CJCE, 1re ch., 2 octobre 2003, n° C-12/02
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Grilli
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Wathelet
Juges :
MM. Jann, Rosas
Avocat général :
M. Léger
LA COUR (première chambre),
1. Par ordonnance du 19 décembre 2001, parvenue à la Cour le 16 janvier 2002, le Bayerisches Oberstes Landesgericht a posé, en application de l'article 234 CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 29 CE.
2. Cette question a été soulevée dans le cadre de poursuites pénales engagées par la Staatsanwaltschaft (ministère public) à l'encontre de M. Grilli, ressortissant italien, prévenu d'avoir conduit sur les autoroutes allemandes un véhicule acheté en Allemagne muni de plaques d'immatriculation provisoires délivrées par les autorités d'un autre État membre.
Le cadre juridique national
3. L'article 22, paragraphes 1, point 1, et 2, du Straßenverkehrgesetz (Code de la route, ci-après le "StVG") dispose:
"(1) Toute personne qui, dans un but illicite,
1. appose une plaque pouvant avoir l'apparence d'une plaque officielle sur un véhicule ou sa remorque pour lequel aucune plaque n'a été délivrée ou qui n'a pas été mis en circulation,
2. [.]
3. [.]
est condamnée à une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an ou à une amende si aucune disposition ne sanctionne cette infraction d'une peine plus lourde.
(2) Sont condamnées à la même peine les personnes qui font usage sur le réseau routier d'un véhicule ou de sa remorque dont ils savent que la plaque a été falsifiée, faussée ou retirée de la manière décrite au paragraphe 1, points 1 à 3".
4. L'article 18, paragraphe 1, de la Straßenverkehrszulassungsordnung (règlement relatif à la mise en circulation des véhicules automobiles, ci-après la "StVZO") prévoit:
"Obligation de mise en circulation
(1) Les véhicules automobiles qui, par leur construction, atteignent une vitesse maximale supérieure à 6 km/h ainsi que leurs remorques [.] peuvent uniquement être utilisés sur le réseau routier lorsqu'une réception ou une homologation CE ou une plaque d'immatriculation officielle délivrée par les autorités administratives (service des immatriculations) autorise leur mise en circulation."
5. Aux termes de l'article 69 bis, paragraphe 2, point 3, de la StVZO:
"(2) Commet une infraction au sens de l'article 24 du Code de la route toute personne qui de manière intentionnelle ou par négligence
1. [.]
2. [.]
3. utilise sur le réseau routier un véhicule automobile ou sa remorque sans l'autorisation de mise en circulation exigée au sens de l'article 18, paragraphe 1 ou sans la réception exigée au sens de l'article 18, paragraphe 3."
Le contexte factuel
6. M. Grilli s'est rendu en Allemagne au mois d'août 2000 pour acheter une voiture particulière à un vendeur de voitures d'occasion établi à Hambourg.
7. M. Grilli a apposé sur ce véhicule des plaques d'immatriculation provisoires italiennes portant le numéro "PT-0835" ("targa prova") qui lui avaient été préalablement délivrées par les autorités administratives italiennes. Il a ensuite emprunté l'autoroute allemande en direction de l'Italie à bord de ce véhicule.
8. La police allemande a procédé à un contrôle du véhicule de M. Grilli avant la frontière autrichienne et a confisqué les plaques d'immatriculation provisoires italiennes. Le même jour, des "plaques d'exportation" allemandes ont été délivrées à M. Grilli à sa demande et il a poursuivi son voyage vers l'Italie.
9. Le ministère public a engagé une procédure pénale à l'encontre de M. Grilli pour utilisation abusive de plaques d'immatriculation. Il a fait valoir que, conformément à l'article 22, paragraphes 1, point 1, et 2, du StVG et aux dispositions combinées des articles 18 et 69 bis, paragraphe 2, point 3, de la StVZO, il serait illicite d'apposer des plaques d'immatriculation provisoires italiennes sur une voiture particulière achetée en Allemagne et de circuler de la sorte sur les routes allemandes.
