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Décisions

CJCE, 3e ch., 2 juin 1994, n° C-30/93

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

AC-ATEL Electronics Vertriebs GmbH

Défendeur :

Hauptzollamt München-Mitte

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Moitinho de Almeida

Avocat général :

M. Lenz

Juges :

MM. Grévisse (rapporteur), Zuleeg

CJCE n° C-30/93

2 juin 1994

LA COUR (troisième chambre),

1 Par ordonnance en date du 25 novembre 1992, parvenue à la Cour le 1er février 1993, le Finanzgericht Muenchen (République fédérale d'Allemagne) a, en application de l'article 177 du traité CEE, posé une question préjudicielle relative à la validité du règlement (CEE) n° 165-90 de la Commission, du 23 janvier 1990, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains types de microstructures électroniques dites "DRAM" (dynamic random access memories) originaires du Japon, portant acceptation d'engagements offerts par certains exportateurs dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de ces produits et portant clôture de l'enquête en ce qui concerne les exportateurs en cause (JO L 20, p. 5), dans sa rédaction résultant d'un rectificatif publié le 10 février 1990 (JO L 38, p. 44).

2 Le Finanzgericht s'interroge sur la valeur de ce rectificatif.

3 Les DRAM (mémoires dynamiques à accès aléatoire) sont des circuits intégrés monolithiques, qui se présentent sous la forme de mémoires finies, présentées à l'état monté et munies de leurs connexions, sous la forme de microplaquettes (chips) ou encore sous forme de disques (wafers) non encore découpés en microplaquettes. Seul est en cause, dans le litige au principal, un produit relevant de la catégorie des mémoires finies.

4 Le classement tarifaire des DRAM a fait l'objet de plusieurs modifications entre 1987 et 1990. Les DRAM de tous types relevaient, en 1987, de la sous-position ex 85.21 D du tarif douanier commun (ci-après le "TDC"). Dans le TDC en vigueur en 1988 et 1989, les DRAM se présentant sous la forme de mémoires finies relevaient de la sous-position 8542 11 71. Dans le TDC en vigueur en 1990 tel qu'il résulte du règlement (CEE) nº 2886-89 de la Commission, du 2 août 1989, modifiant l'annexe I au règlement (CEE) n° 2658-87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 282, p. 1), la sous-position 8542 11 71 a été supprimée et les DRAM se présentant sous la forme de mémoires finies ont été ventilées en trois nouvelles sous-positions libellées comme suit: "-- Mémoires dynamiques à accès aléatoire (D-RAMs): 8542 11 41 --- dont la capacité de mémorisation n'excède pas 256 Kbits 8542 11 43 --- dont la capacité de mémorisation excède 256 Kbits mais n'excède pas 4 Mbits 8542 11 45 --- dont la capacité de mémorisation excède 4 Mbits".

5 Dans l'avis d'ouverture de la procédure antidumping publié au Journal officiel des Communautés européennes le 9 juillet 1987 (JO C 181, p. 3), les produits supposés faire l'objet de pratiques de dumping étaient les DRAM "de tous types et densités" relevant de la sous-position ex 85.21 D du TDC.

6 Le règlement nº 165-90, précité, a institué un droit antidumping provisoire sur les importations de DRAM de tous types et densités.

7 L'article 1er, paragraphe 1, de ce règlement a prévu que sont frappées d'un droit antidumping les DRAM relevant "des codes NC ex 8473 30 00, ex 8542 11 10, ex 8542 11 30, ex 8542 11 71 ou ex 8548 00 00 (...), originaires du Japon".

8 Le rectificatif, publié au Journal officiel des Communautés européennes le 10 février 1990, a procédé à une série de corrections visant notamment à supprimer toutes les références au code NC ex 8542 11 71 et à leur substituer les références aux nouveaux codes NC 8542 11 41, 8542 11 43 et 8542 11 45.

9 Enfin, le règlement (CEE) nº 2112-90 du Conseil, du 23 juillet 1990, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains types de microstructures électroniques, dites "DRAM" (dynamic random access memories), originaires du Japon et portant perception définitive du droit provisoire (JO L 193, p. 1), a prévu un droit antidumping définitif, notamment sur les DRAM finies relevant des codes NC 8542 11 41, 8542 11 43 et 8542 11 45.

