Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 18 mai 1989, n° 87-20.016

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Raynel

Défendeur :

Conseil de l'Ordre des avocats

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ponsard

Rapporteur :

M. Viennois

Avocat général :

Mme Flipo

Avocats :

SCP Nicolay, Me Choucroy

Aix-en-Provence, du 23 oct. 1987

23 octobre 1987

LA COUR : - Sur les deux moyens réunis : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 octobre 1987), que M. Raynel, avocat au barreau de Nice, a sollicité du bâtonnier de l'Ordre l'autorisation d'ouvrir un cabinet à Bruxelles et de s'inscrire au barreau de cette ville, le règlement intérieur de l'Ordre disposant que l'avocat au barreau de Nice doit avoir son domicile professionnel dans le ressort du tribunal de grande instance de cette ville ; que, par décision du 6 janvier 1987, le conseil de l'Ordre lui a refusé cette autorisation ; que, par lettres recommandées avec accusé de réception des 23 et 25 février 1987, M. Raynel a saisi le bâtonnier de demandes identiques ; que ces nouvelles demandes ont fait l'objet de décisions implicites de rejet ; que M. Raynel a déféré l'ensemble de ces décisions à la cour d'appel ;

Attendu que le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Nice reproche à la cour d'appel d'avoir annulé ses décisions en ce qu'elles interdisaient à M. Raynel l'autorisation de solliciter son inscription au barreau de Bruxelles et de disposer dans cette ville des locaux professionnels nécessaires à l'exercice de son activité d'avocat selon les modalités prévues par le règlement interne de ce barreau, alors, selon le premier moyen, qu'aucune disposition interne ou communautaire n'autorise l'avocat à installer un cabinet secondaire hors du ressort de son barreau, de sorte qu'en annulant la décision du conseil de l'Ordre interdisant à M. Raynel d'ouvrir un cabinet secondaire à Bruxelles, la cour d'appel a violé les articles 5 et 8 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; et alors, selon le second moyen, d'une part, que la liberté d'installation des avocats dans un Etat membre de la Communauté ne concerne que la seule hypothèse d'installation d'un cabinet principal dans lequel l'avocat entend exercer une activité permanente et stable, de sorte que la cour d'appel, qui relève que M. Raynel a sollicité l'ouverture d'un cabinet secondaire à Bruxelles pour y exercer une simple activité occasionnelle, n'a pu annuler la décision du conseil de l'Ordre sans violer l'article 52 du traité de Rome ; et alors, d'autre part, que l'inscription à un second barreau dans un Etat membre de la communauté n'est autorisé qu'au seul bénéfice de l'avocat qui installe dans cet Etat un cabinet principal dans lequel il entend exercer une activité permanente et stable ; que l'avocat qui ouvre un simple cabinet secondaire reste soumis à son barreau d'origine sans pouvoir s'inscrire au barreau de l'Etat d'accueil, de sorte que la cour d'appel n'a pu statuer comme elle a fait sans violer l'article 52 du traité de Rome et l'article 2 du décret n° 72-468 du 9 juin 1972 ;

Mais attendu, d'abord, que c'est à bon droit que la cour d'appel énonce que l'article 52 du traité de Rome, qui garantit à un ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne la liberté d'établissement dans un autre Etat membre, dès lors que ce ressortissant remplit les conditions exigées par le pays d'accueil pour ses propres ressortissants, exception faite de la condition de nationalité, est - selon l'interprétation qui en a été donnée par la Cour de justice des Communautés européennes - une disposition directement applicable et que l'interdiction faite à M. Raynel par le conseil de l'Ordre d'accéder à la profession d'avocat au barreau de Bruxelles et de disposer sur le territoire étranger des locaux nécessaires à son exercice est contraire aux principes de libre établissement et d'égalité résultant du traité de Rome ;

Attendu, ensuite, que le principe de liberté d'établissement d'un avocat d'un Etat membre de la Communauté économique européenne dans un ou plusieurs autres Etats de cette Communauté ne permet pas de distinguer selon que l'activité de l'avocat est exercée dans un cabinet principal ou dans un cabinet secondaire ; d'où il suit qu'aucun des griefs figurant aux deux moyens n'est fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.