CA Lyon, 3e ch. civ., 6 mai 2004, n° 03-05069
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Erce Plasturgie (SA)
Défendeur :
VDO France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martin
Conseillers :
MM. Simon, Kerraudren
Avoué :
Me Ligier de Mauroy
Avocats :
Mes Covillard, Bouillot
Exposé de l'affaire :
Par exploit du 21 mars 2002, la société Erce Plasturgie, qui a notamment pour objet la fabrication et la transformation de matières plastiques, a assigné la société VDO France, fabricant d'équipements automobiles, devant le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, en réparation du préjudice que lui aurait causé son fournisseur en rompant brutalement des relations commerciales établies depuis plus de dix ans et caractérisées par des pratiques abusives. Par jugement du 18 juillet 2003, le tribunal:
- a déclaré la société VDO France recevable et fondée en son exception d'incompétence,
- vu l'article 46 du nouveau Code de procédure civile,
- s'est déclaré incompétent ratione loci au profit du Tribunal de commerce de Nancy,
- a laissé les frais irrépétibles à la charge respective des parties,
- a mis les dépens à la charge de la société Erce Plasturgie.
La société Erce Plasturgie a formé un contredit le 4 août 2003.
Aux termes de ses dernières écritures, reprises verbalement à l'audience du 18 décembre 2003, elle prie la cour de dire que le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse était bien compétent en l'espèce et de renvoyer l'affaire devant cette juridiction. A titre subsidiaire, elle réclame l'évocation du fond et, en toute hypothèse, l'allocation de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La défenderesse, pour sa part, a repus verbalement à l'audience ses écritures du 16 décembre 2003 aux termes desquelles elle réclame, à titre principal, la confirmation de la décision déférée. A titre subsidiaire, elle demande à la cour d'évoquer le fond, de débouter la société Erce Plasturgie de ses demandes et de la condamner à lui payer 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A l'audience, la société VDO France a réclamé le rejet des débats des pièces numéros 37 et 38 communiquées le 17 décembre 2003 par son adversaire.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
Motifs:
Attendu que la société Erce Plasturgie a communiqué à son adversaire deux factures le 17 décembre 2003, c'est-à-dire la veille des plaidoiries; qu'il s'est révélé à leur examen à l'audience que les copies ayant fait l'objet de cette communication étaient très peu lisibles ; qu'il s'ensuit que ladite communication est irrégulière et tardive, de sorte que les pièces numéros 37 et 38 de la société Erce Plasturgie seront écartées des débats;
Attendu que la société Erce Plasturgie se prévaut de ses conditions générales de vente comportant une clause attributive de compétence au profit des tribunaux de son siège ; que la société VDO France conteste en avoir eu connaissance au moment de la commande;
Attendu que la société Erce Plasturgie ne verse pas régulièrement aux débats de documents, et notamment de factures, comportant le rappel desdites conditions générales de vente; qu'il n'est nullement établi que celles-ci aient été connues de la société VDO France au moment de la formation du contrat liant les parties et qu'elles aient été acceptées par cette société, de sorte qu'elles lui sont inopposables;
Attendu que lui sont tout aussi inopposables les conditions générales de vente de la plasturgie ; qu'en effet, celles-ci définissent les droits et obligations du transformateur de matières plastiques (article 1.1), activité pratiquée par la société Erce Plasturgie mais non par la société VDO France qui, pour sa part; fabrique des équipements automobiles;
Attendu que la société Erce Plasturgie conclut à l'existence en l'espèce d'un contrat d'entreprise, ce qui justifierait la compétence du lieu d'exécution de la prestation de services ; que la défenderesse soutient quant à elle qu'il s'agit d'un contrat de vente ;
Attendu que les parties sont contraires, en fait, sur l'existence d'un travail spécifique qui aurait été commandé à la société Erce Plasturgie;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats et des explications des parties que la société Erce Plasturgie a effectué une production en série de diverses pièces destinées à la fabrication de tableaux de bord d'automobiles, en fournissant elle-même la matière ; qu'elle a utilisé ses propres presses mais aussi de l'outillage et des moules prêtés par la société VDO France ;
Attendu que la société Erce Plasturgie ne prétend pas avoir exécuté elle-même des plans ou des moules ou avoir dû modifier son système de fabrication; qu'il y a donc lieu d'admettre qu'il s'agissait pour elle d'une activité courante de production industrielle, comme le soutient la société VDO France ; qu'en outre, les éléments versés aux débats à ce stade de la procédure ne permettent pas d'affirmer que les pièces ne pouvaient être utilisées que par la société VDO France puisque, au contraire, elles étaient destinées à s'intégrer dans des tableaux de bord équipant des véhicules automobiles de série ; que les conditions générales d'achat de la société VDO France qui se rapportent à la propriété des outillages et modèles, prévoient d'ailleurs expressément l'usage par un fiers, sous réserve de l'accord de VDO France;
Attendu qu'il importe peu que la société Erce Plasturgie ait été ternie de respecter les instructions de sa cliente en matière de qualité, de quantité, de conditionnement et de délais ; que ces exigences ne sont pas de nature à exclure l'existence d'un contrat de vente, tel qu'il est caractérisé en l'espèce, ce qu'admet au moins implicitement la société Erce Plasturgie en invoquant à la fois ses conditions générales de vente et les conditions générales de vente de la plasturgie;
Attendu, en conséquence, que la société demanderesse ne peut se prévaloir de l'existence d'un contrat d'entreprise et, par suite, des dispositions de l'article 46 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile ; que, selon ce texte, le lieu de livraison de la chose, soit en l'espèce le siège social de la société VDO France, renvoie à la compétence du Tribunal de commerce de Nancy;
Attendu que la société Erce Plasturgie prétend enfin que son action, fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, est une action en responsabilité quasi-délictuelle, et non contractuelle, ce qui lui permettrait de bénéficier des dispositions de l'article 46, alinéa 3, du nouveau Code de procédure civile;
Attendu qu'il ressort des propres écritures de la société Erce Plasturgie qu'elle réclame l'application de l'article L. 442-6,5° du Code de commerce relatif à la rupture brutale d'une relation commerciale établie;
Attendu qu'il est constant qu'en l'espèce de nombreux contrats de vente successifs ont été passés entre le fournisseur et sa cliente; qu'il s'ensuit que la rupture de ces relations commerciales régulières confère bien à l'action engagée par la société Erce Plasturgie, sur la base du texte précité, un caractère contractuel; que d'ailleurs, ce texte fait état de "responsabilité" au sens large, laquelle peut, selon les cas, être de nature contractuelle ou délictuelle et non exclusivement délictuelle, contrairement à ce que soutient la demanderesse;
Attendu en définitive que les moyens soumis à la cour par la société Erce Plasturgie ne peuvent qu'être écartés ; que le contredit sera donc rejeté;
Attendu qu'il appartiendra à la juridiction de renvoi saisie au fond de se prononcer sur les demandes des parties en dommages et intérêts et pour frais irrépétibles de procédure;
Par ces motifs et ceux non contraires du tribunal, LA COUR, Ecarte des débats les pièces numéros 37 et 38 communiquées par la société Erce Plasturgie à la société VDO France le 17 décembre 2003, Rejette le contredit, Dit que le dossier de cette affaire sera transmis au greffe du Tribunal de commerce de Nancy ; Condamne la société Erce Plasturgie aux frais du contredit.