CA Rennes, 2e ch. com., 23 mars 2004, n° 02-04312
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Prodim (Sté), Comptoirs modernes supermarchés Ouest (SAS), CSF (Sté)
Défendeur :
Andis (SARL), Ansart (Epoux), Diapar (Sté), Francap Distribution Bercy Expo (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Letouze
Conseillers :
Mme Nivelle, M. Patte
Avoués :
SCP Chaudet & Brebion, SCP d'Aboville de Moncuit Saint-Hilaire & Le Calonnec, SCP Bazille & Genicon
Avocats :
Mes Lehuede, Brouard, Bouttier.
Les faits:
Le 1er février 1996, la SARL Andis, constituée entre les époux Ansart et leur fils, a conclu avec la société CMER, filiale du groupe Comptoirs Modernes, un contrat de franchise sous l'enseigne Comod ainsi qu'un contrat d'approvisionnement, portant sur un fonds de commerce de type supermarché à Guérande (44).
Ce contrat, conclu pour une durée déterminée de sept ans expirant le 31 janvier 2003 mais renouvelable par tacite reconduction, comportait des obligations réciproques, les principales à la charge du franchisé étant le paiement au franchiseur de redevances mensuelles outre une participation à un fond commun de publicité.
Selon une clause intitulée " non-concurrence en fin de contrat ", la SARL Andis s'obligeait " à ne pas utiliser directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, en société ou autrement, durant une période d'une année, toute enseigne existante qui pourrait lui être proposée par un tiers, et à ne pas offrir une vente des marchandises dont les marques sont liées à cette enseigne ", ceci sur le territoire de la commune de Guérande dans la limite de la zone de chalandise.
Par le même acte, les associés de la SARL Andis se portaient caution illimitée de cette société pour toutes obligations de la débitrice, notamment le parfait paiement des marchandises et redevances.
Au mois d'avril 2000, la société Comptoirs Modernes Supermarché Ouest (CMSO), qui exploitait la marque Champion, est venue aux droits de la société CMER.
Ayant cessé de payer la redevance à compter du mois de novembre 2000, la SARL Andis a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 décembre 2000 remise à CMSO le 26 suivant, pris acte de la rupture du contrat de franchise Comod du fait du franchiseur et fixé le terme des relations commerciales quinze jours avant réception de cette lettre.
Il était fait grief à CMSO:
- de dysfonctionnement dans les livraisons pendant une période de quatre mois;
- de la livraison de produits de la marque Champion;
- de la disparition progressive de l'enseigne Comod;
- d'une proposition d'adhésion au réseau d'enseignes Shopi;
- d'une hausse des prix de vente entraînant un tassement de la marge brute de revendeur;
- d'une politique de ristournes arbitraires.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 janvier 2001, CMSO a refusé ces griefs et considéré que la société Andis rompait le contrat à ses torts exclusifs.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 janvier 2001, CMSO a communiqué aux sociétés Diapar et Francap Distribution Bercy Expo le contrat de franchise conclu avec la société Andis, les menaçant de les tenir pour tiers complices d'une rupture anticipée.
A compter du 10 janvier 2001, la société Andis a cessé de s'approvisionner auprès de CMSO et, le 28 mars 2001, il a été constaté que le magasin arborait l'enseigne G20.
II - Procédure
Dans le cadre de plusieurs instances qui ont été jointes, le Tribunal de commerce de Rennes a été saisi des demandes suivantes:
1°) demandes de CMSO :
- contre la SARL Andis et les époux Ansart, solidairement: paiement des redevances laissées impayées entre le 1er novembre 2000 et le 10 janvier 2001, date d'effet de la rupture (86 932,76 F):
- contre la SARL Andis, les époux Ansart, les société Diapar et Francap, solidairement: réparation des conséquences de la rupture anticipée du contrat par le paiement de:
* 702 216 F pour perte de cotisation;
* 3 148 250 F pour perte de bénéfices bruts;
- contre la SARL Andis:
Exécution de la clause contractuelle de non réaffiliation par:
* dépose sous astreinte de l'enseigne G20
* interdiction sous astreinte de commercialiser des produits de marque de distributeur fournis par Diapar;
* remise mensuelle, sous astreinte, des factures Diapar;
2°) demandes de la SARL Andis contre les sociétés CMER et CMSO:
- désignation d'un expert pour déterminer les conditions tarifaires imposées par le franchiseur, la perte de marge subie, les modalités d'attribution des remises et ristournes;
- paiement par CMER, responsable de la rupture, de:
* 1 032 113 F en remboursement des redevances de franchise et de publicité.
* 1 250 000 F à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 25 juin 2002, le Tribunal de commerce de Rennes a statué comme suit:
" - Met hors de cause la société CMER,
- Condamne la société Andis à payer à la société CMER la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et déboute la société CMER du surplus de sa demande sur ce chef,
- Déclare fautive et abusive la rupture anticipée des relations contractuelles prononcée par la société Andis par lettre du 21 décembre 2000, reçue le 26 décembre avec effet au 10 janvier 2001,
- Condamne solidairement la société Andis et le époux Ansart à payer à la société CMSO à titre de dommages et intérêts la somme de 107 052,14 euro au titre de la perte de cotisation et celle forfaitaire de 15 382 euro au titre de la perte de bénéfices bruts, déboutant par la même société CMSO du surplus de sa demande sur ce chef,
- Condamne solidairement la société Andis et les Epoux Ansart à payer la somme de 13 252,81 euro au titre des redevances laissées impayées entre le 1er novembre 2000 et le 10 janvier 2001,
- Déboute la société CMSO de toutes ses demandes fondées sur l'application de l'article 24-4 du contrat de franchise,
- Met hors de cause les sociétés Francap et Diapar et déboute la société CMSO de ses demandes à leur encontre,
- Condamne la société CMSO à payer à la société Diapar la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamne la société CMSO à payer à la société Diapar la somme de 1 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- Condamne la société CMSO au paiement à la société Francap de la somme de 1 500 euro pour procédure abusive,
- Condamne la société CMSO à payer à la société Francap la somme de 1 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- Condamne la société CMSO aux dépens de l'instance concernant Francap et Diapar,
- Condamne la société Andis et les époux Andis à payer à la CMSO la somme 3 049,98 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,
- Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,
- Condamne la société Andis et les époux Ansart au entiers dépens ".
