Cass. crim., 26 avril 1990, n° 88-83.62
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Maron
Avocat général :
M. Robert
Avocats :
Me Barbey, SCP Delaporte, Briard.
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par AC Ricardo, CR José, la société X, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle en date du 26 mai 1988 qui a condamné les premiers nommés, pour contrefaçon, à 20 000 francs d'amende et s'est prononcé sur les réparations civiles. Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation et fausse application des articles 30, 36 et 85 du traité de Rome et du règlement n° 222-77 du 13 décembre 1976 de la CEE, et des articles 55 de la Constitution française, 425 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandeurs coupables de contrefaçon pour avoir fait transiter par le territoire français des pièces détachées licitement fabriquées en Espagne et licitement distribuées en Allemagne, les droits de propriété industrielle de la Régie Renault sur les modèles de ces pièces n'étant reconnus dans aucun de ces deux pays ;
" aux motifs que les juridictions nationales ayant compétence pour appliquer directement aux litiges qui leur sont soumis les dispositions du traité de Rome et de la réglementation communautaire, le recours préjudiciel prévu par l'article 177 du traité de Rome n'est obligatoire que pour les juridictions dont les décisions ne sont susceptibles d'aucun recours. La société X ne faisant état d'aucune autorisation pour produire et commercialiser les pièces de carrosserie dont les droits de propriété artistique sont reconnus tant en droit interne qu'en droit international, la cour dispose d'éléments suffisants d'appréciation sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice des Communautés européennes. La Régie Renault ne fait qu'exercer ses droits d'auteur sur les modèles ; son action n'a pas pour objet de fausser la concurrence entre les Etats membres ni de constituer un obstacle à la libre circulation des produits, compte tenu du caractère spécifique des modèles protégés par la loi du 11 mars 1957 ;
" alors que les produits importés d'un Etat tiers (comme l'était l'Espagne lors des faits litigieux) destinés à un Etat membre et qui transitent par un autre Etat membre, relèvent du régime du transit communautaire externe au sens du règlement CEE n° 222-77, dont l'article 10 réserve la compatibilité avec les trois traités instituant les Communautés ; que le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle dans un Etat membre ne peut s'opposer à l'importation -dans un autre Etat où il est dépourvu de droits- de produits provenant d'un Etat tiers où il est également dépourvu de droits ; qu'il ne peut donc s'opposer au transit de ces produits sans contrevenir au principe de la libre circulation des marchandises " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Ricardo AC et José CR, préposés de la SA X, fabriquent, en Espagne, des pièces détachées de carrosserie dont certaines sont la reproduction de modèles appartenant à la Régie Renault ; que cette fabrication est effectuée sans l'accord de cette société ; que, pour commercialiser ces pièces en Allemagne, les prévenus leur ont fait traverser, sous le régime du transit, le territoire français ; qu'à l'occasion d'une de ces traversées, la société Renault a, le 6 octobre 1983, fait procéder à la saisie de ces marchandises puis a fait citer directement les prévenus et la société civilement responsable devant la juridiction correctionnelle ;
Attendu que les prévenus ont fait valoir qu'ils ne sauraient être déclarés coupables de contrefaçon dès lors que les marchandises incriminées se trouvaient, sur le territoire national, en simple transit et qu'au surplus la société Renault ne pouvait s'opposer à l'importation dans un Etat membre de la Communauté européenne, dans lequel elle était dépourvue de droits sur ces modèles, de marchandises en provenance d'un Etat tiers -ce qui était le cas de l'Espagne au 6 octobre 1983- où elle était également dépourvue de droits ;
Attendu qu'en rejetant ces prétentions, reprises au moyen, les juges ont fait l'exacte application de la loi ; Qu'en effet, d'une part, le délit de contrefaçon prévu par les articles 425 et 426 du Code pénal est constitué lorsque l'atteinte portée au droit du propriétaire d'une marque ou d'un modèle est commise même par la seule circulation sur le territoire français de la marchandise contrefaisante, fût-ce sous le régime du transit, qui ne modifie ni ne restreint les principes régissant la protection de ces droits ;
Que, d'autre part, les règles communautaires relatives à la libre circulation des marchandises ne s'opposent pas à l'application d'une législation nationale en vertu de laquelle un fabricant d'automobiles, titulaire d'un brevet pour modèle ornemental sur des pièces de rechange destinées aux voitures de sa fabrication est en droit d'empêcher le transit externe ou interne de pièces protégées qui auraient été fabriquées sans son consentement ; Que le moyen, dès lors, doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 425, 463, alinéa 2, du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué qui se prononçait sur des faits constatés le 6 octobre 1983 a, après avoir reconnu les prévenus coupables d'introduction en France d'objets contrefaits, tout en adoptant les motifs du tribunal qui avait accordé à ces prévenus le bénéfice des circonstances atténuantes, condamné chacun d'eux à 20 000 francs d'amende, sanction qui constituait, en vertu de la loi du 11 mars 1957 alors en vigueur, le montant maximum de la seule peine d'amende prévue par l'article 425, alinéas 2 et 3, du Code pénal visé dans la poursuite ;
" alors qu'en statuant ainsi, la Cour a violé l'article 463 du Code pénal " ;
Attendu que, contrairement aux allégations des demandeurs, l'arrêt attaqué n'a, ni par motifs propres, ni par motifs adoptés, accordé aux prévenus le bénéfice des circonstances atténuantes ; que le moyen, dès lors, qui procède d'une affirmation de fait inexacte, ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.