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Décisions

Cass. crim., 2 avril 2003, n° 01-87.362

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme de La Lance

Avocats :

SCP Vuitton, Me Ricard

TGI Montpellier, du 19 mars 2001

19 mars 2001

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : - La société X, devenue la société X1, contre l'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Montpellier, en date du 19 mars 2001, qui a autorisé l'administration de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à effectuer des opérations de visite et saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; Vu les mémoires produits ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1, points 2 et 4, L. 450-4 du Code de commerce, 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 485 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé les visites et saisies prévues à l'article L. 450 A du Code de commerce dans les locaux de la société X, <adresse>;

"alors que l'ordonnance d'autorisation est réputée établie par le magistrat qui l'a rendue et signée ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée qui ne comporte pas le visa du magistrat qui l'a rendue est signée d'un paraphe illisible ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée ne fait pas la preuve de sa régularité, en violation des textes susvisés" ;

Attendu qu'à défaut d'inscription de faux, l'ordonnance est réputée signée par le magistrat dont le nom figure en tête de la décision ; D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1, points 2 et 4, L. 450-4 du Code de commerce, 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 485 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé les visites et saisies prévues à l'article L. 450-4 du Code de commerce dans les locaux de la société X, <adresse>;

"alors que si le juge vise une demande d'enquête signée par le Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, il doit constater que ce dernier a reçu délégation du ministre chargé de l'Economie et préciser l'empêchement du ministre justifiant la délégation ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée qui vise une demande d'enquête signée par M. X..., Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, sans procéder aux constatations qui s'imposaient, n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que l'ordonnance vise l'arrêté du 4 avril 2000 portant délégation de signature au profit de Jérôme X..., Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'il n'est pas allégué que cet arrêté soit assorti de restrictions et que le juge n'a pas à constater l'empêchement du ministre justifiant la délégation, l'ordonnance n'encourt pas le grief invoqué ;Que le moyen ne saurait donc être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1, points 2 et 4, du Code de commerce, L. 450-4, L. 450-7 de ce même Code, 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 485 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé les visites et saisies prévues à l'article L. 450-4 du Code de commerce dans les locaux de la société X, <adresse>;

"aux motifs que les documents communiqués à nous par l'Administration, à l'appui de sa requête, ont été obtenus dans les conditions prévues à l'article L. 450-7 du Code de commerce ou sont accessibles au public ; qu'ainsi, les documents décrits ci-dessus ont été communiqués par courrier adressé le 30 mai 2000 par le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault, au Directeur Départemental de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à Montpellier, à la demande de ce dernier ; que les extraits KBis du registre du commerce et des sociétés sont accessibles au public ; que ces documents nous apparaissent ainsi être détenus licitement par l'Administration" ;

Attendu que les énonciations de l'ordonnance attaquée, reprises partiellement au moyen, établissent, que le président du tribunal a souverainement apprécié l'origine apparemment licite des pièces produites à l'appui de la requête, toute contestation, quant à la licéité de ces pièces, relevant du contentieux dont peuvent être saisies les juridictions éventuellement appelées à statuer sur les résultats de la mesure autorisée ; Que le moyen n'est ainsi pas fondé ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1, points 2 et 4, du Code de commerce, L. 450-4 de ce même Code, 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 493 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé les visites et saisies prévues à l'article L. 450 du Code du commerce dans les locaux de la société X, <adresse>;

"aux motifs que nous laissons le soin à Jean Y..., directeur régional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Languedoc-Roussillon et collectivité territoriale de Corse, de désigner parmi les enquêteurs habilités par les arrêtés susvisés des 22 janvier 1993 et 11 mars 1993 modifié, ceux placé sous son autorité pour effectuer les visites et les saisies autorisées dans les limites de sa compétence territoriale ;