Appel de ce jugement a été interjeté:
- Le 2 juillet 2002 par la société CMSO contre toutes les autres parties;
- Le 19 juillet 2002 par les sociétés Prodim et CSF, venant aux droits de CMSO en vertu de traités d'apport partiels d'actifs, contre toutes les autres parties;
- Le 29 juillet 2002 par la SARL Andis et les époux Ansart, contre les sociétés CMSO, Prodim et CSF
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2004.
III - Prétentions des parties:
Les conclusions déposées avant la clôture comportent les dispositifs suivants:
- pour les sociétés Prodim et CSF (31 décembre 2003):
Décerner acte aux sociétés Prodim et CSF de ce qu'elles viennent au droits de la société CMCO, la première pour la partie " franchise ", la seconde, partie approvisionnement et logistique,
Déclare recevable l'appel;
En conséquence,
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la société Andis et les époux Ansart à payer à la société CMCO la somme de 13 252,80 euro au titre des redevances laissées impayées entre le 1er novembre 2000 et le 10 janvier 2001, sauf à dire que cette condamnation profitera à la société Prodim du fait du traité d'apport intervenu;
Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré fautive et abusive la rupture anticipée des relations contractuelles prononcées par la société Andis, par lettre du 21 décembre 2000, reçue le 26 décembre 2000, avec effet au 10 janvier 2001:
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Andis de toutes ses demandes, fins et conclusions;
Confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de dommages et intérêts formée au titre de la perte de cotisations;
Réformant la décision rendue par le tribunal de commerce pour le surplus,
Déclarer fautive et comme constituant un acte de concurrence déloyale l'attitude des sociétés Francap et Diapar, en ce qu'elles ont prêté leur concours à la société Andis pour la résiliation anticipée des relations contractuelles, résiliation déclarée fautive.
En conséquence condamner solidairement la société Andis, les époux Ansart, la société Diapar à payer:
- à la société Prodim la somme de 107 052,14 euro au titre de la perte de cotisations de franchise,
- à la société CSF la somme de 479 947,62 euro au titre de la perte du bénéfice brut:
Condamner solidairement la société Andis, les époux Ansart, la société Francap et la société Diapar à payer à la société Prodim la somme de 1 524,49 euro, et à la société CSF la somme de 1 524,49 euro au titre des frais non répétibles de première instance, de même qu'aux dépens;
Réformant la décision rendue par le tribunal de commerce en ce qu'elle a débouté la société CMCO de sa demande relative à l'application de la clause de non-réaffiliation,
Condamner la société Andis à déposer l'enseigne " Supermarché G20" ou toute autre enseigne existante qui pourrait lui être proposée par un tiers, dans les vingt-quatre heures de la signification de l'arrêt à intervenir;
Dire que l'interdiction d'opposer une autre enseigne vaudra pendant un délai d'un an;
Condamner la société Andis, à défaut d'y procéder à payer à la société Prodim une astreinte d'un montant de 15 244,90 euro par jour de retard,
Faire interdiction à la société Andis d'avoir à commercialiser des produits à marque de distributeur des sociétés Diapar et Francap, ou de toute autre enseigne existante qui pourrait lui être proposée par un tiers, et ce dans les vingt-quatre heures de la signification de l'arrêt à intervenir;
Dire que cette interdiction vaudra pendant un délai d'un an;
Condamner la société Andis à payer à la société Prodim la somme de 7 622,45 euro et à la société CSF la même somme, à titre d'astreinte, et ce par infraction constatée;
Condamner la remise, le 15 de chaque mois, par la société Andis aux sociétés Prodim et CSF des factures de marchandises pour le mois précédent, et dire que faute par la société Andis d'y satisfaire, elle y sera contrainte par une astreinte de 3 811,25 euro au profit d'une part de la société Prodim, d'autre part de la société CSF;
Subsidiairement, et pour le cas où la cour choisirait de ne pas faire droit à la demande d'exécution forcée de la clause de non-réaffiliation conclue entre les parties;
Condamner la société Andis à payer à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la clause de non-réaffiliation, et ce en application de l'article 23 du contrat de franchise;
* à la société Prodim, la somme de 139 109,25 euro;
* à la société CSF, la même somme;
Encore plus subsidiairement et pour le cas où il serait jugé que seule la société Prodim peut se prévaloir de la clause de non-réaffiliation, condamner la société Andis à payer à la société Prodim la somme de 15 244,90 euro à titre d'astreinte par infraction constatée;
Ordonner la remise, le 15 de chaque mois, par la société Andis à la société Prodim, des factures de marchandises pour le mois précédent, et dire que faute par la société Andis d'y satisfaire, elle y sera contrainte par une astreinte de 7 622,50 euro.
Pour le cas où la cour choisirait de ne pas faire droit à la demande d'exécution forcée, condamner la société Andis à payer à titre de dommages-intérêts, pour non-respect de la clause de non-réaffirmation, et ce en application de l'article 23 du contrat de franchise, à la société Prodim, la somme de 278 218,50 euro.