10. L'Amtsgericht Ebersberg (Allemagne) a d'abord condamné M. Grilli à une amende de 1 500 DEM pour utilisation abusive de plaques d'immatriculation, conformément à l'article 22, paragraphes 1, point 1, et 2, du StVG.
11. M. Grilli a formé opposition à l'encontre de cette condamnation devant l'Amtsgericht.
12. Dans un premier temps, l'Amtsgericht a confirmé la violation par M. Grilli des dispositions de l'article 22 du StVG dans la mesure où, selon l'accord germano-italien sur la reconnaissance mutuelle des plaques d'immatriculation provisoires et des plaques pour les essais sur route conclu le 22 décembre 1993 et entré en vigueur le 1er janvier 1994 (Verkehrsblatt 1994, p. 94 et suivantes, ci-après l'"accord"), il est uniquement permis d'installer sur un véhicule acquis dans l'un des deux États des plaques d'immatriculation de l'État d'acquisition et de le conduire vers l'autre État signataire. Il a toutefois estimé que la formulation de cet accord était ambiguë, en sorte que M. Grilli aurait pu supposer qu'il était autorisé à apposer des plaques d'immatriculation provisoires italiennes sur une voiture particulière achetée en Allemagne.
13. Par conséquent, l'Amtsgericht a jugé que M. Grilli pouvait se prévaloir d'une erreur inévitable quant à l'interdiction en cause et l'a relaxé.
14. Le ministère public a introduit un pourvoi en "Revision" contre cette décision d'acquittement devant le Bayerisches Oberstes Landesgericht.
15. Cette juridiction estime que M. Grilli a été relaxé à tort et aurait dû être condamné, conformément à l'article 22, paragraphes 1, point 1, et 2, du StVG dont les conditions d'application étaient remplies.
16. En effet, d'après le Bayerisches Oberstes Landesgericht, l'accord ne concerne que le transfert de véhicules avec une immatriculation provisoire d'Italie vers l'Allemagne et n'autorise pas le cas, pertinent en l'espèce, du transfert vers l'Italie d'un véhicule acheté en Allemagne avec des plaques d'immatriculation provisoires italiennes. Le Bayerisches Staatsministerium für Wirtschaft und Verkehr (ministère de l'Économie et des Transports bavarois) aurait d'ailleurs indiqué dans un communiqué de presse en date du 28 février 1994 que, même après l'entrée en vigueur de l'accord, le 1er janvier 1994, seuls pouvaient être transférés vers l'Italie les véhicules achetés en Allemagne qui étaient munis de plaques d'immatriculation provisoires allemandes et non italiennes.
17. Enfin, contrairement à l'Amtsgericht, le Bayerisches Oberstes Landesgericht considère que la culpabilité de M. Grilli ne saurait être exclue du fait d'une erreur inévitable, car les exigences élevées requises par la jurisprudence et la doctrine pour établir le caractère inévitable d'une telle erreur ne seraient pas remplies en l'espèce.
18. Il fait cependant valoir que l'article 29 CE pourrait s'opposer à une condamnation de M. Grilli dans la mesure où les plaques d'immatriculation provisoires évoquées dans l'accord visent à faciliter l'exportation ou l'importation de véhicules automobiles entre les deux États membres et donc, en définitive, l'échange de marchandises dans la Communauté. L'interdiction d'apposer une immatriculation provisoire italienne sur un véhicule acheté en Allemagne et de le transférer en Italie pourrait par conséquent constituer une mesure d'effet équivalent dans la mesure où un exportateur allemand pourrait obtenir plus facilement la mise en circulation d'un véhicule qu'un importateur italien.
