CA Grenoble, 1re ch. civ., 6 janvier 2003, n° 00-04701
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lami (SA)
Défendeur :
UFC de l'Isère Que Choisir
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Falletti-Haenel
Conseillers :
Mme Kueny, M. Vignal
Avoués :
SCP Grimaud, Selarl Dauphin & Neyret
Avocats :
Mes Bobant, Brasseur.
Par déclaration en date du 11 décembre 2000, la SA Lami a interjeté appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Grenoble du 23 octobre 2000 qui:
- a déclaré illicites ou abusives les clauses d'un contrat de location de véhicules,
- a ordonné la suppression de l'ensemble de ces clauses, dans un délai de trois mois de la décision à intervenir, sous astreinte,
- a dit que le nouveau contrat devra être imprimé selon des caractères typographiques contrastés et au moins en corps 8, et ce sous la même astreinte,
- l'a condamnée à payer à l'association UFC 38 la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 4 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- a ordonné la publication du jugement dans les journaux suivants : Dauphine Libéré, Les Petites Affiches, le "38", et ce à la charge de la défenderesse, et à concurrence de 3 000 F par insertion.
La SA Lami demande à la cour:
- à titre principal, de déclarer l'action irrecevable sur le fondement de l'article L. 421-6 du Code de la consommation, et de condamner l'association UFC 38 à lui payer la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- à tout le moins, de dire et juger que l'association n'est pas recevable à demander la suppression de clause qu'elle estime illicites, l'article L. 421-6 du Code de la consommation ne lui donnant le pouvoir d'agir en suppression que pour les clauses abusives,
- à titre infiniment subsidiaire, de dire et juger que la présentation des conditions générales du contrat de location est conforme aux dispositions des articles L. 11-1 et L. 133-2 du Code de la consommation, et à la recommandation n° 96-02 du 14 juin 1996, et en conséquence de débouter l'UFC 38 de ses demandes sur la typographie des conditions générales,
- de lui donner acte de ce qu'elle offre de supprimer les dispositions incriminées par l'association dans son acte introductif d'instance (rubriques 1, 2, 11, 12, 30), et de modifier dans les termes indiqués dans le corps des conclusions les dispositions incriminées par l'association dans son acte introductif d'instance (rubriques 8, 10, 11, 12, 19, 24, 25, 26, 27, 29, 31),
- de débouter l'UFC 38 des demandes concernant les clauses visées dans son acte introductif d'instance aux n° 3, 4, 5, 6, 7, 9, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 23, 28,
- de ramener les demandes de dommages et intérêts à de plus justes proportions et de débouter l'association de sa demande de publication du jugement.
La société SA Lami fait valoir ce qui suit:
Les demandes de l'association sont irrecevables sur le fondement de l'article L. 421-1 du Code de la consommation : les clauses critiquées sont stipulées dans un contrat de location que la SA Lami ne propose pas habituellement à des consommateurs, et l'UFC 38 demandent la suppression des clauses non par ce qu'elles sont prétendument abusives, mais par ce qu'elles seraient illicites.
L'interdiction des clauses abusives ne s'applique pas aux contrats conclus entre professionnels lorsque ces contrats ont un rapport direct avec l'activité du contractant. Or elle propose ses contrats habituellement à des professionnels dont l'activité a un rapport direct avec la location de véhicules. Ses clients exercent pour la plupart leur activité dans les domaines du transport ou du BTP. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'elle propose de louer ses véhicules à des consommateurs ou à des professionnels pour lesquels ce type de contrat est sans rapport direct avec leur activité professionnelle.
L'article L. 421-6 du Code de la consommation ne donne aux associations agrées la possibilité d'agir en suppression que pour les clauses abusives. Les associations ne peuvent agir pour demander la suppression de clauses qui seraient illicites, c'est-à-dire, contraires à un texte législatif ou réglementaire.
La présentation générale des conditions générales du contrat de location est conforme aux dispositions des articles L. 111-1 et L. 133-2 du Code de la consommation et à la recommandation du 14 juin 1996 de la Commission des clauses abusives;
L'insuffisance de la motivation du jugement a abouti à des incohérences et la cour devra reprendre l'examen détaillé des clauses critiquées par UFC 38.