Débouter la société Andis, les époux Ansart, les sociétés Diapar et Francap de toutes leur demandes reconventionnelles;
Condamner solidairement la société Andis, les époux Ansart, les sociétés Francap et Diapar à payer:
* à la société Prodim, la somme de 3 811,23 euro,
* à la société CSF, la même somme,
et ce au titre des frais non répétibles exposés devant la cour;
Condamner solidairement la société Andis, les époux Ansart, les sociétés Francap et Diapar aux entiers dépens d'appel "
- pour la société CMCO (31 décembre 2003):
Lui allouer le bénéfice des demandes des sociétés Prodim et CSF pour le cas où celles-ci seraient déclarées irrecevables à agir;
- pour la SARL Andis (8 octobre 2003):
" Dire la rupture du contrat intervenue au 10 janvier 2001, seule imputable à la société CMSO;
Condamner solidairement les sociétés Prodim et CSF venant aux droits de la sociétés CMSO à payer à la société Andis une somme de 157 344,01 euro à titre de remboursement des redevances de franchise et de publicité indûment perçues depuis l'origine du contrat;
Condamner solidairement les sociétés Prodim et CSF venant aux droits de la société CMSO à payer à la société Andis une somme de 190 565 euro à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi par la société Andis compte tenu des manquements de son franchiseur-fournisseur;
Donner acte à la société Andis qu'elle se réserve la faculté de modifier cette demande après les conclusions du rapport d'expertise tel que demandé ci-après;
Désigner tel expert qu'il plaira à la cour, lequel aura une mission de:
Après avoir entendu les parties et examiné les pièces produites,
Après avoir établi des états comparatifs entre les prix d'achat et de vente imposés par la société CMER, la société CMSO et tout autre fournisseur, dire si la société CMER puis la société CMSO ont offert à la société Andis des prix de cession compétitifs au regard des ses engagements contractuels permettant à la société Andis de vendre des marchandises à sa clientèle au meilleur rapport qualité/prix,
Chiffrer, le cas échéant, le montant du préjudice résultant de la perte de marge et des conditions tarifaires défavorables.
Se faire communiquer les conditions d'attribution de remises arrières et autres ristournes sur achats tant pour ce qui concerne les achats effectués auprès des entrepôts de la société CMER puis de la société CMSO qu'auprès des fournisseurs référencés.
Dire que les sociétés Prodim et CSF intervenant aux lieu et place de la société CMSO, elle-même intervenue aux lieu et place de la société CMER, elles devront être appelées aux opérations d'expertise,
Dire que l'expertise sera mise en œuvre et l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du nouveau Code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties il déposera son rapport au secrétariat-greffe dans les trois mois de sa saisie.
Fixer la provision à consigner au greffe au titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par l'arrêt à intervenir aux frais de la défenderesse.
Déclarer irrecevables et mal fondées les sociétés Prodim et CSF venant aux droits de la société CMSO en toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Andis;
Les en débouter;
En tout état de cause,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société CMSO de sa demande au titre de la clause de non-réaffiliation et débouter les sociétés Prodim et CSF de leurs demandes à cette fin;
Condamner les sociétés Prodim et CSF venant aux droits de la société CMSO à payer à la société Andis une somme de 7 622 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- pour la SA Francap (8 octobre 2003):
Déclarer irrecevables les sociétés CMSO, CSF et Prodim en leur appel du jugement du Tribunal du commerce de Rennes du 25 juin 2002:
Déclarer, à tout le moins, la société CMSO irrecevable en son appel pour défaut d'intérêt à agir:
Dire et juger sans fondement les réclamations formées par les sociétés CMSO, Prodim et CSF à l'encontre de la société Francap distribution;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société CMSO de ses réclamations à l'encontre de la société Francap distribution;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société CMSO pour procédure abusive;
Infirmer en revanche le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société CMSO à une somme de 1 500 euro;
En conséquence,
Condamner les sociétés CMSO, CSF et Prodim in solidum à payer une somme de 10 000 euro à la société Francap distribution pour procédure abusive.
Les condamner à verser in solidum à la société Francap distribution la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel:
- pour la société Diapar (1er octobre 2003):
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés Prodim et CSF de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Diapar;
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CMSO au paiement d'une somme de 1 500 euro pour procédure abusive et 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Y ajoutant:
Condamner in solidum les sociétés CMSO et Prodim à payer à la société Diapar une somme de 5 000 euro pour appel abusif;
Les condamner en outre en solidum à payer à la société Diapar une somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et tous les dépens de première instance et d'appel:
- pour les époux Ansart (17 mars 2003):
Débouter les sociétés Prodim et CSF de leurs demandes dirigées à l'encontre de Monsieur et Madame Ansart;
Condamner les sociétés Prodim et CSF au paiement d'une somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Les condamner en tous les dépens.
Postérieurement à l'ordonnance de clôture, la SARL Andis a déposé ses conclusions au fond et communiqué de nouvelles pièces (numéros 113 à 115) le 23 janvier 2004.
Ce même jour, la société Francap a communiqué une pièce (numéro 15).
Les sociétés CMSO, Prodim et CSF ont alors soulevé l'irrecevabilité de ces conclusions et pièces.
La SARL Andis a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture, à défaut, le rejet des conclusions signifiées le 31 décembre 2003 par les sociétés CMSO, Prodim et CSF.
Le 30 janvier 2004, soit après l'audience, les sociétés CMSO, Prodim et CSF ont produit une nouvelle pièce, dont le rejet est demandé par la SA Francap.