Constatons les concours de Xavier Z..., chef de service régional de l'Hérault, habilité par l'arrêté du 22 janvier 1993 à qui nous laissons le soin de désigner parmi les enquêteurs habilités par les arrêtés des 22 janvier 1993 et 11 mars 1993 modifié ceux placés sous son autorité pour effectuer les visite et saisie autorisées dans les limites de sa compétence territoriale ;

"alors que seuls les agents de catégorie A sont habilités à procéder aux opérations de visite ; le juge doit préciser que les agents désignés sont habilités à procéder aux visites et saisies ; qu'en l'espèce, en donnant tout pouvoir à Jean Y... et à Xavier Z... pour désigner les agents placés sous leur autorité sans aucune garantie sur la catégorie de ces derniers, l'ordonnance attaquée a violé la loi" ;

Attendu que le président du tribunal peut laisser au directeur régional, qui a sollicité l'autorisation exigée par la loi, et ce, avec le concours du chef de service, le soin de désigner les agents, placés sous son autorité, chargés d'effectuer les visites et les saisies autorisées, dès lors que ces agents sont dûment habilités en qualité d'enquêteurs ;D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1, points 2 et 4, du Code de commerce, L. 450-4 de ce même Code, 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 485 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé les visites et saisies prévues à l'article L. 450 du Code de commerce dans les locaux de la société X, <adresse>;

