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Décisions

CA Aix-en-Provence, 10e ch. civ., 18 juillet 2000, n° 96-23362

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Persoglio

Défendeur :

Association Algernon, MAIF (SA), CPAM des Bouches du Rhône

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vieux

Conseillers :

Mmes Woytt, Kerharo-Chalumeau

Avoués :

SCP Tollinchi-Perret-Vigneron, SCP Cohen-Guedj, SCP Sider

Avocats :

Mes Mennetrier-Marchiani, Jouffret, Dureuil.

TGI Marseille, du 24 sept. 1996

24 septembre 1996

Faits et procédure:

La cour est régulièrement saisie de l'appel interjeté par Monsieur Persoglio à l'encontre du jugement rendu le 24 septembre 1996 par le Tribunal de grande instance de Marseille et qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes suite à l'accident survenu le 11 octobre 1992 lors de la 8e course nationale de l'intégration ouverte à toute personne valide ou invalide et organisée par l'association sportive, laquelle avait souscrit une assurance collective auprès de la MAIF au bénéfice de tous les concurrents.

Se plaçant sur le terrain contractuel et sur l'obligation de mettre en œuvre les moyens propres à assurer la sécurité des participants, le tribunal a retenu que ces moyens ne pouvaient avoir pour conséquence d'éliminer les risques inhérents à l'activité sportive considérée et à l'esprit de compétition qu'elle suppose et qu'en l'espèce l'accident survenu ne pouvait être imputé au non respect par l'association de ses obligations contractuelles.

Monsieur Persoglio, appelant, qui a pris des conclusions récapitulatives le 21 janvier 2000, invoque à titre principal la responsabilité contractuelle de l'association compte tenu d'un contrat "tacite" entre l'organisateur d'activité sportive et le participant même non membre de l'Association Algernon; il analyse l'obligation de sécurité "résultat" et "de moyens", à partir des attestations fournies ; subsidiairement, il invoque l'article 1384 alinéa 1 du Code civil et l'arrêt de la Cour de cassation du 22 mai 1995 et "la responsabilité des dommages causés par ses membres" (participants à la course) au cours de la compétition organisée.

Discutant au surplus "le plafond de garantie" opposé par la MAIF, la victime l'analyse en une clause limitative de responsabilité qui serait contraire à l'ordre public ; en conséquence, l'appelant sollicite la réformation de la décision déférée et la condamnation de l'Association Algernon au paiement de 248 670,38 F pour son préjudice corporel et de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et à titre infiniment subsidiaire, la condamnation de la MAIF au paiement des sommes dues au titre de la clause d'indemnisation en se fondant sur le rapport du Docteur Sauvigne désigné par la MAIF.

L'Association Algernon et la MAIF ont pris des conclusions le 17 mars 2000, rappellent la règle du non cumul de la responsabilité contractuelle et délictuelle alors que l'assignation initiale était sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ; ils écartent la jurisprudence invoquée sur le plan délictuel car si la victime a été bousculée, l'auteur quant à lui n'a pu être identifié et a pu être un participant extérieur à l'Association.

La MAIF rappelle qu'elle est, d'une part, assureur responsabilité civile de l'Association Algernon et des participants et, d'autre part, assureur au titre de la garantie individuelle accident, il s'agit alors d'une clause fixant seulement les règles d'application des garanties ; elle maintient son courrier du 18 août 1994 et ses offres par rapport au capital et au taux de 10 %, en rappelant que si l'Association est responsable, la garantie individuelle ne reçoit pas application ; elle fait alors des offres subsidiairement quant aux préjudices au titre de la responsabilité civile. La CPAM des Bouches du Rhône fait des réserves.

La procédure est clôturée le 21 mars 2000 avant l'ouverture des débats.

Motifs de la décision:

Attendu que la cour est saisie de plusieurs difficultés, le problème de la responsabilité de l'Association Algernon étant différent de celui de l'étendue de la garantie souscrite auprès de la MAIF qui est à la fois assureur de responsabilité civile de l'Association Algernon et des participants et assureur au titre de la garantie individuelle accident dont bénéficie Monsieur Persoglio, (régie par les articles 31 et 37 des conditions générales);

1) Sur la responsabilité de l'Association Algernon:

Attendu que la cour doit rappeler aux parties la règle du non cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles, ce qui exclut toute option au profit de la victime, et que s'il y avait contrat, il y avait nécessairement une action en responsabilité de nature contractuelle ;

Que cependant en l'espèce la victime se place sur deux terrains différents, elle recherche la faute directe de l'Association Algernon sur le plan contractuel, puis celle d'un membre dont " l'Association " doit répondre au sens de l'article 1384 alinéa 1 ;

Attendu que sur la plan délictuel la Cour de cassation a certes étendu l'article 1384 alinéa 1 du Code civil des établissements d'enfants handicapés, aux personnes physiques ou morales auxquelles le Juge des enfants confie la garde d'un mineur en danger en retenant qu'ayant mission d'organiser, de diriger et de contrôler le mode de vie du mineur ou de ce majeur ils sont responsables des dommages qu'ils causent à cette occasion y compris à un autre placé dans l'établissement ;