Sur ce:
I - Sur la procédure après clôture:
Par conclusions déposées le 27 janvier 2004, jour de l'audience, la société Andis sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture afin que soient déclarées recevables les conclusions par elle régularisées le 27 janvier 2004 et les pièces par elles communiquées le 23 janvier 2004.
En réalité, les conclusions de fond dont l'admission est recherchée ont été déposées par la société Andis, non pas le 27 janvier mais le 23 janvier 2004.
En toute hypothèse, le motif invoqué à l'appui de la demande de révocation est que les dernières conclusions de CMSO, Prodim et CSF, bien que déposées le 31 décembre 2003, n'ont été reçues que le 5 janvier 2004, qu'au vu de ces conclusions, la société Andis a adressé aux sociétés adverses trois sommations de communiquer des pièces qui sont demeurées vaines.
Cependant, alors que CMSO, Prodim et CSF avait déjà conclu au fond à plusieurs reprises avant le 31 décembre 2003, notamment le 3 octobre 2003, Andis a disposé d'un délai compris entre quinze et vingt jours, donc suffisant, pour, le cas échéant, répondre à l'argumentation adverse et faire toute sommation utile de communiquer des pièces, de manière que la cour eût pu tirer les conséquences d'une abstention ou d'un refus, par la partie destinataire de la sommation, de déférer à celle-ci.
Il n'existe donc aucune cause de révocation de l'ordonnance de clôture au sens de l'article 784 alinéa 1er du même Code.
Les conclusions déposées et les pièces communiquées par la société Andis le 23 janvier 2004.
De même, la pièce numéro 15 produite par Francap le 23 janvier 2004, soit deux jours après la clôture, et la pièce produite le 30 janvier 2001 par CMSO, Prodim et CSF ne peuvent qu'être écartées des débats.
II - Sur la recevabilité des appels de CMSO, Prodim et CSF:
Ce moyen de procédure est soulevé par la société Francap.
En vertu des dispositions de l'article 456 du nouveau Code de procédure civile, pour qu'une partie ait le droit de faire appel, il faut qu'elle y ait intérêt à la date à laquelle le recours est formé.
En l'espèce, CMSO a fait appel le 2 juillet 2002.
Or, à cette date, la transmission universelle de son patrimoine s'était effectuée au profit des sociétés CSF et Prodim en vertu des accords d'apports partiels d'actifs, soumis au régime des scissions, conclus après la clôture des débats de première instance ainsi:
Le 30 avril 2002, les assemblées des sociétés CMSO d'une part, CSF d'autre part, ont approuvé l'apport par la première à la seconde de la branche complète d'activité d'exploitation commerciale et d'approvisionnement de fonds de commerce de type supermarché, y compris à titre de participation, et les contrats y afférents;
Le 26 juin 2002, les assemblées des sociétés CMSO d'une part, Prodim d'autre part, ont approuvé l'apport par la première à la seconde de deux branches d'activité complètes, à savoir l'exploitation commerciale de fonds de commerce alimentaire de proximité, y compris les contrats afférents, et de franchiseur et d'animation du réseau de franchise Comod et Marchéplus, y compris les contrats y afférents.
Dévolutaires à titre universel du patrimoine de la société CMSO les sociétés CSF et Prodim justifient ainsi d'un intérêt à former un recours contre le jugement auquel CMSO était partie. Leur qualité de créancier de la société Andis au titre de l'exécution de la rupture du contrat qui liait cette société à CMSO constitue une question de fond et non une fin de non-recevoir.
En revanche, depuis le 26 juin 2002, date d'approbation de la dernière opération d'apport partiel d'actifs, la société CMSO, bien qu'elle conserve sa personnalité morale, n'a plus aucun intérêt à agir, en sorte que son appel est irrecevable. Cependant, intimée par la société Andis et les époux Ansart, elle peut opposer à ceux-ci toutes fins de non-recevoir et tous moyens de défense.
III - Au fond:
1°) Sur l'imputabilité de la rupture:
La rupture n'est pas imputable à faute de la SARL Andis du seul fait que celle-ci a pris l'initiative avant le terme du contrat en ne respectant qu'un préavis de quinze jours lié aux commandes en cours.
Néanmoins la société Andis a agi ainsi à ses risques et périls, s'exposant au contrôle judiciaire a posteriori sur l'existence de fautes imputables à la société CMSO d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat jusqu'au terme contractuellement fixé.
Dans les dernières conclusions qu'elle a valablement déposées, la société Andis formule différents griefs à l'encontre de la société CMSO tant au titre du contrat d'approvisionnement par ventes successives qu'au titre du contrat de franchise.
a) au titre du contrat d'approvisionnement:
Il importe d'observer d'abord que la société Andis ne justifie, ni d'ailleurs ne prétend, avoir adressé la moindre réclamation à CMSO avant la lettre de rupture, soit pendant presque cinq années, ce qui est peu compatible avec l'allégation d'un comportement gravement fautif de ce co-contractant.
- Sur les pratiques tarifaires:
La société Andis fait en substance grief à la société CMSO de lui avoir imposé des prix d'achat et conseillé des prix de revente non compétitifs en sorte que sa marge est allée en se dégradant.
Mais la réalité du grief est d'autant moins établie que la société Andis demande, comme en première instance, qu'un expert vienne précisément dire si la société CMER puis la société CMSO ont offert à la société Andis des prix de cession compétitifs au regard de ses engagements contractuels permettant à la société Andis de vendre les marchandises à sa clientèle au meilleur rapport " qualité-prix ".
