Livv
Décisions

CJCE, 6e ch., 3 octobre 1996, n° C-126/95

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hallouzi-Choho

Défendeur :

Bestuur van de Sociale Verzekeringsbank

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

MM. Hirsch (faisant fonction de président de la sixième chambre)

Avocat général :

M. Tesauro

Juges :

MM. Mancini (rapporteur), Murray

Avocats :

Mes de Roy van Zuydewijn, Pijnacker Hordijk

CJCE n° C-126/95

3 octobre 1996

LA COUR (sixième chambre),

1 Par ordonnance du 9 décembre 1994, parvenue au greffe de la Cour le 13 avril 1995, le Centrale Raad van Beroep a posé à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 41, paragraphe 1, de l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et le royaume du Maroc, signé à Rabat le 27 avril 1976 et approuvé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2211-78 du Conseil, du 26 septembre 1978 (JO L 264, p. 1, ci-après l'"accord").

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Mme Hallouzi-Choho, ressortissante marocaine, au Bestuur van de Sociale Verzekeringsbank te Amsterdam (direction de la caisse de sécurité sociale d'Amsterdam, ci-après le "SVB") au sujet du refus d'octroi de certaines prestations de vieillesse.

3 Il ressort du dossier que Mme Hallouzi-Choho est le conjoint d'un travailleur marocain pensionné. Elle habite aux Pays-Bas avec son époux où ce dernier a occupé un emploi de travailleur salarié et perçoit une pension de vieillesse au titre de la législation néerlandaise. Elle n'a elle-même jamais exercé d'activité professionnelle dans la Communauté.

4 Le 1er juillet 1991, lorsque Mme Hallouzi-Choho a atteint l'âge de 65 ans, une pension de vieillesse lui a été accordée en vertu de la législation néerlandaise.

5 Aux Pays-Bas, l'Algemene Ouderdomswet (loi sur l'assurance vieillesse généralisée, ci-après l'"AOW") a institué un régime de pensions de vieillesse auquel sont affiliées toutes les personnes résidant sur le territoire de cet État ainsi que celles soumises à l'impôt néerlandais sur les salaires en raison d'une activité salariée exercée aux Pays-Bas. L'assurance au titre de l'AOW implique le paiement d'une cotisation.

6 Le montant de la pension de vieillesse est fonction du nombre d'années d'assurance accomplies entre le quinzième et le soixante-cinquième anniversaire de l'assuré. La pension complète correspond ainsi à une période d'assurance de 50 ans. Lorsque la période d'assurance est inférieure à 50 ans, une réduction de 2 % par année non assurée est appliquée.

7 L'AOW étant entrée en vigueur le 1er janvier 1957, personne n'aurait pu prétendre avant l'an 2007 à une pension au taux plein. Afin de remédier à cette situation, l'AOW prévoit en ses articles 55 et 56 un régime transitoire qui permet l'assimilation à des années d'assurance au titre de l'AOW des périodes comprises entre le quinzième anniversaire de l'intéressé et le 1er janvier 1957, à condition que l'intéressé ait résidé aux Pays-Bas entre son cinquante- neuvième et son soixante -cinquième anniversaire, qu'il continue à y résider après son soixante-cinquième anniversaire et qu'il possède la nationalité néerlandaise.

8 Cette dernière condition n'est toutefois pas applicable aux personnes qui relèvent du champ d'application du règlement (CEE) n° 1408-71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n 2001-83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6, ci-après le "règlement n° 1408-71"), aux travailleurs ressortissants d'un État membre de l'Espace économique européen, ainsi qu'aux ressortissants d'un pays avec lequel le royaume des Pays-Bas a conclu un accord bilatéral de sécurité sociale qui comporte un régime d'assimilation aux ressortissants néerlandais. En outre, l'exigence de la nationalité néerlandaise a été assouplie par l'arrêté royal du 15 novembre 1985, tel que modifié par la suite, qui prévoit l'assimilation aux ressortissants néerlandais des étrangers, pour la durée de leur résidence aux Pays-Bas, qui ont résidé dans cet État pendant une période de quinze ans, ininterrompue ou non, après leur vingtième anniversaire, pour autant qu'ils y ont résidé de manière ininterrompue pendant les cinq années précédant immédiatement leur soixante- cinquième anniversaire.

