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Décisions

CJCE, 6e ch., 6 juillet 1995, n° C-62/93

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BP Soupergaz Anonimos Etairia Geniki Emporiki-Viomichaniki kai Antiprossopeion

Défendeur :

Etat hellénique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Schockweiler

Avocat général :

M. Jacobs

Juges :

MM. Mancini (rapporteur), Kakouris, Murray, Hirsch

CJCE n° C-62/93

6 juillet 1995

LA COUR (sixième chambre),

1 Par jugement du 7 avril 1992, parvenu à la Cour le 11 mars 1993, le Dioikitiko Protodikeio Athinas a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, des questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 11, 17 et 27 de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ° Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la "sixième directive").

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant la société BP Soupergaz Anonimos Etairia Geniki Emporiki-Viomichaniki kai Antiprossopeion (ci-après "Soupergaz") à l'État hellénique au sujet d'un recours visant, d'une part, à l'annulation de la décision n 46645 du président du bureau de l'administration fiscale pour les sociétés anonymes commerciales d'Athènes, du 28 janvier 1991 (ci-après la "décision litigieuse"), par laquelle ce dernier a rejeté sa demande de révocation partielle de ses déclarations de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la "TVA") pour l'exercice allant du 1er janvier au 31 décembre 1987 et, d'autre part, au remboursement du montant de 12 472 889 DR qui n'aurait pas été dû au titre de la TVA.

3 Soupergaz exerce notamment des activités de commercialisation en Grèce de produits pétroliers et d'autres produits connexes. Pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1987, elle a présenté des déclarations de TVA faisant état d'un chiffre d'affaires total de 2 012 096 225 DR, dont un montant de 1 760 906 349 DR, soit 87 %, était afférent à des ventes de produits pétroliers qui, en vertu de l'article 37, paragraphe 4, de la loi hellénique n° 1642-1986 relative à l'application de la TVA et autres dispositions (Journal officiel de la République hellénique, première partie, n 125), n'ouvraient pas droit à la déduction de la TVA payée en amont. Un montant de 251 139 876 DR, soit 13 % du chiffre d'affaires total, se rapportait à d'autres opérations qui, selon la loi n° 1642-1986, précitée, ouvrait droit à déduction.

4 Au cours de la même période, Soupergaz a payé un montant de 14 336 654 DR à titre de TVA pour des livraisons de biens et des prestations de services effectuées en sa faveur. Dans un premier temps, elle n'a demandé que la déduction de 1 863 765 DR, soit 13 % de ce montant, correspondant au pourcentage des opérations ouvrant droit à déduction en vertu de la loi sur la TVA. Par la suite, le 31 décembre 1990, elle a révoqué partiellement ses déclarations initiales en arguant d'une erreur excusable, et a demandé la déduction du montant de 14 336 654 DR, correspondant à l'ensemble de la TVA payée en amont. Elle a également demandé le remboursement du montant de 12 472 889 DR, correspondant à 87 % de la TVA payée en amont, qu'elle considérait comme indûment perçu.

5 Par la décision litigieuse, le président du bureau de l'administration fiscale a rejeté cette demande. Soupergaz a alors saisi le Dioikitiko Protodikeio Athinas en demandant l'annulation de ladite décision et le remboursement du montant précité de 12 472 889 DR.

6 Soupergaz a fait valoir que les articles 23, paragraphe 1, 24, paragraphe 1, et 37 de la loi hellénique n° 1642-1986, précitée, ainsi que l'article 11 de la loi hellénique n° 1571-1985 (Journal officiel de la République hellénique n 192) et le décret présidentiel n° 619-1985 (Journal officiel de la République hellénique n 227), tels qu'ils étaient en vigueur pour l'exercice 1987, contreviennent à plusieurs dispositions de la sixième directive.