1) article 1er:
Elle entend supprimer les dispositions suivantes:
- exclusion d'assurance pour le conducteur non agréé,
- exclusion d'assurance pour le transport de personnes autres que celles de l'entreprise.
Elle s'oppose à la suppression:
- de la clause d'exclusion de garantie relative au chauffeur qui aurait moins de 21 ans, voire moins de 25 ans pour certains véhicules. Il est stipulé que le chauffeur doit avoir un permis d'au moins de deux ans et doit avoir au moins 21 ans, voire 25 ans pour certains véhicules. Cette disposition n'a rien abusif elle n'impose pas un avantage excessif au bénéfice du loueur. Cette clause n'a d'ailleurs pas été considérée comme abusive par la commission des clauses abusives,
- de la clause imposant au locataire qu'il obtienne l'accord du loueur pour quitter le territoire national métropolitain avec le véhicule; cette clause n'impose pas un avantage excessif au bénéfice du loueur.
2) article 2:
Elle s'oppose à la suppression:
- de la clause relative à la facturation forfaitaire en cas de viol ou de détérioration du compteur kilométrique. Le Tribunal de grande instance de Grenoble, dans un jugement du 18 janvier 1999 a considéré qu'une telle clause n'était pas abusive;
- de la clause relative au remplacement des pneumatiques. Cette clause ne fait pas supporter au locataire la charge de l'usure normale des pneus; elle ne confère pas au loueur un avantage excessif
- de la clause interdisant l'enlèvement des autocollants du véhicule Lami: si le locataire enlève les autocollants, il est normal qu'il assume le coût. Les dispositions ne s'appliqueront pas si le locataire démontre que la disparition des autocollants n'est pas de son fait. Cette clause n'a pas été déclarée abusive par la Commission.
3) article 3:
S'agissant de la clause relative aux niveaux du carburant, de l'huile, de l'eau, elle reconnaît que selon le type de véhicules, il est parfois impossible pour le locataire de vérifier le niveau de la boîte de vitesses et du pont. Elle se propose de modifier la clause.
S'agissant des adjuvants contre le gel, elle estime que le locataire doit, comme tout conducteur " bon père de famille ", refaire le niveau de liquide de refroidissement avec un liquide antigel. Cette disposition n'a rien d'abusif. Elle s'oppose à la suppression de la clause.
4) article 4:
Elle propose:
- la modification des dispositions incriminées relatives aux réparations provenant d'un comportement du locataire qui ne serait pas conforme à celui d'un bon père de famille,
- la suppression de la clause relative aux dommages et intérêts, et celle relative à la responsabilité de Lami.
Ces clauses ont été reconnues abusives par la Commission.
5) article 5:
Elle s'oppose à la suppression:
- de la clause figurant à l'article 5.1° prévoyant une exclusion d'assurance. Cette clause n'est pas contraire à la loi du 5 juillet 1985;
- de la clause de l'article 5.2° sur la garantie contre le vol. Le locataire "bon père de famille" ne laisserait pas dans le véhicule les clés, la carte grise, le talon de vignette et l'attestation d'assurance;
- de la clause de l'article 5.2° selon laquelle, le défaut de restitution (clés, carte grise...) en cas de vol de véhicule, entraînera la facturation de la valeur "Argus" du véhicule. Il s'agit d'une clause pénale que le juge peut toujours réduire. Cette disposition ne crée aucun déséquilibre;
- de la clause de, l'article 5.2° sur la multiplication par deux de la franchise en cas de vol total ou partiel. Il s'agit d'une pénalité qui peut être discutée devant le juge;
- de la clause de l'article 5.3° sur l'exclusion de garantie, en cas d'incendie, des vêtements et objets transportés; cette disposition n'est pas abusive;
- de la clause de l'article 5.3° sur les dommages aux parties supérieures du véhicule. Si le locataire établit que ces dommages résultent d'une cause étrangère ou d'un cas de force majeure, il sera exonéré de l'obligation contractuelle d'assumer la franchise; cette disposition n'est pas abusive, et n'est pas prohibée par la Commission, contrairement à ce que soutient l'association, dès lors qu'il n'y a pas de clause de rachat de franchise;