La société Andis reconnaît ainsi nécessairement qu'elle n'a pas la preuve de ce qu'elle avance.
Si elle produit des pièces qui tendent à établir qu'elle a obtenu de meilleurs marges avec son nouveau fournisseur, Diapar, à partir de janvier 2001, ce qui peut expliquer son choix de quitter le réseau Comod, cet avantage économique ne saurait caractériser une quelconque faute à la charge de CMSO, alors même que ce franchiseur n'avait souscrit aucun engagement en termes de taux de marge brute, que la société Andis a toujours réalisé des chiffres d'affaires et des marges brutes notablement supérieurs aux comptes prévisionnels établis par le dossier bancaire sur les trois premières années d'activité, que le bilan arrêté au 28 février 2001 révèle que Monsieur Ansart a perçu à titre de rémunération en sa qualité de gérant de la SARL Andis la somme brute de 402 000 F (61 284,50 euro) et que la société a dégagé un bénéfice de 361 588 F (55 123,74 euro) qui a été entièrement affecté au compte courant de chacun des associés.
La simple comparaison, au demeurant imparfaite et incomplète, avec les résultats obtenus dans le réseau concurrent ne démontre pas une faute de CMSO.
- Sur les produits :
La disparition des produits à marque de distributeur propres à l'enseigne Comod n'est pas établie.
Quant à la fourniture par CMSO de certains produits à marque de distributeur d'autres enseignes, la société Andis ne prétend pas que cet élargissement de l'assortiment, auquel elle s'est d'ailleurs prêtée, lui ait causé un préjudice, alors qu'elle ne conteste pas que lesdits produits étaient liés à des marques de plus grande notoriété, habituellement présentés dans de plus grandes surfaces commerciales.
b) Au titre du contrat de franchise :
La société Andis formule cinq griefs :
1 - Abandon de l'enseigne Comod
Il n'est pas contestable qu'à la suite de la fusion entre les sociétés Carrefour et Promodes, le groupe a investi pour développer un nouveau concept " Shopi 2000 ", que la presse a présenté comme appelé à supplanter l'enseigne Comod, concurremment avec l'enseigne Marché Plus.
A supposer même que l'enseigne Comod ait été appelée à s'éteindre à terme au profit des deux enseignes susvisées, il convient de déterminer si, à la fin de l'année 2000, époque de la rupture litigieuse, le réseau avait une consistance ou si la société Andis n'a pas pris prétexte d'une évolution en cours, mais sans conséquences sur la poursuite du contrat d'origine pendant les deux années restant à courir, pour adhérer à un réseau concurrent lui paraissant plus rémunérateur.
Alors que CMSO n'avait pris aucun engagement sur le nombre de points de vente et que l'évolution d'un réseau de distribution est une réalité économique qui n'est pas nécessairement vouée à l'avantage exclusif du franchiseur, il est impossible de considérer que CMSO a commis une faute grave justifiant la rupture immédiate en proposant à son franchisé, à la fin de la cinquième année d'exécution du contrat, d'adhérer à un nouveau concept.
Alors que le réseau Comod était encore étoffé de 83 magasins et que la société Andis reconnaît expressément que le ralliement à l'enseigne Shopi, qui aurait certes constitué une modification contractuelle, ne lui était pas imposé, il lui appartenait de poursuivre le contrat en cours, sauf à tirer ultérieurement, le cas échéant, les conséquences de manquements précis du franchiseur à ses obligations.
b - Défaut de publicité spécifique et de justification des sommes perçues :
La société Andis, qui n'a exprimé aucune doléance à ce sujet au cours de l'exécution du contrat et qui n'a même pas énoncé ce grief dans la lettre de rupture, se borne à alléguer que les campagnes étaient réduites au minimum et que les prospectus n'étaient souvent pas la " pâle copie " des prospectus Champion.
Ces simples allégations, que conteste CMSO en produisant plusieurs documents publicitaires pour l'enseigne Comod, sont insusceptibles d'établir un manquement à la charge du franchiseur, lequel précise sans être contredit qu'il faisait bénéficier le réseau Comod des mêmes avantages publicitaires que le réseau Champion ainsi que de produits à marque de distributeur de plus grande renommée.
Aucune disposition contractuelle n'imposait au franchiseur de rendre compte à chaque franchisé de l'emploi des fonds provenant de la cotisation au fond commun de publicité. Si le gérant de la société Andis avait constaté un défaut de publicité pour son enseigne, il n'aurait pas manqué d'interroger le franchiseur, ce qu'il ne prétend pas avoir fait.
Enfin il n'est pas établi que le franchisé Andis ait été privé, par le fait du franchiseur, de la faculté d'être membre du comité consultant de publicité ou prendre connaissance des avis que ledit comité aurait pu être amené à formuler.
3 - Opacité des remises et ristournes :
La société CMSO fait à juste titre valoir que ces avantages ne sont pas contractuels, ce qui empêche la société Andis de faire de l'ignorance des conditions d'octroi desdits avantages une faute de franchise.
La société Andis est d'autant moins sûre de la pertinence de ce grief qu'elle demande qu'un expert se fasse " communiquer les conditions d'attribution de remises arrière et autres ristournes sur achats, tant pour ce qui concerne les achats effectués auprès des entrepôts de la société CMER puis de la société CMSO qu'auprès de fournisseur référencés " et ce, alors même que le contrat d'approvisionnement et de franchise, qui comporte 24 pages, ne contient aucune clause à ce sujet.
4 - Pratiques de vente générant une perte pour le franchisé :
Ce grief général, qui touche à la politique tarifaire et qui vise plus particulièrement les promotions, n'est étayé d'aucune démonstration ni assorti d'aucune pièce.
