prévu à l'accord.

(14) Les tiers n'ont présenté aucune observation à la suite de la publication effectuée conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

Article 85 paragraphe 1

(15) 1. La licence exclusive de marque et de savoir-faire pour la production et la vente de la bière Moosehead, l'interdiction de procéder à des ventes actives en dehors du territoire concédé et la clause de non-concurrence, telles qu'elles sont mentionnées à la dernière phrase des points 8.1, 7.2, 7.4 et 7.5 respectivement, tombent sous le coup de l'interdiction édictée à l'article 85 paragraphe 1 parce qu'elles ont pour objet ou pour effet de restreindre sensiblement le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

En l'espèce, l'exclusivité de la licence a pour conséquence d'empêcher les tiers, à savoir les cinq autres principaux brasseurs dans le territoire concédé, d'utiliser en tant que licenciés la marque Moosehead malgré leur intérêt potentiel et leur capacité de le faire.

De même, l'interdiction faite au licencié de procéder à des ventes actives en dehors du Royaume-Uni et l'interdiction de vendre des marques de bière concurrentes constituent des restrictions sensibles de la concurrence parce que Whitbread pourrait, grâce à sa capacité de production importante, approvisionner d'autres marchés de la Communauté et vendre d'autres marques de bière canadiennes.

Ces restrictions de concurrence sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres de manière sensible, parce qu'elles ont pour effet de développer les échanges entre les États membres dans des conditions différentes de celles qu'on observerait s'il n'y avait pas ces restrictions et, compte tenu de la taille des parties à l'accord, leur influence sur les conditions du marché est importante. Cela vaut, en particulier, pour l'interdiction des ventes actives en dehors du territoire concédé.

2. Les autres dispositions de l'accord ne tombent pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1 parce qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de restreindre sensiblement la concurrence à l'intérieur du Marché commun. Tel est le cas, par exemple, de l'obligation faite à Whitbread de respecter certaines normes de qualité, de certaines dispositions relatives au savoir-faire et de la clause de non-contestation de la marque.

3. Les dispositions des points 9.1, 9.2 et 9.3 relatives au savoir-faire ne tombent pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1 parce qu'elles ne sont pas exclusives et qu'il s'agit simplement de dispositions accessoires de l'octroi de la licence, qui permettent à celle-ci de prendre effet.

C'est ainsi, en particulier, que l'obligation d'achat exclusif de la levure, qui est visée au point 9.2, ne tombe pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1 parce qu'il est nécessaire de garantir que la technologie concédée sera exploitée de manière satisfaisante sur le plan technique et que la lager produite par Whitbread sera identique à celle produite originellement par Moosehead.

4. Clause de non-contestation de la marque

a) En général, une telle clause peut se référer à la propriété et/ou à la validité de la marque.

- Il est notamment possible de contester la propriété d'une marque en invoquant soit l'usage soit le dépôt antérieur d'une marque identique. La présence dans un accord de licence exclusive de marque d'une clause faisant obligation au licencié de ne pas contester la propriété d'une marque (voir point ci-dessus) ne constitue pas une restriction de concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1. Que le titulaire de la marque soit le donneur de licence ou le licencié, l'exploitation de ladite marque est de toute façon interdite aux tiers et la concurrence n'en serait donc pas affectée.

- La validité d'une marque peut être contestée pour tout motif en droit national, et, en particulier, au motif qu'elle a un caractère générique ou descriptif. Dans un tel cas, si la contestation est jugée recevable, la marque peut tomber dans le domaine public et être ensuite utilisée par n'importe qui.

La clause en question peut constituer une restriction de concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1 parce qu'elle peut contribuer au maintien d'une marque qui constitue une barrière injustifiée à l'entrée dans un marché déterminé.

En outre, pour qu'une restriction de concurrence tombe sous le coup de l'article 85 paragraphe 1, il faut qu'elle ait un caractère sensible. La propriété d'une marque donne à son seul titulaire le droit exclusif de vendre le produit sous cette marque. Les autres parties sont libres de vendre le produit en question sous une marque différente. Ce n'est que si l'utilisation d'une marque bien connue constituait un avantage important pour une entreprise pénétrant ou déjà présente sur un marché déterminé et si son absence constituait, par conséquent, un obstacle important à la pénétration sur ce marché, que cette clause constituerait en soi une restriction sensible de la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1.

b) Dans le cas d'espèce, Whitbread ne peut contester ni la propriété ni la validité de la marque.

En ce qui concerne la validité de la marque, il faut noter que la marque est relativement nouvelle sur le marché de la lager dans le territoire concédé. Le maintien de la marque Moosehead ne constitue pas dans ce cas une barrière appréciable pour une autre entreprise pénétrant ou déjà concurrente sur le marché de la bière dans le territoire concédé. En conséquence, la Commission considère que, pour ce qui concerne sa validité[voir point 15.4 sous a) deuxième tiret], la clause de non-contestation de la marque ne constitue pas une restriction sensible de la concurrence et ne tombe pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1.