19. Les doutes du Bayerisches Oberstes Landesgericht sur l'interprétation de l'article 29 CE seraient renforcés par les considérations exprimées par la Cour dans l'arrêt du 29 février 1996, Skanavi et Chryssanthakopoulos (C-193-94, Rec. p. I-929). Cette affaire était relative à l'obligation, en cas de transfert de résidence dans un État membre à partir d'un autre État membre, d'échanger dans un certain délai le permis de conduire délivré dans cet autre État membre. Il était plus particulièrement demandé à la Cour si l'article 52 du traité (devenu article 43 CE) s'oppose à ce que la conduite d'un véhicule à moteur par une personne qui aurait pu obtenir un permis de l'État d'accueil en échange du permis délivré par un autre État membre, mais qui n'a pas procédé à cet échange dans le délai imposé, soit assimilée à la conduite sans permis et soit de ce fait pénalement sanctionnée d'une peine d'emprisonnement ou d'amende.
20. Au point 36 de l'arrêt Skanavi et Chryssanthakopoulos, précité, la Cour a d'abord rappelé que, selon une jurisprudence constante relative à l'inobservation des formalités requises pour la constatation du droit de séjour d'un individu protégé par le droit communautaire, les États membres ne sauraient prévoir une sanction disproportionnée qui créerait une entrave à la libre circulation des personnes. Elle a jugé que, en raison de l'incidence que le droit de conduire un véhicule à moteur comporte pour l'exercice effectif des droits qui se rattachent à la libre circulation des personnes, les mêmes considérations s'imposent en ce qui concerne la violation de l'obligation d'échange du permis de conduire.
21. Dans le même arrêt, la Cour a considéré que l'assimilation de la personne qui a omis de procéder à l'échange du permis de conduire à la personne qui conduit sans permis, entraînant l'application de sanctions pénales, même de nature pécuniaire, comme celles qui sont prévues par la législation nationale en cause au principal, était disproportionnée par rapport à la gravité de cette infraction, compte tenu des conséquences qui en résultent en ce qui concerne la libre circulation des personnes (arrêt Skanavi et Chryssanthakopoulos, précité, point 37).
22. Le Bayerisches Oberstes Landesgericht se demande si la sanction pénale du comportement de M. Grilli doit être considérée comme disproportionnée par rapport à la gravité de l'infraction, au sens de la jurisprudence Skanavi et Chryssanthakopoulos, précitée. Le cas échéant, le Bayerisches Oberstes Landesgericht estime, en effet, qu'il ne pourrait exister, du point de vue du droit communautaire, aucun motif justifiant des sanctions prévues par le droit pénal.
23. Estimant que l'issue du litige dépendait dès lors de l'interprétation du droit communautaire, le Bayerisches Oberstes Landesgericht a décidé de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
"L'article 29 CE doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui interdit, sous peine de sanctions, qu'un ressortissant italien qui se voit délivrer en Italie, par les autorités compétentes, un numéro de plaque d'immatriculation provisoire, appose une plaque portant ce numéro sur un véhicule mis en vente en Allemagne et achemine ensuite ledit véhicule vers l'Italie en empruntant le réseau routier allemand?"
Sur le fond
24. Par sa question, la juridiction de renvoi vise en substance à savoir si l'article 29 CE s'oppose à ce qu'une réglementation d'un État membre interdise à un ressortissant d'un autre État membre, sous peine de sanctions pénales telles qu'une peine d'emprisonnement ou une amende, d'acheminer vers cet autre État un véhicule acheté dans le premier État membre, sur lequel seraient apposées des plaques d'immatriculation provisoires délivrées, en vue de l'exportation du véhicule vers cet autre État membre, par les autorités compétentes de celui-ci.
25. Il ressort en outre du chapitre III de l'ordonnance de renvoi, tel qu'exposé au point 22 du présent arrêt, que la juridiction de renvoi s'interroge sur la proportionnalité des sanctions pénales prévues par la réglementation pertinente au regard de l'article 29 CE.
26. Afin de répondre utilement à la juridiction de renvoi, il convient, par conséquent, d'examiner en premier lieu si une réglementation nationale telle que celle au principal constitue une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'exportation interdite par l'article 29 CE et de rechercher en second lieu si les sanctions pénales prévues par une telle réglementation doivent être considérées comme disproportionnées par rapport à la gravité de l'infraction, au sens de la jurisprudence Skanavi et Chryssanthakopoulos, précitée.