- de la clause de l'article 5.4° imposant au locataire de mentionner dans la déclaration de sinistre certaines informations (circonstances, lieu, heure de l'accident, témoins, numéro de véhicule de l'adversaire...à). Si le locataire ne peut fournir ces éléments, c'est parce qu'il aura été confronté à un cas de force majeure (hospitalisation, fuite du véhicule impliqué...);
- de la clause qui selon l'association, prévoirait une déchéance d'assurance si le locataire discute sa responsabilité. La clause attire seulement l'attention du locataire sur le fait qu'il ne peut directement procéder au règlement du sinistre car cela est du ressort de l'assureur, sous peine de voir ce dernier refuser sa garantie. La disposition incriminée n'est pas de celles qui sont visées par la Commission;
- de la clause de l'article 5.6° : cette clause prévoit seulement que l'obligation du bailleur d'assurer le véhicule cesse avec le terme du contrat de location; elle n'a pas pour but de faire cesser avant son terme l'obligation du bailleur. Elle ajoute que l'argument tiré du défaut d'apparence de la clause est spécieux dès lors que cette clause est soulignée;
- de la clause prévoyant que le locataire est responsable des dégâts occasionnés au véhicule loué lorsque sa responsabilité est engagée; cette disposition n'est pas abusive;
- de la clause de l'article 5.9°. Elle propose de souligner les dispositions de la clause afin d'attirer encore plus l'attention du locataire.
Elle propose:
- la modification de la clause de l'article 5.4° relative au délai de déclaration d'un sinistre,
- la modification des dispositions de l'article 5.3°,
6) article 7 : Elle propose de modifier cet article.
7) article 8 : Elle propose de modifier cet article.
8) article 9: Elle s'oppose à la suppression de la clause qui prévoit que le loyer journalier correspondant au contrat continuera à courir jusqu'à réception des documents (carte grise, attestation d'assurance, vignette) Cette clause ne crée aucun déséquilibre excessif au profit du bailleur. Le locataire peut s'exonérer de son obligation de restitution et peut aussi invoquer les dispositions de l'article 1151 du Code civil.
9) article 10 : Elle propose de modifier cette clause.
10) article 11 : Elle offre de supprimer la clause pénale insérée dans cet article.
11) article 13 : Elle propose de modifier cette disposition relative à une clause attributive de compétence.
Elle s'oppose enfin aux demandes de dommages et intérêts et de publicité en rappelant qu'elle est une entreprise de taille modeste, qu'elle n'a que cinq agences, que sa clientèle est composée d'entreprise qui ne peuvent se prévaloir des dispositions du Code de la consommation.
L'Union fédérale des consommateurs de l'Isère (UFC 38) demande à la cour:
- de déclarer son action recevable,
- de confirmer la décision de suppression des clauses litigieuses sous astreinte définitive,
- de confirmer la décision quant à l'impression du nouveau contrat selon caractères typographiques contrastés et au moins en corps 8, sous la même astreinte, - de confirmer la décision quant à la publication,
- de faire droit à son appel incident et de condamner la SA Lami à lui payer la somme de 10 671,43 euros pour le préjudice collectif celle de 3 048,98 euros pour le préjudice associatif, et celle de 1 829,39 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle répond ce qui suit:
Les contrats de location sont bien proposés par la SA Lami aux consommateurs. L'article L. 412-6 du Code de la consommation a été modifié par ordonnance du 23 août 2001 et les associations peuvent agir en suppression des clauses illicites ou abusives dans tout contrat proposé ou destiné aux consommateurs.
Les clauses des contrats doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensibles, ce qui n'est pas le cas du contrat proposé par la société Lami.
1) Les clauses reconnues irrégulières par la société Lami : la cour ne pourra accepter la réitération de "l'offre" de l'appelante; elle devra, constatant le caractère illicite ou abusif des clauses concernées, condamner la société à les supprimer de son contrat (quitte à le modifier), au risque de voir ces clauses réapparaître lors d'une future édition du contrat.
2) Les clauses que l'appelante dit vouloir modifier : La décision de suppression prise par le premier juge est conforme aux textes. La demande de l'appelante d'un donné acte est insuffisant, une condamnation s'imposant au regard des textes. Il convient d'apprécier chaque clause individuellement.