7 Après avoir observé que l'article 37 de la loi n° 1642-1986 contient des règles dérogeant, en principe, aux dispositions de la sixième directive, la juridiction nationale a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) L'État hellénique pouvait-il, à quelque titre que ce soit:

a) d'une part, soumettre l'importation de produits pétroliers finis à la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix de base précité qui diffère de celui prévu par l'article 11 (sous A, paragraphe 1, et B, paragraphes 1 et 2) de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes, et, d'autre part, dispenser les sociétés qui commercialisent des produits pétroliers, les exploitants de stations-service et les autres détaillants de l'obligation d'introduire des déclarations et les priver ainsi du droit de déduire la taxe, comme cela est prévu, respectivement, par les paragraphes 1 et 4 de l'article 37 de la loi n° 1642-1986;

b) exonérer de la taxe, conformément au paragraphe 6 du même article, les services de transport et de stockage des produits pétroliers, qui ne sont pas liés au transport, etc., de ces produits du premier lieu de destination vers un autre lieu connu?

2) En cas de réponse négative à la question précédente, c'est-à-dire, si l'État hellénique n'avait pas cette possibilité (ce droit), les dispositions précitées des articles 11 (sous A, paragraphe 1, et B, paragraphes 1 et 2) et 17 (paragraphes 1 et 2) de ladite directive sont-elles inconditionnelles et suffisamment précises pour que la société demanderesse puisse les invoquer en tant que disposition de rang supérieur devant le Dioikitiko Protodikeio qui a été saisi de sa demande; en outre, en cas de réponse affirmative à cette dernière question, la société assujettie peut-elle, en application de ces dispositions, demander avec effet rétroactif au 1er janvier 1987, date à laquelle la loi n° 1642-1986 est entrée en vigueur, la déduction de la taxe pour les opérations en amont précitées, qu'elle n'a pas déduite, et le remboursement de la taxe qu'elle a indûment versée à ce titre pour l'exercice 1987?"

Sur la recevabilité

8 Dans ses observations, le Gouvernement hellénique a invoqué l'irrecevabilité des questions posées.

9 Il a fait valoir en premier lieu que la première question, sous a), est sans rapport avec l'objet du litige.

10 Il y a lieu de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence constante, il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour. Le rejet d'une demande formée par une juridiction nationale est possible s'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation du droit communautaire ou l'examen de la validité d'une règle communautaire, demandés par cette juridiction, n'ont aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal (voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a., C-67-91, Rec. p. I-4785, points 25 et 26, et du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a., C-332-92, C-333-92 et C-335-92, Rec. p. I-711, point 17). Mais tel n'est pas le cas dans l'espèce au principal.

11 En effet, le refus du droit à la déduction qui fait l'objet du litige au principal est étroitement lié au régime spécial de taxation des produits pétroliers. Le juge national a donc pu estimer qu'il était nécessaire d'obtenir de la Cour une interprétation de la sixième directive lui permettant de statuer sur la compatibilité avec le droit communautaire de l'ensemble dudit régime.

12 En second lieu, le Gouvernement hellénique a soutenu qu'il n'y a pas lieu, pour la Cour, de répondre à la seconde question, au motif que les dispositions générales de la loi n° 1642-1986, qui seraient applicables en cas de réponse négative à la première question, sont en parfaite harmonie avec la sixième directive.

13 La Cour n'étant pas compétente, dans le cadre de la procédure préjudicielle prévue par l'article 177, pour statuer sur la compatibilité d'une mesure nationale avec le droit communautaire, (voir notamment arrêt du 21 janvier 1993, Deutsche Shell, C-188-91, Rec. p. I-363, point 27), elle ne peut apprécier le bien-fondé de cet argument.

14 Dès lors, la Cour doit examiner les questions posées par la juridiction de renvoi.

Sur la première question, sous a)

15 Par cette question, le juge national demande en substance si les articles 2, 11 et 17 de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui soumet l'importation de produits pétroliers finis à la TVA, calculée sur un prix de base différent de celui prévu à l'article 11 de cette directive et qui, en dispensant les opérateurs économiques du secteur pétrolier de l'obligation de faire des déclarations, les prive du droit de déduire la TVA grevant directement les opérations effectuées en amont.