9 Pour le calcul de la pension de Mme Hallouzi-Choho, le SVB a refusé de prendre en considération la période fictive d'assurance comprise entre le quinzième anniversaire de l'intéressée et le 1er janvier 1957, au motif que l'intéressée ne satisfaisait pas à la condition relative à la nationalité néerlandaise et ne remplissait pas davantage les conditions lui permettant d'être assimilée à un ressortissant néerlandais en vertu des dispositions de l'arrêté royal du 15 novembre 1985.

10 Le SVB a en conséquence dénié à Mme Hallouzi-Choho tout droit au bénéfice des prestations transitoires prévues par l'AOW et appliqué à sa pension de vieillesse un taux de réduction de 78 %, ne prenant en compte, pour le calcul de cette pension, que les onze années pendant lesquelles Mme Hallouzi-Choho avait résidé aux Pays-Bas avant son soixante- cinquième anniversaire.

11 Il est constant que, à l'exception de la condition relative à la possession de la nationalité néerlandaise, Mme Hallouzi-Choho remplit toutes les autres conditions pour l'application du régime transitoire prévu aux articles 55 et 56 de l'AOW.

12 Mme Hallouzi-Choho a introduit un recours contre le refus du SVB de lui accorder le bénéfice des avantages transitoires prévus par l'AOW. L'affaire est actuellement pendante devant le Centrale Raad van Beroep.

13 Devant cette juridiction, Mme Hallouzi-Choho a fait valoir qu'il résulte de l'arrêt du 31 janvier 1991, Kziber (C-18-90, Rec. p. I-199), que l'article 41, paragraphe 1, de l'accord interdit aux autorités d'un État membre de se fonder sur la nationalité marocaine du demandeur pour lui refuser le bénéfice de prestations de sécurité sociale telles que les avantages transitoires prévus par l'AOW. Dans ces conditions, Mme Hallouzi-Choho devrait être traitée de la même manière qu'une personne de nationalité néerlandaise et pourrait dès lors bénéficier de ces prestations.

14 Le SVB a, en revanche, soutenu que Mme Hallouzi-Choho ne saurait prétendre à l'octroi des avantages transitoires prévus par l'AOW, parce qu'elle ne satisfait pas à la condition relative à la possession de la nationalité néerlandaise et qu'elle ne remplit pas davantage les conditions lui permettant d'être assimilée à un ressortissant néerlandais. La jurisprudence de la Cour aurait d'ailleurs reconnu le caractère particulier du régime transitoire de l'AOW, consistant dans le fait que les périodes antérieures au 1er janvier 1957, pour lesquelles une pension de vieillesse est accordée en vertu des articles 55 et 56 de l'AOW, ne sont pas des périodes d'assurance effectives, l'intéressé n'étant redevable d'aucune cotisation et la seule résidence aux Pays-Bas étant une condition suffisante pour être assuré (voir, notamment, arrêt du 2 mai 1990, Winter-Lutzins, C-293-88, Rec. p. I-1623).

15 Le Centrale Raad van Beroep a relevé que, dans cet arrêt, la Cour a admis que l'annexe VI, titre "Pays-Bas", point 2, du règlement n° 1408-71 édicte des dispositions particulières pour l'application au régime transitoire de l'AOW du principe de levée des clauses de résidence prévu à l'article 10 de ce règlement et que ces dispositions se justifient par la circonstance que ledit article 10 ne peut pas être appliqué sans restriction à un système d'assurance vieillesse généralisée qui fait de la résidence aux Pays-Bas le seul critère d'assurance. Cette juridiction a toutefois constaté que l'accord ne comporte aucune disposition comparable à celle de cette annexe VI et qu'il ne dispose pas davantage que les règles de cette annexe doivent s'appliquer par analogie.

16 Estimant que le litige soulevait ainsi des problèmes d'interprétation du droit communautaire, le Centrale Raad van Beroep a posé à la Cour la question suivante:

"L'article 41, paragraphe 1, de l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et le royaume du Maroc doit-il être interprété en ce sens qu'il ne permet pas de subordonner à la possession de la nationalité néerlandaise l'octroi des prestations transitoires prévues par l'Algemene Ouderdomswet néerlandaise à l'épouse d'un travailleur marocain, qui est donc un membre de la famille de celui-ci au sens de l'article 41, paragraphe 1, de l'accord ?"