- article 3 : vérification des niveaux et changement des liquides (huile, eau). Cette clause, qui transfère au locataire la charge de carences qui sont éventuellement de la responsabilité du bailleur, est abusive. Elle permet d'imputer au locataire une défaillance du véhicule. L'appelante a d'ailleurs reconnu qu'il est difficile, parfois impossible de vérifier les niveaux.
- article 4 : réparations provenant d'une usure anormale. Une usure anormale peut être provoquée par un vice caché ou par une réparation antérieure défectueuse. C'est déséquilibrer les obligations respectives que d'imposer au locataire les conséquences d'une usure qui n'est pas de son fait.
- article 5.4° : absence de dommages et intérêts pour le retard dans la livraison, l'annulation de la location ou l'immobilisation. Le déséquilibre est manifeste. La Commission considère comme abusive une clause qui exonère le loueur de sa responsabilité. La modification proposée ne saurait être acceptée. En effet, une exclusion d'assurance n'est possible que si la déclaration n'est pas faite à l'assureur. De plus, la déchéance ne peut avoir aucun caractère automatique.
- article 5.8° : bénéfices des assurances. L'appelante propose une modification de la clause. Cette clause doit être supprimée.
- article 7 : Rien ne justifie que lorsque le locataire n'a pas commis de faute produisant accident, ou nécessitant l'abandon du véhicule, il doive subir des frais de rapatriement et la continuation du paiement des loyers. Le déséquilibre est manifeste comme la reconnu la Commission.
- article 10 : infractions au Code de la route. La généralité de la clause emporte un déséquilibre puisque certaines infractions ne sont pas de son fait : infraction au Code des douanes, infraction résultant de l'état du véhicule (pneus lisses...). La clause est abusive comme l'a relevé la Commission.
- article 13 : attribution de compétence. Cette clause doit être supprimée.
3) Les clauses contestées par la SA Lami:
La SA Lami continue à utiliser des contrats contenant des clauses illicites ou abusives.
- article 1er : exclusion d'assurance relative au chauffeur qui aurait un permis de moins de deux ans, qui aurait moins de 21 ans, voire moins de 25 ans pour certains véhicules. Cette clause est illicite. L'exclusion n'est pas mentionnée en caractères très apparents. Cette clause a été considérée comme abusive par le Tribunal de grande instance de Paris.
- article 1er : sortie du territoire français métropolitain. Rien ne justifie qu'il soit interdit au locataire de se déplacer à l'étranger. Une telle exclusion n'est pas mentionnée en caractères très apparents. Il y a déséquilibre manifeste au détriment du consommateur. Le Tribunal de grande instance de Grenoble a considéré une telle clause comme abusive.
- article 2 : compteurs violés ou enlevés. Rien ne justifie que la clause présume qu'en cas d'enlèvement ou viol des compteurs, le locataire soit déclaré responsable.
- article 2 : pneumatiques. Cette clause est abusive parce qu'elle fait supporter au locataire le coût de l'usure normale des pneus, et parce qu'elle laisse à la charge du locataire toute détérioration même si elle n'est pas de son fait, notamment en cas de vices cachés. En outre cette clause présume que le véhicule est loué avec des pneus en bon état. Le Tribunal de grande instance de Grenoble a retenu cette clause comme abusive.
- article 2 : autocollants. Il est excessif que le bailleur s'autorise à résilier la location au motif de l'enlèvement de la location. Le locataire n'a pas à faire la publicité du loueur. En outre, cette clause a vocation à s'appliquer même si l'enlèvement n'est pas le fait du locataire. Le bailleur s'arroge un avantage excessif en s'assurant une publicité gratuite, aux frais du locataire, qui supporte un loyer sans diminution.
- article 3 : adjuvants contre le gel. Le locataire est en droit de s'attendre à ce que le véhicule soit protégé contre le gel. Une telle clause, qui a pour effet de laisser à la charge du locataire les éventuels dommages provoqués par le gel, alors que le bailleur n'a pas rempli ses obligations, emporte un déséquilibre. Le Tribunal de grande instance de Grenoble a statué sur ce type de clause. Il ne s'agit pas de l'entretien courant du véhicule. C'est de manière pernicieuse que la société Lami ne vise que le liquide du lave-glace.