10 La question préjudicielle a été soulevée dans le cadre d'un litige qui oppose AC-ATEL Electronics Vertriebs GmbH (ci-après "AC-ATEL") au Hauptzollamt (bureau principal des douanes) Muenchen-Mitte, à propos de l'imposition d'un droit antidumping sur des circuits intégrés fabriqués par la société japonaise Toshiba, commandés à Hong-Kong et déclarés le 5 avril 1990 par AC-ATEL au bureau de douane de Riem-Flughafen sous la sous-position 8542

11 43, en vue de leur mise en libre pratique. Les marchandises ont été définies par AC-ATEL comme des "mémoires dynamiques à lecture-écriture aléatoire à double port, d'une capacité de mémorisation d'1 Mbits...". La juridiction nationale a confirmé l'exactitude de la classification sous laquelle les biens ont été déclarés.

11 AC-ATEL a contesté la retenue d'une garantie pour le droit antidumping provisoire. N'ayant pas obtenu satisfaction de la part du Hauptzollamt, elle a ensuite contesté l'imposition du droit antidumping définitif, décidée le 30 avril 1991 par le Hauptzollamt en application du règlement n° 2112-90, précité. Cette nouvelle réclamation étant restée infructueuse, le litige a été porté devant le Finanzgericht Muenchen.

12 La juridiction nationale estime que le règlement nº 2112-90 ne peut s'appliquer aux produits relevant dans le TDC de la sous-position 8542 11 43 qu'à partir du 26 juillet 1990, de sorte que le Hauptzollamt n'était pas fondé à imposer un droit antidumping sur les marchandises importées par AC-ATEL en avril 1990. Elle remarque que les biens relevant de la sous-position 8542 11 43 ne sont pas mentionnés dans le règlement nº 165-90 de la Commission et elle en conclut qu'un droit antidumping provisoire ne pouvait pas, sur le fondement de ce règlement, être perçu sur ces produits. Elle constate que la sous-position 8542 11 43 a été introduite dans le règlement nº 165-90 par le rectificatif du 10 février 1990. La juridiction a des doutes sur le point de savoir si un règlement communautaire peut être modifié par un simple rectificatif tel que celui publié au Journal officiel le 10 février 1990.

13 Dans ces conditions, la juridiction nationale a sursis à statuer et posé à la Cour la question préjudicielle suivante: "Le règlement (CEE) n° 165-90 de la Commission, du 23 janvier 1990, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains types de microstructures électroniques dites 'DRAM'(dynamic random access memories), dans la version rectifiée par la publication du 10 février 1990, est-il valide?"

14 Lors de la procédure orale, AC-ATEL, qui n'a pas déposé d'observations écrites, a soutenu que, par le biais du rectificatif litigieux, la Commission a introduit d'autres mémoires à accès aléatoire, dites RAM vidéo, relevant du code NC 8542 11 43, dans le champ d'application du règlement nº 165-90. Or, ces marchandises, qui ne sont pas des marchandises similaires aux DRAM, n'auraient pas dû faire l'objet d'un droit antidumping provisoire. Toutefois, AC-ATEL ne précise pas clairement si les marchandises en cause dans le litige au principal sont, selon elle, des RAM vidéo.

15 La Commission indique que, sur la base de l'ordonnance de renvoi, elle est partie du principe que les marchandises litigieuses étaient des DRAM. Elle conteste à AC-ATEL le droit de procéder à une nouvelle appréciation des faits. Elle soutient qu'en tout état de cause, le rectificatif n'a nullement modifié la définition des marchandises incluses dans le champ d'application du règlement nº 165-90, parmi lesquelles figurent les DRAM utilisées pour des applications vidéo, c'est-à-dire les DRAM servant à la fabrication des RAM vidéo.

16 Il convient, sur ce point, de rappeler qu'en vertu de l'article 177 du traité, fondé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, celle-ci est uniquement habilitée à se prononcer sur l'interprétation ou la validité d'un texte communautaire, à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (arrêt du 16 mars 1978, Oehlschlaeger, 104-77, Rec. p. 791, point 4).