17 En vue de répondre à cette question, il convient de rappeler à titre liminaire que l'article 41, qui fait partie du titre III de l'accord relatif à la coopération dans le domaine de la main-d'œuvre, prévoit, en son paragraphe 1, que, "Sous réserve des dispositions des paragraphes suivants, les travailleurs de nationalité marocaine et les membres de leur famille résidant avec eux bénéficient, dans le domaine de la sécurité sociale, d'un régime caractérisé par l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport aux propres ressortissants des États membres dans lesquels ils sont occupés".

18 Les paragraphes suivants de cet article concernent la totalisation des périodes d'assurance, d'emploi ou de résidence accomplies dans les différents États membres, le bénéfice des prestations familiales pour les membres de la famille résidant à l'intérieur de la Communauté et le transfert vers le Maroc des pensions et rentes de vieillesse, de décès, d'accident du travail ou de maladie professionnelle, ainsi que d'invalidité.

Sur l'effet direct de l'article 41, paragraphe 1, de l'accord

19 A cet égard, il est de jurisprudence constante (voir arrêts Kziber, précité, points 15 à 22, et du 20 avril 1994, Yousfi, C-58-93, Rec. p. I-1353, point 16) que l'article 41, paragraphe 1, de l'accord, qui consacre, dans des termes clairs, précis et inconditionnels, l'interdiction de discriminer, en raison de la nationalité, les travailleurs de nationalité marocaine et les membres de leur famille résidant avec eux dans le domaine de la sécurité sociale, comporte une obligation claire et précise qui n'est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l'intervention d'aucun acte ultérieur pour toute question autre que celles faisant l'objet des paragraphes 2, 3 et 4 de cet article. Dans ces arrêts, la Cour a ajouté que l'objectif de l'accord de promouvoir une coopération globale entre les parties contractantes, notamment dans le domaine de la main-d'œuvre, confirme que le principe de non-discrimination inscrit à l'article 41, paragraphe 1, est susceptible de régir directement la situation juridique des particuliers.

20 La Cour en a déduit (voir arrêts précités Kziber, point 23, et Yousfi, point 17) que cette disposition a un effet direct, de sorte que les justiciables auxquels elle s'applique ont le droit de s'en prévaloir devant les juridictions nationales.

Sur la portée de l'article 41, paragraphe 1, de l'accord

21 Afin de déterminer la portée du principe de non-discrimination inscrit à l'article 41, paragraphe 1, de l'accord, il importe de vérifier, d'une part, si une personne comme la demanderesse au principal entre dans le champ d'application personnel de cet article et, d'autre part, si des prestations telles que les avantages transitoires prévus par l'AOW en cause dans l'affaire au principal relèvent du domaine de la sécurité sociale au sens de cette disposition.

22 S'agissant, en premier lieu, du champ d'application personnel de l'article 41, paragraphe 1, de l'accord, il convient d'observer que cette disposition s'applique d'abord aux travailleurs de nationalité marocaine, cette notion englobant, conformément à une jurisprudence constante (voir arrêts précités Kziber, point 27, et Yousfi, point 21), à la fois les travailleurs actifs et ceux qui ont quitté le marché du travail, notamment, après avoir atteint l'âge requis pour bénéficier d'une pension de vieillesse.

23 Il y a lieu de relever en outre que l'article 41, paragraphe 1, de l'accord s'applique également aux membres de la famille de ces travailleurs qui résident avec eux dans l'État membre où ils sont ou ont été occupés.

24 Dans ces conditions, une personne comme la demanderesse au principal, en sa qualité d'épouse d'un travailleur migrant marocain résidant avec lui dans l'État membre dans lequel ce travailleur bénéficie d'une pension de vieillesse après y avoir exercé une activité professionnelle, est visée par l'article 41, paragraphe 1, de l'accord.

25 S'agissant, en second lieu, de la notion de sécurité sociale figurant dans cette disposition, il résulte des arrêts précités Kziber, point 25, et Yousfi, point 24, qu'elle doit être comprise de la même manière que la notion identique figurant dans le règlement n° 1408-71.

26 Or, l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1408-71, qui énumère les différentes branches de sécurité sociale relevant du champ d'application de ce règlement, mentionne expressément sous c) les prestations de vieillesse.

27 Il s'ensuit que des prestations du type des allocations transitoires prévues par l'AOW, qui constituent une majoration de la pension de vieillesse versée à l'intéressé, relèvent du champ d'application du règlement n° 1408-71 et, dès lors, de celui de l'article 41, paragraphe 1, de l'accord.