- article 5.1er : exclusion de l'assurance de responsabilité civile. Une telle disposition est illicite, il est abusif de laisser croire à des exclusions qui n'existent pas. Une telle clause a été jugée abusive par le Tribunal de grande instance de Paris.
- article 5.2° : garantie contre le vol. Le locataire est garanti contre le vol, moyennant paiement d'une franchise, mais sous réserve de restitution des documents et des clés du véhicule. Une telle clause déséquilibre les obligations respectives car par définition, le locataire n'est pas responsable du vol. La Cour d'appel d'Orléans a retenu le caractère abusif d'une telle clause.
- article 5.2° : facturation au locataire de la valeur Argus du véhicule, en cas de non restitution des documents et clés. Le loueur est lui-même assuré et doit percevoir l'indemnité. Le déséquilibre est manifeste. Le caractère abusif d'une telle clause a déjà été reconnu en jurisprudence.
- article 5.2° : franchise en cas de vol total ou partiel. Une telle clause, qui transfère les risques sur le locataire, sans contrepartie, et en lui faisant supporter le double de la franchise, est abusive.
- article 5.3° : exclusion des vêtements et objets transportés. Une telle clause est abusive en ce qu'elle exonère à concurrence le bailleur de sa responsabilité éventuelle dans l'origine de l'incendie, et en ce qu'elle prévoit une exclusion d'assurance sans que le locataire en soit informé par une clause très apparente.
- article 5.3° : dommages aux parties supérieures du véhicule. Cette clause est abusive en ce qu'elle exclut en partie l'assurance chaque fois qu'il y aura eu accident. La clause est en outre imprécise. Enfin, l'exclusion n'est pas mentionnée en caractères très apparents. Cette clause est retenue comme abusive par la Commission. La seule affirmation par la société Lami de ce que le locataire aurait la possibilité de démontrer qu'il y a eu force majeure ne rétablit pas l'équilibre puisque le loueur inverse la charge de la preuve.
- article 5.4° b : déchéance de l'assurance faute de mentions dans la déclaration de sinistre. Cette clause est déséquilibrée en ce que les coordonnées des témoins, ou le numéro de voiture de l'adversaire, les coordonnées de son assureur sont parfois indisponibles. En outre, la déchéance ne peut être automatique, mais la clause laisse penser le contraire au locataire.
- article 5.4° : déchéance lorsque le locataire discute la responsabilité. Une telle clause emporte un déséquilibre parce qu'elle laisse croire au locataire qu'il peut se voir privé d'assurance s'il reconnaît la matérialité des faits.
- article 5.6° : déchéance de l'assurance lorsque le locataire a conservé le véhicule à l'expiration de la durée prévue, et sans avoir obtenu l'autorisation du bailleur. Cette clause ne tient pas compte des motifs parfois légitimes que peut avoir le locataire à ne pas restituer le véhicule loué. En outre, une déchéance ne peut être opposée sans qu'un préjudice soit subi, et sans que les clauses soient mentionnées en caractères très apparents.
- article 5.6° Cette clause, en partie incompréhensible compte tenu de sa rédaction défectueuse, semble impliquer que le locataire reste responsable entièrement des dégâts subis par le véhicule s'il est responsable partiellement de l'accident, et si cet accident a eu lieu sans tiers, ou sans que soit effectué un constat. Un accident même sans tiers peut n'être pas de la faute du locataire. Dans ces conditions, mettre à la charge de celui-ci la responsabilité totale de l'accident est manifestement abusif. Au contraire, en cas d'avarie mécanique ayant provoqué un accident, le bailleur est seul responsable de l'état du véhicule.