"aux motifs que s'agissant du 2 de l'article L. 420-1 du Code de commerce, pour le marché relatif à l'équipement de carrefours, le groupement Somel/Sotem/Cegelec, seul concurrent du groupement Snef/Gertrude Saem/Sfim : Sagem, a déposé un mémoire technique insuffisant pour permettre un jugement selon le rapport de proposition de choix du titulaire (...) ; que pour le marché relatif à l'éclairage public fonctionnel, quatre entreprises ou groupement d'entreprises ont fait des offres tarifaires ; que pour chacun de ces lots, seul le groupement Somel/Sotem/Cegelec a proposé des tarifs inférieurs à l'estimation du Gitram ; que les trois autres entreprises, bien que proposant une offre tarifaire globale inférieure à l'estimation, ont chacune, sur un lot différent, fait une offre de prix supérieure à l'estimation du lot correspondant ; qu'il convient de rappeler que les entreprises Roger Sogetralec et E.I. Reseaux Sud-Est n'ont pas remis de mémoire technique ; que leur offre n'a pas, dès lors, été acceptée ; que le mémoire technique de l'entreprise Fabre n'était pas aussi complet que celui du groupement Somel/Sotem/Cegelec ; (...) que pour le marché relatif à la construction d'un bâtiment atelier au centre de maintenance de La Paillade (lot n° 21 réseaux secs), l'appel d'offres a été déclaré infructueux en raison du caractère élevé de ces deux offres par rapport à l'estimation ; que lors de la relance de la consultation menée selon la procédure de marché négocié, le groupement Somel/Cegelec et l'entreprise Sotem, concurrents lors de la procédure d'appel d'offres déclarée infructueuse, se sont groupés pour déposer une offre ; que celle-ci est d'un montant de 4 438 751 francs TTC, soit un taux de 16,84 % supérieur à l'estimation ; que cette même offre est inférieure de 6 % à celle que l'entreprise Sotem avait faite lors du premier appel d'offres, de 29,5 % à celle du groupement Somel/Cegelec, alors que les prescriptions techniques étaient identiques (...) ; que pour le marché relatif à la construction et à la pose de mâts d'éclairage place de la Gare et place Emile Martin, quatre entreprises ou groupements d'entreprises ont fait des offres tarifaires (groupement Somel/Cegelec/Serrurerie de la Parette, Sotem, Sogetralec, Montel Sud) ; que seul le groupement propose une offre inférieure à l'estimation ; que l'offre de l'entreprise Sotem est supérieure à l'estimation de + 15,09 %, celle de Sogetralec de + 15,61 %, celle de Montel Sud de + 97,23 % ; que l'ensemble de ces constatations pourrait révéler des pratiques prohibées au sens du 2 de l'article L. 420-1 du Code de commerce (...) ; que s'agissant du 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce, pour le marché soumis à appel d'offres pour l'équipement de carrefours, le groupement Snef/Gertrude Saem/Sfim/Sagem a fait une proposition moins disante, conforme au CCTP ; que le seul concurrence du groupement précité, à savoir Somel/Sotem/Cegelec a déposé une offre d'un montant légèrement supérieur à l'offre de son concurrent, mais comportant un mémoire technique très sommaire, insuffisant pour permettre un jugement ; que pour le marché soumis à appel d'offres pour l'éclairage public fonctionnel, le groupement Somel/Sotem/Cegelec a remis une offre moins disante, inférieure à l'estimation et conforme au CCTP ; que l'entreprise Fabre a remis une offre légèrement supérieure à celle du groupement Somel/Sotem/Cegelec, mais techniquement moins élaborée ; que les entreprises Roger Sogetralec et E.1. Reseaux Sud-Est ont fait des offres acceptables sur le plan des prix néanmoins supérieures à celle du groupement, mais techniquement non conformes aux demandes du règlement de consultation ; que les entreprises Snef, Gertrude Saem, Sfim et Sagem n'ont pas répondu (...) ; que pour un marché soumis à appel d'offres pour la construction d'un bâtiment de maintenance à la Paillade, lot n° 21 réseaux secs, le groupement Somel/Sotem/Cegelec et l'entreprise Sotem ont répondu à des prix très largement supérieurs à l'estimation ; que pour le marché négocié qui a suivi l'appel d'offres déclaré infructueux, Somel et Cegelec se sont regroupés avec Sotem pour répondre à un prix toujours supérieur à l'estimation; que l'entreprise Bonbon a fait l'offre la plus chère, conforme au CCTP ; que les entreprises Javel et Travesset ont fait des offres conformes et inférieures à l'estimation, mais nettement supérieures à celle de E.1. Reseaux Sud-Est titulaire du marché ; que l'offre de l'entreprise Javel est supérieure à celle de E.1. Reseaux Sud-Est de 13,67 % ; que l'offre de l'entreprise Travesset est supérieures à celle de E.1. Reseaux Sud-Est de 14,5 % ; que pour le marché concernant l'éclairage public fonctionnel ; E.1. Reseaux Sud-Est avait fait une offre peu compétitive et non conforme ; que l'entreprise Bonbon avait obtenu en sous-traitance pour un million de francs de travaux le marché de l'équipement de carrefours (...) ; que pour un marché soumis à appel d'offres pour l'étude, la construction et la pose des mâts d'éclairage place de la Gare et place Emile Martin, le groupement Somel/Cegelec/Serrurerie de la Parette a obtenu le marché en remettant une offre conforme, d'un montant très légèrement inférieur à l'estimation ; que les concurrents du groupement sur cet appel d'offres à savoir Sotem, Sotragelec et Montel ont tous remis des offres incomplètes, très supérieures à l'estimation (...) ; que pour un marché soumis à appel d'offres pour la fourniture et la pose d'appareils d'éclairage spécifique le long de la ligne de tramway, le groupement Somel/Sotem/Cegelec a remis une offre moins disante, inférieure à l'estimation administrative ; que l'entreprise Fabre SA a fait une proposition au niveau de l'estimation administrative ; qu'il n'y a pas eu d'autres offres ; que l'on peut ainsi supposer que l'entreprise Fabre a remis une offre de couverture; que les résultats des procédures montrent que sur les cinq marchés examinés, on retrouve systématiquement les entreprises Somel/Sotem/Cegelec regroupées pour répondre aux consultations, que ce soit pour des consultations de montants élevés ou de faibles montants ; que d'après les documents décrits ci-dessus, l'entreprise Cegelec possède le potentiel technique et financier pour répondre seule aux appels d'offre ; que l'examen des chiffres d'affaires pour 1998 et 1999 des entreprises Somel/Sotem/Cegelec montre que le groupement d'entreprises se justifiait pour les marchés concernant l'équipement de carrefours et l'éclairage public fonctionnel ; qu'il ne se justifiait moins pour les marchés de réseaux secs (estimation 3 800 000 francs TTC) d'étude et de pose de mâts d'éclairage (estimation : 2 969 170 francs TTC) et d'éclairage spécifique (estimation 2 965 000 francs TTC) ; qu'en l'espèce, la constitution de tels groupements dans une situation peu concurrentielle pourrait s'analyser en une répartition de marchés ; que l'ensemble de ces éléments est susceptible de révéler un partage de marché entre les entreprises fondé sur la constitution de groupements non justifiés et relève de pratiques prohibées au sens du 4 de l'article 420-1 du Code de commerce (...) ; qu'il convient d'écarter pour le groupement Snef/Gertrude Saem/Sfim/Sagem, attributaire du marché équipement de carrefours tramway, les entreprises non-mandataires de ce groupement, à savoir Gertrude Saem, Sfim et Sagem ; que ces mêmes entreprises n'ont pas participé aux quatre autres appels d'offres lancés par la SMTU ; qu'il convient également de ne pas retenir l'entreprise Serrurerie de la Parette non mandataire du groupement attributaire du marché de pose de mâts d'éclairage pour la place de la Gare et la place Emile Martin et n'ayant participé qu'à ce seul appel d'offres ; que les entreprises susceptibles d'être impliquées dans les pratiques prohibées précédemment décrites sont les suivantes : Snef, Cegelec, Somel, Sotem (cette entreprise n'apparaît pas en tant que mandataire mais a participé à trois groupements attributaires), E.I. Reseaux Sud-Est ;