28 En conséquence, le principe de l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité dans le domaine de la sécurité sociale, inscrit à l'article 41, paragraphe 1, de l'accord, implique que l'épouse d'un travailleur migrant marocain, laquelle réside sur le territoire de l'État membre dans lequel ce travailleur a été occupé et qui remplit toutes les conditions, à l'exception de celle relative à la nationalité, pour y bénéficier de prestations telles que les avantages transitoires prévus par l'AOW au profit des personnes qui ont leur résidence dans l'État membre concerné, ne saurait se voir refuser le bénéfice de ces prestations, motif pris de sa nationalité.

29 Le SVB a toutefois objecté qu'une ressortissante marocaine, épouse d'un travailleur migrant marocain, mais qui n'a jamais eu elle-même la qualité de travailleur, ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article 41, paragraphe 1, de l'accord pour bénéficier de prestations telles que les avantages transitoires prévus par l'AOW, au motif que ceux-ci seraient considérés par la législation nationale concernée comme un droit propre, et non pas comme un droit dérivé acquis par l'intéressée en raison de sa qualité de membre de la famille d'un travailleur migrant.

30 A cet égard, il suffit de relever que le champ d'application personnel de l'article 41, paragraphe 1, de l'accord n'est pas identique à celui du règlement n° 1408-71, défini en son article 2, de sorte que la jurisprudence qui opère une distinction entre les droits dérivés et les droits propres des membres de la famille du travailleur migrant dans le cadre du règlement n° 1408-71, jurisprudence qui a d'ailleurs été précisée récemment par l'arrêt du 30 avril 1996, Cabanis-Issarte (C-308-93, non encore publié au Recueil), n'est pas transposable dans le cadre de l'accord, ainsi qu'il apparaît de l'arrêt Kziber, précité [voir, par analogie, arrêt du 5 avril 1995, Krid, C-103-94, Rec. p. I-719, point 39, à propos de l'article 39, paragraphe 1, de l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la République algérienne démocratique et populaire, signé à Alger le 26 avril 1976 et approuvé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2210-78 du Conseil, du 26 septembre 1978 (JO L 263, p. 1) article rédigé dans les mêmes termes que l'article 41, paragraphe 1, de l'accord de coopération CEE-Maroc].

31 Par ailleurs, le SVB ainsi que les gouvernements néerlandais et français ont souligné la nature particulière du régime transitoire de l'AOW, reconnue par la Cour dans l'arrêt Winter- Lutzins, précité, et consistant dans le fait que la prise en compte des périodes situées avant le 1er janvier 1957 ne dépend pas du paiement de cotisations, mais de la seule résidence aux Pays-Bas. Dans ces conditions, il serait légitime de limiter le nombre des bénéficiaires des prestations transitoires de l'AOW aux personnes présentant un lien suffisamment étroit avec les Pays-Bas, ce lien étant exprimé tant par la condition relative à la possession de la nationalité néerlandaise que par les exigences de résidence aux Pays-Bas. A cet effet, il conviendrait à tout le moins que la Cour déclare applicable par analogie le régime de l'annexe VI, titre "Pays-Bas", point 2, du règlement n° 1408-71, qui permet de déroger au principe de levée des clauses de résidence prévu à l'article 10 de ce règlement en vue de tenir compte des spécificités de l'AOW. En application de cette annexe, une personne comme la demanderesse au principal ne pourrait ainsi bénéficier des prestations transitoires de l'AOW que pour les périodes pendant lesquelles elle a, entre son quinzième anniversaire et le 1er janvier 1957, soit résidé aux Pays-Bas, soit exercé une activité salariée dans cet État, pour autant que cette personne a résidé pendant six ans sur le territoire d'un ou de plusieurs États membres après l'âge de 59 ans accomplis.

32 Ce point de vue ne peut pas non plus être accueilli.

33 A cet égard, force est de constater d'abord que, dans une affaire telle que celle pendante devant la juridiction de renvoi, le refus d'octroi des prestations de sécurité sociale est motivé par la circonstance que l'intéressée ne possède pas la nationalité de l'État membre concerné ni ne peut être assimilée, sur la base de la législation nationale, à un ressortissant de cet État.

34 Il convient de rappeler ensuite qu'une personne comme la demanderesse au principal satisfait à toutes les conditions posées par la législation de l'État membre concerné pour bénéficier des prestations litigieuses, à l'exception de celle relative à la possession de la nationalité de cet État membre.