16 Selon le principe fondamental inhérent au système de TVA et résultant des articles 2 des première et sixième directives, la TVA s'applique à chaque transaction de production ou de distribution, déduction faite de la TVA qui a grevé directement les opérations effectuées en amont.

17 L'article 11 de la sixième directive définit la base d'imposition de la TVA. Cette disposition a pour objet, notamment, de garantir l'application de la TVA à chaque stade de commercialisation sur le prix ou la valeur des marchandises à ce stade. Elle fait donc obstacle à l'application d'un régime de taxation tel que celui en cause dans l'affaire au principal, dans lequel la TVA est fixée une seule fois, sur le prix au premier stade de commercialisation.

18 En effet, le droit à déduction prévu aux articles 17 et suivants de la sixième directive fait partie intégrante du mécanisme de TVA et ne peut en principe être limité. Selon une jurisprudence constante de la Cour (voir, notamment, arrêts du 21 septembre 1988, Commission/France, 50-87, Rec. p. 4797, points 15 à 17, et du 11 juillet 1991, Lennartz, C-97-90, Rec. p. I-3795, point 27), il s'exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont. Toute limitation du droit à déduction a une incidence sur le niveau de la charge fiscale et doit s'appliquer de manière similaire dans tous les États membres. En conséquence, des dérogations ne sont permises que dans les cas expressément prévus par la directive.

19 S'agissant plus particulièrement des dispositions dérogatoires de l'article 37 de la loi n° 1642-1986, le Gouvernement hellénique estime qu'elles ont été autorisées par le Conseil selon la procédure prévue à l'article 27 de la sixième directive. Les autorités helléniques ayant saisi la Commission de l'intégralité du projet de loi n° 1642-1986, elles auraient obtenu l'approbation par le Conseil des dispositions dérogatoires en cause, étant donné que celles-ci n'auraient pas été évoquées par le Conseil dans le délai indiqué.

20 Cet argument ne peut être retenu.

21 Il convient de rappeler d'abord les caractéristiques du système établi par l'article 27 de la sixième directive. Selon le paragraphe 1 de cet article, le Conseil peut autoriser tout État membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la directive. Aux termes du paragraphe 2, l'État membre qui souhaite introduire une des mesures visées au paragraphe 1 en saisit la Commission et lui fournit toutes les données d'appréciation utiles. La Commission en informe les autres États membres dans un délai d'un mois (paragraphe 3). Au cas où ni la Commission ni un État membre n'ont demandé l'évocation de l'affaire par le Conseil, l'autorisation du Conseil est réputée acquise à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de l'information donnée par la Commission (paragraphe 4). Dans le cas contraire, le Conseil ne peut autoriser la mesure qu'en statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission (paragraphe 1 in fine).

22 Selon la jurisprudence de la Cour (voir arrêt du 13 février 1985, Direct Cosmetics, 5-84, Rec. p. 617, point 24), les dérogations à la directive ne sont conformes au droit communautaire qu'à la condition, d'une part, qu'elles se maintiennent à l'intérieur du cadre des objectifs visés par l'article 27, paragraphe 1, et, d'autre part, qu'elles aient fait l'objet d'une notification à la Commission et d'une autorisation du Conseil, tacite ou expresse, acquise dans les conditions précisées par les paragraphes 1 à 4 du même article.

23 A la lumière de ces considérations, il convient de constater que le Gouvernement hellénique n'avait pas saisi spécifiquement la Commission des mesures particulières de l'article 37 de la loi n° 1642-1986, qui prévoyait un régime dérogatoire à la sixième directive pour les produits pétroliers. En effet, ces autorités se sont contentées de notifier à la Commission tout le projet de loi n° 1642-1986, sans fournir aucune donnée d'appréciation particulière relative au régime spécial prévu à l'article 37. Or, seule une notification se référant de manière expresse à l'article 27, paragraphe 2, de la directive aurait permis à la Commission et, le cas échéant, au Conseil, de contrôler si le régime dérogatoire des produits pétroliers prévu à l'article 37 de ce projet de loi se maintenait à l'intérieur du cadre des objectifs visés à l'article 27, paragraphe 1.