"alors, d'une part, que le juge doit préciser le marché sur lequel peuvent porter les recherches et il ne peut autoriser des visites et saisies ayant un objet général ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée a apprécié le comportement des entreprises en réunissant cinq marchés en un seul alors même que chaque marché devait constituer un marché de référence ; qu'ainsi rendue, l'ordonnance attaquée a violé les textes susvisés au moyen ;

"alors, d'autre part que, en déclarant suspect la réunion d'entreprises en groupement sur un marché alors que ce regroupement est en soi légal, l'ordonnance attaquée a violé la loi ;

"alors, d'autre part encore que, en se bornant à constater le dépôt de mémoires plus ou moins détaillés selon les sociétés, des niveaux de prix différents sur les marchés sans avoir caractérisé une présomption d'entente ayant pour objet de favoriser artificiellement la hausse ou la baisse des prix, l'ordonnance attaquée n'a pas légalement justifié sa décision au regard du point 2 de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

"et alors que l'ordonnance attaquée n'a pas relevé une présomption d'entente entre entreprises ayant pour objet la répartition du marché ; qu'au contraire, elle exclut plusieurs sociétés de tout comportement fautif ; que dès lors en autorisant néanmoins les visites et saisies pour partie des sociétés, l'ordonnance attaquée n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des points 2 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce" ;

Attendu, d'une part, qu'en autorisant la visite des locaux de cinq sociétés sur lesquelles pèsent des présomptions de pratiques prohibées concernant les marchés d'électricité passés par la société Montpelliéraine de Transport Urbain pour la construction de la première ligne de tramway à Montpellier, le président du tribunal n'a pas délivré une autorisation indéterminée, son ordonnance ne permettant pas aux agents de l'Administration d'étendre leur recherche à des faits sans rapport avec ceux qu'il a retenus ;

Attendu, d'autre part, que le moyen, qui ne tend, pour le surplus, qu'à remettre en question la valeur des éléments retenus par le juge comme présomptions d'agissements frauduleux justifiant la recherche de leur preuve par la mesure autorisée, doit être écarté ;

Et attendu que l'ordonnance attaquée est régulière en la forme ;

Rejette le pourvoi.