35 Or, le principe, inscrit à l'article 41, paragraphe 1, de l'accord, de l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité dans le domaine de la sécurité sociale des travailleurs migrants marocains et des membres de leur famille résidant avec eux par rapport aux propres ressortissants des États membres dans lesquels ils sont occupés signifie que les personnes visées par cette disposition doivent être traitées comme si elles étaient des ressortissants des États membres concernés.

36 En conséquence, ce principe implique que, pour l'octroi d'une prestation de sécurité sociale, les autorités compétentes de l'État membre concerné assimilent les personnes qui relèvent du champ d'application de l'article 41, paragraphe 1, de l'accord aux propres ressortissants de cet État, de sorte que la législation nationale en cause ne saurait imposer à ces personnes des conditions supplémentaires ou plus rigoureuses par rapport à celles applicables aux ressortissants de l'État membre.

37 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer comme incompatible avec ce principe l'application aux personnes visées par cette disposition non seulement de l'exigence de la nationalité de l'État membre concerné, les ressortissants de ce dernier y satisfaisant nécessairement, mais également de conditions telles que celle imposant une certaine durée de résidence sur le territoire de l'État membre, lorsque cette durée est plus longue que celle exigée des nationaux, ou celle prescrivant l'exercice d'une activité professionnelle dans l'État membre en cause, condition qui n'est pas exigée des nationaux.

38 La circonstance, soulignée par le SVB et le gouvernement néerlandais, selon laquelle Mme Hallouzi-Choho pourrait être assimilée aux ressortissants néerlandais sur la base de l'arrêté royal du 15 novembre 1985 et ainsi bénéficier des avantages transitoires prévus par l'AOW à partir de février 1996, pour autant qu'elle a continué à résider aux Pays-Bas, est sans pertinence pour le même motif.

39 En effet, cette réglementation nationale prévoit une condition de résidence supplémentaire qui n'est pas exigée des ressortissants de l'État membre concerné et est, de ce fait, incompatible avec le principe de non-discrimination en raison de la nationalité inscrit à l'accord.

40 Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée par le Centrale Raad van Beroep que l'article 41, paragraphe 1, de l'accord doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un État membre refuse, au motif que l'intéressée est de nationalité marocaine, d'accorder des prestations qui, tels les avantages transitoires établis par l'AOW, sont prévues par sa législation en faveur des nationaux qui satisfont à certaines conditions de résidence dans cet État à l'épouse d'un travailleur marocain qui remplit ces conditions de résidence. Sur l'effet du présent arrêt dans le temps

41 A l'audience, le gouvernement français a demandé à la Cour de limiter dans le temps les effets du présent arrêt, dans l'hypothèse où elle dirait pour droit que le principe de non-discrimination inscrit à l'article 41, paragraphe 1, de l'accord doit être interprété en ce sens que les membres de la famille d'un travailleur marocain résidant avec lui peuvent bénéficier de prestations telles que les avantages transitoires prévus par l'AOW. Il a justifié cette demande par les graves conséquences financières qu'un tel arrêt entraînerait pour les systèmes de sécurité sociale des États membres.

42 A cet égard, il convient de relever que la Cour ne peut limiter dans le temps les effets d'une interprétation préjudicielle que si des considérations impérieuses de sécurité juridique le justifient.

43 Or, en l'espèce, cette condition n'est pas remplie.

44 En effet, à supposer même que la réalité des conséquences financières alléguées par le gouvernement français soit établie, l'interprétation de l'article 41, paragraphe 1, de l'accord ne pouvait raisonnablement donner lieu à aucune incertitude, compte tenu de la jurisprudence constante depuis l'arrêt Kziber, précité.

45 Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent arrêt. Sur les dépens

46 Les frais exposés par les gouvernements néerlandais et français, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

Statuant sur la question à elle soumise par le Centrale Raad van Beroep, par ordonnance du 9 décembre 1994, dit pour droit:

L'article 41, paragraphe 1, de l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et le royaume du Maroc, signé à Rabat le 27 avril 1976 et approuvé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2211-78 du Conseil, du 26 septembre 1978, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un État membre refuse, au motif que l'intéressée est de nationalité marocaine, d'accorder des prestations qui, tels les avantages transitoires établis par l'AOW, sont prévues par sa législation en faveur des nationaux qui satisfont à certaines conditions de résidence dans cet État à l'épouse d'un travailleur marocain qui remplit ces conditions de résidence.