24 Dès lors, il convient de répondre à cette partie de la première question que les articles 2, 11 et 17 de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui soumet l'importation de produits pétroliers finis à la TVA, calculée sur un prix de base différent de celui prévu à cet article 11 et qui, en dispensant les opérateurs économiques du secteur pétrolier de l'obligation de faire des déclarations, les prive du droit de déduire la TVA grevant directement les opérations effectuées en amont.

Sur la première question, sous b)

25 Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance s'il convient d'interpréter les dispositions de la sixième directive en ce sens qu'elles s'opposent à l'exonération de la TVA des services de transport et de stockage des produits pétroliers qui ne sont pas liés au transport de ces produits du premier lieu de destination des produits vers un autre lieu connu.

26 La liste commune des exonérations de TVA est prévue aux articles 13 à 16 de la sixième directive. En vertu des dispositions de l'article 14, paragraphe 1, sous i), de cette dernière, les États membres exonèrent "les prestations de services se rapportant à l'importation de biens et dont la valeur est incluse dans la base d'imposition conformément à l'article 11 sous B paragraphe 3 sous b)".

27 En application du premier alinéa de cette dernière disposition, les frais de transport intervenant jusqu'au "premier lieu de destination" à l'intérieur de l'État membre sont compris dans la base d'imposition. Par "premier lieu de destination", il faut entendre le lieu figurant sur la lettre de voiture (même disposition, deuxième alinéa). Les États membres peuvent également comprendre dans la base d'imposition les frais de transport lorsqu'ils découlent du transport vers un autre lieu de destination, si ce dernier est connu (troisième alinéa).

28 Il convient de constater qu'une exonération générale de la TVA sur tous les "services de transport et de stockage des produits pétroliers" telle qu'elle est prévue à l'article 37, paragraphe 6, de la loi n° 1642-1986, va au-delà de l'exonération prévue à l'article 14, précité, de la sixième directive.

29 Par ailleurs, une telle exonération générale prive l'opérateur économique du droit à déduction de la TVA grevant les services de transport et de stockage au-delà du deuxième transport des produits pétroliers.

30 De surcroît, ainsi qu'il a été indiqué aux points 22 et 23 ci-dessus, les mesures dérogatoires à la sixième directive doivent être notifiées à la Commission conformément aux dispositions de l'article 27, paragraphe 2, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce au principal en ce qui concerne l'article 37, paragraphe 6, de la loi n° 1642-1986.

31 Il convient dès lors de répondre à la seconde partie de la première question que les dispositions de la sixième directive, et notamment de ses articles 13 à 17, doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une exonération de la TVA sur les services de transport et de stockage de produits pétroliers qui ne sont pas liés au transport de ces produits de leur premier lieu de destination vers un autre lieu connu.

Sur la première partie de la seconde question

32 Par cette question, le juge de renvoi vise à savoir si les dispositions de l'article 11, sous A, paragraphe 1, et sous B, paragraphes 1 et 2, et de l'article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive confèrent aux particuliers des droits qu'ils peuvent faire valoir devant le juge national.

33 Pour répondre à cette question, il convient de renvoyer à la jurisprudence constante de la Cour relative à l'invocabilité des dispositions de la sixième directive (voir, notamment, arrêts du 19 janvier 1982, Becker, 8-81, Rec. p. 53, et du 20 octobre 1993, Balocchi, C-10-92, Rec. p. I-5105).

34 Il résulte de cette jurisprudence que, malgré la marge de manœuvre relativement importante des États membres pour la mise en œuvre de certaines dispositions de la sixième directive, les particuliers peuvent faire valoir utilement devant le juge national les dispositions de la directive qui sont suffisamment claires, précises et inconditionnelles (arrêt Balocchi, point 34).

