CA Paris, 1re ch. H, 26 octobre 2004, n° ECOC0400359X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Penart, Ronez, Pommelet, Wadel, Lavisse, Lefevre, Moreau, Quignon (ès qual./SARL), Rouillon, Chartrain, Sbai (ès qual.), La Case à pain (SARL), Thillerot, Barbier, Szczepanik, Biesmans, Fouju, Romeo, Bechaimont, Lambert, Andre, Martin, Andry, Collard, Rochette, Fédération départementale de la boulangerie-pâtisserie de La Marne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Avocat général :
M. Woirhaye
Avoué :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocat :
Me Fourgoux.
Par décision n° 04-D-07 du 11 mars 2004, le Conseil de la concurrence (le Conseil), saisi le 2 janvier 2002 par le ministre de l'Economie et des Finances de pratiques relevées dans le secteur de la boulangerie dans le département de la Marne, l'affaire ayant été examinée après enquête au cours de sa séance du 14 janvier 2004, a, notamment,
* considéré que la Fédération départementale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne (la Fédération), ainsi que Yann Penart, Gérard Rotiez, Annie Pommelet, Michel Wadel, Bernard Lavisse, Frédéric Lefevre, Catherine Moreau, Annick Quignon ès qualités de gérante de la SARL Quignon, Jackie Rouillon, Laurent Chartrain, Nabil Sbai ès qualités de gérant de la SARL La case à pain, Sacques Thillerot, Didier Barbier. Wieslaw Szczepanik, Laurent Biesmans, Hervé Fouju, Alain Roméo, Fabrice Bechaimont, René Lambert, Thierry André, Michel Martin, Hervé Andry, Gérard Couard, Laurent Rochette, Jeannick Lecompte avaient mis en œuvre dans ce département une pratique d'entente illicite sur le prix de la baguette de pain de 250 grammes et ainsi enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce qui prohibe les actions concertées pour objet ou pour effet ayant d'empêcher ou de restreindre la concurrence, notamment lorsqu'elles tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse,
* infligé aux intéressés une sanction pécuniaire s'élevant respectivement à :
- 15 000 euros pour la Fédération,
- 1 000 euros pont Yann Penart,
- 300 euros pour Gérard Rouez,
- 700 euros pour Annie Pommelet,
- 2 700 euros pour Michel Wadel,
- 900 euros à Bernard Lavisse,
- 1 000 euros pour Frédéric Lefevre,
- 600 euros pour Catherine Moreau,
- 1 500 euros pour Annick Quignon ès qualités de gérante de la SARL Quignon,
- 1 300 euros pour Jackie Rouillon,
- 800 euros pour Laurent Chartrain,
- 1 300 euros pour Nabil Sbai ès qualités de gérant de la SARL La case à pain,
- 4 900 euros pour Sacques Thillerot,
- 1 800 euros pour Didier Barbier,
- 5 700 euros pour Wieslaw Szczepanik,
- 3 100 euros pour Laurent Biesmans,
- 3 500 euros pour Hervé Fouju,
- 1 400 euros à Alain Roméo,
- 700 euros pour Fabrice Bechaimont,
- 5 700 euros pour René Lambert,
- 4 300 euros pour Thierry André,
- 3 500 euros pour Michel Martin,
- 5 700 euros pour Hervé Andry,
- 5 700 euros pour Gérard Couard,
- 800 euros pour Laurent Rochette,
- 1 100 euros pour Jeannick Lecompte,
* dit qu'une copie de la présente décision sera transmise au parquet du Tribunal de grande instance de Chalons en Champagne,
- ordonné la publication du dispositif de sa décision dans le journal l'Union, aux frais de la Fédération dans un délai de 30 jours à compter de la décision.
La Fédération départementale de la boulangerie et de la boulangerie pâtisserie de la Marne, d'une part, Yann Penart, Gérard Rouez, Annie Pommelet, Michel Wadel, Bernard Lavisse, Frédéric Lefevre, Catherine Moreau, Annick Quignon ès qualités de gérante de la SARL Quignon, Jackie Rouillon, Laurent Chartrain, Nabil Sbai ès qualités de gérant de la SARL La case à pain, Sacques Thillerot, Didier Barbier, Wieslaw Szczepanik, Laurent Biesmans, Hervé Fouju, Alain Roméo, Fabrice Bechaimont, Rend Lambert, Thierry André, Michel Martin, Hervé Andry, Gérard Collard, Laurent Rochette, d'autre part, ont déposé le 16 avril 2004 un recours en annulation et réformation contre cette décision, par lequel ils demandent à la cour de:
- vu l'article L. 450-1 du Code de commerce, l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, annuler la décision déférée en ce que l'enquête dont ils n'étaient pas informés de l'objet, s'est déroulée dans des conditions irrégulières et que les droits de la défense n'ont pas été respectés, et de dire n'y avoir lieu à statuer,
- subsidiairement, vu l'article L. 420-1 du Code de commerce, constater l'absence d'atteinte à la concurrence qui leur est imputée, la simple constatation d'un alignement des prix étant insuffisante à caractériser une entente au sens de cet article, la Fédération estimant en outre s'être strictement tenue à sa mission d'assistance et de conseil à ses membres, l'effet sensible des pratiques qui leur sont reprochées n'étant pas établi,
- plus subsidiairement, vu l'article L. 464-2 du Code de commerce, dire n'y avoir lieu ni à sanction ni à publication, ni à transmission du dossier au parquet, les mesures décidées par le Conseil ne respectant pas le principe de proportionnalité visé par cet article, et la preuve d'une participation frauduleuse aux pratiques sanctionnées n'étant pas rapportée,
- ordonner la restitution des sommes éventuellement versées par chaque boulanger en exécution de la décision, majorée des intérêts au taux légal à compter du versement,
- condamner le ministre de l'Economie aux entiers dépens.
Sur ce, LA COUR
I - Sur la procédure
Considérant que les demandeurs déclarent, en premier lieu, que lors de leur audition effectuée les 9 et 10 octobre 2001, ils n'ont pas été informés du véritable objet de l'enquête qui leur a été présentée comme un contrôle de routine sur les prix pratiqués, ou encore était insuffisamment détaillé, et soutiennent qu'ils ont même été induits en erreur par les indications des enquêteurs sur les conséquences de leurs déclarations, les dispositions de l'article L. 450-1 du Code de commerce comme celles de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme n'ayant pas été respectées;
Considérant que l'obligation de loyauté inscrite à l'article 6 de la convention précitée comme à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques doit présider à la recherche des preuves ; que le seul fait que l'enquête ne soit pas soumise au principe du contradictoire, qui n'est applicable à la procédure qu'à compter de la notification des griefs effectuée en l'espèce le 25 juin 2003, ne peut conduire à compromettre irrémédiablement les droits de la défense en amenant les personnes entendues à faire des déclarations sur la portée desquelles elles pourraient se méprendre; qu'il incombe à l'Administration d'établir que l'objet de l'enquête a été porté à la connaissance des personnes entendues, s'agissant à la fois du cadre juridique dans lequel interviennent les enquêteurs et du secteur concerné par l'enquête;
Que cette preuve est établie en l'espèce, les procès-verbaux d'audition des intéressés portant la mention dactylographiée ou pré-imprimée que les enquêteurs se sont présentés comme " habilités à procéder aux enquêtes nécessaires à l'application du Livre IV du Code de commerce par l'article L. 450-1 du Code de commerce (...) ", et qu'ils ont indiqué à chacune des personnes entendues " l'objet de [leur] enquête relative à la vérification du respect des dispositions du livre IV du Code de commerce dans le secteur de la boulangerie pâtisserie";
Que les intéressés, qui ont signé ces procès-verbaux, ne peuvent dès lors contester avoir été régulièrement informés de l'objet de l'enquête, les attestations produites par les demandeurs, qui émanent des personnes interrogées ou du personnel de l'entreprise concernée, étant insuffisantes à combattre la présomption de licéité attachée à ces pièces de la procédure;
Considérant que la Fédération soutient pour sa part qu'outre cette première irrégularité, les enquêteurs qui se sont présentés dans ses locaux à 8 heures 35 y sont restés jusqu'à 20 heures, et ont usé de contrainte morale pour se faire remettre par les secrétaires une partie des documents réclamés, pour avoir accès aux ordinateurs, aux armoires et aux enregistrements, obtenant même des personnes présentes une reconnaissance vocale, ce en l'absence du président de la Fédération et pendant une partie de la journée de celle de son directeur, et fait valoir que de telles investigations qui peuvent être qualifiées de visite et de saisie ne pouvaient être réalisées qu'avec une autorisation judiciaire, les enquêteurs ayant outrepassé les pouvoirs que leur confère l'article L. 450-1 du Code de commerce;
Considérant qu'aux termes de l'article susvisé et de l'article L. 450-3 du même Code, les enquêteurs disposent d'un pouvoir d'enquête administrative sur pièces et sur place qui les autorise à accéder à tous locaux professionnels, à demander la communication des livres, factures et tous autres documents professionnels et en obtenir copie, ainsi qu'à recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et justifications;
Qu'il ressort en l'espèce du procès-verbal établi le 9 octobre 2001 par les services de la DGCCRF que les enquêteurs ont été reçus en l'absence du président de la Fédération par son directeur Monsieur Boban auquel a été indiqué l'objet de l'enquête, et demandé communication d'un certain nombre de documents, la communication de ces documents dont il a été pris copie conformément aux dispositions sus rappelées, ayant été effectuée par une secrétaire désignée par l'intéressé qui s'est absenté à plusieurs reprises dans la matinée et dans l'après-midi; que sur la demande des enquêteurs de recevoir communication du compte-rendu et des notes prises lors de l'assemblée générale tenue le 23 avril 2001, le directeur de la Fédération a remis aux enquêteurs les cassettes audio sur lesquelles avaient été enregistrés les discours des intervenants à cette assemblée générale parmi lesquels se trouvait le président de la Fédération Monsieur Bressy, et sur la question des enquêteurs après audition sur place de ces cassettes, authentifié la voix de ce dernier;
Qu'il ne résulte d'aucune de ces circonstances que les enquêteurs auraient outrepassé les pouvoirs d'enquête administrative définis à l'article L. 450-1 du Code de commerce susvisé;
Qu'il suit que les moyens d'annulation fondés sur une irrégularité de la procédure ne peuvent qu'être rejetés;
II - Sur le fond
* sur les pratiques:
Considérant que les demandeurs font valoir que les faits qui leur sont reprochés ne sont pas établis, l'alignement sur les prix d'un concurrent sans concertation ni échange d'information n'étant en aucun cas constitutif d'une pratique anticoncurrentielle, et reprochent au Conseil d'avoir fait totalement abstraction de la situation et des explications individuelles de chacun des boulangers en affirmant sans le démontrer qu'ils avaient soit participé à l'assemblée générale du 23 avril 2001 dans des conditions démontrant leur adhésion à l'entente, soit contribué ou appliqué des consignes en toute connaissance de cause;
Mais considérant que si la constatation d'un simple parallélisme de comportement est à elle seule insuffisante à établir l'existence d'une entente concertée, un tel parallélisme pouvant résulter de décisions identiques mais indépendantes, prises par des entreprises s'adaptant naturellement à un même contexte sur un même marché, tel ne peut être le cas lorsque sont relevés d'autres indices matériels ou objectifs renforçant la présomption tirée de ce parallélisme de comportement;
Qu'il y a lieu tout d'abord de relever le caractère simultané des hausses affectant le prix de la baguette de pain dans le département de la Marne, qui ont concerné une même période allant du 1er juillet au 12 septembre 2001, et ont été généralement constatées à la réouverture des magasins après la fermeture pour congés d'été ; qu'est versée aux débats la transcription de l'intervention du président de la Fédération lors de l'assemblée générale du 23 avril 2001 qui regroupait 113 participants représentant 89 boulangeries, au cours de laquelle a été recommandée par la Fédération à ses membres cette majoration qui consistait à porter le prix de la baguette à 4,90 francs soit à 0,75 euro dans la perspective du passage à l'euro le 1er janvier 2002 et des charges supplémentaires résultant de la réduction du temps de travail à 35 heures, " les changements de prix devant être terminés pour le mois de septembre " ; qu'il est précisé par les délégués de secteur de la Fédération que ces consignes ont été répercutées auprès de leurs collègues (audition de M. André, de M. Szczepanik, de M. Martin) conformément à leur mission; qu'il est encore relevé par le Conseil que les boulangers chez lesquels ont été constatées les hausses de prix en cause (auditions de M. Chartrain, de Mmes Lecompte, Gadon, Moreau) ont confirmé attendre chaque année de connaître la consigne syndicale concernant l'augmentation du prix du pain qui leur est communiquée en juin avant la fermeture annuelle de leurs magasins ; que certains d'entre eux, tel M. Yann Penart qui lui-même ne participait pas à l'assemblée générale du 23 avril 2001, ont déclaré qu'ils avaient estimé cette hausse excessive, bien qu'ils l'aient pratiquée, M. Penart ayant déclaré selon le journal local l'Union du 21 août 2001 " ce n'est pas un hasard : ce chiffre permettra d'arrondir le prix de la baguette à 0,75 euro "; que cette hausse a été de 30 à 40 centimes selon les magasins concernés, alors que la hausse habituellement préconisée par la Fédération les années précédentes ne dépassait pas 10 centimes;
Que la participation des demandeurs à cette entente est établie, qu'ils aient participé à cette assemblée générale et signé la feuille de présence (MM. Sbai ès qualités de gérant de la SARI La case à pain et Lavisse), diffusé les consignes de la Fédération en tant que délégués de secteur (MM. André, Fouju, Wadel, Martin, Lambert, Collard, Barhier, Szcezepanik, Biesmans, Andry, Thillerot), ou encore appliqué ces consignes (MM. Penart, Ronez, Romeo, Chartrain, Rouillon, Bechaimont, Mmes Pommelet, Moreau et Quignon ès qualités de gérante de la SARL Quignon), étant encore relevé que tous ont appliqué la hausse constatée par le Conseil, y compris Laurent Rochette qui n'était pas membre de la Fédération et a reconnu avoir convenu " qu'il fallait habituer les clients au passage à l'euro et fixer les prix en arrondis " après avoir eu " des contacts avec des collègues adhérents " à cet organisme ;
Qu'il y a lieu au vu de l'ensemble de ces éléments, de considérer que l'accord des volontés des demandeurs sur une hausse concertée du prix de la baguette de pain est établi, qu'ils aient ou non participé à l'assemblée générale de la Fédération ;
Considérant que les requérants font valoir que ces pratiques, à les supposer établies, n'ont pas eu d'effet sensible sur la concurrence dans le secteur considéré qui concerne la boulangerie et la boulangerie pâtisserie dans le département de la Marne, seuls 23 boulangers ayant été sanctionnés sur un nombre total de 300 ou 340, soit moins de 10 % de la profession du secteur, la Fédération ajoutant que seuls 256 boulangers ont adhéré à son organisation; que la Fédération ajoute que la pratique critiquée a en lieu de façon ponctuelle sur un segment réduit du marché, soit la baguette de pain de 250 grammes, et géographiquement limité au département de la Marne;
Mais considérant que si l'article L. 464-6 du Code de commerce modifié par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 prévoit que le Conseil peut décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure lorsque aucune pratique de nature à porter atteinte à la concurrence n'est établie, tel ne peut être le cas dans l'hypothèse d'une restriction flagrante à la concurrence résultant comme en l'espèce d'accords ayant pour objet la fixation de prix de vente;qu'à cet égard, les dispositions de l'article 24 de l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises, immédiatement applicables comme étant plus favorables aux entreprises en ce qu'elles instituent un seuil de sensibilité fixé à 10 % du marché affecté par l'accord lorsque les entreprises participant à cet accord sont des concurrents existants ou potentiels sur ce marché, ne sont pas davantage applicables lorsque les pratiques en cause contiennent de telles restrictions;
Considérant que la Fédération soutient encore que les informations fournies à ses adhérents n'ont pas outrepassé sa mission d'assistance, d'information et de conseil pour ses membres;
Mais considérant qu'en donnant à ses membres et en faisant diffuser par ses délégués de secteur la consigne de pratiquer un même prix de vente pour la baguette de pain, alors que la fixation de ce prix doit résulter de critères objectifs parmi lesquels, notamment, les coûts de revient des prestations fournies, cet organisme professionnel est sorti de sa mission de défense des intérêts de la profession qu'il représente en faisant obstacle à la fixation du prix d'une denrée de base par le jeu du marché, la pratique anticoncurrentielle qui lui est reprochée étant établie;
* Sur les sanctions:
Considérant que les demandeurs critiquent les sanctions pécuniaires prononcées à leur encontre, et font valoir que les principes d'individualisation de la peine, de motivation de la sanction et de proportionnalité inscrits à l'article L. 464-2 du Code de commerce n'ont pas été respectés, demandant à titre subsidiaire la réduction de la sanction pécuniaire prononcée à leur encontre;
Considérant que la sanction prononcée en application de l'article L. 464-2 du Code de commerce doit prendre en compte, au titre de sa motivation, la gravité des faits reprochés, l'importance du dommage causé à l'économie, la situation individuelle de l'entreprise sanctionnée;
Qu'il y a lieu de relever en l'espèce, la gravité des pratiques relevées par le Conseil, en ce qu'elles portent sur la fixation du prix de vente d'une denrée de base dans l'alimentation des ménages, l'augmentation pratiquée à l'été 2001 après la fermeture annuelle d'été ayant été triple voire quadruple des augmentations pratiquées les années précédentes au cours de la même période ; que force est de relever que cette pratique a été la conséquence des consignes diffusées par la Fédération qui ne pouvait en ignorer la portée et a usé de son pouvoir d'influence auprès de ses adhérents, étant encore ajouté que ces consignes ont été diffusées par ses délégués de secteur y compris auprès des adhérents n'ayant pas personnellement participé à la réunion et même auprès de non-adhérents ; que la gravité des agissements des délégués de secteur qui ont activement contribué à la mise en œuvre de cette entente est justement relevée par le Conseil, ainsi que la gravité moindre des pratiques reprochées aux boulangers qui ont appliqué la consigne syndicale sans la diffuser eux-mêmes;
Que le dommage apporté à l'économie bien que géographiquement limité est incontestable, ne serait-ce qu'en raison de la nature du bien qui a fait l'objet des pratiques concertées relevées par le Conseil; qu'il l'est également en raison des effets conjoncturels de cette pratique, la détermination du prix de l'offre n'ayant pu résulter d'un libre jeu de la concurrence alors que les boulangers du département étaient chacun en mesure du fait même des écarts entre les prix de vente antérieurement pratiqués, de déterminer des prix tenant compte pour chacun de la situation individuelle de son entreprise;
Qu'enfin il y a lieu de relever, au titre de la situation individuelle des intéressés, que l'assiette de cette sanction pécuniaire est assise, en application des dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé lors d'un des derniers exercices clos et mentionné sur le compte de résultat de l'entreprise considérée; que si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la Sanction est de 3 millions d'euros ; qu'en l'espèce, le Conseil a également pris en compte le nombre de baguettes annuellement vendues par chacun des requérants, les peines pécuniaires prononcées ayant représenté entre I et 3 % du chiffre d'affaires des entreprises;
Que c'est ainsi par une exacte application des principes ci-dessus rappelés, que le Conseil de la concurrence a prononcé les sanctions ci-dessus rappelées à l'encontre des demandeurs;
Considérant que les requérants sollicitent enfin de la cour de dire n'y avoir lieu à la mesure de publication ordonnée par le Conseil, la Fédération demandant en outre que la décision soit réformée en ce qu'elle a ordonné la transmission du dossier au parquet;
Considérant qu'il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la décision du Conseil de transmettre le dossier au parquet ainsi que le prévoit l'article L. 462-6 du Code de commerce, étant en outre relevé que l'application de ces dispositions qui ne concernent pas les personnes morales et sont exclusives d'une sanction n'a pu faire grief à la requérante;
Qu'il y a lieu en revanche de faire droit à la demande tendant à la non-publication du dispositif de la décision du Conseil, ne serait-ce qu'en raison du caractère nominatif de ce dispositif et de la mention qui y figure de la décision de transmission au parquet alors qu'une telle transmission, selon les dispositions précitées, est effectuée lorsque les faits paraissent de nature à justifier l'application des peines correctionnelles prévues par l'article L. 420-6 du même Code étant encore observé que le coût de cette mesure n'est pas précisé;
Considérant qu'il y a lieu de faire partiellement droit au recours;
Par ces motifs, Rejette le recours formé par la Fédération départementale de la boulangerie, boulangerie pâtisserie de la Marne et par Yann Penart, Gérard Rouez, Aune Pommelet, Michel Wadel, Bernard Lavisse, Frédéric Lefevre, Catherine Moreau, Annick Quignon, Jackie Rouillon, Laurent Chartrain, Nabil Sbai, Jacques Thillerot, Didier Barbier, Wieslaw Szezepanik, Laurent Biesmans, Hervé Fouju, Alain Roméo, Fabrice Bechaimont, René Lambert, Thierry André, Michel Martin, Hervé Andry, Gérard Collard, Laurent Rochette, contre la décision n° 04-D-07 du 11 mars 2004 du Conseil de la concurrence, sauf en ce qu'il a ordonné la publication de sa décision, Et réformant de ce seul chef, Dit n'y avoir lieu à publication de la décision du Conseil, Condamne les demandeurs in solidum aux dépens.