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Décisions

Cass. com., 7 novembre 1989, n° 88-14.283

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Feldain

Défendeur :

Directeur général des Impôts

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defontaine (faisant fonction)

Rapporteur :

M. Hatoux

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

Me Goutet, SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde.

TGI Mulhouse, du 28 janv. 1988

28 janvier 1988

LA COUR : - Attendu, selon le jugement déféré (Tribunal de grande instance de Mulhouse, 28 janvier 1988, IO 649/84) que M. Feldain a contesté la perception de la taxe spéciale sur les véhicules d'une puissance fiscale supérieure à 16 CV immatriculés dans la catégorie des voitures particulières, et a demandé le remboursement des sommes versées par lui à ce titre, en faisant valoir que cette taxe était contraire aux dispositions du traité instituant la Communauté économique européenne ; qu'après que la Cour de justice des Communautés européennes a, par arrêt rendu le 9 mai 1985, dit cette taxe contraire aux dispositions de l'article 95 du traité, le Directeur général des Impôts a invoqué l'article 18 de la loi du 11 juillet 1985 qui a supprimé la taxe spéciale et a limité le droit au remboursement de cette taxe à la différence entre son montant et celui de la taxe différentielle qu'il instituait rétroactivement pour frapper les véhicules assujettis auparavant à la taxe spéciale ; que, par arrêt rendu le 17 septembre 1987 en application de l'article 177 du traité, la Cour de justice, saisie dans le présent litige en ce qui concernait l'application de l'article 18 précité, a dit " qu'un système de taxe de circulation qui, d'une part, par l'établissement d'une tranche d'imposition comportant plus de puissances fiscales que les autres, freine la progression normale de la taxe au profit des voitures haut de gamme de fabrication nationale, et, d'autre part, comporte des modalités de détermination de la puissance fiscale défavorables aux voitures importées d'autres Etats membres, a un effet discriminatoire ou protecteur au sens de l'article 95 du traité " ;

Sur le premier moyen : - Attendu qu'il est fait grief au jugement d'avoir ordonné le remboursement au contribuable des sommes versées au titre des taxes litigieuses, alors, selon le pourvoi, qu'en matière fiscale, seules les décisions de l'Administration qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant un tribunal ; qu'en l'espèce, l'assignation produite le 20 novembre 1984 par M. Feldain était prématurée en l'absence de décision prise sur la réclamation déposée le 5 septembre 1984 et que le tribunal a violé l'article L. 199 du Livre des procédures fiscales et l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, dans un mémoire produit devant le tribunal, le Directeur général des Impôts a énoncé que l'irrégularité tirée du caractère prématuré de l'assignation avait été régularisée ; que le Directeur général n'est pas recevable à soutenir devant la Cour de cassation un moyen qui, fût-il de pur droit et d'ordre public, est contraire à la thèse qu'il a développée devant les juges du fait ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu qu'il est fait grief au jugement d'avoir ordonné le remboursement au contribuable de la taxe acquittée en 1983, 1984 et 1985, alors, selon le pourvoi, que le litige est délimité, en matière fiscale, par le contenu de la réclamation au directeur ; que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties qui sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'en l'espèce M. Feldain n'avait demandé, dans ses réclamations ainsi que dans son assignation du 20 novembre 1984, que le remboursement de la différence entre la taxe spéciale acquittée en 1983 et 1984 et la taxe différentielle due, au titre de ces années, pour un véhicule de 12 à 16 CV ; que le tribunal ne pouvait donc accorder le remboursement intégral de la taxe acquittée en 1983, 1984 et 1985 ;

Mais attendu qu'en demandant l'application de l'article 18 de la loi du 11 juillet 1985, le Directeur général des Impôts a modifié l'objet du litige de telle sorte que le tribunal n'avait plus à se prononcer que sur la question de savoir si le contribuable avait, ou non, droit au remboursement intégral des taxes qu'il avait payées ; qu'il résulte, en outre, des énonciations du jugement que c'est le Directeur général des Impôts lui-même qui a saisi le tribunal du litige relatif à la taxe payée en 1985 ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu qu'il est aussi fait grief au jugement d'avoir statué ainsi qu'il a fait, aux motifs que par arrêt du 17 septembre 1987 la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que la taxe différentielle prévue par la loi du 11 juillet 1985, en remplacement de la taxe spéciale, avait un caractère discriminatoire, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, en s'abstenant de contrôler si les critiques formulées par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 17 septembre 1987 se trouvaient vérifiées dans le cas de M. Feldain, le tribunal de grande instance n'a pas donné de base légale à sa décision, et alors que, d'autre part, l'interprétation retenue par la Cour de justice des Communautés européennes dans ce même arrêt n'est pas applicable à la situation effective de M. Feldain dès lors que la puissance fiscale du véhicule litigieux a été déterminée sans intervention de la limitation du facteur K jugée discriminatoire par la Cour de Luxembourg, et que la critique formulée par cette juridiction à l'encontre de la tranche 12 à 16 CV qui " comporte plus de puissances fiscales que les autres... " n'emporte pas condamnation de la taxe différentielle applicable à un véhicule de 31 CV ;

Mais attendu, qu'après avoir relevé, comme cela était constant dans le dernier état du litige, que le contribuable contestait la taxation rétroactive, en vertu de l'article 18 de la loi du 11 juillet 1985, réclamée à raison de la possession d'une voiture d'une puissance fiscale supérieure à 16 CV importée d'un autre Etat membre de la Communauté, le jugement retient exactement qu'il résulte de l'arrêt rendu le 17 septembre 1987 par la Cour de justice des Communautés européennes que le système de taxation institué par la loi précitée a un effet discriminatoire ou protecteur au sens de l'article 95 du traité instituant la Communauté économique européenne ; que, de ces constatations et énonciations, le tribunal, qui n'avait pas à effectuer d'autres recherches, a déduit à bon droit que l'article 18 de la loi précitée devait rester sans application et que le contribuable avait droit au remboursement intégral des sommes qu'il avait versées au titre de la taxe spéciale elle-même contraire aux dispositions de l'article 95 du traité ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.