Observations soumises à la Cour
27. Pour la Commission, en dépit de son libellé, la question doit être interprétée comme visant à savoir, dans un premier temps, si l'article 29 CE s'oppose aux dispositions du droit allemand qui prescrivent, pour l'exportation d'un véhicule automobile mis en circulation en Allemagne, d'apposer des plaques d'immatriculation provisoires correspondantes, préalablement délivrées par les autorités allemandes compétentes et, uniquement dans un second temps, si l'article 29 CE s'oppose aux dispositions du droit allemand qui condamnent pénalement les infractions aux dispositions susmentionnées, à savoir l'utilisation abusive de plaques d'immatriculation.
28. Sur la base d'une telle interprétation de la question, la Commission constate que les dispositions nationales qui régissent les conditions légales pour la mise en circulation d'un véhicule automobile en Allemagne en vue d'une exportation vers un autre État membre ne sont pas citées et/ou mentionnées dans l'ordonnance de renvoi. Elle se demande par conséquent dans quelle mesure la Cour dispose des informations nécessaires relatives aux dispositions allemandes applicables pour lui permettre de statuer.
29. Selon la Commission, il n'existe de dispositions de droit communautaire qu'en ce qui concerne certaines conditions relatives à la mise en circulation de véhicules automobiles, non pertinentes en l'espèce au principal.
30. La Commission en déduit que la détermination des conditions légales relatives à la mise en circulation administrative de véhicules et/ou au transport vers un autre État membre reste par conséquent de la compétence de l'État membre concerné, lequel doit cependant exercer cette compétence dans le respect du droit communautaire.
31. En ce qui concerne l'interprétation de l'article 29 CE dans le cadre de la présente affaire, la Commission rappelle que la Cour a jugé que cette disposition est directement applicable et confère, en tant que telle, aux individus des droits que les juridictions des États membres sont tenues de sauvegarder (voir, par exemple, arrêt du 9 juin 1992, Delhaize et Le Lion, C-47-90, Rec. p. I-3669).
32. D'après une jurisprudence constante, l'article 29 CE interdit toutes les mesures nationales qui ont pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d'exportation et d'établir ainsi une différence de traitement entre le commerce intérieur d'un État membre et son commerce d'exportation, de manière à assurer un avantage particulier à la production nationale, ou au marché intérieur de l'État intéressé (voir, par exemple, arrêt du 23 mai 2000, Sydhavnens Sten & Grus, C-209-98, Rec. p. I-3743, point 34).
33. La Commission propose par conséquent de comparer les dispositions du droit allemand qui sont relatives à la mise en circulation administrative de véhicules automobiles en Allemagne avec celles qui régissent la mise en circulation administrative de véhicules automobiles en Allemagne en vue d'une exportation vers un autre État membre, afin d'examiner si l'obligation de principe de la mise en circulation s'applique de la même manière pour la mise en circulation d'un véhicule automobile en Allemagne et pour l'exportation d'un véhicule automobile de l'Allemagne vers un autre État membre, auquel cas l'exigence de mise en circulation ne représenterait en elle-même aucune restriction spécifique des courants d'exportation.
34. La Commission soutient que cette réglementation opère une distinction entre, d'une part, la mise en circulation de véhicules ayant leur stationnement habituel en Allemagne, que ce soit en vue d'une immatriculation durable en Allemagne ou de manière provisoire à des fins d'essais et/ou de transport dans les limites des frontières nationales et, d'autre part, la mise en circulation de véhicules en Allemagne en vue d'une exportation vers un autre État membre. En définitive, toutefois, dans la réglementation nationale en vigueur en Allemagne, les conditions de mise en circulation d'un véhicule destiné à l'exportation dans un autre État membre ne seraient pas plus restrictives que les conditions de mise en circulation d'un véhicule destiné à rester définitivement en Allemagne.
35. La Commission propose par conséquent de répondre à la question posée que l'article 29 CE ne s'oppose pas à une réglementation telle que celle en cause au principal.