5 - Défaut de transmission d'un savoir-faire
Ce grief est, pour la société Andis, seulement caractérisé par la réunion de tous les autres.
Cependant il résulte de ce qui précède qu'aucun d'entre eux n'a de consistance.
La société Andis, qui ne cite aucun manquement de CMSO aux obligations du franchiseur spécifiées au contrat, que ce soit au titre de l'assistance technique ou commerciale, de l'information ou de la formation, n'explique pas comment, à défaut de transmission d'un savoir-faire, elle a pu obtenir les résultats supérieurs aux prévisions, tels que rappelés précédemment.
2°) Sur les conséquence de la rupture :
Ces conséquences sont au nombre de quatre :
- les cotisations laissées impayées du 1er novembre 2000 au 10 janvier 2001;
- les cotisations à échoir jusqu'au terme du contrat;
- la perte de marge sur les approvisionnements
- l'exécution de l'obligation de non-réaffiliation
1 - Cotisations échues avant la rupture du contrat :
La société Andis reconnaît expressément que jusqu'au 10 janvier 2001, date d'effet de la rupture, le franchiseur était la société CMSO et que cette société, considérée par elle comme capable d'assurer la qualité de l'exécution des prestations spécifiées au contrat, bénéficiait de son " intuitu personnae ".
Dès lors qu'Andis n'établit ni que CMSO ait failli à ses obligations ni qu'elle n'a tiré aucune contrepartie des siennes, elle est tenue au paiement des cotisations.
La société Prodim étant venue aux droits de CMSO au titre du contrat de franchise après la rupture dudit contrat, elle est créancière des cotisations demeurées impayées pendant son exécution.
2 - Cotisations à échoir du jour de la rupture au terme du contrat :
Il s'agit d'une créance indemnitaire née de la rupture abusive du contrat, en sorte que, Prodim étant régulièrement venue aux droits de CLSO au cours de l'instance en réparation des conséquences de cette rupture, c'est en vain que la société Andis lui oppose l'absence d'intuitu personnae, alors que cette condition, à la supposer sous-entendue par le franchisé pour la formation et l'exécution du contrat, disparaît nécessairement avec la rupture de celui-ci.
La perte des cotisations prévues jusqu'au terme des relations contractuelles constitue le préjudice direct de Prodim.
3 - Perte de marge :
Le contrat conclu le 1er février 1996 pour une durée de sept ans entre la SARL Andis et la société CMSO prévoit en article 12, relatif à l'approvisionnement, que : " Le franchisé a décidé de conclure le présent contrat afin de bénéficier de l'expérience, de l'habileté et de la puissance d'achat du franchiseur auprès duquel il s'engage à effectuer l'essentiel de ses achats nécessaires à l'exploitation du magasin " Comod ". En outre, le franchiseur lui remet une liste des fournisseurs agréés subsidiaires auprès desquels il aura également la possibilité d'acheter tout produit nécessaire à l'exploitation du magasin " Comod ".
Il ressort de ces dispositions dépourvues d'ambiguïté que le contrat de franchise prévoit un approvisionnement exclusif, alors en outre que son article 13 fait interdiction du franchisé d'exercer toute autre activité ou commerce qu'un magasin Comod, de modifier l'assortiment du magasin sans l'accord exprès du franchiseur et d'exercer aucune activité concurrente, directement, indirectement ou par personne interposée.
Cette clause d'exclusivité d'achat est valable comme étant d'une durée inférieure au maximum fixé par l'article L. 330-1 du Code de commerce, seul applicable en l'espèce.
Il convient, pour apprécier le préjudice né pour le fournisseur, de la rupture anticipée du contrat d'approvisionnement par ventes successives, de se référer au chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année entière ayant précédé la rupture, qui donne la mesure du volume des achats faits par Andis à CMSO.
Le tribunal a justement considéré que le préjudice est constitué de la perte de marge nette obtenue après imputation des charges d'exploitation et la société CSF ne conteste pas la pertinence du taux de marge retenu, soit 1,5 %.
Il résulte de ces paramètres une perte de bénéfice mensuel de 12 346,25 F (1 882,17 euro) soit un manque à gagner jusqu'au terme du contrat de 302 483,12 F (46 113,25 euro)
La société CSF, qui est aux droits de CMSO pour la partie approvisionnement du contrat, est donc créancière de cette indemnité.
4 - Obligation de non-réaffiliation
Cette obligation, qui figure sous l'intitulé " non-concurrence en fin de contrat ", a été stipulée pour un an à compter de la cessation dudit contrat, en sorte qu'elle a pris fin le 10 janvier 2002 et ne peut donc plus être exécutée en nature sous forme de l'enlèvement de l'enseigne G20, de l'interdiction de commercialiser certains produits à marque de distributeur et de remise mensuelle des factures de marchandises.
Il y a lieu d'examiner d'abord si la clause est valide, ensuite et dans l'affirmative, si sa violation par la société Andis a causé un préjudice à la société venant aux droits du franchiseur.
Or la société Andis fait à juste titre valoir que cette clause est illicite dans la mesure où elle ne tend pas à la protection d'un savoir-faire substantiel et identifié, le savoir-faire transmis par CMSO à la suite de CMER, qui n'est pas décrit, étant généralement connu, en tous cas facilement accessible, mais vise exclusivement à protéger un territoire et à assurer la reconstitution locale du réseau en empêchant le franchisé de s'affilier à un autre réseau afin de bénéficier de l'expérience et de la notoriété de celui-ci, ce qui constitue une entrave à la libre concurrence et un avantage pour le franchiseur sans aucune contrepartie, même si le franchisé conserve la possibilité d'exercer le commerce en dehors de toute enseigne préexistante.