- article 5.9° : exclusion d'assurance (bris de glace, pneus crevés, parties hautes...). La clause est manifestement déséquilibrée en ce qu'elle impose au locataire une prétendue exclusion d'assurance alors qu'il n'a commis, aucune faute, si bien qu'au regard de l'article 1732 du Code civil, il ne devrait pas supporter les dégradations. En outre, la notion de "parties hautes" est pour le moins ambiguë ainsi que l'a relevé la Commission, et le Tribunal de grande instance de Grenoble,
- article 9 in fine : Elle prévoit que le loyer journalier continue à courir jusqu'à réception des documents. Une telle clause emporte manifestement un déséquilibre puisque la restitution de ces documents peut être impossible (incendie) ou retardé (hospitalisation). Le caractère abusif est d'autant plus manifeste que cette sanction s'ajoute à celle prévue par l'article 5.2 qui prévoit l'hypothèse de la non-restitution des papiers ou des clés. Une clause similaire a été jugée abusive par la Cour d'appel d'Orléans.
4) L'appel incident sur les dommages et intérêts:
Compte tenu de l'attitude du professionnel qui s'est refusé à toute modification de son contrat, et qui n'a apporté aucune réponse aux observations qui lui ont été faites, et compte tenu du préjudice subi par l'intérêt collectif des consommateurs, la demande de dommages et intérêts est justifiée.
Compte tenu de ce que la SA Lamy utilise de manière générale le contrat critiqué, et compte tenu de la taille de l'entreprise (22 millions de francs de chiffre d'affaires en 1999), le préjudice collectif est important. Il en est de même du préjudice associatif dès lors qu'elle effectue un travail important dans tous les secteurs de l'activité économique, ce qui l'oblige a des frais importants.
Motifs de l'arrêt
- Sur la recevabilité:
Par application combinée des articles L. 421-2 et L. 421 -6 du Code de la consommation, l'association UFC 38 sera déclarée recevable à agir aux fin de suppression des clauses illicites ou abusives insérées dans des contrats proposés aux consommateurs.
La SA Lami ne démontre pas qu'elle donne des véhicules en location uniquement à des professionnels.
- Sur la typographie:
Le premier juge a justement relevé que les conditions générales du contrat de location litigieux étaient imprimées à l'encre pâle, en petit caractères, le tout figurant dans un texte parfaitement illisible. C'est à bon droit qu'il a ordonné à la SA Lami d'imprimer le nouveau contrat en caractères typographiques contrastés et au moins en corps 8.
Il convient de relever que dans le nouveau modèle de contrat produit aux débats, les caractères ont été modifiés ainsi que la couleur de l'encre, rendant le tout lisible.
- Sur la suppression "offerte" par la SA Lami:
La SA Lami ne conteste pas le caractère abusif de certaines clauses du contrat de location. Ces clauses sont énumérées aux paragraphes 1, 2, 11, 12 et 30 de l'assignation délivrée par UFC 38. Leur suppression, ordonnée par le premier juge, sera confirmée.
- Sur les modifications proposées par la SA Lami:
La SA Lami offre de modifier certaines clauses du contrat dans les termes qu'elle indique dans ses conclusions; il s'agit des clauses visés aux paragraphes 8, 10, 11, 12, 19, 24, 26, 27, 29, et 31;
Elle reconnaît implicitement le caractère abusif ou illicite de ces clauses. Il convient d'en ordonner la suppression du contrat litigieux. Il appartiendra à la SA Lami de modifier ses clauses afin qu'elles ne puissent plus être considérée comme abusives. Il n'est pas du rôle de la cour de donner son aval à la société de location sur des modifications proposées, ou sur celles qu'elle a effectuées au cours de l'année 2001, comme en atteste le nouveau modèle de contrat versé aux débats;
Il est de l'intérêt des consommateurs que la juridiction saisie se prononce sur le caractère abusif ou illicite de telle ou telle clause afin qu'elle ne puisse à l'avenir être réintroduite dans de nouveaux contrats.
L'existence d'un nouveau modèle n'est pas de nature à supprimer la nécessité d'interdire l'utilisation de l'ancien modèle.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la suppression de ces clauses du contrat litigieux.
- Sur les autres clauses:
Selon l'article L. 132-1 du Code de la consommation, "sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ".
Les différentes clauses seront examinées en tenant compte de la présentation faite dans ses écritures par l'association UPC 38.
3°) Chauffeur du véhicule (article 1er) : cette clause, qui prévoit que le chauffeur doit avoir un permis datant de plus de deux ans, et être au moins âgé de 21 ans, excepté pour certains véhicules, où l'âge requis sera de 25 ans, ne confère aucun avantage excessif au loueur. Elle n'est pas abusive.