Réponse de la Cour
36. À titre liminaire, il convient de relever qu'il a été fait état, dans la procédure au principal, de l'accord, dont il pourrait résulter que les ressortissants allemands exportant vers l'Allemagne leur véhicule acheté en Italie et les ressortissants italiens exportant vers l'Italie leur véhicule acheté en Allemagne ne sont pas traités de la même manière. Aucune question n'ayant été soulevée à cet égard et le texte de cet accord n'ayant pas été communiqué, la Cour attire l'attention de la juridiction nationale sur les répercussions possibles de cet accord sur la libre circulation des marchandises et des personnes. Ainsi, il serait utile d'examiner si l'accord ne contient pas une discrimination en ce qu'il autorise le transfert d'un véhicule muni de plaques d'immatriculation provisoires délivrées par les autorités allemandes compétentes de l'Italie vers l'Allemagne, mais non le transfert de l'Allemagne vers l'Italie d'un véhicule muni de plaques d'immatriculation provisoires délivrées par les autorités italiennes compétentes .
37. En ce qui concerne, en premier lieu, le point de savoir si le fait, pour un État membre, d'interdire à un ressortissant d'un autre État membre l'acheminement d'un véhicule d'occasion acheté sur son territoire lorsque ce véhicule est muni de plaques d'immatriculation provisoires délivrées, en vue d'une exportation vers l'autre État membre, par les autorités compétentes de cet État, est constitutif d'une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'exportation, il convient de rappeler, comme le soutient à juste titre la Commission, qu'il n'existe aucune disposition communautaire régissant la mise en circulation des véhicules, que ce soit de manière générale ou, plus spécifiquement, à des fins d'exportation vers un autre État membre.
38. Par ailleurs, aucune disposition communautaire ne détermine les autorités nationales compétentes pour l'immatriculation des véhicules.
39. En l'absence de réglementation communautaire en la matière, les États membres sont seuls compétents pour déterminer les conditions légales de la mise en circulation administrative des véhicules, y compris en vue de leur exportation vers un autre État membre, ainsi que les sanctions applicables en cas de violation de ces conditions.
40. Ainsi que l'indique M. l'avocat général au point 19 de ses conclusions, cette compétence doit cependant s'exercer dans le respect des libertés fondamentales prévues par le traité CE, notamment à l'article 29 CE.
41. Selon une jurisprudence constante, cette disposition vise les mesures nationales qui ont pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d'exportation et d'établir ainsi une différence de traitement entre le commerce intérieur d'un État membre et son commerce d'exportation, de manière à assurer un avantage particulier à la production nationale ou au marché intérieur de l'État intéressé, au détriment de la production ou du commerce d'autres États membres (arrêt du 8 novembre 1979, Groenveld, 15-79, Rec. p. 3409, point 7).
42. Il importe de rappeler que, à la différence de l'article 28 CE qui concerne les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que les mesures d'effet équivalent à de telles restrictions, l'article 29 CE interdit les seules mesures nationales prévoyant une différence de traitement entre les produits destinés à l'exportation et ceux qui sont commercialisés à l'intérieur de l'État membre concerné (arrêt Groenveld, précité, points 7 et 9).
43. Dans l'affaire au principal, il y a lieu de constater que la réglementation allemande exige qu'un véhicule d'occasion acheté sur le territoire allemand et circulant sur le réseau routier allemand soit muni de plaques d'immatriculation provisoires délivrées par les autorités allemandes compétentes, même si ce véhicule est destiné à l'exportation vers un autre État membre.
44. Afin de savoir si une telle réglementation est constitutive d'une restriction quantitative à l'exportation ou d'une mesure d'effet équivalent à une telle restriction, il incombe à la juridiction nationale d'examiner si les modalités prévues par la réglementation en cause au principal pour la délivrance des plaques d'immatriculation provisoires sont compatibles avec le droit communautaire, au regard des conditions dégagées par la jurisprudence et rappelées aux points 41 et 42 du présent arrêt.