La clause litigieuse, qui n'est pas proportionnée à la sauvegarde des intérêts légitimes du franchiseur, est donc de nul effet,étant observé au surplus que les sociétés appelantes de ce chef ne justifient pas du montant de leur demande.
3°) Sur la caution des époux Ansart :
Cette caution est recherchée tant au titre de l'exécution du contrat (cotisations échues avant la rupture) qu'au titre de l'indemnisation consécutive à sa rupture (cotisations à échoir et perte de bénéfices).
Les époux Ansart se sont portés caution des obligations de la SARL Andis à l'égard de la SAS CMER, franchiseur et fournisseur.
Par contrat du 19 avril 2000, la SAS CMER a apporté à la SAS CMSO, alors dénommée NCM 3, divers biens mobiliers et immobiliers dépendant de la branche d'activité magasins de distribution de produits alimentaires et de grande consommation dont elle était propriétaire et qu'elle exploitait directement et par l'intermédiaire de locataires-gérants sous les enseignes Stoc, Comod et Marché Plus.
Les contrats de franchise ont été compris dans l'apport, ce qu'a expressément agréé Monsieur Ansart en sa qualité de gérant de la SARL Andis.
Cet apport d'actifs soumis au régime des scissions s'est traduit par une réduction du capital social de CMER et une augmentation corrélative du capital social de NCM 3 qui a pris la dénomination sociale CMSO à compter du 30 juin 2000, date d'approbation de l'apport par les assemblées générales de chacune des sociétés.
En l'absence d'engagement exprès des époux Ansart de garantir les dettes de la société Andis nées postérieurement à la scission de la société CMER au profit de la société CMSO, leur cautionnement n'a été transféré à cette société, bénéficiaire de la branche d'activité concerné, que pour garantir les dettes nées antérieurement à la scission.
Dès lors que les demandes formées contre les époux Ansart portent sur des créances nées postérieurement à la date d'effet de la scission susvisée, leur garantie ne peut être mise en œuvre.
4°) Sur la complicité de la société Diapar :
Les sociétés Prodim et CSF font en substance grief à la société Diapar d'avoir, bien qu'ayant été dûment avertie par CMSO, le 3 janvier 2001, de l'existence du contrat la liant à Andis et de son opposition à la rupture anticipée dudit contrat, concouru néanmoins à cette résiliation par un démarchage et une incitation d'Andis, dont la lettre de rupture a même été rédigée par le conseil de Diapar, le tout avant de l'approvisionner notamment avec des produits à marque de distributeur de l'enseigne G20.
Alors même que Prodim et CSF reconnaissent que l'approvisionnement d'Andis par Diapar, une fois la rupture consommée, n'est pas en lui-même fautif, il leur appartient d'établir que Diapar a joué un rôle actif dans le processus ayant conduit à la rupture.
Or elles ne font pas cette preuve en se bornant à relever la succession des événements, qu'elles déforment en la qualifiant inexactement de concomitance.
Aucune preuve d'un démarchage et d'une incitation à changer de fournisseur ne peut résulter de la circonstance que Diapar ait, ainsi qu'elle le reconnaît, communiqué ses conditions générales de vente et ses tarifs à la société Andis à une époque où le gérant de cette société, qui nourrissait à l'égard de CMSO les griefs exprimés dans la lettre de rupture, cherchait manifestement à se dégager du contrat en cours.
Le seul fait pour la société Diapar d'être intervenue comme fournisseur d'Andis après que cette société ait rompu ses relations avec CMSO, alors qu'elle est un grossiste indépendant, non franchiseur, ni titulaire de l'enseigne G20, livrant sans contrat d'approvisionnement toutes entités commerciales non tenues par une clause d'exclusivité, ne caractérise nullement un acte ayant contribué à la rupture, peu important par ailleurs que son conseil ait pu prêter son concours pour la rédaction de la lettre de rupture.
Ne constitue pas un acte de complicité de la rupture le fait pour Diapar d'avoir une fois cette rupture consommée, vendu à sa cliente Andis des produits de deux marques dont il est établi qu'elles ne sont pas liées à une enseigne puisque aussi bien on les trouve dans le catalogue d'une entreprise de vente par correspondance.
Il n'est d'ailleurs pas établi qu'Andis ait opposé l'enseigne G20, laquelle appartient à une société coopérative de détaillants, avant le 28 mars 2001, soit plus de trois mois après la notification de la résiliation et alors qu'elle était assignée par CMSO en restitution des éléments matériels de la franchise et en réparation des conséquences de la ruptures.
Alors qu'Andis avait décidé de recouvrer en sa liberté de commander tous produits auprès de tout fournisseur de son choix, l'approvisionnement subséquent par Diapar n'est pas fautif, étant observé au surplus que Prodim ne peut se prévaloir d'une clause n'étant pas nécessaire à la préservation de l'identité et de la réputation du réseau eu égard à la nature substituable des produits distribués dans les magasins d'alimentation de proximité.
Le jugement sera dès alors confirmé, sauf en ce que CMSO a été condamnée à payer à Diapar des dommages et intérêts, l'action, bien qu'infondée, n'ayant pas manifestement dégénéré en abus.
Il en est de même de l'appel dirigé contre Diapar.