4°) Sortie du territoire national (article 1er in fine) : une telle clause limitant l'utilisation des véhicules au territoire métropolitain, et imposant au locataire de solliciter l'accord du loueur pour se rendre à l'étranger, ne crée pas un déséquilibre significatif au profit du loueur. Elle n'est pas abusive. Tout au plus il peut être reproché à la SA Lami de ne pas faire apparaître cette clause en caractères très apparents.
5°) Compteurs kilométriques (article 2): Une telle clause ne peut être considérée comme abusive dès lors que son application suppose un fait volontaire et frauduleux du locataire qui peut s'exonérer en rapportant la preuve que le viol ou la détérioration du compter est le fait d'un tiers ou d'une cause étrangère; Contrairement à ce que soutient l'association, une telle clause n'est pas considérée comme abusive par la Commission des clauses abusives.
6°) Pneumatiques (article 2): Une telle clause, qui met à la charge du locataire le changement de pneumatiques "en cas de détérioration ou d'usure ", fait supporter à celui-ci l'usure anormale due par exemple à un vice de la chose. Elle est abusive et devra être supprimée.
7°) Autocollants (article 2): Il est interdit au locataire d'enlever les autocollants du véhicule "sous peine de facturation de ces derniers et du retrait sans préavis du véhicule". Cette clause est abusive par le déséquilibre significatif qu'elle instaure, au profit du loueur, entre le fait du locataire, ou d'un tiers, et la sanction appliquée, le retrait sans préavis du véhicule. Elle devra être supprimée.
9°) Adjuvants contre le gel (article 3): Cette clause qui impose au locataire de prémunir le véhicule contre les conséquences du gel, ne crée pas un déséquilibre manifeste au profit du loueur. Elle impose au locataire de veiller, en cas de baisse importante de la température, à ce que les circuits dans lesquels circule de l'eau, soient suffisamment protégés par un liquide approprié. Cette clause n'est pas abusive.
13°) Assurances (article 5.1) : cette clause prévoit une exclusion d'assurance "lorsqu'ils sont transportés dans le véhicule assuré, du conjoint, des ascendants et des descendants de l'assuré responsable du sinistre ou du conducteur responsable du sinistre". Une telle clause est illicite au regard des dispositions de l'article L. 211-1 du Code des assurances.
14°, 15°, et 16°) Garantie vol (article 5.2) : Les conducteurs sont garantis "contre le vol et contre paiement d'une franchise sous réserve de restitution à Lami des clefs, cartes grises, talon de vignette et attestation d'assurance. Le défaut de restitution d'un seul de ses éléments entraînera la facturation au locataire de la valeur "Argus" du véhicule. En cas de vol total ou partiel, la franchise sera multipliée par deux ".
Cet article fait peser sur le locataire une présomption de responsabilité au motif qu'il se trouve dans l'impossibilité de remettre les clés du véhicule ou l'un des documents afférents à la conduite. Il instaure au profit du loueur un déséquilibre manifeste dès lors qu'il fait supporter au locataire les conséquence d'un fait qui ne lui est pas imputable, et qu'en outre, le loueur est indemnisé par son assureur.
Les clauses figurant dans cet article 5.2 sont abusives et devront être supprimées.
17°) Vêtements et objets transportés (article 5.3 et 5.5) cette clause exclut de la garantie les objets et vêtements transportés. Cette clause ne porte que sur des éléments accessoires. Elle ne crée pas un déséquilibre manifeste au détriment du locataire. En outre, elle ne fait pas partie des recommandations de la Commission des clauses abusives.
18° et 25°) Dommages au véhicule (article 5.3 et 5.9) : cette clause fait supporter au locataire les dommages aux parties hautes du véhicule qui pourraient provenir d'une cause non imputable à celui-ci, et qui ne résulterait pas par exemple d'une mauvaise appréciation de sa part du gabarit du véhicule, ainsi que le bris de glace, les dommages causés par des actes de négligence, les pneus crevés ou éclatés. Cette clause n'est pas suffisamment précise, prévoit des exclusions de garantie sans faute, et sa rédaction n'attire pas suffisamment l'attention du locataire. Elle doit être jugée abusive.