45. La juridiction nationale devra ainsi comparer les modalités prévues par la réglementation allemande pour la mise en circulation administrative des véhicules en Allemagne avec celles prévues pour la mise en circulation administrative en Allemagne de véhicules destinés à être exportés vers un autre État membre. Pour pouvoir conclure à l'existence d'une restriction à l'exportation, il faut d'abord rechercher s'il existe une différence de traitement entre la mise en circulation administrative d'un véhicule destiné à circuler en Allemagne et celle d'un véhicule destiné à l'exportation, et si cette différence de traitement est de nature à restreindre les courants d'exportation. Ensuite, la juridiction de renvoi doit vérifier si la réglementation allemande en cause au principal crée une différence de traitement entre le commerce intérieur de l'Allemagne et son commerce extérieur et, le cas échéant, s'il en résulte que ladite réglementation avantage le commerce national au détriment de celui d'un autre État membre.
46. Ainsi que le souligne M. l'avocat général au point 28 de ses conclusions, ce n'est que si la juridiction nationale conclut que la réglementation nationale constitue une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'exportation qu'elle devra examiner si ladite réglementation peut être justifiée au titre de l'article 30 CE, ce qui comprend l'appréciation de la proportionnalité des sanctions.
47. À cet effet, la juridiction de renvoi devra notamment examiner si la réglementation nationale en cause au principal peut se justifier par des raisons d'ordre public ou de sécurité publique. Il lui incombera, le cas échéant, d'établir que la réglementation nationale est nécessaire pour atteindre l'objectif visé et ne constitue pas une discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre États membres.
48. Par conséquent, il convient de répondre à la première partie de la question, que l'article 29 CE s'oppose à ce qu'une réglementation d'un État membre interdise à un ressortissant d'un autre État membre, sous peine de sanctions pénales telles qu'une peine d'emprisonnement ou une amende, d'acheminer vers cet autre État un véhicule acheté dans le premier État membre, sur lequel seraient apposées des plaques d'immatriculation provisoires délivrées, en vue de l'exportation du véhicule vers cet autre État membre, par les autorités compétentes de celui-ci, si cette réglementation est de nature à restreindre les courants d'exportation, crée une différence de traitement entre le commerce intérieur d'un État et son commerce extérieur, est à l'origine d'un avantage pour le commerce national au détriment de celui d'un autre État membre, dès lors que cette réglementation ne peut être justifiée au titre de l'article 30 CE. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si tel est le cas en l'espèce au principal.
49. En ce qui concerne, en second lieu, la proportionnalité des sanctions pénales prévues par la réglementation nationale en cause au principal, il convient de noter que, si ladite réglementation n'est pas jugée contraire à l'article 29 CE, la question de la proportionnalité ne se pose pas. Si une réglementation telle que celle en cause au principal est, en revanche, jugée contraire à l'article 29 CE, alors les sanctions qu'elle prévoit sont inapplicables, en sorte qu'il n'est pas utile d'examiner la question de leur proportionnalité par rapport à la gravité de l'infraction.
Sur les dépens
50. Les frais exposés par la Commission, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (première chambre),
statuant sur la question à elle soumise par le Bayerisches Oberstes Landesgericht, par ordonnance du 19 décembre 2001, dit pour droit:
L'article 29 CE s'oppose à ce qu'une réglementation d'un État membre interdise à un ressortissant d'un autre État membre, sous peine de sanctions pénales telles qu'une peine d'emprisonnement ou une amende, d'acheminer vers cet autre État un véhicule acheté dans le premier État membre, sur lequel seraient apposées des plaques d'immatriculation provisoires délivrées, en vue de l'exportation du véhicule vers cet autre État membre, par les autorités compétentes de celui-ci, si cette réglementation est de nature à restreindre les courants d'exportation, crée une différence de traitement entre le commerce intérieur d'un État et son commerce extérieur, est à l'origine d'un avantage pour le commerce national au détriment de celui d'un autre État membre, dès lors que cette réglementation ne peut être justifiée au titre de l'article 30 CE. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si tel est le cas en l'espèce au principal.