5°) Sur la complicité de la société Francap :
Pour caractériser cette complicité, les sociétés Prodim et CSF allèguent en substance, parmi diverses considérations inopérantes, que la société Francap, propriétaire de la marque Belle-France, a autorisé son affilié Diapar à commercialiser les produits de cette marque dans les supermarchés G20, puis, ayant eu connaissance du contrat de franchise liant Andis à CMSO et sachant que cette société s'opposait à la rupture, s'est abstenue de s'opposer à la vente par Diapar de produits de Belle-France dans le magasin de la société Andis et a encouragé son affiliée en continuant à lui fournir des produits de cette marque.
Il convient d'observer d'emblée que ces abstention et actes, dont la réalité est incontestée, sont postérieurs à la rupture des relations contractuelles entre Andis et CMSO, et que les sociétés appelantes, en se bornant à poser le postulat selon lequel Francap était avisée du fait que le magasin de la société Andis devait passer sous l'enseigne G20 alors que le contrat de franchise Comod était toujours en cours, n'établissent à la charge de Francap aucun acte positif antérieur à la rupture et ayant déterminé celle-ci.
Contrairement à l'interprétation que font les sociétés appelantes du règlement intérieur de Francap, l'affilié qui, comme Diapar, approvisionne les magasins de proximité, n'ont nul besoin d'obtenir l'agrément de Francap pour commercialiser des produits Belle-France.
Il est établi que la société Francap est une centrale d'achats et de services qui fait bénéficier ses affiliés grossistes indépendants tels que Diapar, des meilleures conditions d'approvisionnement auprès des fournisseurs qu'elle référence, que, simple mandataire entre les fournisseurs et ses affiliés, elle n'intervient pas dans la gestion de ceux-ci ni dans la distribution qu'ils assurent à leurs propres clients, qu'une fois les produits de sa marque Belle-France, lesquels ne sont liés à aucune enseigne, mis à la disposition du distributeur affilié, elle n'a aucun moyen juridique de s'immiscer dans la revente de ces produits à tel ou tel détaillant, qu'en l'espèce le contrat d'affiliation avec Diapar l'empêchait d'interdire à ce grossiste de livrer des produits Belle-France à un détaillant tel que la société Andis.
Au surplus Francap invoque à juste titre l'épuisement des droits sur sa marque Belle-France après la première mise sur le marché, en vertu des dispositions étant applicables à tout acte de commercialisation dans l'Espace économique européen, sans distinction entre les échanges entre Etats membres ou à l'intérieur de l'un de ces Etats membres.
En définitive la présence constatée dans le magasin de la société Andis, après la rupture du contrat qui liait cette société à CMSO, de quelques produits de la marque Belle-France, à savoir, le 17 janvier 2001, des croquettes pour chat et des haricots mange-tout en conserve, puis, le 28 mars 2001, de pots de confiture, ne saurait caractériser la participation de Francap au processus de rupture.
L'action ainsi menée sans éléments probants ni moyens sérieux a été justement reconnue comme abusive par les premiers juges. Le préjudice en résultant pour la société, Francap sera plus justement évalué à 5 000 euro.
La SARL Andis échoue en toutes ses prétentions et les sociétés CMSO, Prodim et CSF échouent pour une grande partie des leurs.
Il est dès lors justifié de faire masse des dépens de première instance et d'appel et d'en répartir la charge pour 2/3 à la première, pour 1/3 aux secondes.
Il n'y a pas lieu, en équité, de faire droits à leurs demandes respectives fondées sur dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge des autres parties les frais non compris dans les dépends par elles exposées et leur indemnisation globale, pour la procédure de première instance et celle d'appel se fera dans les proportions suivantes :
- 4 000 euro pour chacune des sociétés Diapar et Francap, à la charge des sociétés CMSO, Prodim et CSF;
- 3 000 euro pour les époux Ansart, à la charge des sociétés Prodim et CSF.
Par ces motifs : Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture; Déclare irrecevables les conclusions déposées par la SARL Andis le 23 janvier 2004, Ecarte des débats les pièces communiquées par les sociétés Andis et Francap le 23 janvier ainsi que par les sociétés CMSO, Prodim et CSF le 30 janvier 2004 : Déclare irrecevable l'appel de la société CMSO ; Déclare irrecevable l'appel des sociétés Prodim et CSF ; Réformant partiellement le jugement entrepris : Elève à 46 113,25 euro l'indemnisation mise à la charge de la SARL Andis au titre de la perte de bénéfices subie par le fournisseur et dit que cette somme est due à la société CSF, venant aux droits de la société CMSO; Déboute les sociétés Prodim et CSF de leurs demandes dirigées contre les époux Ansart; Déboute la société Diapar de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive; Elève à 5 000 euro le montant des dommages et intérêts pour procédure abusive payables à la société Francap par les sociétés CMSO, Prodim et CSF; Ajoutant au jugement : Déboute la société Diapar de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif; Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions, étant précisé que les condamnation mises à la charge de la SARL Andis au titre des cotisations de franchise (13 252,81 euro et 107 052,14 euro) bénéficient à la société Prodim et que les sociétés Prodim et CSF sont déboutées de leurs demandes au titre de l'article 26-4 du contrat; Fait masse des dépens de première instance et d'appel; Dit qu'ils seront supportés à concurrence des deux tiers par les sociétés CMSO, Prodim et CSF, du tiers par la SARL Andis; Condamne les sociétés CMSO, Prodim et CSF à payer à chacune des sociétés Diapar et Francap une indemnité de 4 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la première instance et celle d'appel; Condamne les sociétés Prodim et CSF à payer aux époux Ansart 3 000 euro sur le fondement des mêmes dispositions pour la première instance et celle d'appel; Accorde à la SCP Baztlif et Genicon, ainsi qu'à la SCP d'Aboville, Demoncuit-Saint Hilaire, le Callonnec, avoués, le bénéfice de dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.