17 Dans ce cadre, il n'appartient pas à la Cour mais à la juridiction nationale d'établir les faits qui ont donné lieu au litige et d'en tirer les conséquences pour la décision qu'elle est appelée à rendre (arrêt du 29 avril 1982, Pabst & Richarz, 17-81, Rec. p. 1331, point 12).

18 En outre, il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour (voir, notamment, arrêts du 5 octobre 1988, Alsatel, 247-86, Rec. p. 5987, point 8, et du 27 octobre 1993, Enderby, C-127-92, Rec. p. I-5535, point 10).

19 Or, le Finanzgericht Muenchen a indiqué, dans son ordonnance de renvoi, que les circuits importés par AC-ATEL constituaient incontestablement des produits relevant de la sous- position 8542 11 43, c'est-à-dire des DRAM dont la capacité de mémorisation excède 256 Kbits mais n'excède pas 4 Mbits. Il ressort également de l'ordonnance de renvoi que la juridiction nationale a refusé implicitement d'interroger la Cour sur la question soulevée par AC-ATEL lors de la procédure orale.

20 Dès lors, il y a lieu de ne répondre qu'à la question préjudicielle posée par le Finanzgericht, qui porte sur le point de savoir si le rectificatif publié au Journal officiel le 10 février 1990 a modifié le champ d'application du règlement nº 165-90, précité, en rendant ce dernier applicable aux mémoires DRAM désignées dans le TDC sous le code 8542 11 43, alors que, dans sa rédaction initiale, le règlement nº 165-90 s'appliquait seulement aux mémoires finies désignées sous le code 8542 11 71, ou si le rectificatif n'a eu au contraire d'autre objet que de corriger certaines références à la nomenclature combinée du TDC.

21 Selon une jurisprudence constante, pour l'interprétation d'une disposition du droit communautaire, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 1er avril 1993, Findling Waelzlager, C-136-91, Rec. p. I-1793, point 11).

22 Il résulte de l'évolution parallèle des législations tarifaire et antidumping que les produits en cause dans le litige au principal étaient inclus dans le champ d'application de la procédure antidumping dès l'ouverture de celle-ci. Toutefois, en ce qui concerne les DRAM se présentant comme des mémoires finies, la Commission a omis de se référer, dans la version initiale du règlement nº 165-90, aux codes du TDC en vigueur au 1er janvier 1990, et s'est par erreur référée aux codes du TDC en vigueur en 1989.

23 En effet, la sous-position 8542 11 71 a été supprimée dans le TDC en vigueur en 1990 et remplacée par trois sous-positions plus détaillées, dont la sous-position 8542 11 43.

24 Le rectificatif publié au Journal officiel le 10 février 1990 a eu pour objet de corriger cette erreur de référence, en substituant, chaque fois que nécessaire, les nouveaux codes NC 8542 11 41, 8542 11 43 et 8542 11 45 au code 8542 11 71, inexact depuis le 1er janvier 1990. Il n'a pas, en ce qui concerne les produits mentionnés dans l'ordonnance de renvoi, modifié le champ d'application du règlement litigieux. Il constitue une simple rectification d'erreur matérielle sans incidence sur le contenu de la législation applicable et n'entache donc d'aucune illégalité le règlement n° 165-90.

25 Il convient en conséquence de répondre à la juridiction de renvoi que l'examen de la question préjudicielle n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement nº 165-90, dans sa rédaction résultant du rectificatif publié le 10 février 1990.

Sur les dépens 26 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, LA COUR (troisième chambre), statuant sur la question à elle soumise par le Finanzgericht Muenchen, par ordonnance en date du 25 novembre 1992, dit pour droit: L'examen de la question préjudicielle n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement (CEE) nº 165-90 de la Commission, du 23 janvier 1990, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains types de microstructures électroniques dites "DRAM" (dynamic random access memories) originaires du Japon, portant acceptation d'engagements offerts par certains exportateurs dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de ces produits et portant clôture de l'enquête en ce qui concerne les exportateurs en cause, dans sa rédaction résultant du rectificatif publié le 10 février 1990.