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Décisions

Cass. 1re civ., 23 novembre 2004, n° 03-11.411

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Pass (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

TI Rochechouart, du 13 déc. 2002 ; 14 ju…

13 décembre 2002

LA COUR : - Attendu que, suivant une offre préalable acceptée le 20 octobre 1998, la société des paiements Pass (la société) a consenti à Mme X... une ouverture de crédit d'un montant de 1 524,49 euros, au taux effectif global de 14,82 % l'an, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction ; qu'après plusieurs renouvellements de cette ouverture de crédit, la société, invoquant la défaillance de Mme X..., a, le 14 novembre 2001, assigné celle-ci en remboursement de la somme prêtée ; que le tribunal a déclaré la société intégralement déchue du droit aux intérêts et constaté que celle-ci avait été désintéressée ;

Sur le premier moyen pris en ses deux dernières branches : - Vu l'article L. 311-37, alinéa 1er, du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 11 décembre 2001 ; - Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai biennal de forclusion opposable à l'emprunteur qui conteste la régularité de l'offre préalable, par voie d'action ou d'exception, commence à courir à la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé ;

Attendu que Mme X... s'étant prévalu des irrégularités de l'offre préalable pour solliciter le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts pour la société, celle-ci a opposé à cette prétention la fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai biennal de forclusion édicté par le texte susvisé en faisant valoir que le contrat avait été formé le 20 octobre 1998, de sorte qu'à la date du 15 janvier 2002, à laquelle avait été contestée l'offre préalable, une telle contestation ne pouvait plus être élevée ;

Attendu que pour rejeter cette fin de non-recevoir le tribunal retient qu'en droit interne le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts n'a d'autre objet que de contester le montant de la créance alléguée par le prêteur, que cette contestation, fût-elle fondée sur l'irrégularité de l'offre de crédit, ne constitue pas une exception mais un simple moyen de défense puisque, conformément aux articles 64 et 71 du nouveau Code de procédure civile, elle ne tend pas à obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention du requérant, c'est-à-dire la possibilité pour le prêteur d'obtenir le paiement des intérêts et que le simple moyen de défense qui, conformément à l'article 72 du nouveau Code de procédure civile, peut être opposé en tout état de cause, n'est pas soumis au délai de forclusion ; En quoi, il a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;

Et sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches : - Vu l'article L. 311-37, alinéa 1er, du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 11 décembre 2001, ensemble l'article L. 132-1, alinéa 6, du même Code ; Attendu que pour rejeter cette même fin de non-recevoir, le jugement énonce encore que par arrêt du 21 novembre 2002 la Cour de justice des communautés européennes a dit que la directive 93-13-CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat, de sorte que le délai de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation doit être écarté ;

Attendu, cependant, que le tribunal a prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour la société aux seuls motifs que le contrat liant les parties prévoit que l'emprunteur sera avisé des conditions du renouvellement et que pour s'opposer à ce renouvellement il devra faire connaître formellement son refus au moins un mois avant la date anniversaire, que l'article L. 311-9 du Code de la consommation impose au prêteur d'informer l'emprunteur, trois mois avant la date anniversaire, des conditions de renouvellement du contrat, que ce délai, qui constitue un délai de réflexion pour l'emprunteur, se trouve réduit par cette clause, de sorte que la situation de ce dernier se trouve aggravée au regard des prévisions de ce texte et que ladite clause, qui ajoute à celui-ci et alourdit les obligations de l'emprunteur, n'affecte pas simplement les modalités d'exécution du contrat mais bien la régularité de l'offre préalable qui ne répond plus aux exigences des articles L. 311-8 à L. 311-13 et R. 311-6 du Code de la consommation ; D'où il suit qu'en écartant, sur le fondement de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes propre aux clauses abusives, une telle fin de non-recevoir, tout en retenant que l'offre préalable était entachée d'irrégularités qui, seules, appelaient la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, laquelle, au demeurant, n'a pas vocation à recevoir application à l'égard des clauses abusives, qui ne peuvent qu'être réputées non écrites, le tribunal a violé, par fausse application, les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, Casse et annule, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 décembre 2002, entre les parties, par le Tribunal d'instance de Rochechouart ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal d'instance de Limoges.