Cass. crim., 16 juin 1986, n° 85-92.580
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Escande (faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Tacchella
Avocat général :
M. Clerget
Avocat :
Me Vuitton.
LA COUR : - Sur le pourvoi formé par le Procureur général près la Cour d'appel de Versailles contre un arrêt de ladite Cour, 9e Chambre, en date du 18 avril 1985, qui a relaxé D Henri du chef de pratique de prix illicites. Vu le mémoire du Procureur général, et le mémoire en défense ; Sur le moyen unique de cassation proposé et pris de l'insuffisance des motifs et de la violation des articles 36-4° de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945, des articles 1er, 40, 48 à 51, 56 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945 et 104 du traité de la Communauté économique européenne ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué ainsi que du jugement qu'il a confirmé et dont il adopte les motifs non contraires que D Henri a été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir courant octobre 1983, sur le territoire français commis une pratique de prix illicite en mettant en vente en sa qualité de boucher détaillant de la viande de boeuf et de veau dont les prix étaient supérieurs à ceux autorisés par les arrêtés préfectoraux ou ministériels des 21 décembre 1982, 31 mars et 6 juin 1983 ;
Attendu que pour déclarer lesdits arrêtés inopposables au prévenu comme contraires aux normes et règles instaurées par le droit communautaire et pour relaxer en conséquence l'intéressé, les juges du fond, après avoir procédé, pour les viandes en cause, à l'analyse des éléments de calcul de leur prix de vente maximum, énoncent que les frais de transport à l'étal qui sont des frais de commercialisation se trouvent fixés forfaitairement par les arrêtés critiqués ; que le chiffre ainsi retenu, soit 0,35 franc par kilo, est très inférieur à celui réellement pratiqué ;
Qu'outre ces frais de commercialisation ainsi arrêtés par le pouvoir réglementaire, sans tenir compte du point de départ des viandes transportées, un certain nombre de taxes fiscales ou parafiscales n'ont pas été prises en compte pour la détermination des prix de revente au détail de ces diverses marchandises ; qu'il en est ainsi pour la taxe fiscale dite de " décroc ", pour celle dite " de protection sanitaire " et pour la taxe " d'usage des abattoirs " ;
Que les juges ajoutent que l'article 30 du traité de Rome interdit toutes restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent ; que la Cour de justice des Communautés européennes par les arrêts successifs que les juges du fond mentionnent, a expressément décidé que si la fixation unilatérale par un Etat membre d'une marge commerciale maxima pour la revente au détail des viandes n'est pas, en elle-même, contraire à la législation et à l'esprit communautaires, faut-il encore que, pour le calcul de cette marge, il soit tenu compte des frais de commercialisation réels que chaque détaillant a effectivement exposés ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque les arrêtés visés aux poursuites, assimilent la marge maximale de bénéfice à prélever par le boucher détaillant, lors de la revente au public des morceaux de viande taxés, à un paramètre abstrait de calculs, sans permettre audit détaillant de prouver le caractère équitable de sa rémunération effective, compte tenu de ses frais véritables de commercialisation ; qu'il n'importe par ailleurs pour lesdites viandes, qu'une partie de la marge de bénéfice du détaillant soit libre, en ce qu'elle s'articule sur la portion de cette marchandise échappant à la taxation, comme relevant du secteur libre ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations par lesquelles les juges ont appliqué au cas d'espèce les règles de compatibilité de la réglementation nationale par rapport au droit et aux normes communautaires, et qui ont justifié les raisons pour lesquelles à l'égard de ce prévenu la marge commerciale qu'il n'aurait pas dû dépasser et qu'il avait pourtant méconnue, avait été fixée par le pouvoir réglementaire sans égard aux principes du droit communautaire, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ; Que dès lors le moyen, en ses divers griefs, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.