20°) Déclaration de sinistre (article 5.4) selon la clause, le locataire est "déchu" de l'assurance s'il ne mentionne pas dans sa déclaration un certain nombre d'informations (coordonnées des témoins, numéro de véhicule de l'adversaire...). La clause qui prévoit une telle sanction, alors que le locataire n'a pas nécessairement la possibilité de connaître tous ses éléments, est abusive.
21°) Déchéance de garantie (article 5.4 d) Le locataire s'engage, sous peine d'être déchu de l'assurance, "à ne discuter en aucun cas la responsabilité, ni traiter ou transiger avec des tiers... ". Il ne peut être soutenu que cette clause laisse croire au locataire qu'il sera déchu de l'assurance s'il reconnaît la matérialité des faits
C'est à tort que le premier juge a déclaré cette clause abusive.
22°) Déchéance de garantie à l'expiration de la durée de location (article 5.6): Le véhicule n'est assuré que pour la durée de la location, et passé le délai, le loueur décline toute responsabilité. La clause qui exonère le bailleur de sa responsabilité après la date prévue pour la restitution du véhicule est considérée comme abusive par la Commission. Cette clause crée un déséquilibre manifeste alors que la locataire peut avoir des motifs non-fautifs de non-restitution du véhicule, ou peut souhaiter prolonger la location sans avoir pu avertir le loueur en temps utile. Cette clause abusive devra être supprimée.
23°) Responsabilité du locataire à la suite d'un "accident sans tiers "(article 5.6) : cette clause est abusive en ce qu'elle met à la charge du locataire les conséquence d'un accident sans tiers, même si l'accident n'a pas pour origine la faute du locataire (défaillance mécanique par exemple). Cette clause, qui crée un déséquilibre significatif, doit être déclarée abusive.
28°) Papiers du véhicule (article 9): dès le retour du véhicule, le locataire doit remettre les documents afférents à la conduite du véhicule, étant précisé que "le loyer correspondant au contrat continuera à courir jusqu'à réception de ces documents. Cette clause est abusive, et a été reconnue comme telle par la Commission. Elle met à la charge du locataire les loyers sans réserver le cas où celui-ci aurait été empêché de restituer les documents visés pour des misons indépendantes de son fait.
- Sur les dommages et intérêts:
Le préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs par la présence dans le contrat de location litigieux, d'un grand nombre de clauses jugées abusives, et par la résistance opposée par le professionnel à la modification de son contrat justifie l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. Quant au préjudice associatif, il sera suffisamment réparé par l'allocation de la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.
- Sur la publication:
Compte tenu de l'ancienneté des faits, de la modification partielle du contrat intervenue en cours de procédure, la demande de publication sera rejetée et le jugement réformé de ce chef.
- Sur les astreintes sollicitées:
Compte tenu de la modification du contrat intervenue en cours de procédure, la demande de fixation d'une astreinte sera rejetée.
- Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'association des frais non compris dans les dépens. Il lui sera alloué en cause d'appel la somme de 1 000 euros.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare recevable l'action de l'association UFC 38, Confirme le jugement déféré Sauf en ce qu'il a * déclaré abusives les clauses suivantes : 3°) Chauffeur du véhicule (article 1er) 4°) Sortie du territoire national (article 1er infime) 5°) Compteurs kilométriques (article 2) 9°) Adjuvants contre le gel (article 3) 17°) Vêtements et objets transportés (article 5.3 et 5.5) 21°) Déchéance de garantie (article 5.4 d), * limité le montant des dommages et intérêts réclamés par l'association UFC 38 à la somme de 20 000 F, * ordonné la publication du jugement, * fixé une astreinte, Le reforme de ces chefs, Et statuant à nouveau, Déboute l'association de sa demande aux fins d'entendre déclarer abusives les clauses 3°, 4°, 5°, 9°, 17°, 21°, Condamne la SA Lami à payer à l'association UFC 38 la somme de 5 000 euros pour le préjudice collectif et celle de 1 500 euros pour le préjudice associatif, Déboute l'association de sa demande de publication du jugement et de fixation d'une astreinte, Condamne la SA Lami à payer à l'association UFC 38 la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la SA Lami aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile au profit des avoués qui en ont fait la demande.