Attendu que par un arrêt du 3 février 2000 la 2e chambre civile a encore étendu le domaine de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil ainsi "les associations sportives, ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres au cours des compétitions sportives auxquelles ils participent, sont responsables au sens de cet article des dommages qu'ils causent à cette occasion" ; que la Cour de cassation reprend encore ici l'idée des personnes dont on doit répondre ; que dans d'autres cas un joueur a été blessé au cours d'un match de rugby par un joueur de l'équipe adverse mais qui n'a pas été identifié et l'équipe est sanctionnée pour l'attitude violente de son joueur;

Attendu qu'en l'espèce la 10e édition de la course nationale de l'intégration est organisée par l'Association Algernon et le COOPSOC avec la participation de la Fédération Française de Sport adapté et l'épreuve est ouverte à tous valides et non valides et trois départs simultanés sont donnés à 10 heures de Luminy 6 km, stade de vélodrome 10 km et jardins du pharo 5 Km ; que selon les témoins, sur la ligne de départ, il y avait plusieurs centaines de concurrents au coude à coude avec de nombreux participants en fauteuils roulants lorsque le départ a été donné, il s'en est suivi une grande bousculade au cours de laquelle le jeune Persoglio a été projeté à terre avec d'autres personnes par d'autres concurrents sans qu'on leur impute une attitude violente;

Attendu que des documents versés aux débats, il n'apparaît pas que les coureurs en payant une inscription de 35 F deviennent même pour la durée de la course un " membre " de l'Association Algernon; que dans ses écritures Monsieur Persoglio reconnaît qu'il n'était pas membre de l'Association Algernon et que les autres participants de la course ne l'étaient pas non plus; que la cour ne saurait faire application de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil;

Attendu que la responsabilité contractuelle peut être au contraire recherchée ; en effet la jurisprudence reconnaît l'existence d'un contrat tacite entre les organisateurs d'activité sportive et les participants, qu'il en découle une obligation de sécurité pesant sur les organisateurs qualifiée d'obligation de moyens par la jurisprudence ; que le fait de mélanger dans les courses valides et handicapés ne permet pas de qualifier l'obligation de "sécurité résultat" ;

Que Monsieur Persoglio doit donc démontrer une faute dans l'organisation au départ ; que la cour doit constater qu'elle ne dispose pas assez de renseignements sur la réalisation de la chute, le fait qu'il ait été bousculé est insuffisant pour en déduire un défaut d'organisation ; que les photos de journaux versées aux débats sont postérieures à l'accident, que le document "intitulé assistance coureur" n'est pas daté ; que dans le courrier adressé à la MAIF il n'a jamais été précisé la nature (coureur ou handicapé en fauteuil) de celui qui l'a projeté à terre ; que l'Association Algernon ne saurait être tenue pour responsable contractuellement, la cour reprenant l'analyse du tribunal quant à la mise en œuvre des moyens propres à assurer la sécurité des coureurs ; que la cour n'a pas à évaluer le préjudice en droit commun;

Attendu que la MAIF ne peut alors être tenue qu'en raison de la garantie individuelle de responsabilité civile et son contenu est prévu par l'article 32, en dehors de toutes recherches de responsabilité, avec deux hypothèses possibles aucune recherche de responsabilité n'est envisagée et la MAIF ne peut récupérer, dans le cas contraire les sommes constituent une avance et viennent en déduction des sommes dues par la MAIF en application de la garantie de responsabilité civile

Attendu que la cour doit constater que le plafond de garantie est valable s'agissant d'un domaine où la garantie d'assurance n'est pas obligatoire ; qu'il est donc dû les frais médicaux, pharmaceutiques et chirurgicaux non pris en charge par la CPAM des Bouches du Rhône, sur justification ; les pertes de revenus justifiées si la victime exerce une activité professionnelle rémunérée pendant la durée d'ITT (intervention de l'employeur et de la sécurité sociale ou de tout autre organismes de protection sociale) à concurrence de 100 F par jour dans la limite de 20 000 F, et pour l'IPP 50 000 F le taux soit 12 % 6 000 F;

Que la CPAM ne saurait être indemnisée dans cette hypothèse.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, au fond, - Déclare l'appel principal recevable en la forme mais non fondé en ce qui concerne la responsabilité de l'Association Algernon assurée en responsabilité civile à la MAIF. - Dit n'y avoir lieu à évaluation du préjudice en droit commun. - En conséquence, - Constate que seule s'applique "la garantie individuelle accident" souscrite auprès de la MAIF dont les clauses sont valables. - Donne acte à la MAIF de ses offres sur justifications des frais médicaux non remboursés et de pertes de revenus. - Dit que les sommes porteront seulement intérêt à compter de l'arrêt. - En conséquence, - Condamne l'appelant aux entiers dépens dont distraction au profit des avoués en la cause.