En outre, cette clause, en ce qui concerne la propriété, ne constitue pas une restriction de concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1 pour les raisons énoncées au point 15.4 sous a) premier tiret.

Article 85 paragraphe 3

(16) 1. L'exemption par catégorie prévue par le règlement (CEE) n° 556-89 (7) s'applique aux accords combinant licences de savoir-faire et de brevet, lorsque, comme établi à l'article 1er paragraphe 1, la licence de brevet est accessoire à celle du savoir-faire. En l'espèce, l'intérêt primaire des parties réside dans l'exploitation de la marque plutôt que dans celle du savoir-faire. Les parties considèrent l'origine canadienne du produit comme essentielle pour le succès de la campagne de promotion qui présente Moosehead comme une bière canadienne. Dans ces circonstances, la clause de l'accord relative à la marque n'est pas accessoire et le règlement (CEE) n° 556-89 ne s'applique donc pas.

2. Compte tenu des particularités du marché de la bière au Royaume-Uni qui sont décrites aux points 6.1 à 6.5, la Commission considère que l'accord est susceptible de contribuer à l'amélioration de la production et de la distribution de la bière Moosehead au Royaume-Uni et de promouvoir le progrès économique.Les considérations suivantes, en particulier, sont pertinentes à cet égard:

- le chiffre d'affaires actuel de Moosehead ne justifierait pas les frais de premier établissement nécessaires à la construction d'installations spéciales pour la production de bière destinée à être vendue dans le territoire concédé. Par conséquent, comme l'accord prévoit que Whitbread produira la bière dans ses installations existantes, il est susceptible d'améliorer la production du produit en question dans le Marché commun.En outre, étant donné que la production se fera sur le lieu de vente et que la bière ne devra plus être importée du Canada, l'accord aura pour effet de réduire les coûts de transport et contribuera, par conséquent, au progrès économique,

- grâce à l'accord, la bière Moosehead bénéficiera automatiquement du réseau de distribution de Whitbread. Comme le marché se caractérise par l'absence de réseau de distribution indépendant, la Commission considère que l'accord est susceptible de contribuer à l'amélioration de la distribution de la bière Moosehead dans le territoire concédé,

- Whitbread possède un certain nombre de débits de boissons " liés ". L'accord permettra,par conséquent, à Moosehead de disposer pour sa bière d'un accès immédiat et garanti à un plus grand nombre de points de vente sans avoir à consacrer le temps et à supporter les dépenses nécessaires à la recherche d'un grand nombre de débitants indépendants.La Commission considère que l'accord est susceptible, de cette manière également, de contribuer à l'amélioration de la distribution de la bière Moosehead dans le territoire concédé.

Les consommateurs bénéficieront de l'accord parce qu'ils auront l'accès à un plus large choix avec l'entrée d'une nouvelle bière dans le marché du territoire concédé.

Étant donné qu'il existe de nombreuses bières similaires concurrentes et que les parties peuvent vendre la bière Moosehead à des tiers en vue de son exportation vers d'autres pays de la Communauté, les parties n'auront pas la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

En examinant la compatibilité de l'accord avec les deux exigences visées à l'article 85 paragraphe 3, la Commission a tenu tout particulièrement compte des mesures de libéralisation du marché de la bière que le gouvernement britannique met en œuvre actuellement. Ces mesures devraient être entièrement effectives pendant la période de validité de l'exemption accordée par le biais de la présente décision.

Après avoir examiné l'incidence favorable des dispositions restrictives de concurrence, et notamment de la clause de non-concurrence, sur la production et la commercialisation de la bière, la Commission considère que ces dispositions sont indispensables pour atteindre les objectifs visés à l'article 85 paragraphe 3. Une décision peut donc être adoptée en application de l'article 85 paragraphe 3.

3. L'accord reste en vigueur jusqu'à ce que l'une des parties y mette fin. Il a été notifié à la Commission le 2 juin 1988. Il convient, en vertu des articles 6 paragraphe 1 et 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, d'adopter une décision pour une période de dix ans,

A arrêté la présente décision:

Article premier

Conformément à l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 sont déclarées inapplicables, pour la période comprise entre le 3 juin 1988 et le 2 juin 1998, à l'accord notifié à la Commission le 2 juin 1988 par Moosehead Breweries Limited et Whitbread and Company plc.

Article 2

Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision:

1) Moosehead Breweries Limited, 89, Main Street, Saint John West, Nouveau-Brunswick, E2M 3M2, Canada;

2) Whitbread and Company plc, The Brewery, Chiswell Street, Londres EC1Y 6SD, Royaume-Uni.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 179 du 15. 7. 1989, p. 13.

(3) JO n° L 207 du 2. 8. 1984, p. 26.

(4) Les statistiques mentionnées dans ce point sont des estimations de Whitbread plc.

(5) Rapport MMC, page 10.

(6) Allied, Bass, Elders, Grand-Metropolitan, Scottish & Newcastle et Whitbread.

(7) JO n° L 61 du 4. 3. 1989, p. 1.