35 Or, les dispositions de l'article 11, sous A, paragraphe 1, et sous B, paragraphes 1 et 2, et de l'article 17, paragraphes 1 et 2, indiquent avec précision les modalités de détermination de la base d'imposition et, respectivement, les conditions de naissance et l'étendue du droit à déduction. Elles ne laissent aux États membres aucune marge d'appréciation quant à leur mise en œuvre. Dès lors, elles répondent aux critères susmentionnés et confèrent de ce fait aux particuliers des droits dont ils peuvent se prévaloir devant le juge national pour s'opposer à une réglementation nationale incompatible avec elles.

36 Il convient, par conséquent, de répondre à la première partie de la seconde question que les dispositions de l'article 11, sous A, paragraphe 1, et sous B, paragraphes 1 et 2, et de l'article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive confèrent aux particuliers des droits qu'ils peuvent faire valoir devant le juge national.

Sur la seconde partie de la seconde question

37 Par cette question, le juge national vise à savoir si un assujetti peut demander, avec effet rétroactif au jour de l'entrée en vigueur de la législation nationale contraire à la sixième directive, le remboursement de la TVA indûment versée.

38 La sixième directive ne contient pas de dispositions applicables aux demandes de remboursement de la TVA indûment versée par des assujettis.

39 Néanmoins, selon la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 2 février 1988, Barra, 309-85, Rec. p. 355, point 11), l'interprétation que celle-ci donne d'une règle de droit communautaire, dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 177, éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle, telle qu'elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de ladite règle se trouvent réunies.

40 Il en résulte plus particulièrement que le droit d'obtenir le remboursement des sommes perçues par un État membre en violation des règles du droit communautaire est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions communautaires telles qu'elles ont été interprétées par la Cour (arrêt Barra, précité, point 17).

41 S'il est vrai que ce remboursement ne peut être poursuivi que dans le cadre des conditions, de fond et de forme, fixées par les différentes législations nationales en la matière, il n'en reste pas moins, ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour (voir, notamment, arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199-82, Rec. p. 3595, arrêt Barra, précité, point 18, et arrêts du 25 juillet 1991, Emmot, C-208-90, Rec. p. I-4269, point 16, et du 6 décembre 1994, Johnson, C-410-92, Rec. p. I-5483, point 21), que ces conditions et les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire ne sauraient être moins favorables que celles concernant des réclamations semblables de nature interne, ni aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire.

42 Dès lors, il convient de répondre à la seconde partie de la seconde question qu'un assujetti peut demander, avec effet rétroactif au jour de l'entrée en vigueur de la législation nationale contraire à la sixième directive, le remboursement de la TVA indûment versée en suivant les modalités procédurales définies par l'ordre juridique interne de l'État membre concerné, sous réserve que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des réclamations semblables de nature interne, ni aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire.

Sur les dépens

43 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes et le Gouvernement hellénique, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le Dioikitiko Protodikeio Athinas, par jugement du 7 avril 1992, dit pour droit:

1) Les articles 2, 11 et 17 de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ° Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui soumet l'importation de produits pétroliers finis à la TVA, calculée sur un prix de base différent de celui prévu à cet article 11 et qui, en dispensant les opérateurs économiques du secteur pétrolier de l'obligation de faire des déclarations, les prive du droit de déduire la TVA grevant directement les opérations effectuées en amont.

2) Les dispositions de la sixième directive, et notamment de ses articles 13 à 17, doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une exonération de la TVA sur les services de transport et de stockage de produits pétroliers qui ne sont pas liés au transport de ces produits de leur premier lieu de destination vers un autre lieu connu.

3) Les dispositions de l'article 11, sous A, paragraphe 1, et sous B, paragraphes 1 et 2, et de l'article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive confèrent aux particuliers des droits qu'ils peuvent faire valoir devant le juge national.

4) Un assujetti peut demander, avec effet rétroactif au jour de l'entrée en vigueur de la législation nationale contraire à la sixième directive, le remboursement de la TVA indûment versée en suivant les modalités procédurales définies par l'ordre juridique interne de l'État membre concerné, sous réserve que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des réclamations semblables de nature interne, ni aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire.