CJCE, 5e ch., 17 juin 2004, n° C-255/03
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
Royaume de Belgique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Gulmann
Avocat général :
M. Jacobs.
Juges :
M. von Bahr, Mme Silva de Lapuerta
LA COUR (cinquième chambre),
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 juin 2003, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en adoptant et en maintenant une réglementation qui octroie "le label de qualité wallon" à des produits finis d'une qualité déterminée fabriqués ou transformés en Wallonie, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 28 CE.
Le cadre juridique et les antécédents du litige
2 Le Gouvernement wallon a adopté le décret du 7 septembre 1989 concernant l'attribution du label de qualité wallon, l'appellation d'origine locale et l'appellation d'origine wallonne (Moniteur belge du 28 novembre 1989), qui institue un "label de qualité wallon". En vertu du chapitre 1er de ce décret, ledit label est entendu comme "la marque collective déterminée par l'Exécutif régional wallon, attestant qu'un produit fabriqué ou transformé en Wallonie possède un ensemble distinct de qualités et caractéristiques spécifiques préalablement fixées et établissant un niveau de qualité". Aux termes de l'article 2 dudit décret, l'Exécutif régional wallon arrête dans chaque cas, par le biais d'un cahier des charges détaillé, les conditions que doivent réunir un ou plusieurs produits pour pouvoir être fabriqués, transformés, offerts à la vente ou vendus sous le label de qualité wallon.
3 Par lettre du 8 novembre 1994, la Commission a informé les autorités belges qu'elle considérait que le label de qualité wallon était contraire, notamment, à l'article 30 du traité CE (devenu, après modification, article 28 CE) en ce que, parmi les conditions d'obtention du label, figure l'obligation de transformation ou de fabrication en Wallonie alors que les exigences donnant accès à une dénomination de qualité devraient se référer exclusivement aux caractéristiques intrinsèques du produit, à l'exclusion de toute référence à son origine géographique.
4 À la suite d'un échange de correspondance et d'une réunion entre les services de la Commission et les autorités belges, ces dernières ont reconnu que les griefs de la Commission étaient fondés et se sont engagées à modifier leur réglementation dans le sens préconisé par celle-ci.
5 Le 20 décembre 1999, les autorités belges ont communiqué à la Commission un avant-projet de décret rédigé par le Gouvernement wallon, visant à garantir l'accessibilité du label de qualité en cause aux produits originaires des autres États membres répondant aux critères de qualité exigés.
6 N'ayant pas été informée de la suite donnée à la procédure d'adoption, la Commission a, le 24 juillet 2001, conformément à l'article 226 CE, mis le Royaume de Belgique en demeure de présenter ses observations à cet égard dans un délai de deux mois.
7 Le 20 septembre 2001, le Gouvernement belge a informé la Commission que l'avant-projet qui lui avait été transmis précédemment n'avait pas été adopté. Il a joint à cette lettre un nouvel avant-projet de décret rédigé par le Gouvernement wallon et contenant, à son article 19, une disposition prévoyant une période de transition de dix-huit mois en faveur des produits qui bénéficiaient déjà du label de qualité wallon. Il a précisé que ce texte avait été adopté en mai 2001 par le Gouvernement wallon et soumis au Conseil d'État le 22 juin 2001. Selon le Gouvernement belge, il devait être présenté au Parlement wallon en octobre 2001 et être adopté rapidement.
8 Le décret modificatif ne lui ayant toujours pas été notifié, le 27 juin 2002, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle constatait que, en maintenant une législation en matière de labels et de dénominations de qualité dans le domaine des produits agricoles et des denrées alimentaires, le Royaume de Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 28 CE. Dans cet avis motivé, la Commission a, par ailleurs, précisé qu'elle ne pouvait accepter la période de transition prévue par le dernier avant-projet eu égard à la situation infractionnelle décelée et signalée par elle à l'État membre en 1994. Elle a invité les autorités belges à se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
9 Le 6 juin 2003, le décret modificatif n'étant, à sa connaissance, toujours pas entré en vigueur, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.
Sur le manquement
10 Dans sa requête, la Commission relève que les dispositions nationales instituant "le label de qualité wallon" mettent en place un régime visant, d'une part, à l'amélioration de la qualité des produits agricoles wallons et, d'autre part, à la promotion de la vente de ces produits. Ce label attesterait en substance que le produit sur lequel il apparaît a été fabriqué en Wallonie et présente certaines caractéristiques. Les dispositions nationales en cause seraient susceptibles d'avoir des effets sur la libre circulation des marchandises dans la mesure où elles favoriseraient la commercialisation des marchandises d'origine nationale au détriment des marchandises importées. Elles constitueraient donc une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation contraire à l'article 28 CE.
11 Dans son mémoire en défense, le Gouvernement belge fait valoir que, par l'adoption du décret du Gouvernement wallon du 19 décembre 2002 modifiant le décret du 7 septembre 1989 (Moniteur belge du 5 février 2003, p. 4849), les mesures nécessaires pour assurer le respect de ses obligations communautaires ont été prises.
12 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir arrêt du 16 janvier 2003, Commission/Belgique, C-122-02, Rec. p. I-833, point 11).
13 Or, en l'espèce, le Gouvernement belge ne conteste pas qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour se conformer au droit communautaire dans le délai imparti à cet effet dans l'avis motivé.
14 Dès lors, le recours de la Commission doit être accueilli.
15 Il convient donc de constater que, en adoptant et en maintenant une réglementation qui octroie "le label de qualité wallon" à des produits finis d'une qualité déterminée fabriqués ou transformés en Wallonie, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 28 CE.
Sur les dépens
16 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu en ce sens et le Royaume de Belgique ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner ce dernier aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
Déclare et arrête:
1) En adoptant et en maintenant une réglementation qui octroie "le label de qualité wallon" à des produits finis d'une qualité déterminée fabriqués ou transformés en Wallonie, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 28 CE.
2) Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.